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Les élections des membres des Assemblées constituantes par le peuple en Tunisie et en Roumanie

Section I : les contours des mouvements révolutionnaires en Europe de l’Est et dans le monde arabe

Paragraphe 2 : Les différentes solutions apportées par les révolutionnaires en Europe de l’Est et dans le monde arabe par rapport à leurs passés

A- Les élections des membres des Assemblées constituantes par le peuple en Tunisie et en Roumanie

La Tunisie et la Roumanie ont fait le choix, après la chute des anciens régimes politiques, d’élire une Assemblée constituante pour élaborer une nouvelle Constitution. Elles ont également choisi de soumettre le projet de la nouvelle Constitution directement au référendum populaire.

En Tunisie, la situation est différente et moins chaotique que l’Égypte. Dans son processus constituant, elle se rapproche plus de la Roumanie que les deux autres États. Malgré la suspension tardive de l’ancienne Constitution de 1959, c’est une Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition

250 MICHEL Patrick, « L’Eglise et le catholicisme polonais à l’épreuve du pluralisme », Pouvoirs : La Pologne, n° 118, 2006, p. 92.

82 démocratique qui fut chargée de la préparation d’un texte qui va gérer la période de transition.

Elle va adopter le 23 mars 2011251 un décret-loi relatif à l’organisation provisoire des pouvoirs publics, destiné à régler la période de transition. Ce décret-loi va affirmer, dans son second considérant, que « le peuple a exprimé au cours de la révolution du 14 janvier 2011 sa volonté d’exercer sa pleine souveraineté dans le cadre d’une nouvelle Constitution »252. Ce décret fut ensuite remplacé par l’Assemblée constituante tunisienne par une loi constitutionnelle portant organisation provisoire des pouvoirs publics. Malgré un début de la période transitoire hésitant dû à la surprise, à l’imprévision et à la prise de conscience tardive du degré de la situation par les autorités politiques, la Tunisie a réussi à plus impliquer le peuple dans le choix du projet constitutionnel et dans celui des constituants.

L’ANC253 a été élue le 23 octobre 2011. Le scrutin proportionnel qui a été choisi pour les élections de la constituante s’est déroulé du 20 au 23 octobre 2011. Pour superviser les élections, l’Instance supérieure indépendante pour les élections sera créée par le décret-loi n° 27 du 18 avril 2011254. Le 23 octobre 2011, l’Instance supérieure indépendante pour les élections organise l’élection de l’Assemblée nationale constituante en présence des observateurs internationaux et nationaux. L’Instance déclare le 27 octobre 2011 les premiers résultats qui donnent vainqueur le Parti NAHDHA avec 89 sièges sur 217. En Tunisie, on a observé, lors des élections des assemblées constituantes, le parti politique Ennahada a remporté la majorité des sièges. Comme en Égypte, le peuple a majoritairement voté pour le parti dit islamiste. Pour expliquer cette victoire écrasante du parti Ennadha, certains auteurs ont observé une distinction entre « le peuple révolutionnaire » et « le peuple électeur ». Ainsi, le Professeur Jean-Philippe BRAS explique qu’« en tout état de cause, même si le pouvoir change de mains, ceux qui font les révolutions ne sont pas ceux qui en tirent les fruits. Le peuple électeur n’est pas le peuple révolutionnaire, aussi décevant que le paysan français, aux yeux des élites urbaines républicaines, quant au milieu du XIXème siècle il accède au suffrage universel. Et, de manière attendue, l’électeur confie le pouvoir à des partis islamistes »255. Son analyse sur la différence entre « deux peuples », concernant la Tunisie, est également vérifiée lors de l’élection de l’assemblée constituante en Égypte. Selon Clément Steuer, « le 26 mars, le Parlement élit les 100 membres de la commission constituante, dont la composition est

251 JORT, n°20, 25 mars 2011, pp. 363-365.

252 Décret-loi du 23 mars 2011, JORT, n°20, 25 mars 2011, pp. 363-365.

253 L’Assemblée nationale constituante.

254 JORT, n°27, 19 avril 2011, pp. 484-486.

255 BRAS Jean-Philippe, « le peuple est-il soluble dans la constitution ? Leçon tunisienne », l'Année du Maghreb,

« Un printemps arabe ? », n°VIII, CNRS édition, Paris, 2012, p.104.

83 immédiatement critiquée pour sa non-prise en compte de la diversité de la société égyptienne : la moitié de ses membres sont des députés, et elle ne comporte que 6 femmes et 5 chrétiens.

Surtout, elle est largement dominée par les islamistes (66 membres). Pour toutes ces raisons, elle est dissoute par la justice administrative quinze jours plus tard »256. Soufiane Ben Farhat résume bien la situation des constituantes en Égypte et en Tunisie. Il pense que « les absents sont le véritable moteur de la révolution. Ce sont eux qui ont fait tomber la dictature. Ils sont dans la rue, les villes intérieures, le pays profond et les campagnes. Un peu partout, sauf dans l’Instance »257.

Désormais, dans le cas tunisien, la souveraineté du peuple s’exerce à travers celle de l’Assemblée nationale constituante dominée par le parti ENNAHDA dit islamiste. La seule légitimité valable est celle acquise par les urnes. Le mandat de l’Assemblée constituante est clairement défini par le décret-loi du 23 mars 2011 portant organisation provisoire des pouvoirs publics : établir une nouvelle constitution, réaliser les objectifs de la révolution tunisienne et superviser l’administration des affaires du pays jusqu’à l’établissement de la nouvelle constitution258. Mais, comme le rappelle Nadia Marzouki, « l’ANC a travaillé dans un contexte extrêmement tendu, marqué par deux assassinats politiques, celui de Chokri Belaid en février 2013 et celui de Mohamed Brahmi en juillet 2013, et par des multiples attaques terroristes contre l’armée »259.

En Roumanie, « la transition démocratique débute avec la fin du monopole du Parti communiste roumain et l’instauration du multipartisme »260. Un décret-loi n° 20/1990261 portant sur les élections du Président de la Roumanie et du Parlement a été adopté. Sur la base de ce texte, le 20 mai 1990, le peuple roumain a élu une Assemblée constituante chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution post-révolution pour le pays. L’Assemblée constituante a désigné une commission chargée de la rédaction du projet de la Constitution. Le projet de la Constitution de 1991 a été d’abord adopté le 21 novembre 1991 au cours de la séance de

256 STEUER Clément, « Des élections révolutionnaires ? », Égypte/Monde arabe [En ligne], Troisième série, Les élections de la révolution (2011-2012), mis en ligne le 10 février 2014, consulté le 06 octobre 2016. URL : http://ema.revues.org/3086.

257 BEN FARHAT Soufiane, cité par BRAS Jean-Philippe, « le peuple est-il soluble dans la constitution ? Leçon tunisienne », l'Année du Maghreb, « Un printemps arabe ? », n°VIII, CNRS édition, Paris, 2012, p.112.

258 BRAS Jean-Philippe, « le peuple est-il soluble dans la constitution ? Leçon tunisienne », l'Année du Maghreb,

« Un printemps arabe ? », n°VIII, CNRS édition, Paris, 2012, p.115.

259 MARZOUKI Nadia, « La transition tunisienne : du compromis démocratique à la réconciliation forcée », Pouvoirs : la Tunisie, n°156, 2016, p. 87.

260 IATU Corneliu, « Transition démocratique en Roumanie et implications spatiales », L’Espace Politique [En ligne], 3 | 2007-3, mis en ligne le 22 décembre 2007, consulté le 09 juin 2017. URL : http://espacepolitique.revues.org/837 ; DOI : 10.4000/espacepolitique.837.

261 Monitorul Oficial al României (Le Moniteur Officiel de la Roumanie), no. 27, du 10 février 1990.

84 l’Assemblée constituante. Il est entré en vigueur le 8 décembre 1991 à la suite de son approbation par référendum national. En Roumanie, le pays a connu ses premières élections

« six mois après le changement révolutionnaire du décembre 1989, “l’intérim” étant assuré par le Front du Salut national (FSN), transformé en février 1990 en parti politique. Suite à l’enthousiasme révolutionnaire et à l’affirmation du pluralisme politique, dans les premiers mois de l’année 1990, la Roumanie a connu une évolution inflationniste de création de partis politiques, le plus souvent sans aucune notoriété, à l’exception du FSN, très médiatisé (la presse écrite et les médias audiovisuels étaient largement sous son contrôle) »262. Le Front du Salut national remporte la majorité aux élections législatives de 1990 et son représentant, Ion Iliescu va remporter les élections présidentielles. Les anticommunistes, qui ont échoué aux élections législatives de 1990, vont remporter les élections de 1996 « grâce à une alliance réunie sous le nom de la Convention démocratique de Roumanie (CDR) et avec le fameux Contrat pour la Roumanie »263. La Constitution roumaine de 1991 sera révisée par « la loi constitutionnelle de révision, n° 429/2003, approuvée par le référendum national des 18-19 octobre 2003 et “republiée” au Monitor officiel de la Roumanie (1èrer partie, n° 758 du 29 octobre 2003 »264.

B- Le choix de la Constituante par les élus et non par le peuple en Egypte et en

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