• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Sources normatives (nationales et supranationales)

C) Recours en cas de non respect des droits du patient

1) Belgique

Chaque hôpital en Belgique est doté d’un service de médiation pour le droit des patients115. La mise en place de ce dispositif de médiation a été initié suite au constat suivant :

« On constate que le patient qui rencontre des problèmes à la suite d’une intervention d’un praticien professionnel ignore souvent à qui les soumettre et quelle action entreprendre. De nombreux problèmes restent donc sans solution, et un sentiment de malaise s’installe chez le patient. Si le patient entreprend, malgré tout, des démarches, il est rare qu’il

La loi relative aux droits du patient du 22 août 2002 a instauré la fonction de médiation dans le

115

secteur des soins de santé ; et depuis le 1er novembre 2003, chaque hôpital doit disposer d'une fonction de médiation pour être agréé.

bénéficie de toute l’écoute souhaitée. De plus, il faut se rendre à l’évidence: en justice, les procédures sont souvent très longues et onéreuses, et ne débouchent que rarement sur une solution. De plus, l’administration de la preuve pose problème. C’est pour ces raisons, entre autres, que, préalablement à toute action en justice, le patient se voit attribuer un droit de médiation en matière de plaintes, ce qui veut dire qu’il a la garantie que sa plainte sera examinée et fera l’objet d’une médiation » (Projet de loi relatif aux droits du patient, 2002, p. 37).

Le médiateur a tout d’abord pour mission de promouvoir la communication entre le patient et le praticien professionnel afin d’éviter des plaintes par le biais d’actions préventives. Toutefois, si un patient introduit une plainte auprès de la fonction de médiation compétente, parce qu'il estime qu’un de ses droits n’a pas été respecté, le médiateur a pour vocation d’essayer de résoudre le désaccord avec la coopération du patient et du praticien, et de dégager une solution dans un délai raisonnable par la restauration de la communication. «  La solution pouvant consister en l’octroi d’une explication, une reconnaissance d’erreur, un accès au dossier médical, un accord financier. Si un accord est dégagé, le dossier de médiation peut être clôturé ». (Fondation Roi Baudoin, 2009, p. 15)

Si les parties n’arrivent pas à se mettre d’accord, « le médiateur informe le plaignant des autres instances existantes pour traiter sa requête, telles les mutuelles, l’Ordre des médecins, les commissions médicales provinciales, les services d’inspection compétents pour l’hôpital concerné, les tribunaux ... Un dispositif voté en avril 2007 par le Parlement fédéral prévoit également l’indemnisation sans faute des dommages liés aux soins de santé sans devoir recourir à une procédure judiciaire (...) » (Fondation Roi Baudoin, 2009, p. 15). Notons que c’est en principe l’hôpital qui est responsable des éventuels manquements commis par les professionnels de santé116, « sauf s’il a fait savoir au patient qu’il n’était pas responsable du praticien concerné » (Fondation Roi Baudoin, 2009, p. 14).

En cas de mesure de protection, l’exercice des droits du patient appartient à ses représentants. En cas d’incapacité de fait, il existe deux cas de figure. Soit le patient a désigné un mandataire qui exerce dès lors ses droits en cas d’incapacité. Soit le patient n’a désigné aucun mandataire et dans ce cas, son droit de plainte est alors exercé selon le système de représentation en cascade déjà exposé qui est prévu par la loi du 22 août

Notons que la charge de la preuve revient au plaignant, et elle ne peut consister en la simple

116

allégation du patient. Le patient a la charge de prouver la faute du praticien ; et il peut le faire par toute voie de droit (Génicot, 2010a).

2002. Le proche désigné par le système de représentation a un statut juridique reconnu et exerce à ce titre les droits du patient incapable de fait.

Pour autant, certains dénoncent le manque d’impartialité des médiateurs. En effet, la plupart du temps, cette fonction de médiation est assurée - si pas complètement, tout du moins en partie - par la direction des hôpitaux elle-même, ce qui n’est pas sans soulever des problèmes de conflits d’intérêts (Cantelli 2011a, 2011b, 2015). Par ailleurs, le manque de visibilité et de promotion de ces services de médiation du droit des patients au sein des hôpitaux constitue dans une certaine mesure une entrave à la garantie de ce droit de plainte (Cantelli 2011a, 2011b, 2015). De plus, notons, comme le souligne le sociologue belge Martin Cauchie, que la plainte des malades et/ou de leurs proches est parfois « passée sous silence » par les patients et/ou les proches « eux-mêmes, par conformisme ou de peur de passer pour des personnes ennuyantes, ne respectant pas la bonne volonté du corps médical et le rôle de malade qu’ils doivent “endosser“ et “accepter“ » (Cauchie, 2015, p. 54). Enfin, certaines personnes sont tout simplement dans l’impossibilité de faire valoir seules leurs droits et dépendent pour ce faire de leur entourage, qui n’est pas nécessairement toujours présent pour constater le non-respect de certain droits.

Quoi qu’il en soit, comme l’indique Fabrizio Cantelli, docteur en science politique, enseignant à l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et directeur adjoint de la LUSS (Ligue des usagers des services de santé), ce droit de plainte n’interfère finalement que très marginalement la prise de décision médicale (Cantelli, 2011a, 2011b, 2015).

2) France

Une Commission des usagers (CDU) est installée dans chaque établissement de santé (public ou privé) pour représenter les patients et leur famille. Cette commission peut être saisie lorsque le patient estime être victime d’un préjudice (article L1112-3 du Code de la Santé publique117). Le plaignant doit formuler sa plainte par écrit. La commission a pour mission de recueillir et d'instruire les réclamations des usagers ou des familles, de faciliter leur démarche de plainte et de veiller à faire respecter leurs droits.

autres textes de référence : articles R1112-79 à R1112-94 du Code de la Santé publique.

Après avoir recueilli les doléances, une enquête est instruite par la direction auprès des responsables des services concernés. Les éléments de réponses recueillis auprès des personnes sollicitées sont communiqués au plaignant. Au vu du dossier, la commission formule des recommandations pour apporter une solution au litige ou pour que l'intéressé soit informé des voies de conciliation ou de recours dont il dispose. Un médiateur médical est chargé d’essayer de résoudre les malentendus éventuels. Si aucune solution n’est trouvée, le médiateur informe le plaignant sur les modalités du recours gracieux118 - qui permet selon les cas de faire intervenir l'assurance de l’hôpital. Le médiateur est également chargé d’indiquer au plaignant les voies de recours judiciaire possibles, si les démarches amiables ont échoué.

En cas de protection juridique, les droits du patient sont exercés par son représentant légal. Si le patient est en capacité de droit mais en incapacité de fait, le mandataire peut intervenir au nom du patient. Cependant, il apparaît que le système légal français ne prévoie pas la possibilité qu’un proche puisse porter plainte au nom du patient si celui-ci ne fait pas l’objet d’une mesure de protection. En effet, il n’existe pas de système de représentation automatique pour les personnes en incapacité de fait, comme c’est le cas en Belgique (système de représentation en cascade prévu par la loi du 22 aout 2002). Le proche peut toutefois invoquer un préjudice personnel (c’est-à-dire qu’il se porte victime par effet de«  ricochet  »), mais pas directement pour un préjudice subit par autrui. «  Le proche du patient ne peut saisir le médiateur du vivant du patient que pour une réclamation qui lui est personnelle ; il ne pourra agir en tant qu’ayant cause qu’après le décès du principal intéressé » (Markus, 2005).

Ce droit de plainte assuré par la Commission des usagers (CDU) semble rencontrer les mêmes difficultés dans le contexte français que celles rencontrées dans le contexte

Le recours gracieux est ce qu’on appelle un recours administratif. Il s’agit du recours intenté

118

auprès de l’auteur de la décision contestée pour que celui-ci modifie sa décision.

Textes de référence : Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

Loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.

Loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal.

Code de justice administrative  : Articles L 732-1, R. 412-1 et R421-1 du Code de Justice administrative.

Décret en Conseil d’Etat n°  2001-492 du 06/06/2001 publié au JO du 10/06/2001 pris pour l’application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l’accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives.

belge : le fait que ce service soit assuré par la direction des hôpitaux elle-même n’est pas sans soulever certaines questions relatives à de potentiels conflits d’intérêts.