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Chapitre II : Sources philosophiques contemporaines

C) Rebecca Dresser

Bien que cette philosophe considère que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ne sont rapidement plus capables130 d’exercer pleinement leur autonomie décisionnelle - comme peuvent l’être les personnes ne présentant pas de trouble cognitif et étant à même de pouvoir exprimer de manière cohérente et rationnelle leurs volontés, elle insiste sur le

Comme le note le philosophe Fabrice Gzil, Dresser ne définit nulle part ce qu’elle entend par

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« incapacité » ou « incompétence », ce qui implique qu’un certain flou persiste quant à sa réelle position concernant la question de la capacité d’autonomie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer (Gzil, 2007, p. 345).

fait que les patients présentant ce type d’affection restent jusqu’à un stade avancé de la maladie des êtres conscients et dotés d’une sensibilité propre. Elle souligne que la maladie d’Alzheimer modifie la personne dans son identité et dans l’expérience qu’elle fait de la vie ; ce qui implique bien souvent pour celle-ci l’émergence de nouveaux intérêts131, qui peuvent différer de ceux valorisés par la personne telle qu’elle était auparavant, lorsqu’elle était encore en pleine possession de ses capacités. Pour cette raison, il apparaît peu pertinent, aux yeux de Dresser, d’orienter les décisions concernant les patients en fonction de leurs préférences antérieures, car celles-ci ne sont généralement plus d’actualité au regard de l’expérience que font les individus de leur vie présente. Il s’agit dès lors, selon la philosophe, de se concentrer sur les intérêts actuels des patients et d’évaluer la manière dont les interventions médicales affectent les personnes dans leur expérience présente.

« Même s’ils sont incapables de traiter les informations et de communiquer comme on le fait habituellement, jusqu’aux stades terminaux, la plupart des patients restent éveillés et conscients (...). La grande majorité des patients atteints de démence sont des sujets avec leurs propres pensées, perceptions, émotions et perspectives. Ils sont directement affectés par les interventions médicales, ils font subjectivement l’expérience des décisions que l’on prend concernant leur traitement (...). Il faut développer une approche permettant d’évaluer ‘à quoi cela ressemble’ d’être le patient particulier dont on discute le traitement » (Dresser, Whitehouse, 1994, p. 7)

Dresser estime, contrairement à Dworkin - dont la pensée repose sur le postulat de la permanence des intérêts des individus - que les intérêts des personnes peuvent évoluer avec le temps132 (Dresser, 1995, p. 32-38), notamment lorsque les personnes sont affectées par certains changements physiques et/ou mentaux susceptibles de modifier leur perception de la vie. Pour Dresser, les patients, même au stade avancé de la maladie, restent des personnes pour qui certaines choses importent encore, bien qu’elles ne puissent l’exprimer au travers d’un discours rationnel et cohérent.

Dresser ne spécifie pas explicitement si elle considère que ces « nouveaux intérêts » peuvent,

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dans une certaine mesure, être considérés comme de «  nouveaux intérêts  critiques  »  , ou s’ils doivent être compris comme étant de simples intérêts immédiats (ou expérientiels). Toujours est-il qu’elle s’inscrit dans une perspective opposée à celle de Dworkin, car elle considère que ce sont les intérêts présents qui doivent primer sur les intérêts passés (Dresser et Whitehouse, 1995).

Ce qui m’incite à penser que Dresser envisage ces «  nouveaux intérêts  » comme pouvant,

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Que nous dit Dresser au sujet des directives/déclarations anticipées et de la logique du jugement substitué?

«  Les directives anticipées et le modèle du jugement substitué reposent sur un postulat trompeusement simple : si nous parvenons à identifier ce qu’un patient aujourd’hui incompétent voulait lorsqu’il était encore compétent, alors nous saurons ce qu’il veut dans sa situation actuelle. Ce postulat peut être critiqué car les intérêts d’une personne peuvent radicalement changer au cours du temps, si radicalement que dans certains cas on pourrait dire que c’est une personne différente qui est là lorsque la situation se présente où il faut choisir entre la vie et la mort » (Dresser, 1986, p. 379).

Ce que Dresser tend à souligner ici est qu’il s’agit d’éviter que le patient ne soit «  emprisonné  » dans ces préférences passées. «  Quand des personnes compétentes expriment un jugement quant aux conditions auxquelles elles souhaitent vivre et mourir, leurs jugements reflètent leurs capacités existantes et les activités qui rendent leur vie présente digne d’être vécue. Les décisions qu’ils prennent concernant les soins de santé qui favoriseront leurs intérêts sont inextricablement entrelacées à leurs conceptions actuelles du bien. Mais les personnes qui font l’expérience dans leur vie d’événements divers, comme un amoindrissement de leur fonctionnement physique et mental, peuvent réviser leurs buts, leurs valeurs et leur définition personnelle du bien-être  » (Dresser, 1986, p. 379). Dresser insiste ici sur le fait que ce qui importe aux personnes est susceptible de varier en fonction de leur « corporéité » (Jouan et Laugier, 2009, p. 316).

«  En conséquence, leur conception de ce qu’est une vie digne d’être vécue peut être modifiée elle aussi. Aussi longtemps que les individus restent compétents, ils peuvent intégrer leurs nouvelles idées aux décisions qu’ils prennent. Mais les patients incompétents perdent cette capacité. Si leurs intérêts divergent de ceux exprimés par leurs préférences antérieures, il se peut que les décisions s’écartent de ce qui maximiserait leurs intérêts actuels » (Dresser, 1986, p. 379)

Ainsi, concernant l’importance accordée par Dresser aux préférences antérieures des patients, bien qu’elle souligne que les directives/déclarations anticipées permettent aux personnes de se prémunir en partie contre d’éventuelles ingérences d’autrui dans leurs choix de vie et donnent des indications utiles pour orienter les décisions futures, afin que

celles-ci puissent correspondre à certaines valeurs important à la personne, elle considère que, malgré le caractère louable qu’elle reconnaît à ce type de dispositifs, il ne s’agit en aucun cas qu’ils portent préjudice à la « personne présente ».

Par ailleurs, Dresser demeure très critique par rapport à la logique du jugement substitué, qui suppose d’agir selon la volonté présumée du patient, dans le cas où il n’aurait pas rédigé de directives/déclarations anticipées, ou que celles-ci s’avèreraient inadaptées à la situation en cause. Cette logique implique bien souvent de prendre des décisions en fonction de la manière dont les proches se représentent le patient tel qu’il était avant l’entrée en maladie, et du même coup d’orienter les décisions en fonction des intérêts passés de la personne, ce que dénonce Dresser. Dans cette perspective, les difficultés proviennent d’une part, d’après la philosophe, du fait que les « intérêts critiques » passés portés par les proches sont susceptibles de ne pas être les mêmes que les intérêts présents du patient ; et d’autre part que l’«  expérience de pensée » supposée par cet exercice fait inévitablement intervenir la subjectivité et l’interprétation des proches, ce qu’elle estime peu souhaitable en raison des dérives potentielles soulevées par ce type de logique.

« Comme une maladie ou un accident produisent souvent des modifications significatives dans les croyances, les valeurs, les buts et conséquemment dans les intérêts des individus, des conflits entre les intérêts passés et présents ainsi que le développement d’une nouvelle personne pourraient ne pas être rares. Dans ce cas, l’affirmation selon laquelle l’ancien droit à l’exercice de l’auto-détermination du patient compétent doit contrôler le traitement n’est pas convaincante. Les patients incompétents ne sont plus capables de valoriser leur exercice antérieur de ces droits » (Dresser, 1986, p. 381).

Dresser souligne qu’en conséquence, « il se peut qu’ils ne reçoivent aucun bénéfice des décisions conformes à leurs anciennes préférences ; ces décisions pourraient même constituer pour eux un fardeau. De plus, pourquoi un patient qui est aujourd’hui une autre personne devrait-il être accablé par une décision conforme à ses préférences antérieures ? Il n’est pas légitime d’accorder plus d’attention aux préférences de la personne antérieure (qui n’existe plus) qu’aux intérêts de celle qui existe. Ces arguments suggèrent qu’il faut protéger les patients du tort qu’ils pourraient subir si leurs préférences passées devaient gouverner les décisions ultérieures » (Dresser, 1986, p. 381).

Au delà de la logique du jugement substitué et du dispositif des directives/déclarations anticipées, Dresser critique également la logique du meilleur intérêt pour le patient, car, dit-elle, l’on raisonne dans cette perspective pour les personnes incompétentes comme on le ferait pour les personnes en pleine possession de leurs capacités. Or, les intérêts et préoccupations des premières ne peuvent être considérés sur le même plan que ceux des secondes. En effet, les intérêts des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ne coïncident pas nécessairement avec les intérêts des personnes en bonne santé. Il s’agit, pour Dresser, d’éviter d’imputer aux personnes incapables les préoccupations de leur entourage ainsi que celles portées par la société.

« Plus un individu est complexe mentalement, plus ses intérêts sont complexes et plus nombreuses sont les conditions qui doivent être remplies pour qu’il vive bien. On agit dans l’intérêt des individus (...) lorsqu’on leur donne l’opportunité d’atteindre ‘le type de vie bonne dans la mesure de leurs capacités’. En conclusion, une évaluation du meilleur intérêt réellement centrée sur le patient intégrera un examen des intérêts particuliers du patient incompétent à la lumière de ses capacités individuelles » (Dresser, 1986, p. 384).

Dresser estime que les positions donnant la priorité aux préférences antérieures des patients ainsi que celles relatives à la logique du meilleur intérêt peuvent consister en un subterfuge teinté d’hypocrisie : il s’agit d’un procédé qui permet, tout en se prévalant de suivre les volontés ou intérêts des patients, de tenir compte en réalité - à des degrés divers et selon les cas - des intérêts des tiers. Il apparaît davantage souhaitable pour Dresser de ne pas « avancer masqué » et d’assumer de manière explicite, dans un certain nombre de situations, que les intérêts des tiers sont bel et bien intégrés aux décisions prises pour le patient, voire que ce sont les intérêts de ceux-ci qui prévalent.

« En masquant les choix avec des préoccupations aussi nobles que l’intimité, la dignité et l’intégrité physique, les modèles existants permettent de subordonner silencieusement et confortablement les intérêts des patients incompétents aux intérêts des tiers » (Dresser, 1986, p. 390)

Pour Dresser, la maladie d’Alzheimer n’empêche pas les personnes qui en sont affectées d’avoir des intérêts présents qui leur sont propres - bien que ces intérêts soient généralement plus élémentaires que ceux qui gouvernaient la vie des personnes auparavant, en raison de la réduction de leur capacité physique et cognitive -, et ceux-ci

doivent, selon elle, être respectés et primer sur les intérêts passés ou sur la logique du meilleur intérêt porté par autrui.

Tout l’enjeu - et la difficulté - dans la perspective défendue par Dresser, réside dans l’évaluation par les soignants de l’importance que les patients attribuent eux-mêmes aux choix qu’ils expriment, verbalement ou de manière non-verbale.

Il s’agit selon cette philosophe d’essayer de comprendre ou d’accéder à l’expérience133 des patients, si l’on veut prendre des décisions qui se justifient d’un point de vue éthique (Dresser, Whitehouse, 1994 ; Dresser, 1995). Bien qu’elle admette qu’il s’agisse d’un exercice très complexe, elle soutient qu’il est possible et nécessaire d’évaluer l’importance que les patients accordent à leurs intérêts présents si l’on entend réellement agir dans l’intérêt des personnes malades. Elle s’inscrit dans une perspective qui tend à considérer - même si elle ne le formule pas explicitement en ces termes - qu’il est objectivement possible d’évaluer l’expérience subjective des patients. Pour autant, les arguments et méthodes avancés en vue de procéder à cette évaluation m’apparaissent peu convaincants au regard de l’objectif fixé par la philosophe (Dresser, Whitehouse, 1994 ; Dresser 1995).

Tout d’abord elle met en avant le don naturel d’empathie - c’est-à-dire la capacité d’autrui à se mettre à la place du patient - que peuvent posséder certaines personnes qui prennent en charge les malades pour accéder à l’expérience de ces derniers ; mais je conçois difficilement comment le processus décisionnel axé autour d’une démarche empathique permet rigoureusement d’éviter l’interférence des intérêts des tiers dans la prise en compte des intérêts des patients134, ce que défend pourtant Dresser. Ensuite, elle renvoie à l’observation clinique des expressions et attitudes des patients, ce qui me semble bien entendu une démarche souhaitable, mais qui ne suffit pas pour atteindre l’objectif fixé, qui suppose de comprendre et d’accéder à l’expérience des patients en vue de prendre des décisions qui puissent se « justifier d’un point de vue éthique » (Dresser,

Comme le défendent Battin (Battin, 1992) ou Niemira (Niemira, 1993) par exemple, je soutiens

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qu’il est difficilement défendable de prétendre pouvoir accéder objectivement à cette expérience, et dès lors de l’évaluer rigoureusement.

Je reviendrai sur cette difficulté dans la deuxième partie de ce travail, en m’appuyant sur la

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pensée de Spinoza. Soulignons simplement ici que, pour ce dernier, lorsque nous percevons une chose extérieure (une personne, un évènement, etc.), nous la percevons à la fois selon ce qu’elle est et selon ce que nous sommes, mais  «  toutes les idées que nous avons des corps indiquent plus l’état actuel de notre propre corps que la nature du corps extérieur » (Spinoza, 1999, p. 104).

1995). Bien que la philosophe indique qu’il s’agit pour les soignants de « prendre garde à distinguer leur propre inconfort (...) de la réalité subjective qui est celle du patient  » (Dresser, Whitehouse, 1994, p. 10-11), elle n’indique pas davantage comment ceux-ci peuvent se départir de leurs propres représentations, ni comment l’accès à la subjectivité des principaux intéressés peut être concrétisé.

Pour acquérir des  informations sur l’état mental du patient, Dresser renvoie encore aux dispositifs habituellement utilisés pour évaluer les capacités cognitives des personnes, mais comme cela a été précédemment indiqué, la capacité cognitive n’est rigoureusement pas la capacité d’autonomie décisionnelle ; le recours à de tels dispositifs ne permet donc pas de répondre à la question de l’évaluation de la capacité d’autonomie décisionnelle et à la manière dont ils conçoivent leurs propres intérêts présents.

Ainsi, la réflexion proposée par Dresser et les arguments qu’elle met en avant ne suffisent pas pour résoudre rigoureusement le problème de l’évaluation de la capacité d’autonomie décisionnelle des patients - alors que cet objectif est supposé par l’ensemble de sa démarche (Dresser, 1986, 1995 ; Dresser, Whitehouse, 1994) - , et dès lors du respect des intérêts auxquels ils accordent de l’importance. Ainsi, bien que la philosophe accorde une place primordiale au respect des intérêts propres et actuels des patients, ceux-ci apparaissent, à l’issue de l’analyse de la réflexion proposée par Dresser, ne pouvoir être rigoureusement dissociés, dans leur évaluation et dans le respect qui leur est accordé, des intérêts, perspectives et représentations portés par les personnes qui les entourent.

Le philosophe Fabrice Gzil - qui a travaillé la question de la capacité d’autonomie des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et s’est, en partie, intéressé aux travaux des différents auteurs dont il est question dans cette partie de notre travail - soutient qu’en dépit des oppositions apparentes observées entre la perspective défendue par Dworkin et celle proposée par Dresser, l’un et l’autre «  partagent en réalité un même présupposé fondamental » (Gzil, 2007, p. 347). Selon Gzil, bien que Dresser reste assez ambivalente dans sa position et qu’elle ne «  définit jamais ce qu’elle entend au juste par ‘incompétent’ », il considère qu’aussi bien dans la perspective soutenue par Dworkin que dans celle proposée par Dresser, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer perdent « assez rapidement » la capacité pour l’autonomie.

Il me semble pour ma part - et cette diversité interprétative m’apparait en grande partie liée au fait que Dresser reste assez imprécise concernant le point qui nous occupe - que la philosophe accorde au contraire aux patients, jusqu’au stade avancé de la maladie, une

certaine autonomie décisionnelle, à condition justement de ne pas réduire la capacité d’autonomie à la stricte compétence, entendue comme la capacité qu’a un individu de pouvoir exprimer de manière rationnelle et cohérente ses choix et préférences. Le souci étant, comme mentionné, que Dresser ne précise nulle part ce qu’elle entend par « incompétence ».

Je pense que l’idée défendue par Dresser selon laquelle les patients auraient la capacité d’avoir des intérêts présents qui leur sont propres - ceux-ci étant, dans la perspective de la philosophe, corrélés à l’expérience nouvelle qu’ils font de la vie - et dont il s’agit de tenir compte de manière prioritaire en évaluant l’importance que les patients y accordent, suppose l’existence d’une certaine autonomie même réduite parfois à l’extrême. Ce sont bien les intérêts propres, générés par le patient - qui résultent de l’expérience qu’il fait personnellement de son nouveau rapport à la vie - que Dresser entend évaluer et mettre en avant. L’intérêt pour certains plaisirs et l’aversion pour certains déplaisirs par exemple - qui varient selon les individus - constituent pour Dresser une inclination propre à chaque patient, qui émanent de leur personne. Et ces inclinations doivent, pour la philosophe, être respectées par autrui, à condition que les tiers puissent évaluer l’importance qu’accorde la personne à ces inclinations. Ceci l’oppose à Dworkin pour qui la manifestation de ces « intérêts expérientiels », s’ils ne sont pas rattachés à des « intérêts critiques », ne sont qu’une forme d’expression de la maladie, et non de la personne.

Pour résumer, selon Dresser, la maladie change la personne mais celle-ci reste capable d’avoir des perspectives et intérêts qui lui sont propres, relativement à son nouveau rapport au monde ; tandis que pour Dworkin, la maladie efface purement et simplement la personne présente.

Toutefois, comme mentionné, il s’agit d’une interprétation de la pensée de Dresser qui m’est propre ; celle-ci étant largement favorisée par l’ambivalence maintenue par cette dernière dans ses écrits. Toujours est-il qu’à l’issue de mon analyse, il m’apparaît que Dresser n’affronte pas de manière «  frontale  » le problème du respect de l’autonomie, qu’elle évite la difficulté plutôt qu’elle ne la résout.

En revanche, la philosophe dont il sera question dans les lignes qui suivent est, quant à elle, beaucoup moins équivoque dans la position qu’elle défend au sujet de la question de la capacité d’autonomie des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.