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L’importance du rôle des « soignants de proximité » pour l’évaluation et le respect de la capacité d’autonomie des patients

Chapitre III : Focales spécifiques visant à travailler la problématique

A) L’importance du rôle des « soignants de proximité » pour l’évaluation et le respect de la capacité d’autonomie des patients

Selon le stade de la maladie, il devient parfois difficile de se rapporter à la parole du patient, soit parce qu’elle est confuse, soit parce qu’elle est altérée. Cependant, même à un stade avancé, il est encore possible d’informer le patient, de s’assurer qu’il comprend qu’un choix lui est offert et de s’enquérir de ses souhaits quant aux décisions qui le concernent. Un certain nombre de travaux (comme par exemple ceux de Ploton, 2004  ; Blanchard, 2006  ; Gzil et Hirsch, 2012) nous ont démontré la persistance d’une vie psychique, d’une richesse émotionnelle et d’une vie affective importante chez les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées : au-delà du déficit intellectuel et de la désorientation, le patient exprime généralement par son attitude ce qu’il ne peut exprimer verbalement. Par l’observation des comportements, l’on peut comprendre si le patient est plutôt « coopérant », « opposant » ou bien « démissionnaire » (vocabulaire utilisé régulièrement par les « soignants de proximité », infirmières et aides- soignantes).

Or, et c’est lié à la nature et à la proximité de leurs tâches, ce sont bien souvent les infirmières et aides-soignantes - catégories professionnelles généralement regroupées sous l’appellation de « soignants de proximité » (Arborio, 2001 ; Lechevalier Hurard 2015 ; Molinier, 2009, 2010 b, 2013) - qui sont le mieux placées pour observer ces comportements. La recherche du consentement et de la participation du patient aux soins qui le concernent au quotidien se fait, en gériatrie, essentiellement par les personnes situées au bas de l’échelle  hiérarchique et socioéconomique, c’est-à-dire principalement par les «  soignants de proximité  ». En effet, ce sont eux qui sont majoritairement au contact des patients et qui réalisent les soins : c’est à travers leur regard, leur sensibilité et leur savoir-faire, que les patients ont effectivement la possibilité ou non d’être considérés comme des sujets capables d’une certaine autonomie décisionnelle concernant les soins qui leur sont proposés et la manière dont ils sont réalisés.

Dans le secteur du soin, une distinction - hiérarchisée (Molinier, 2010 b) - est généralement opérée entre les actes à visée curative et ceux qui relèvent du « care » , 40 c’est-à-dire du «  prendre soin  ». En gériatrie, la majorité des actes qui relèvent de la dimension curative sont réalisés par les infirmières, c’est-à-dire les gestes techniques qui visent à traiter, de manière directe ou indirecte, les affections chroniques ou aigües dont souffrent les patients : perfusion, prise de sang, soins de plaies, préparation des médicaments, pose de cathéter ou de sonde, etc. Ainsi, les soins infirmiers se concentrent essentiellement sur la prise en charge de la pathologie dont souffre le patient, et sur les gestes techniques ayant vocation à traiter celle-ci.

Les aides-soignantes, quant à elles, ont pour mission d’assurer toutes les interventions qui ne relèvent pas d’un geste strictement médical : change, toilette, alimentation, soins de conforts (massage, esthétique, etc.), mais aussi parfois nettoyage de linge, transport de charges diverses ; la liste peut être longue. Les actes généralement assurés par les aides- soignantes relèvent de ce que la sociologue Anne-Marie Arborio a appelé le «  sale boulot » (Arborio, 2001). Ce sont en effet elles qui sont le plus confrontées à la proximité intense avec la grande vieillesse et avec la grande dépendance ; qui sont amenées à manipuler, sans instrument de médiation, les corps malades, rigides, parfois désinhibés,

Pour les théoriciens du care - dont les travaux trouvent leur origine dans une étude publiée par

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Carol Gilligan en 1982 aux Etats-Unis et qui se sont peu à peu développés en Europe (notamment au travers les travaux de Pascale Molinier, Sandra Laugier et Patricia Paperman) durant les années 2000 - celui-ci peut aussi bien - et généralement de manière simultanée - être présenté comme une activité (c’est à dire comme pratique concrète, en général socialement reconnue ou instituée) que comme une disposition (une aptitude) (Brugère, 2010).

Selon Eva Kittay, en tant qu’activité - ou comme travail - le care « est la tâche consistant à prendre soin de soi et des autres quand nous sommes en situation de besoin. On se rend surtout compte de son importance en son absence et on en a plus particulièrement besoin quand on ne peut pas l’offrir en retour » (Citée par L. Pattaroni, « Le care est-il institutionnalisable? Quand la ”politique du care  » émousse son éthique  », in Paperman et Laugier 2006, p. 178). Pour Eva Kittay, il existerait du bon care et du mauvais care (Molinier 2009, p. 435), le bon care renvoyant à une attitude appropriée, attentive à la personne et à ses besoins en fonction de la situation particulière. En revanche, pour Joan Tronto, le mauvais care doit faire partie de la définition générale du care. Lors d’un Colloque qui a eu lieu au CNAM (Conservatoire national des Arts et Métiers) à Paris en juin 2007, Joan Tronto - citée par la psychologue Pascale Molinier (Molinier 2009, p. 435) - avait pris l’exemple suivant : « Imaginez une infirmière de maison de retraite qui hait ses patients et qui ne fait son travail, sans enthousiasme, que pour éviter de se faire virer et pour toucher son salaire. Une telle personne dispense certainement du care, même mal ». Dans la perspective de Molinier, « une telle infirmière ne dispense pas de care » (Molinier, 2009, p. 436) ; selon la psychologue, le care ne peut s’inscrire dans une visée purement instrumentale. Je partage son avis. Toutefois, étant donné qu’aussi bien dans la littérature que sur le terrain le terme de care est utilisé sans distinction pour désigner l’ensemble des activités touchants aux soins à la personne n’ayant pas directement une visée curative - qu’ils soient réalisés de manière attentive et appropriée ou non - je me rapporterai de manière générale dans la suite du texte au terme de care de façon générique pour désigner ces activités et non une certaine manière de les réaliser.

« débordants » (Lechevalier-Hurard, 2015) et/ou violents, et qui sont quotidiennement en charge des fluides et déjections des patients, «  matières universellement reconnues comme sales » (Arborio, 2009, p. 58).

Ce travail de care, en ce qu’il renvoie en terme de représentation personnelle et collective, représente pour cette catégorie de soignant, un inconfort, tant moral que physique (Molinier, 2013). Ce travail constitue, pour reprendre les termes de la psychologue Pascale Molinier, un « travail inestimable  » (Molinier, 2013). C’est en effet un travail qui doit nécessairement être fait; mais qui est peu considéré et pour lequel il n’existe pas de critère précis pour être évalué ou valorisé; car il s’accommode mal des critères quantifiables, objectifs et chiffrables (Molinier, 2013), généralement en vigueur dans le monde professionnel. Ces professionnelles se situent tout en bas de l’échelle de la hiérarchie socio-professionnelle du travail soignant, elles représentent majoritairement un salariat subalterne, essentiellement féminin, pour partie issu de l’immigration et peu valorisé par la hiérarchie institutionnelle (Arborio, 2001 ; Lechevalier Hurard, 2015 ; Molinier, 2010 b).

L’inconfort moral de cette catégorie professionnelle réside notamment dans le fait que le

care, dont elle a la charge, ne se voit que lorsqu’il est mal fait (Molinier, 2013). Cet

inconfort des « pourvoyeurs du care » (Molinier, 2013) réside également dans le fait que toute tâche peut potentiellement leur être déléguée. Par ailleurs, n’étant pas rattachées à une spécialisation, les aides-soignantes sont facilement interchangeables, ce qui contribue à dévaloriser leur rôle, pourtant indispensable.

Ainsi, contrairement aux infirmières, la fonction des aides-soignantes ne s’inscrit pas directement dans une vocation à dimension thérapeutique ; dimension qui bénéficie de l’essentiel du capital symbolique généralement valorisé dans le secteur du soin. La voix d’une aide-soignante dans le processus décisionnel n’est la plupart du temps pas considérée avec autant d’attention que celle d’une infirmière (Arborio 2001 ; Lechevalier Hurard 2015 ; Molinier 2013), celle-ci bénéficiant d’une expertise technique et médicale reconnue dont ne peuvent se prévaloir les aides-soignantes.

Toutefois, il est important pour mon propos de signaler dès à présent - comme nous le verrons dans la troisième partie parties II et III de mon exposé - que, bien que le travail infirmier se distingue clairement de celui assigné aux aides-soignantes, dans certains

services (davantage en Belgique qu’en France), les tâches généralement attribuées aux aides-soignantes sont effectuées par les infirmières, en plus du travail qui caractérise traditionnellement leur profession. Ainsi, dans ces services, les infirmières sont amenées à devoir réaliser aussi bien les actes de care que les actes de cure. Nous verrons ce que cela a comme implication(s) pour mon propos plus avant. Pour l’instant, considérons que les actes de cure et les actes de care sont réalisés par des catégories professionnelles différentes. Ceci étant, je tiens à préciser ici qu’il m’arrivera de parler des « soignants de proximité  » sans opérer de distinction entre les infirmières et les aides-soignantes ; en raison justement de la double attribution professionnelle étant parfois assignée aux premières.

Ainsi, bien qu’éprouvant et symboliquement peu valorisés par la société dans son ensemble, les actes de nursing - qui renvoient aux activités domestiques - comportent une dimension relationnelle et impliquent nécessairement une certaine proximité avec les patients dont seules les aides-soignantes, de par les activités dans lesquelles elles sont engagées, peuvent se prévaloir en secteur médical. Cette dimension relationnelle, non- directement thérapeutique - suppose des «  compétences morales  » et un «  savoir- être » (Loffeier, 2013) qui sont le plus souvent « naturalisés » (Aubry, 2010 ; Avril, 2003), c’est-à-dire des compétences intrinsèques à la personne, non-acquises par l’apprentissage de techniques. Le « travail de care » (Molinier, 2005) est décrit comme un « travail sentimental » (Strauss et al., 1982) ou « émotionnel » (Mercadier, 2002), ou de « compétences relationnelles » (Arborio, 2001, p.135).

Alors que l’essentiel de leur travail est considéré comme le « sale boulot », ne requérant pas de qualification spécifique, les personnes exerçant ce travail de care sont donc en réalité potentiellement détentrices d’un savoir relationnel primordial.

En effet, en raison des interactions répétées, souvent délicates, qu’elles entretiennent avec les patients, les aides-soignantes sont les mieux placées pour observer les comportements des malades. Ce sont bien elles qui sont amenées à être le plus fréquemment au contact des patients : on peut donc faire l’hypothèse que leur rôle est essentiel pour permettre aux patients d’être respectés dans leur autonomie et rester liés aux décisions et aux soins qui les concernent au quotidien (Arborio, 2001; Lechevalier Hurard, 2015 ; Molinier, 2010 a). Leur regard et leur parole contiennent potentiellement de précieux enseignements au sujet des patients, permettant, s’ils sont entendus, d’enrichir

considérablement la perception que se fait l’équipe médicale de l’état du malade. Leur rôle peut donc être primordial dans l’orientation des choix de prise en charge et de traitements des patients ; mais dans un secteur ou c’est l’acte technique médical qui tient le haut du panier, la parole de ces «  travailleurs subalternes  » (Molinier, 2013) cantonnée à la dimensions corporelles du soin et aux «  gestes domestiques  » (Molinier, 2013) - n’est généralement que peu considérée (Molinier, 2010 a; Lechevalier Hurard 2014).

Pour autant, il s’agit ici de rappeler que la maladie d’Alzheimer est une pathologie incurable pour laquelle il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement qui puisse permettre aux personnes qui en sont affectées d’en guérir. Certains médicaments peuvent ralentir la progression de la maladie ou en diminuer les symptômes, mais elle reste aujourd’hui incurable. Ainsi, dans le contexte de la maladie d’Alzheimer plus qu’ailleurs, la dimension du «  care  » vient concurrencer fortement l’aspect curatif de la prise en charge, généralement assumé par les infirmiers et les médecins; bien que cure et care ne doivent pas être envisagé dans une dynamique d’opposition mais bien de complémentarité.

Comme je l’ai mentionné, le fait que l’évaluation informelle des capacités des personnes ne puisse s’élaborer que dans la relation, dans le contact direct, constitue dans une certaine mesure un levier de valorisation pour les «  soignants de proximité  » et plus spécifiquement pour les aides soignantes, qui sont généralement, dans leurs activités, cantonnées à ce qui est considéré comme le «  sale boulot  » (Arborio, 2001). Ce rôle d’évaluateur informel, parce qu’il constitue dans une certaine mesure une intervention qui s’inscrit dans une vocation à dimension thérapeutique reconnue - de manière variable - par les médecins, est potentiellement une source de reconnaissance pour les « soignants de proximité », car il contribue à leur accorder une certaine expertise qui relativise dans ce contexte précis l’efficacité des savoirs et moyens médicaux. Les «  soignants de proximité  » parviennent de cette manière à conquérir une place centrale ainsi qu’une certaine autonomie d’expertise, qui leur est propre dans le cadre de la prise en charge des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (Lechevalier Hurard, 2015). Ce phénomène offre un modèle intéressant pour la « démocratisation de l’expertise » (Mol, 2009, p. 105) qui, en secteur gériatrique, tend à s’articuler aussi bien autour de la dimension curative du soin que de celle renvoyant aux actes de care. La valorisation de cette compétence relationnelle est «  à rebours de tout processus de qualification professionnelle  » (Avril, 2014, p. 78) largement engagée dans ce secteur et à contre-courant du mouvement de « médicalisation de la prise en charge de la vieillesse » (Ennuyer, 2004 ; Foureur, 2014).

En effet, malgré le rôle central de ces « pourvoyeuses du care » en secteur gériatrique, il apparait que, comme l’indique la psychologue Pascale Molinier, l’ordre symbolique et hiérarchique en vigueur dans le champ médical ne leur octroie que peu de reconnaissance et d’attention, ce qui contribue largement à maintenir leur expertise dans un certain anonymat, comme les difficultés qu’elles rencontrent au quotidien ((Molinier, 2010, p.137).

Ainsi, la capacité d’autonomie décisionnelle des patients fait l’objet, par cette catégorie professionnelle, d’une évaluation au quotidien, essentiellement informelle. La capacité d’autonomie des patients, impossible à évaluer objectivement au moyen de dispositif formel (l’impossibilité d’une évaluation formelle et objective est un état de fait dont témoigne la littérature médicale : G. Agich ; B.G. Brechling, C.A. Schneider ; A.-S. Rigaud ; J. Vollmann, K.-P. Kühl, A. Tilmann et al. ; S.J. Willis et al.), dépend essentiellement en contexte hospitalier de l’évaluation informelle qui en est faite par le personnel de proximité. Dès lors, la capacité d’autonomie décisionnelle des patients, tributaire - à la fois dans son évaluation et dans la manière dont elle sera respectée - de la relation qui les lie aux « soignants de proximité », ne peut être analysée que conjointement aux spécificités qui caractérisent cette catégorie professionnelle et les formes de travail dans lesquelles ces soignants sont engagés. Plus encore, dans le contexte qui nous implique, les «  soignants de proximité  » constituent la clé qui conditionne et constitue tout à la fois le respect de la capacité d’autonomie des personnes malades. C’est à travers eux que nous pourrons comprendre comment quelque chose comme l’autonomie d’une personne peut effectivement être respectée malgré les spécificités de la maladie et la situation de dépendance.

Le principal enjeu lié à la question qui nous implique consiste à envisager de quelle manière les soignants qui prennent en charge le patient peuvent encore lui prêter une forme d’autonomie décisionnelle, aussi minimale soit-elle, et ainsi, avoir la possibilité de pouvoir considérer la personne malade comme un sujet à respecter dans sa singularité.

« De sorte que combattre la maladie c’est, à tout instant, travailler à rétablir la relation pour rétablir la personne, et de telle façon qu’elle soit autre chose qu’un corps souffrant ou une existence désemparée » (Malherbe, 2015, p. 138) .41

J’en arrive ici à un moment clé de mon raisonnement sur lequel je souhaite tout particulièrement attirer votre attention. À mon sens, respecter l’autonomie du sujet, c’est respecter la manière dont la personne - au regard des circonstances - conçoit son propre Bien (Aristote, 1987). Recueillir son consentement, c’est s’assurer que les soins qui sont entrepris s’inscrivent effectivement dans la manière dont la personne conçoit ce Bien pour elle-même, dans ce qui fait sens pour elle, dans « ce qui lui importe » (Frankfurt, 1988). Plus il est difficile d’accéder à la parole de la personne ou d’interpréter son attitude, plus le Bien de la personne est co-déterminé par les personnes qui l’entourent. Dans ce contexte, les soignants sont amenés à devenir - à des degrés variables - les architectes de l’autonomie du patient (Hardwig , 1997), architectes qui sont dans une position difficile 42 sur le plan éthique. En effet, constitués eux-mêmes de multiples récits et confrontés à des récits dont aucun ne fait autorité, comment les soignants peuvent-ils justifier le portrait du patient qu’ils ont élaboré ainsi que les décisions relatives à sa prise en charge qui en découlent? Dans ce contexte, la question qui se pose est la suivante: est-ce le patient en tant que sujet porteur d’un sens qui lui est propre qui est respecté ou un sens qui importe aux soignants, réifié derrière la volonté d’un sujet difficilement accessible?

L’objectivation de «  ce qui importe  » (Frankfurt, 1988) est, dans ce contexte plus qu’ailleurs, sinon impossible, du moins improbable ; et largement dépendante des personnes amenées à prendre en charge les patients au quotidien, à savoir essentiellement les «  soignants de proximité  ». «  Cette incertitude irréductible pose à nouveau frais la question du pouvoir sur autrui et de l’arbitraire. L’attention portée à la

Dans son ouvrage intitulé «  Alzheimer, La vie, la mort, la reconnaissance  » (Malherbe 2015),

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Michel Malherbe propose une réflexion philosophique sur la maladie d’Alzheimer en partant de l’expérience qu’il a vécue auprès de son épouse, Annie, atteinte de cette pathologie. Bien que notre travail adopte un autre angle de perspective que celui développé par Michel Malherbe, la démarche d’ensemble qui consiste à partir de l’expérience partagée auprès des malades - ainsi que des personnes amenées à les prendre en charge - en vue de proposer une réflexion philosophique sur le sujet s’inscrit dans une même dynamique.

John Hardwig fait un constat similaire mais son propos porte sur le rôle des médecins et non sur

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celui des soignants de proximité. Cependant l’idée que les professionnels de santé deviennent les architectes de l’autonomie des patients est la même que celle que nous proposons. Voir J. Hardwig, «  Autobiography, biographe and narrative ethics  », in Nelson H. Lindemann, 1997, p. 50-64.

personne concrète autorise peut-être la réalisation des aspirations personnelles, mais lorsqu’elle les manque, peut aussi exposer l’individu au déni de reconnaissance, à l’humiliation, et au sentiment d’arbitraire » (Eyraud et Vidal Naquet, 2015, p. 3).

Le risque ici est que le sens de la prise en charge devienne davantage celui des professionnels au chevet des patients que celui de la personne malade elle-même, ou que les intérêts des soignants soient confondus ou attribués au patient, au nom de son autonomie pourtant en partie - ou totalement - construite par les soignants. En effet, nous verrons que les enjeux liés à la reconnaissance ou la dénégation de l’autonomie décisionnelle du sujet renvoient à des aspects de la prise en charge qui n’ont pas toujours trait à la personne elle-même, mais qui s’inscrivent bien souvent dans une perspective plus large, dont les principaux enjeux sont essentiellement d’ordre collectif.

Ainsi, on peut faire l’hypothèse que, dans un contexte de fragilité de la personne âgée atteinte de troubles cognitifs et institutionnalisée en gériatrie, le consentement de l’individu, lié à une démarche qui demeure éminemment personnelle, se transforme en une démarche collective qui recouvre des enjeux multiples pouvant dépasser les simples intérêts de la personne malade. L’étirement de la singularité (irréductible) du consentement à une compréhension plus collective implique que la notion doit être pensée à nouveaux frais ; en tenant compte notamment des modes de subjectivation (compris comme «  appropriation subjective d’un phénomène  », voir Bertrand,  2005) des professionnels de santé amenés à évaluer et à respecter l’autonomie des patients.

B) L’intérêt particulier pour le contexte de prise en charge en soins aigus des