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Recommandations en urgence relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais

recommandations et rapports du contrôle général

5. Les recommandations relatives à la rétention administrative formulées en 2015

5.2 Recommandations en urgence relatives aux déplacements collectifs de personnes étrangères interpellées à Calais

Le CGLPL a publié au Journal officiel du 2 décembre 2015, sur le fondement de l’ur-gence, des recommandations relatives aux déplacements collectifs de personnes étran-gères interpellées à Calais

Alerté de la mise en œuvre d’un dispositif de déplacements de Calais vers sept CRA du territoire national (Metz, Marseille, Rouen-Oissel, Paris-Vincennes, Toulouse-Cornebarrieu, Nîmes et le Mesnil-Amelot), le CGLPL avait procédé à des vérifications sur place qui ont conduit à ces recommandations.

Il constatait un traitement de masse des déplacements induisant une prise en charge collective et sommaire qui prive les personnes de l’accès à leurs droits, ainsi que des atteintes au droit au maintien des liens familiaux, un accès insuffisant aux droits et à l’information, des actes stéréotypés et des procédures non-individualisées, une neutra-lisation de fait des délais de recours et du contrôle juridictionnel. Les conditions maté-rielles de cette opération étaient indignes pour les personnes retenues comme pour le personnel : des cellules sur-occupées, des policiers et gendarmes très impliqués mais épuisés par la charge de travail. Le CGLPL avait conclu à un usage détourné de la procé-dure de placement en rétention administrative mise en œuvre dans le but de « désen-gorger » Calais, sans perspective de reconduite, et avec une proportion très élevée de remises en liberté très rapides.

Il recommandait donc de mettre fin à cette procédure et de ne placer des personnes étrangères en rétention que s’il existait une perspective réelle d’éloignement et seulement le temps strictement nécessaire pour le préparer, car les droits fondamentaux des personnes privées de liberté doivent être respectés en toutes circonstances, y compris en cas de crise.

Dans sa réponse, publiée en annexe de la recommandation, le ministre de l’inté-rieur, sans remettre en cause les constats du CGLPL, soulignait l’importance de la crise à laquelle la France était confrontée au moment de cette opération, contestait l’analyse juridique du CGLPL sur la notion de « détournement de la procédure » et mettait en lumière les mesures d’accompagnement prises pour offrir des possibilités alternatives aux migrants, notamment un accueil en centre d’accueil et d’orientation ou une demande d’asile en France.

Le contexte en 2018 est certes différent de celui existant en 2015, mais le CGLPL a été alerté sur des situations comparables à celle qu’il dénonçait alors. Ainsi, des migrants interpellés sur le site de Grande-Synthe, près de Dunkerque, ont été placés au CRA de Coquelles ou déplacés vers des CRA éloignés, notamment ceux du Mesnil-Amelot, de Toulouse, de Rouen ou Lille. À Coquelles, où toutes les personnes ainsi placées en rétention ont contesté la mesure devant le juge des libertés et de la détention, celles-ci ont été privées de l’assistance d’un avocat malgré les termes de la loi et n’ont pas été entendues individuellement à l’audience devant le juge des libertés et de la détention.

Ce qui met encore une fois en lumière le caractère attentatoire aux droits fondamentaux des placements massifs en rétention et la nécessité d’individualiser cette mesure.

Dans un contexte où le nombre des placements en rétention et leur durée augmentent alors que celui des éloignements reste stable, le CGLPL ne peut que recommander que le caractère individuel de la mesure soit systématiquement respecté, que les recours soient effectifs et conformes aux principes du procès équitable posés par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et que les conditions matérielles dans lesquelles se déroule la rétention fassent l’objet d’une véritable politique publique que, pour le moment, le budget de deux millions d’euros prévu pour 2019 ne saurait financer.

5.3 Les recommandations formulées à la suite des visites

5.3.1 Centre de rétention administrative de Geispolsheim (Bas-Rhin) – février 2015

Le rapport du CGLPL soulignait la nécessité d’insonoriser le centre situé au cœur d’un nœud autoroutier, de rénover les locaux d’hébergement, de fournir du matériel pour les activités occupationnelles, d’améliorer l’accueil des visiteurs et d’assurer une meil-leure insonorisation des boxes d’entretien. Il recommandait également une meilmeil-leure infirmation écrite et orale des personnes retenues, un renforcement du rôle de l’OFII, récemment réduit de moitié, et de mettre un terme à l’implication de la police dans la distribution des médicaments ainsi qu’aux atteintes au secret médical lors des consul-tations extra­muros. La mise en place d’une consultation psychiatrique était également recommandée. Le rapport soulignait enfin que l’absence de mention du pays de renvoi dans les OQTF nuisait à l’exercice des droits de la défense.

Dans sa réponse immédiate, le ministre de l’intérieur faisait état de travaux de réno-vation qui n’incluaient cependant pas l’insonorisation du centre et de la mise en place de matériel de loisirs. Il indiquait que le temps de présence de l’OFII « correspond aux préconisations en la matière et aux budgets disponibles » et que la nature des services offerts a été enrichie (vêtements, bibliothèque). Il soulignait que la distribution des médicaments par les policiers, faite à la demande du service médical, respecte le secret médical (enveloppes cachetées) et que les policiers ne restaient dans les salles de consul-tation que « soit à la demande du personnel médical, soit par mesure de sécurité si la

configuration des lieux présente un risque de fuite ». Il indiquait enfin qu’une consul-tation psychiatrique a été mise en place quelques mois mais n’a pas pu se poursuivre.

En 2018, le ministre indique que les travaux de rénovation se sont poursuivis et que la signalétique a été revue. Il refuse cependant de placer des « verrous de confort dans les chambres » et considère que l’installation d’un abri pour les visiteurs est sans intérêt.

En matière d’accès aux soins, la distribution des médicaments est désormais assurée par des infirmiers et un projet de consultation psychiatrique est de nouveau à l’étude.

Le point relatif à l’absence d’indication du pays de renvoi dans les OQTF n’a fait l’objet de réponse ni en 2015 ni en 2018, ce qui s’explique probablement par le fait que les préfectures n’ont pas été consultées par le ministre préalablement à sa réponse manifestement préparée par la police aux frontières.

5.3.2 Centre de rétention administrative de Nîmes (Gard) – mai 2015

À la suite de cette visite, le CGLPL avait notamment recommandé une amélioration des conditions matérielles d’hébergement (accès à l’air libre, meilleur équipement des chambres et améliorations de l’alimentation), une nouvelle rédaction des documents d’information et le recours à des interprètes, le libre accès au service médical et à l’asso-ciation d’aide juridique et une vigilance de la hiérarchie sur le comportement des fonc-tionnaires de police ainsi que sur leurs relations avec l’association d’aide juridique.

La réponse immédiate de l’administration rappelait les dispositions existantes du règlement intérieur sur la libre circulation ; elle soulignait le changement de titulaire du marché de restauration et la liberté d’accès aux distributeurs de friandises et de boissons ; elle estimait que les efforts faits en matière d’information et de traduction, notamment par le recours à un service téléphonique d’interprètes, correspondaient au besoin eu égard aux contraintes rencontrées par l’administration.

Trois ans plus tard, la création d’une zone d’autonomie contrôlée est en cours, mais l’achat d’un banc de musculation, déjà à l’étude en 2015, n’est toujours pas finalisé. Il est par ailleurs indiqué que le service médical ne souhaite pas que les personnes retenues accèdent librement à ses locaux.

5.3.3 Centre de rétention administrative de Palaiseau (Essonne) – mai 2015 Le rapport recommandait des améliorations de l’hébergement, notamment la remise en fonction des volets roulants électriques hors service depuis plus de trois ans à la date de la visite, la réparation du distributeur de boissons, la mise à disposition de télécom-mandes de télévision, la vente systématique de cartes de téléphone ou le remplacement de la literie. Il préconisait également une meilleure information des personnes retenues, notamment pour celles qui sont placées en rétention lorsqu’elles sont libérées de prison et qui ne sont informées de la mesure qu’au moment de la levée d’écrou ainsi que la remise systématique de documents (règlement intérieur, livret arrivant, coordonnées

des consulats et liste des avocats), un affichage lisible des mouvements prévus (consulat, tribunal, reconduite) et une information systématique sur les projets de reconduite. En matière de santé, il préconisait une séparation stricte du rôle de médecin traitant et de celui de médecin expert, une meilleure prise en charge des soins dentaires et une meil-leure continuité des soins à la sortie du CRA.

Selon la réponse immédiate de l’administration, une part modeste des améliora-tions demandées en matière d’hébergement a été mise en place : des oreillers avaient été commandés et le distributeur de boissons a été réparé, mais les volets roulants ne fonctionnaient toujours pas et les télécommandes n’étaient pas remises aux personnes retenues qui auraient pu en ingérer les piles. Les préconisations en matière d’informa-tion, en revanche, ont été mieux suivies : les affichages ont été améliorés, ainsi que les documents remis, et une procédure d’information en amont des étrangers libérés de prison a été mise en place avec la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Cependant, des lacunes demeurent, notamment en raison du refus de l’administration de traduire les projets de mouvements affichés en rétention dans des langues compréhensibles des personnes retenues, et de procéder à une information systématique sur les projets de reconduite.

La réponse de 2018 ne fait pas apparaître d’évolution majeure, notamment, les volets roulants ne fonctionnent toujours pas faute des moyens budgétaires pour assurer leur réparation : la panne dure donc au minimum depuis six ans et les télécommandes de télévision ne sont toujours pas remises aux personnes retenues. Quant à la réten-tion d’informaréten-tion sur le départ des personnes retenues, elle est désormais qualifiée d’exceptionnelle.

5.3.4 Centre de rétention administrative de Toulouse-Cornebarrieu (Haute-Garonne) – mai 2015

À la suite de la visite de 2015, trois bonnes pratiques étaient soulignées sur le caractère systématique des opérations de désinfection en cas de découverte de malades conta-gieuses, sur le respect de l’intimité par la vidéosurveillance et sur l’organisation de réunions périodiques de tous les acteurs intervenant au CRA.

Si ces bonnes pratiques semblent toujours être en vigueur, il est regrettable que leur mise en lumière par le CGLPL n’ait pas conduit l’administration à prendre les mesures nécessaires pour les faire partager par d’autres centres.

Par ailleurs, le CGLPL recommandait des améliorations en ce qui concerne l’acces-sibilité du centre, l’information des personnes retenues, le linge mis à leur disposition, les activités offertes, l’équipement des chambres de mise à l’écart et la confidentialité des communications téléphoniques. Il recommandait par ailleurs un allégement des contraintes, en particulier une réduction du nombre des mises à l’écart et du recours au menottage des personnes escortées.

La réponse immédiate de l’administration faisait état de la prise en compte de nombreux points et de l’ouverture de négociations avec les partenaires locaux pour mettre en œuvre les recommandations du CGLPL. En revanche elle considérait que la pratique des mises à l’écart et le recours au menottage étaient conformes aux prescrip-tions réglementaires et que « le chef du CRA veille à ce que la durée de mise à l’écart soit la plus courte possible » ; elle soulignait que « deux retenus non menottés se sont enfuis au cours de l’année 2015 ».

La ministre de la santé affirmait quant à elle que « la fréquence anormalement élevée des pratiques d’isolement pour motif médical ne semble pas avérée » et craignait que

« la confusion [puisse] venir du fait que des placements pour motif sécuritaire peuvent se faire dans les chambres de mise à l’écart pour motif sanitaire ou médical ». Elle disait avoir appelé la vigilance des autorités sanitaires locales.

En 2018, le ministre de l’intérieur affirme que les études sur l’accessibilité se pour-suivent en lien avec la préfecture, que des activités ont été proposées en lien avec l’OFII et que diverses améliorations matérielles (linge, chambres de mise à l’écart, confidenti-alité des conversations téléphoniques) ont été mises en œuvre. Si la pratique en matière de menottage ne semble pas avoir évolué, la pratique des mises à l’écart a été modifiée : le nombre des placements « sécuritaires » a été réduit au bénéfice d’une judiciarisation des infractions et les placements pour raison médicale, sous la seule responsabilité du médecin de l’UMCRA, en sont clairement dissociés.

5.3.5 Centre de rétention administrative des Abymes (Guadeloupe) – juin 2015

À la suite de la visite, le CGLPL avait recommandé une amélioration des conditions matérielles de prise en charge (échelles de lits superposés, moustiquaires, sanitaires, interphones, accès libre à la cour, protection de l’intimité des femmes retenues, libre accès au téléphone, confidentialité des échanges lors des visites, etc.). Il signalait égale-ment l’effort réalisé pour offrir des activités aux personnes retenues. En matière de droits, il relevait que l’entretien de chaque personne retenue avec le médiateur de l’OFII n’est pas toujours effectué et une pratique abusive des avocats qui demandaient fréquemment une rémunération en plus de l’indemnisation au titre de la commission d’office et prati-quaient une forme de démarchage. En matière d’accès aux soins, il soulignait l’absence de médecin dans le centre, la présence de policiers lors des consultations externes, et leur rôle dans la distribution de médicaments. Enfin, il relevait la situation des personnes transférées des locaux de rétention administrative de Martinique ou de Saint-Martin qui, lorsqu’elles étaient libérées ne pouvaient retourner dans l’île où elles résidaient car, faute de titre de séjour régulier, elles ne pouvaient prendre l’avion.

Dans sa réponse immédiate, le ministre de l’intérieur soulignait l’impact des dégra-dations sur la vétusté des équipements et le choix de mesures alternatives, par exemple

la fourniture d’insecticide au lieu de la réparation des moustiquaires. La rénovation de l’hébergement faisait alors l’objet de demandes de devis, l’hébergement des femmes avait bénéficié d’aménagements propres à renforcer leur intimité et l’installation télé-phonique avait été améliorée à la marge. En matière de droits, le ministre affirme que les entretiens avec l’OFII sont systématiques mais rien ne semble avoir évolué en ce qui concerne le comportement des avocats. Enfin, le retour dans leur lieu de résidence des étrangers qui ne sont pas installés en Guadeloupe est facilité par des laissez-passer.

L’actualisation de cette réponse en 2018 ne fait apparaître aucun élément nouveau ; elle indique notamment que les demandes de devis et projets de travaux sont toujours

« en cours » et que l’accès aux soins n’a pas connu d’évolution.

5.3.6 Centre de rétention administrative de Coquelles (Pas-de-Calais) – juin 2015

Le CRA de Coquelles a été visité en 2015 dans un contexte de crise migratoire nais-sante, quelques mois avant les déplacements massifs de migrants traités ci-avant dans le présent chapitre. Les recommandations faites par le CGLPL étaient forte-ment marquées par les conséquences de la forte activité de ce centre : il s’agissait de remédier à l’usure prématurée des bâtiments, de mettre un effectif de fonctionnaires adapté à l’activité du centre, de compenser le retrait récent de tout matériel de loisir, d’accroître la présence d’interprètes et d’améliorer l’information donnée trop rapide-ment ou de manière collective. Des recommandations relatives à la modification des locaux étaient également formulées afin de rendre leur caractère public aux audiences du JLD et de permettre à l’association d’aide juridique d’exercer sa mission dans des conditions normales. Enfin, il était recommandé de reprendre fermement le comportement de certains policiers.

Dans sa réponse, en 2016, le ministre de l’intérieur soulignait que le CRA de Coquelles n’avait pas été conçu pour répondre à des besoins exceptionnels de place-ment en rétention et pâtissait naturelleplace-ment de la conjoncture de l’époque de la visite, les transferts vers d’autres CRA étant alors nécessaires mais seulement vers des centres situés au nord de Paris, pratique qui a évolué dans les mois qui ont suivi. L’effectif du centre avait été renforcé, un projet d’extension du CRA était alors à l’étude et des travaux de rénovation étaient en cours. Il indiquait que des équipements de sport avaient été remis en place. Il refusait cependant de prendre en compte les recomman-dations du CGLPL sur le déplacement de la salle d’audience du JLD qui, selon lui, « ne viole pas les dispositions de l’article L. 552-1 du CESEDA » ou de modifier les locaux de l’association d’aide juridique dont « la surface est indiscutablement acceptable pour trois agents qui n’occupent pas ces locaux H24. » Enfin, s’agissant du comportement des policiers, il soulignait que « la véracité des faits allégués n’est pas démontrée », mais notait un renforcement de l’encadrement.

En 2018, le ministre de l’intérieur indique que le projet d’extension du centre a été abandonné en raison de son coût, mais que des travaux d’amélioration ont eu lieu en 2016 et 2017. Il confirme l’installation de matériel pour les activités des personnes retenues. Le ministre souligne cependant la difficulté de gestion des transferts, notam-ment vers le CRA de Lesquin pour les éloignenotam-ments, en raison de la saturation générale des CRA.

5.3.7 Centre de rétention administrative de Bordeaux (Gironde) – septembre 2015

La visite de 2015 avait abouti au constat que, dans ses locaux actuels, intrinsèque-ment inadaptés à leurs fonctions, au sous-sol d’un hôtel de police, le CRA ne pouvait connaître aucune extension. Les conditions de rétention y sont indignes et les condi-tions de travail pénibles. Cependant, le CGLPL observait que les responsables du centre se montraient soucieux de la qualité de la prise en charge des personnes retenues et parvenaient à faire partager leur exigence de respect des droits et de la dignité de ces dernières par l’ensemble des fonctionnaires dont le comportement contribuait à la rela-tive sérénité du centre : le recours aux menottes était opéré avec discernement et des réunions périodiques de l’ensemble des intervenants sous l’égide de la cheffe du centre favorisaient une confiance réciproque. Il recommandait des améliorations en matière d’information, de notification des droits et de traçabilité des mesures de contrainte.

Cette visite n’avait pas donné lieu à réponse immédiate de l’administration. En 2018, le ministre de l’intérieur n’envisage pas de relocalisation du centre, mais fait état de mesures prises pour donner suite aux autres recommandations.

6. Les recommandations relatives aux centres éducatifs

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