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La visite des locaux de garde à vue en 2018 a, comme tous les ans, concerné des locaux de police, de gendarmerie et des douanes.

Ces visites ont mis en lumière la volonté des acteurs de terrain de mettre en œuvre les recommandations du CGLPL, comme en témoigne une écoute souvent attentive des observations faites en fin de visite et même des notes de service qui ont pour but de généraliser à une direction départementale de la sécurité publique les recommanda-tions faites dans l’un de ses commissariats. On peut à cet égard souligner la volonté des responsables policiers ou gendarmes d’améliorer leurs procédures et leurs pratiques en dépit du manque fréquent de moyens.

À l’inverse, la pression sécuritaire consécutive aux attentats, notamment à celui qui fut commis à Marseille par une personne que l’on avait récemment libérée d’une mesure privative de liberté, conduit les forces de sécurité à une politique de recherche du « risque zéro » porteuse d’une inflation du nombre des gardes à vue.

Enfin, le CGLPL a été surpris de constater qu’en dépit des remarques faites en 2017 sur la prolongation injustifiée de gardes à vue de nuit en banlieue parisienne, le projet de loi de programmation pour la justice consacre la possibilité de prolonger la garde à vue aux seules fins de permettre un déferrement pendant les heures ouvrables dans les juridictions dans lesquelles il n’existe pas de dépôt, essentiellement pour des raisons de confort des services de police et des magistrats. Il a cependant poursuivi ses investigations sur ce point précis à la fois à Paris, en banlieue parisienne et en régions.

7.1 Police

En 2018, le CGLPL a visité 31 services de police (hors police aux frontières) : 16 rele-vant de la direction centrale de la sécurité publique et 15 relerele-vant de la préfecture de police de Paris 1.

Les conditions d’hébergement des personnes gardées à vue, de même que les conditions de travail du personnel, sont très insatisfaisantes. Des locaux délabrés, mal entretenus, des sanitaires vétustes et inutilisables, des bureaux surchargés ou trop exigus sont le cadre le plus fréquemment observé.

Les nécessaires d’hygiène, notamment pour les femmes font souvent défaut, les couvertures sont mal entretenues, les matelas sont en nombre insuffisant, les douches ne peuvent être utilisées faute de serviettes, les odeurs nauséabondes imprègnent geôles et sanitaires, voire les bureaux, le chauffage ne fonctionne pas toujours et n’est parfois même pas installé dans les geôles. Les policiers, traités dans des conditions comparables,

1. La liste complète des établissements visités en 2018 est dressée à l’annexe 2 du présent rapport.

s’habituent à cette situation, certains services ignorent jusqu’à la possibilité de disposer de nécessaires d’hygiène ou l’existence de marchés de nettoyage pour les couvertures.

À Paris et en proche banlieue, ces difficultés se doublent de la promiscuité dans des cellules collectives parfois surpeuplées. Quelques initiatives locales, telles que le lavage des couvertures dans un hôpital voisin, limitent efficacement la dégradation des condi-tions de prise en charge. Les condicondi-tions matérielles de garde à vue ne sont souvent ni contrôlées ni suivies par un officier de garde à vue.

Les nécessaires d’hygiène (adaptés aux hommes ou aux femmes) et couvertures en laine à usage unique ou lavées à chaque usage, qui sont distribués dans certains commissariats de police, doivent faire l’objet d’une mise à disposition systématique.

Quand un commissariat dispose de locaux neufs, dont la qualité est en général irréprochable, il est fréquent que les moyens de les entretenir ne soient pas donnés. Dès lors, l’installation se dégradera rapidement, comme l’ont fait celles construites il y a une dizaine d’années.

Le retrait des objets personnels, lunettes et soutien-gorge, demeure presque systématique, malgré quelques directives locales prescrivant qu’il soit effectué avec discernement. Si les lunettes sont toujours remises pour les auditions, il n’est est pas de même pour les autres objets dont la remise dépend souvent du bon vouloir de l’OPJ. Le document récapitulatif des droits, en dépit de la loi, n’est jamais laissé à la personne gardée à vue. Et il arrive dans quelques cas que la notification des droits elle-même soit sommaire, sans explication, et se résume à une simple signature qui ne semble d’ailleurs pas toujours recueillie en début de procédure. Il est particulièrement fâcheux, que, dans au moins l’un des commissariats visités, ces pratiques bénéficient du soutien du parquet.

Le document récapitulatif des droits doit être laissé à la personne gardée à vue comme le prévoit la loi.

Les avocats sont invités à s’assurer de l’effectivité de cette mesure et à intenter les actions propres à la faire respecter.

Rares sont les registres bien tenus. Le nombre des intervenants et l’absence de contrôle n’y aident pas : certaines mentions sont omises, ce qui empêche de suivre le déroulement des mesures, des confusions entre plusieurs types de registres sont faites (par exemple, dans un registre pour les ivresses publiques et manifestes, des contrôleurs ont trouvé des renseignements sur les étrangers placés en retenue pour vérification du droit au séjour). Les registres ne permettent que très rarement de suivre les mesures prises dans le cadre de la garde à vue en dehors des murs du commissariat et jamais de suivre le déroulement d’une mesure de garde à vue, commencée dans un service, qui se poursuit dans un autre.

Les contrôles du CGLPL ont mis en lumière un grand nombre de privations de liberté inutiles. Même s’il arrive que les magistrats du parquet en admettent la réalité avec réticence ou estiment, à tort, qu’il n’appartient pas au CGLPL de les relever.

Sur tous les sites où les forces de police ne sont pas en mesure de recevoir des instruc-tions du parquet après une certaine heure, cette carence a pour conséquence des place-ments en garde à vue toute une nuit pendant laquelle rien ne se passe et au terme de laquelle un élargissement immédiat peut être décidé. Dans les cas les plus caricaturaux, la personne gardée à vue passe la nuit entière en cellule avant même sa première audi-tion. Dans l’un des commissariats visités, l’examen de deux échantillons constitués de 100 mesures de garde à vue a permis de constater que les deux tiers des personnes passaient tout ou partie de la nuit dans les locaux, dont un tiers la nuit complète.

Ailleurs, les chiffres sont plus élevés : dans un cas, une majorité des personnes placées en garde à vue le sont dans la soirée ou durant la nuit : en 2017, 87 % des personnes concernées par des gardes à vue de moins de 24 heures avaient passé tout ou partie de la nuit en cellule (en 2016, ce chiffre était de 89 %) ; dans un autre, 90 % des personnes placées en garde à vue ont passé au moins une nuit en cellule, alors que 53 % des personnes interpellées entre 10h et 12h en ressortent avant 19h, mais personne ne sort jamais entre 19h et 8h. Il arrive à l’inverse que toute personne placée en garde à vue la nuit fasse l’objet au minimum d’une première audition après la notification de la mesure, mais c’est très rare.

Cette situation est en premier lieu la conséquence des difficultés éprouvées par la police pour joindre le parquet en dehors des heures habituelles de service.

Dans l’un de lieux visités, une politique très ferme du parquet sur le respect des droits était respectée par la police : toute personne menottée doit être placée en garde à vue afin de la placer sous le contrôle de la justice et si le délai d’information du parquet dépasse 30 minutes, la personne est libérée (ce qui fut le cas pour quatre personnes en présence des contrôleurs). Ailleurs, aucun mineur ne reste une nuit complète en garde à vue sans l’autorisation téléphonique préalable de la permanence du parquet mineurs, et ce quelle que soit l’heure d’interpellation. S’il arrive que des auditions soient possibles dans la soirée, car les magistrats sont joignables la nuit, cette situation n’est pas la plus fréquente.

Ces difficultés se doublent dans le ressort de la préfecture de police de Paris de celle qui résulte d’une centralisation départementale de la permanence des officiers de police judiciaire qui interdit tout autre acte que la notification des mesures de garde à vue.

Si certains policiers imputent la longueur des procédures à la lourdeur de la noti-fication des droits, la plupart d’entre eux reconnaissent qu’il s’agit d’une vraie diffi-culté d’organisation. Il n’est pas non plus tout à fait certain qu’aucune dimension de

« sanction policière » n’entre dans cet état de fait que finalement personne ne déplore

véritablement. En banlieue parisienne, ces habitudes sont partagées par les avocats qui ne se déplacent pas en début de mesure, comme la loi le voudrait, mais seulement au moment de la première audition, ce qui signifie que la personne gardée à vue peut rester jusqu’à douze heures seule sans conseil.

Observons enfin, dans l’un des services visités, l’arrivée d’un registre de garde à vue dématérialisé dénommé « Informatisation de la gestion des gardes à vue (IGAV) » plébiscité par les utilisateurs pour sa convivialité et le gain de temps qu’il permet. Le décret qui le crée mentionne le droit de consultation des autorités de contrôle et cite le CGLPL.

La principale évolution de la garde à vue à Paris réside dans l’installation de la police judiciaire dans les locaux du nouveau tribunal de grande instance. Le CGLPL a contrôlé ce service quelques mois après son installation. Tout se passe désormais dans un lieu unique, avec des locaux de garde à vue regroupés, comprenant, chacun, des cellules, des locaux d’audition avec les enquêteurs, des bureaux d’entretien avec les avocats et deux cabines de visioconférence. Un médecin de l’UMJ de Paris (Hôtel-Dieu) assure une permanence entre 9 h et 17 h 30. Donc, ce ne sont plus les gardés à vue qui se déplacent pour rejoindre les différents services pour être auditionnés mais le contraire. L’organisation permet de sécuriser les gardes à vue et de rationaliser les circulations en évitant tout croisement avec les témoins et les victimes. Les locaux sont maintenus dans un excellent état et le fonctionnement est fluide, les cellules permettent un hébergement conforme aux préconisations habituelles du CGLPL. Néanmoins, il conviendrait de tenir compte de la longueur des gardes à vue, notamment de couper la lumière la nuit en cellule, de prévoir une alimentation plus variée, d’arrêter des règles d’accès à la douche et d’aménager un endroit pour fumer au sein de la zone des gardes à vue. Le respect des droits est pour l’essentiel assuré, mais il est en pratique impossible de communiquer avec un proche et les prolongations de garde à vue sont majoritairement autorisées sans présentation au parquet.

7.2 Gendarmerie

En 2018, le CGLPL a visité 18 unités de gendarmerie 1.

Les installations des unités visitées sont en général semblable à ce que l’on observe couramment dans la gendarmerie, des locaux bien entretenus dans des unités de petite taille qui ne sont équipées que de chambres de sûreté, mais pas de local d’anthropo-métrie, ni de locaux dédiés à un examen médical, ou à un entretien avec un avocat.

Les auditions se font souvent dans les bureaux parfois collectifs des officiers de police judiciaire.

1. La liste complète des établissements visités en 2018 est dressée à l’annexe 2 du présent rapport.

Par exception, des « zones judiciaires » bien équipées, y compris de douches, existent dans des locaux très récents conçus pour des unités de taille importante.

Les cellules de garde à vue sont le plus souvent sommaires. Elles ne sont pas toujours chauffées, l’une d’elles a même été mise « hors service » à la suite des remarques du CGLPL ; dans une autre unité, le commandant de la communauté de brigades avait pris la même décision quelques mois auparavant. Une seule a été trouvée en état de saleté. Les équipements nécessaires sont en général en place avec quelques innovations intéressantes : ici des draps-housses et des traversins, ailleurs des couvertures lavées livrées sous blister. Le plus souvent elles ne sont tout de même lavées que rarement.

Le caractère humain de la prise en charge dans les unités de gendarmerie marque la plupart des unités : exceptionnellement, certaines fournissent de la nourriture fraîche ou du tabac à rouler, la plupart permettent la prise de repas dans une salle de repos, voire, dans une salle à manger spécialement réservée à l’usage des personnes gardées à vue. La quasi-totalité des unités visitées acceptent que les familles apportent des repas, du linge de rechange ou de toilette. Il est donc exceptionnel de rencontrer une brigade où les personnes gardées à vue n’ont rien à manger au petit-déjeuner, mais c’est possible.

Dans le même esprit les droits des personnes gardées à vue font en principe l’objet de l’attention des officiers de police judiciaire, malgré quelques habitudes fâcheuses, par exemple en ce qui concerne le retrait systématique des lunettes et soutien-gorge voire, plus rarement, des chaussures. En revanche les moyens de contrainte sont en général utilisés avec discernement et les fouilles et leur inventaire sont effectués avec rigueur. La notification des droits est en principe soigneuse.

Les conditions du recours aux médecins et avocats sont tributaires de l’implantation de l’unité concernée, ainsi que de la qualité de ses relations avec son voisinage. Si les hôpitaux de proximité sont en principe sollicités pour les examens médicaux, quelques difficultés résiduelles ont pu être observées quant à la capacité des unités à faire venir des avocats.

La surveillance de nuit reste le principal point de faiblesse du dispositif de la gendar-merie pour les gardes à vue. Les unités où les personnes placées en chambre de sûreté ne sont surveillées que par des rondes et, parfois même ne disposent pas d’un bouton d’appel demeurent trop nombreuses. Les officiers de police judiciaire responsables de mesures encourent donc un risque auquel ils n’ont pas les moyens de faire face.

Chaque fois qu’il observe une situation de cette nature, le CGLPL recommande que les personnes qui doivent séjourner de nuit en chambre de sûreté soient conduites dans une unité voisine de police ou de gendarmerie dans laquelle une présence constante est assurée. De plus en plus, mais encore rarement, on rencontre ce type de pratiques, parce qu’une unité voisine de gendarmerie dispose d’une présence permanente et parfois pour d’autres raisons, telles que l’absence de chauffage en cellule. C’est donc la preuve qu’un

tel transport est possible, il est forcément rare car le nombre de gardes à vue de nuit dans les petites unités est faible ; il doit donc être systématisé.

Enfin, les contrôleurs ont observé une pratique, dans une région, de gendarmeries où un officier est référent pour les gardes à vue et effectue un contrôle identique à celui du CGLPL. Il s’est d’ailleurs déplacé à l’occasion de l’une des visites pour échanger avec les contrôleurs. Cette manière de faire est la meilleure garantie que les recommandations du CGLPL seront bien intégrées au contrôle interne des services visités. Elle ne peut qu’être vivement encouragée.

7.3 Douanes

En 2018, le CGLPL a visité cinq services relevant de la direction générale des douanes et des droits indirects 1.

Les conditions matérielles d’accueil dans les locaux de douanes sont en général convenables. Les locaux de retenue douanière sont dotés de kits hygiène pour hommes et pour femmes, parfois également de kits de couchage (drap-housse, drap et taie d’oreiller), les couvertures sont propres. Les personnes placées en retenue douanière ne sont pas menottées et peuvent être conduites vers le centre veille en fin de mesure. Dans d’autres cas le menottage se fait systématiquement devant et les droits sont en principe respectés. Les douaniers sont globalement attentifs au respect des droits fondamentaux.

À l’inverse, les cellules de retenue peuvent être excessivement exiguës et ne pas permettre une confidentialité minimale des échanges. Dans un service visité, subsiste la technique inutilement douloureuse du menottage les mains dans le dos pendant le transport en véhicule, ce qui contraste avec les pratiques habituelles des douaniers.

Enfin, les contrôles du parquet ne respectent pas la périodicité annuelle prévue par la loi.

7.4 Le traitement des personnes se livrant au trafic de produits illicites in corpore

Le CGLPL a visité deux services dans lesquels des personnes privées de liberté sont

« hospitalisées » le temps nécessaire pour évacuer des « boulettes » de produits illicites qu’elles ont ingérés et doivent évacuer par les voies naturelles.

L’attente de l’élimination des boulettes se déroule sous la surveillance constante de la police, y compris pendant l’utilisation du seau d’aisance, que ce soit aux urgences ou dans des chambres ad hoc. Ceux qui les transportaient ont ensuite l’obligation de trier leurs propres matières fécales en présence d’un policier.

De tels procédés constituent un traitement dégradant.

1. La liste complète des établissements visités en 2018 est dressée à l’annexe 2 du présent rapport.

8. La présentation des personnes privées de liberté devant

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