• Aucun résultat trouvé

Avis du 17 septembre 2018 relatif à la prise en compte des situations de perte d’autonomie dues à l’âge

Les rapports, avis et recommandations publiés en 2018

5. Avis du 17 septembre 2018 relatif à la prise en compte des situations de perte d’autonomie dues à l’âge

et aux handicaps physiques dans les établissements pénitentiaires

Fréquemment alerté sur les conditions de détention de personnes en situation de dépen-dance due à l’âge ou à un handicap physique, dans tous les types d’établissements pénitentiaires ou d’unités hospitalières spécialisées, le CGLPL a souhaité à nouveau dénoncer les atteintes aux droits fondamentaux de ces personnes et poser la question du sens de leur maintien dans les établissements pénitentiaires.

Au cours des travaux préparatoire à cet avis une enquête sur place a été réalisée au centre de détention de Bédenac, pour observer le fonctionnement d’une unité de soutien et d’autonomie mise en place dans cet établissement. À l’instar des travaux antérieurs du CGLPL, ces travaux ont exploité l’ensemble des rapports de visite et des saisines du CGLPL en la matière.

Le CGLPL y développe les recommandations suivantes.

L’adaptation des conditions de détention doit concerner tous les aspects de la prise en charge

Le handicap et l’âge ne constituent pas en soi des causes d’incompatibilité avec la détention ; il appartient donc à l’administration pénitentiaire de prendre en charge ces personnes en tenant compte de tous les degrés de dépendance et de la grande diversité des besoins. À cette fin, un repérage pertinent des situations et des besoins, à l’arrivée et au cours de l’incarcération doit être mis en œuvre ; des agents doivent y être formés.

Au-delà de l’isolement subi et de l’angoisse de la vie en détention pour ces personnes, les mesures de sécurité sont une source d’anxiété particulière. Des directives données par l’administration pénitentiaire doivent venir préciser les gestes à réaliser lors des fouilles concernant les personnes dépendantes et handicapées. Le manque d’adapta-tion des mesures de sécurité aux personnes handicapées touche également souvent les visiteurs 1.

Les établissements doivent mettre en œuvre le principe d’aménagement raisonnable Il n’existe pas d’établissement dédié à l’accueil des personnes âgées ou en situation de handicap. La création d’établissements spécialisés, par nature limités, serait une démarche lourde de conséquences, au premier rang desquelles figurent le risque d’éloi-gnement familial et la stigmatisation des personnes concernées, conduisant à une mise à l’écart supplémentaire de ces dernières.

Les établissements pénitentiaires doivent néanmoins être aménagés afin que soient respectés les principes fondamentaux d’égalité, de non-discrimination, d’accessibilité et d’aménagement raisonnable2, qui doivent présider à l’intégration des personnes handicapées dans la société. Les détenus souffrant d’une incapacité physique, mentale ou autre doivent avoir un accès entier et effectif à la vie carcérale de façon équitable3.

1. Sur les difficultés d’accès d’une personne handicapée à un établissement pénitentiaire, voir le rapport de vérifications sur place effectuées à la maison d’arrêt de Privas les 23 et 24 mai 2016, publié sur le site du CGLPL.

2. On entend par « aménagement raisonnable » les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales.

3. Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Mandela), Règle 5.

Le CGLPL constate que les aménagements réalisés en détention, tant dans les anciens établissements que dans les nouveaux, sont largement insuffisants. Les personnes dont l’état de santé le requiert doivent être hébergées dans une cellule répondant aux normes PMR et leur transport dans des véhicules adaptés doit être systématique. Des formules alternatives au placement en quartier disciplinaire, telles que le confinement en cellule PMR, doivent être retenues.

La mise en place d’un accompagnement humain doit être équivalente en détention et à l’extérieur

Un accompagnement humain peut être nécessaire pour certains gestes de la vie quotidienne. Les établissements pénitentiaires peuvent solliciter les dispositifs de droit commun mais en pratique les personnes détenues concernées sont davantage aidées par un codétenu (45 %) que par un intervenant extérieur (32 %), et une part importante n’est pas prise en charge (23 %).

Dans ce domaine également, le CGLPL constate que nombre d’établissements ne disposent encore d’aucun partenariat. L’intervention de ces organismes est par ailleurs souvent empêchée par l’absence de financement. L’assistance par un organisme d’aide à domicile local doit être mise en œuvre à l’égard des personnes détenues dont la situation de dépendance est reconnue afin de leur assurer une prise en charge sanitaire effective et des conditions de détention dignes.

L’assistance d’un codétenu bénévole ou d’un auxiliaire du service général auprès des personnes détenues dépendantes, non formés à cette fin et non supervisés par un professionnel, ne saurait être considérée comme suffisante à satisfaire l’obligation de préservation de l’intégrité et de la sécurité de ces dernières, et du respect de leur dignité.

Des unités spécialisées ont été créées dans certaines prisons pour accueillir et prendre en charge des personnes détenues âgées ou présentant des pathologies inva-lidantes. Transférées depuis d’autres établissements de la région, elles bénéficient de conditions matérielles qui tentent de répondre à leurs besoins spécifiques. La création d’unités ainsi aménagées, qui présentent parfois les caractéristiques d’un établissement médico-social, pose cependant la question du maintien en détention de personnes qui n’y ont plus leur place.

Les dispositifs permettant la sortie anticipée de détention doivent être renforcés Des aménagements de peine peuvent être justifiés par le grand âge, l’état de santé ou la nécessité de suivre un traitement médical. Une suspension de peine peut aussi être accordée à toute personne détenue quand son pronostic vital est engagé ou que son état de santé est durablement incompatible avec la détention. Malgré l’existence de ces dispositifs spécifiques, les aménagements de peines sont plus difficilement accessibles aux personnes dépendantes qu’aux autres.

De nombreuses personnes ne sont pas en mesure de faire seules les démarches nécessaires.

L’information et la formation sur les procédures de suspension et d’aménagement de peine pour raison médicale doit être améliorée et un repérage systématique des personnes susceptibles d’en bénéficier doit être mis en place.

La faiblesse du dispositif s’explique également par les conditions de réalisation des expertises, les médecins experts se déplacent peu fréquemment en détention pour y rencontrer la personne dans son environnement. Par ailleurs, certains experts et magistrats considèrent l’existence des UHSI et de l’EPSNF comme des alternatives à la suspension de peine. L’incompatibilité avec la détention ne doit pas être appréciée uniquement au regard de l’état de santé de la personne concernée, mais aussi au regard de ses besoins et des réponses possibles en termes d’accompagnement, de compensation, d’accessibilité et le cas échéant de sa capacité à percevoir le sens de la peine pendant son incarcération.

Enfin, les difficultés relatives à la recherche d’un établissement d’accueil adapté à la sortie de détention constituent également un obstacle majeur à l’octroi d’un aménagement de peine. Les unités sanitaires doivent être sollicitées pour définir le type d’hébergement le mieux adapté à l’état de santé de la personne. Une action interministérielle doit être engagée pour favoriser l’hébergement des personnes âgées ou dépendantes à leur sortie de détention et leur rendre effectivement accessibles les dispositifs de droit commun.

La ministre de la justice a transmis ses observations sur cet avis le 6 décembre 2018.

Elle énumère en réponse une série d’actions en cours :

– un groupe de travail a été créé afin de progresser sur le développement d’un outil pérenne de surveillance de l’état de santé des personnes placées sous main de justice.

La DAP et le service correctionnel du Canada ont élaboré ensemble une grille de repérage des personnes à risque de perte d’autonomie, destinée à être utilisée par les personnels de surveillance. Une expérimentation a été menée au centre pénitentiaire de Nantes ;

– s’agissant de l’accès au travail, elle a indiqué que l’introduction d’entreprises adap-tées au sein des établissements pénitentiaires à compter de 2020 1 devrait permettre d’améliorer sensiblement l’offre proposée aux personnes détenues en situation de handicap ;

– un groupe de travail dédié aux droits du patient, lancé en novembre 2018 dans le cadre de la stratégie nationale de santé, doit revenir sur la question des extractions médicales ;

1. L’article 33 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 a été complété par l’article 77 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

– des travaux d’élaboration d’un modèle type de convention avec l’ensemble des partenaires concernés ont été lancés dans le cadre d’un groupe de travail associant la direction de l’administration pénitentiaire, la direction générale de la cohésion sociale et la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) afin de faciliter la mise en place de partenariats ;

– la DAP a mis en place et expérimenté le guichet unique d’accès aux structures d’aval (GUStAv) afin de faciliter les relations entre les SPIP et les structures médico-sociales pour l’accueil des sortants de prison en situation de perte d’autonomie. En 2019 un groupe de travail Santé/Justice sera chargé d’améliorer l’accès à ces structures d’aval.

Elle communique par ailleurs des données sur l’aménagement des établissements pénitentiaires pour répondre aux normes sur le handicap : 472 cellules adaptées aux PMR réparties dans 90 établissements pénitentiaires en France métropolitaine et en Outre-mer. Tous les établissements neufs sont équipés de 3 % de cellules PMR et des phases d’étude de mise en conformité des anciens établissements pénitentiaires ont débuté en 2018 dans 35 établissements. À compter de 2019, les premiers travaux de mise en conformité dans ces 35 établissements seront menés et des études seront lancées dans 24 nouveaux établissements pour un budget de 32,2 millions d’euros au quinquennal.

La ministre des solidarités et de la santé a transmis ses observations le 29 novembre 2018. Elle a indiqué qu’un groupe de travail thématique interministériel a été mis en place pour piloter les actions spécifiques à mener en faveur des personnes détenues handicapées ou âgées en perte d’autonomie. Par ailleurs, elle a ajouté qu’un travail était en cours pour améliorer l’accès des personnes détenues à l’APA ou à la PCH et améliorer la mise en œuvre des aides humaines et l’accès à des aides techniques pour répondre aux besoins liés à une situation de handicap ou une perte d’autonomie. Elle a enfin précisé que la prochaine version du guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, qui sera publiée en 2019, comprendra un chapitre rénové sur la perte d’autonomie comprenant des repères pour la continuité des soins et la préparation à la sortie de toute personne détenue en situation de handicap ou de perte d’autonomie liée à l’âge.

Documents relatifs