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La présentation des personnes privées de liberté devant les juridictions en 2018

Au cours de l’année 2018, le CGLPL a visité sept tribunaux de grande instance 1 afin de contrôler le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté dans ces juridictions.

Cette année a été marquée par une modification du périmètre du contrôle effectué : en effet, jusqu’à octobre 2018, les visites de tribunaux portaient pour l’essentiel sur les geôles de juridictions. Cet espace ne recouvre cependant pas l’ensemble du parcours d’une personne privée de liberté dans un tribunal : ses droits fondamentaux peuvent en effet être méconnus dans d’autres lieux, notamment les espaces de circulation pour la présentation devant les magistrats, y compris d’ailleurs devant des magistrats qui ne relèvent pas de la chaîne pénale (juge aux affaires familiales, juge des tutelles, etc.) et, notamment depuis l’installation de boxes vitrés, dans la salle d’audience elle-même. Les rapports du CGLPL sur les tribunaux ne seront donc plus intitulés « Les geôles du TGI de… », mais « La présentation des personnes privées de liberté devant le TGI de… »

La configuration des boxes des salles d’audience peut parfois entraver les échanges entre un prévenu et son avocat où à tout le moins, nuire à leur confidentialité. Dans deux des tribunaux visités, ces boxes ont paru réduire la fluidité des échanges entre le prévenu et son avocat et éventuellement l’interprète. Plusieurs types différents d’amé-nagements sont en place ; les plus sécurisés sont les plus attentatoires aux droits des personnes qui comparaissent. Dans l’un, ce qui est dit dans la salle n’est pas entendu, la communication avec l’avocat se fait par un des orifices rectangulaires dans la vitre contre lequel il faut placer son oreille ; les micros, qui ne fonctionnent pas tous, ne sont pas réglables. Tout ceci conduit à une audition lointaine des échanges de la salle et à un positionnement du justiciable en simple spectateur. Les magistrats n’auto-risent plus les comparants à se positionner hors du box, comme ils l’ont admis à une époque à la demande des avocats. Dans une configuration plus récente, on trouve des parois en verre épais sécurisé, y compris au plafond, percées de lucarnes à deux hauteurs différentes. Les mêmes difficultés se posent auxquelles s’ajoutent l’absence de retour du son de la salle vers le box ainsi que le manque de visibilité en raison de la réverbération de la lumière. Cette installation plus récente est plus problématique que la précédente.

Certes, l’élan observé en 2017 pour la mise en place des boxes a été fortement maîtrisé à la fois par un gel du projet par la garde des sceaux en décembre 2017 et par le démontage d’une partie des boxes installés dans le nouveau tribunal de grande instance de Paris. Néanmoins, ceux qui subsistent demeurent une entrave aux droits de la défense et constituent une méconnaissance de la directive (UE) 2016/343 relative

1. La liste complète des établissements visités en 2018 est dressée à l’annexe 2 du présent rapport.

à la présomption d’innocence qui invite les États membres à s’abstenir de présenter les suspects ou les personnes poursuivies comme étant coupables, à l’audience ou en public, par le recours à des mesures de contrainte physique, telles que menottes, boxes vitrés, cages et entraves de métal.

En conséquence, le CGLPL recommande la suppression complète des boxes vitrés dans les salles d’audience et préconise, tout au plus, l’installation, au cas par cas pour les situations les plus dangereuses, de protections ou boxes amovibles munis des dispositifs nécessaires au respect des droits de la défense.

8.1 Geôles

Dans tous les tribunaux visités, l’activité des dépôts est en augmentation, liée notam-ment à l’augnotam-mentation des présentations au magistrat. Parallèlenotam-ment la PJJ rapporte une augmentation de sa présence dans les juridictions, notamment en raison de l’ac-compagnement de mineurs étrangers non accompagnés. Les forces de police ont donc à faire face assez régulièrement à des problèmes de capacité d’accueil. Ainsi que le dit le CGLPL à chacune de ses visites, un registre exhaustif doit retracer l’activité des geôles et faire l’objet d’un contrôle par la hiérarchie policière comme par l’autorité judiciaire.

Il est cependant regrettable que, faute de registres ou de registres fiables, on ne puisse mesurer cette difficulté avec précision. Dans certaines juridictions, il n’existe aucun enregistrement des placements en geôles, dans l’un d’elles le registre n’est tenu qu’aux horaires de travail d’un policier réserviste qui garde les geôles, mais on ne sait rien de ce qui se passe après son départ, dans une autre enfin, la police tient une main courante informelle dont la hiérarchie policière, comme le parquet, ignore l’existence.

Dans un grand tribunal de la région parisienne, habilité à héberger des personnes privées de liberté, y compris la nuit pour les personnes déférées, la durée de séjour dans les geôles peut atteindre vingt heures, mais en pratique ce délai s’ajoute souvent à quarante-huit heures de garde à vue, et se prolonge fréquemment dans l’attente d’un transfert vers un établissement pénitentiaire en raison d’une décision d’écrou immédiat. Dès lors, les conditions matérielles d’accueil actuelles doivent être regardées comme indignes : l’alimentation est rudimentaire (du fromage tartiné sur du pain de mie), on ne peut boire que directement au robinet, sans gobelet, la douche n’est pas utilisable, l’hygiène féminine est ignorée. Pour les personnes extraites, quelle que soit la durée de la formalité à accomplir, y compris pour une notification de dix minutes, les horaires sont toujours les mêmes : réveil à 5h30, retour aux environs de minuit, car il n’y a qu’un seul transport par jour. Dans les deux cas, les geôles sont étroites, insuf-fisantes en nombre, ce qui conduit parfois la police à enfermer jusqu’à trois personnes dans des boxes individuels. Près de 10 000 personnes sont soumises chaque année à ce traitement.

Dans des tribunaux de moindre taille, on retrouve des caractéristiques comparables, des geôles ou des bureaux d’entretien avec les avocats en nombre insuffisant, une absence complète d’hygiène, une alimentation basique qui souvent ne prévoit pas de dîner, une gestion parcimonieuse du tabac qui, du reste, contrevient à l’interdiction de fumer dans les locaux mais que l’on tolère faute d’espace extérieur.

Dans d’autres juridictions cependant, des installations adaptées ont été prévues, les geôles offrent toutes des toilettes et un point d’eau en état de fonctionnement (mais pas de bouton d’appel) ; le ménage est fait quotidiennement avec sérieux, sans parvenir à combattre efficacement la vétusté.

Ailleurs enfin, dans des juridictions de plus petite taille, il existe des locaux récem-ment refaits et adaptés, et même des repas chauds.

Le CGLPL recommande que les conditions matérielles d’accueil des personnes privées de liberté fassent l’objet d’une remise à niveau générale. Pour cela, un plan ministériel de travaux doit être mis en place (salubrité, éclairage, chauffage, sanitaires, etc.) et chaque juridiction doit être invitée à formaliser les conditions d’accueil locales (circulation, alimentation, surveillance, droit de sortie à l’air libre, traçabilité, etc.) ainsi qu’à mettre en place d’un registre de suivi de l’usage des geôles. Le contrôle des chefs de juridiction doit être renforcé.

8.2 Circulation

Dans la plupart des juridictions récentes ou récemment rénovées, les cheminements des personnes privées de liberté sont séparés de ceux du public, à quelques rares exceptions près. Exceptionnellement, on trouve des geôles d’attente dans les étages, au plus près des magistrats. Il arrive parfois que ces itinéraires dédiés ne soient utilisables qu’une partie de la journée et que les personnes privées de liberté empruntent les cheminements publics le reste du temps.

Malgré cela, l’usage des moyens de contrainte n’est pas maîtrisé. Ici, l’usage de menottes dans le dos est systématique, même dans des itinéraires protégés, ailleurs des personnes menottées croisent le public.

Le CGLPL rappelle donc que les déplacements de personnes menottées au sein des tribunaux doivent dans tous les cas faire l’objet d’une réflexion sous l’autorité des chefs de juridiction pour trouver un équilibre entre les exigences de sécurité et la dignité des personnes retenues.

Les rapports, avis et recommandations

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