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A la recherche d’un modèle structurel pour chacun des deux types de licenciement

Encadré 2.1 : Présentation des deux sources de données : les E MMO D MMO et les EAE

4 A la recherche d’un modèle structurel pour chacun des deux types de licenciement

Il semble difficile techniquement de prendre en compte à la fois l’interdépendance des décisions de licencier pour motif personnel et pour motif économique, et l’hétérogénéité non observée des entreprises. C’est pourquoi nous avons retenu une estimation séparée, pour

chacun des motifs du licenciement, de probit à effets aléatoires79. Ainsi, l’effet spécifique

individuel propre à chaque entreprise, autrement dit l’effet de caractéristiques inobservables

qui jouent certainement dans les décisions de licencier, est pris en compte (4.1). Les résultats des deux probits à effets aléatoires sont ensuite commentés, en les comparant aux résultats obtenus avec les probits bivariés en coupe, ce qui permet ainsi de tester la robustesse des premiers résultats (4.2).

4.1 La stratégie économétrique : un probit simple à effets aléatoires

Pour respecter la dimension panel de notre échantillon, nous ne gardons que les entreprises pour lesquelles nous avons au moins deux observations, autrement dit qui sont présentes au minimum dans deux bases de données biennales. L’échantillon initial empilé à partir des dix bases de données biennales se trouve ainsi réduit de 11 % des entreprises et constitue un panel non cylindré.

Le modèle à effets aléatoires a été préféré à un modèle à effets fixes. En effet, le modèle à effets fixes ne peut être estimé que sur le sous-échantillon des entreprises dont les

79 Par rapport à un modèle logit à effets fixes, le probit à effets aléatoires semble plus propice à notre

comportements ont varié sur la période. Or, l’échantillon empilé contient beaucoup d’entreprises (plus de 100 000), dont une part substantielle a connu le même comportement de licenciement sur l’ensemble de la période (par exemple, licencier tous les ans, ou aucune année, etc.). Le nombre d’entreprises qui serait exclu est donc trop important80

et, en outre, ce sont aussi de tels comportements (identiques sur la période) dont on cherche à déterminer les

facteurs. Cette trop grande perte d’informations nous amène ainsi à choisir un modèle probit à

effets aléatoires.

Le modèle s’écrit de la manière suivante (cf. Baltagi, 2008) :

avec

et

et

est la variable latente inobservable qui décrit la propension à licencier pour motif personnel (ou pour motif économique dans le second probit estimé) pour chaque entreprise la période , avec t = 1999-2000, 2000-2001,…, 2008-2009. Les autres vecteurs de variables explicatives sont identiques aux modèles précédents.

Le terme d’erreur se décompose en deux termes : est un effet spécifique individuel

inobservable et est un terme d’erreur habituel. Ces deux termes sont supposés aléatoires, non corrélés aux caractéristiques observables (chacun des vecteurs de variables , , ) et enfin non corrélés entre eux.

Enfin, le coefficient de corrélation entre les résidus s’écrit :

. Il mesure la part de la variance individuelle dans la variance totale du terme d’erreur,

autrement dit la part de la variance totale du terme d’erreur due à l’hétérogénéité non observée.

4.2 Des résultats plutôt similaires aux régressions estimées en coupe

Les résultats des probits à effets aléatoires séparés pour chaque type de licenciement (cf. Tableau 2.6 page suivante) ne montrent pas de grandes différences avec les résultats des

80 En effet, sur environ 100 000 observations, plus de 40 000 ont une situation identique de licenciement chaque

probits bivariés effectués en coupe (cf. 3.1). On retrouve bien, par exemple, une influence plus systématique des variables économiques sur la probabilité de recourir au LME par rapport à celle de recourir au LMP. Il semble ainsi, au regard du ratio RCAI/CA et du taux de

croissance du CA quand il est négatif, que plus l’entreprise est en difficulté économique, plus elle recourt au LME mais aussi au LMP. De plus, le fait d’avoir un taux de croissance du CA

positif et fort (supérieur à 10 %) diminue, toutes choses égales par ailleurs, la probabilité

d’utiliser le LME ; alors qu’avoir un taux de croissance du RCAI/CA négatif augmente cette

même probabilité. En revanche, comme cela était le cas dans les modèles des probits bivariés, on remarque qu’un taux de croissance du RCAI/CA positif et fort (supérieur à 50 %)

augmente toutes choses égales par ailleurs le recours au LME. Nous l’expliquons, comme

précédemment, par le fait que ce taux de croissance supérieur à 50 % est associé à un niveau faible du ratio l’année t-1 et reste à un niveau intermédiaire l’année t (cf. Annexe 2.7 p. 296). Concernant les indicateurs de gestion des ressources humaines, les résultats sont également peu différents avec les modèles en coupe, notamment pour les variables de masse salariale par tête et de part des dépenses salariales dans le CA. Pour ces deux variables, la nature de l’effet reste opposée entre le recours au LMP et le recours au LME, négatif pour le premier et positif

pour le second. En revanche, il ressort plus distinctement que plus le taux d’entrée en CDD

est élevé, et plus le recours au LMP et au LME est faible l’année suivante, même si le coefficient est faible. Au contraire, plus le taux de démission est élevé et plus les probabilités de licencier pour motif personnel et pour motif économique sont élevées, toutes choses égales par ailleurs. Ces deux résultats peuvent suggérer deux logiques différentes de gestion de la main-d’œuvre. L’une distingue main-d’œuvre en CDI et main-d’œuvre en CDD : dans une

logique de compensation, plus l’utilisation des CDD est importante dans une entreprise,

moins celle-ci va licencier puisque l’ajustement des effectifs se fera prioritairement sur les CDD. La seconde renvoie plutôt à une logique de non-fidélisation de la main-d’œuvre, où le turn-over est élevé. Finalement, comme nous l’indiquait le coefficient de corrélation des résidus des deux équations estimées dans le probit bivarié, il ressort bien que le recours au LMP est lié positivement avec celui du LME.

Enfin, les variables indicatrices années montrent une utilisation plus importante du LMP à partir de 2001-2002 par rapport à la référence 2000-2001, alors que le recours au LME varie selon les périodes, il est par exemple plus faible les périodes de croissance « molle » (2006- 2007, 2007-2008), mais plus élevé la période de crise (2008-2009).

Tableau 2.6 : Probabilité de licencier pour motif personnel et probabilité de licencier pour motif économique, 1999-2009

Source : EMMO-DMMO et EAE, base empilée 1999-2009, calculs de l’auteur. Champ : entreprises de 10 salariés et plus du secteur marchand hors agriculture.

*** : significativité à 1 % ; ** : significativité à 5 % ; * : significativité à 10 %, ns : non significatif. Probits à effets aléatoires séparés pour chaque type de licenciement.

Finalement, comme indiqué dans la présentation de la méthode économétrique, le coefficient

ρ de chacune des régressions nous permet d’identifier la part de la variance individuelle dans la variance totale du terme d’erreur : pour les deux types de licenciement, environ 30 % de la variance totale du résidu est expliqué par l’hétérogénéité non observée. Dans le cas de données sur entreprises, l’hétérogénéité inobservée peut ainsi refléter des comportements

Probits à effets aléatoires, séparés pour chaque type de licenciement

Coefficient Ecart-type Coefficient Ecart-type

Constante 0,9680*** 0,0758 -2,3647*** 0,0973 Base 1999-2000 -0,0291 0,0207 0,0203 0,0285 Base 2000-2001 Base 2001-2002 0,0664*** 0,0207 0,0207 0,0279 Base 2002-2003 0,1201*** 0,0209 0,1136*** 0,0276 Base 2003-2004 0,1870*** 0,021 0,0577** 0,028 Base 2004-2005 0,2560*** 0,0220 0,0444 0,029 Base 2005-2006 0,2304*** 0,0222 0,0193 0,0295 Base 2006-2007 0,1951*** 0,0233 -0,1035*** 0,0316 Base 2007-2008 0,2017*** 0,0228 -0,1265*** 0,0306 Base 2008-2009 0,0572** 0,0232 0,2162*** 0,0289 RCAI/CA (t-1) -0,0004*** 0,0001 -0,0013*** 0,0003

Taux de croissance du ratio RCAI/CA

Négatif 0,0198 0,0128 0,0615*** 0,0173 Positif et inférieur à 50% Positif et supérieur à 50% 0,0222 0,0146 0,1751*** 0,0193 Taux de croissance du CA Négatif 0,0430*** 0,0124 0,3593*** 0,016 Positif et inférieur à 10% Positif et supérieur à 10% -0,017 0,0134 -0,0530*** 0,0187 Pouvoir de marché (t-1) 0,0125*** 0,0024 0,0106*** 0,0022

Masse salariale par tête en log (t-1) -0,0807*** 0,0198 0,1556*** 0,0245

Part des dépenses salariales dans le CA (t-1) -0,0005* 0,0003 0,0011*** 0,0003

Répartition des mouvements hors transferts et hors CDD par PCS (t-1)

Cadres 0,0005* 0,0003 0,0043*** 0,0004

Profession intermédiaires 0,0002 0,0003 0,0029*** 0,0003

Employés -0,0002 0,0002 -0,0006* 0,0003

Ouvriers Répartition des mouvements hors transferts et hors CDD par âge (t-1)

Jeunes 0,0026*** 0,0003 -0,0045*** 0,0004 30-49 ans 0,0031*** 0,0003 -0,0003 0,0003 50 ans et plus Secteur d'activité (t) Industrie -0,2355*** 0,0196 0,3102*** 0,0248 Construction -0,1323*** 0,0278 -0,3695*** 0,0405 Commerce Autre Tertiaire -0,0867*** 0,021 0,0335 0,0273 Taille d'effectifs (t) 10-49 salariés -1,3301*** 0,0187 -0,1974*** 0,0244 50-99 salariés -0,6222*** 0,015 -0,1038*** 0,0181 100 salariés et plus Taux d'entrée en CDD (t-1) -0,0003*** 0,0001 -0,0006*** 0,0002 Taux de démission (t-1) 0,0078*** 0,0005 0,0028*** 0,0007

Taux de départs en retraite (t-1) 0,0004 0,0035 -0,0044 0,0046

A utilisé le LME au moins une fois dans l'année

Oui 0,1400*** 0,0168

Non A utilisé le LMP au moins une fois dans l'année

Oui 0,1433*** 0,0153

Non

Rho : part de la variance individuelle dans la variance totale du terme d’erreur 0,2893*** 0,0057 0,3175*** 0,0079

Nombre d'observations Nombre d'entreprises ref 93 265 93 265 20 241 20 241 ref ref ref ref ref ref ref ref ref ref ref Licenciement pour motif personnel Licenciement pour motif économique ref ref ref ref

particuliers de management, liés par exemple aux croyances et aux représentations sociales de

l’employeur.

Si les résultats en coupe semblent sensibles aux changements de période, le modèle à effets aléatoires fait ressortir les liens que l’on peut considérer comme plus structurels, entre les indicateurs économiques et de gestion de la main-d’œuvre d’un côté, et l’utilisation du

licenciement pour motif économique et pour motif personnel d’un autre côté. Qu’en-est-il dorénavant de la rupture conventionnelle introduite à la fin de notre période d’étude ? Se

rapproche-t-elle d’un des modèles explicatifs de recours à l’une des ruptures du CDI déjà existantes ?

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