Contrairement à la section I qui reposait sur les statistiques des mouvements de main-d’œuvre
élaborées par la Dares et disponibles sur leur site, cette section II s’appuie sur une base des
Le champ retenu pour la construction de notre base de données est le même que celui des
études de la Dares au niveau sectoriel (secteurs de l’industrie, de la construction, du tertiaire
marchand et non marchand, hors secteur agricole), mais se distingue au niveau temporel (2001-201047). De plus, de légères différences dans les taux calculés pour chaque modalité de
sortie ou d’entrée peuvent néanmoins apparaître en raison de la non-application dans notre
base de données de certaines procédures de redressement effectuées par la Dares (cf. tableau en Annexe 1.8 p. 269). Les différences les plus importantes concernent les taux de fin de
CDD, ainsi que les taux d’entrée et de sortie (autour de 3 points de %). Toutefois, les
évolutions restent sensiblement les mêmes.
3.1 L’évolution des deux types de licenciement : désagrégation et décomposition
Adopter une approche microéconomique signifie qu’on ne se situe plus à un niveau agrégé mais au niveau individuel et par conséquent que l’on cherche à rendre compte des
comportements moyens des établissements. La perspective est modifiée, dans la mesure où les
établissements dont les effectifs sont les plus importants n’ont pas un poids différent des
établissements de petite taille. Ainsi, dans l’étude des taux de licenciement, le taux agrégé de LMP, qui rapporte le nombre total de LMP à la somme des effectifs de l’ensemble des établissements, est plus faible que la moyenne des taux individuels de ces mêmes LMP48. Le Graphique 1.6 ci-dessous le fait clairement apparaître. Il montre une évolution semblable entre le niveau agrégé et individuel des taux de recours aux deux types de licenciement, mais il en ressort une légère différence de niveau (-/+ 0,3 points de % maximum). Cette différence de niveau résulte du fait que ce sont les grands établissements qui ont des taux individuels plus faibles (cf. 3.1.1), ce qui tend à réduire le taux agrégé. En outre, les évolutions de la moyenne des taux individuels des deux types de licenciement sont semblables à celles présentées dans les publications de la Dares (cf. 2.2.2.1). Le LME connaît deux phases de hausse (2001-2003 et 2008-2009), mais diminue sur l’ensemble de la période (taux de variation égale à - 4 % entre 2001 et 2010), alors que le LMP augmente légèrement sur
l’ensemble de la période (+ 3 %), mais cela cache une phase de stagnation entre 2003 et 2008,
puis de baisse à partir de 2008.
47 Les fichiers directement appariés E
MMO-DMMO qui nous ont été transmis par la Dares ne portent que sur les années 2001-2010.
48
Comme ces taux dépendent des effectifs des établissements, la différence entre les deux niveaux résultent des différences dans les pondérations affectées aux établissements. Par exemple, le taux agrégé de LMP s’écrit :
∑ ∑
∑
∑
, avec i l’établissement. Ce taux agrégé donne ainsi plus de poids aux grands
établissements puisque la pondération est d’autant plus élevée que l’effectif de l’établissement est grand. La
moyenne des taux individuels s’écrit quant à elle : ∑
. Chaque établissement a alors le même
Graphique 1.6 : Taux agrégés de LMP et de LME et moyenne des taux individuels
Source : calculs de l’auteur à partir des EMMO-DMMO, Dares.
Champ : établissements de 10 salariés ou plus du secteur concurrentiel (hors agricole) de la France métropolitaine.
Nous tentons maintenant de comprendre comment ces évolutions se désagrègent au niveau du
secteur d’activité et de la taille d’effectifs des établissements (3.1.1), et comment elles se décomposent selon des indicateurs d’intensité et de diffusion, pour le motif économique du
licenciement (3.1.2), puis le motif personnel (3.1.3).
3.1.1 Des différences de niveau plus que d’évolution entre secteurs et tailles d’effectifs
L’usage des deux types de licenciement apparaît nettement différencié selon les secteurs d’activité et les tailles d’effectifs. De plus, le secteur de la construction semble connaître une
évolution particulière des deux types de licenciement par rapport aux autres secteurs d’activité
et à l’ensemble des établissements ; alors que les établissements de 50 salariés et plus utilisant le LMP se démarquent des autres catégories d’établissements.
Concernant les spécificités sectorielles, tout d’abord, le tableau en Annexe 1.9 p. 270 montre de grandes différences dans la distribution des modalités de rupture du CDI. Le taux de démission est ainsi le plus élevé dans le tertiaire ; alors que le taux de LMP est, quelle que soit
l’année, plus important dans les secteurs du tertiaire marchand et de la construction par rapport à l’industrie. Le secteur industriel se démarque par de plus faibles taux de démission
et de LMP, et au contraire un taux de LME plus élevé. Les secteurs de la construction et du
tertiaire marchand sont ainsi plus proches en termes d’usage quantitatif des deux types de
Graphique 1.7 : Moyenne des taux individuels de LME et de LMP selon les secteurs
d’activité
Taux de LME Taux de LMP
Source : calculs de l’auteur à partir des EMMO-DMMO,Dares.
Champ : établissements d’au moins 10 salariés du secteur concurrentiel (hors agricole) de la France métropolitaine
Du point de vue de l’évolution de ces taux, deux types de remarques peuvent être émises à
partir du Graphique 1.7.
D’une part, les secteurs de l’industrie et de la construction connaissent une évolution
différente par rapport au tertiaire marchand et à l’ensemble des établissements. Pour
l’industrie, la hausse du taux de LME est plus forte lors des périodes de ralentissement
conjoncturel (2001-2003 et 2008-2009), alors que le taux de LMP diminue plus fortement à partir de 2006. Quant au secteur de la construction, des évolutions particulières du taux de LMP et de LME apparaissent entre 2005 et 2008, mais elles ne sont pas particulières à notre
échantillon puisqu’on les retrouve dans les statistiques de la Dares, même si de façon moins
marquée (cf. Annexe 1.10 p. 271)49. Cependant, les spécificités conjoncturelles de l’industrie et de la construction ne jouent pas forcément sur l’évolution générale des taux de LME et LMP, comme le montre la courbe de l’ensemble des secteurs qui évolue de façon identique à celle du tertiaire marchand. Le poids de ces deux secteurs dans l’économie est en effet
relativement faible par rapport au tertiaire et celui de l’industrie tend même à diminuer sur la
période (cf. Annexe 1.11 p. 272).
D’autre part, pour le seul taux de LMP, les différences d’usage entre secteurs semblent s’accroître car l’écart entre les courbes est plus grand en fin de période par rapport au début. Cela s’explique par la baisse plus forte du taux de LMP dans l’industrie entre 2006 et 2010 et
au contraire la hausse plus forte de ce taux dans la construction entre 2006 et 2008.
49 Il semble en outre difficile de les expliquer : soit on peut penser à une véritable spécificité de ce secteur sur
cette période précise, soit cela pourrait provenir de difficultés de récupération des données statistiques sur ce secteur et à cette période (difficultés de recouvrement, puis de redressement statistique, par exemple).
L’influence de la taille des établissements est moins marquée sur l’utilisation des catégories
de rupture du CDI, sauf pour les démissions qui sont plus importantes dans les petits établissements (cf. Annexe 1.12 p. 273). De manière générale, les taux de chaque rupture
décroissent avec la taille de l’établissement, ce qui peut être en partie expliqué par la façon
dont est construit cet indicateur de taux qui rapporte le nombre de chaque rupture à l’effectif
de l’établissement. Concernant les évolutions selon les deux tranches d’effectifs retenus, peu
de différences sont à relever, excepté pour le taux de LMP dans les établissements de 50
salariés et plus qui décroche des deux autres catégories d’établissements entre 2002 et 2009. En réalité, les établissements de 10 à 49 salariés représentant 80 % de l’échantillon, l’évolution de l’ensemble des établissements est essentiellement déterminée par l’évolution de
ces petits établissements.
Graphique 1.8 : Moyenne des taux individuels de LME et LMP selon les tailles
d’effectifs
Taux de LME Taux de LMP
Source : EMMO-DMMO, Dares.
Champ : établissements d’au moins 10 salariés du secteur concurrentiel (hors agricole) de la France métropolitaine.
Ainsi, il ne semble pas ressortir d’effets de composition sectoriels ou de taille d’effectifs suffisamment importants pour influencer l’évolution générale de l’utilisation des deux
catégories du licenciement. Nous étudions maintenant ces évolutions au regard de deux
indicateurs, d’intensité de leur usage et de diffusion de leur recours.
3.1.2 La pratique du licenciement économique de moins en moins diffusée parmi les établissements
Notre principal questionnement est de comprendre si les évolutions observées de manière
licencient ou plutôt dans la diffusion des pratiques de licenciement parmi les établissements. Plusieurs indicateurs sont ainsi créés : la moyenne des taux individuels de chaque motif du