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ANALYSE DES OBJECTIFS OFFICIELS ET ENJEUX IMPLICITES DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE

SON EMPLOI : DES PRATIQUES ANCIENNES

2 ANALYSE DES OBJECTIFS OFFICIELS ET ENJEUX IMPLICITES DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE

2.1 UNE OPPORTUNITE DE NEGOCIATION ENTRE SALARIE ET EMPLOYEUR : UNE DIFFICILE CONCILIATION D’INTERETS DIVERGENTS POUR EXPLIQUER LE CHOIX DE LA RC

2.2 LA QUESTION DES CAPACITES DE NEGOCIATION ET DU CONSENTEMENT DU SALARIE DANS UNE RELATION DE SUBORDINATION

2.3 UNE BAISSE DE LA CONFLICTUALITE ET DU CONTENTIEUX JUDICIAIRE SUR LA RUPTURE : UN OBJECTIF DISCUTABLE IMPLIQUANT DES EFFETS PERVERS

Introduction

La crise financière puis économique, débutée en 2008, semble avoir révélée une pratique

particulière de réduction d’effectifs dans les entreprises, celle des plans de départs volontaires. L’acronyme de PDV s’est même installé dans le langage juridique81

et médiatique82, à côté du traditionnel PSE. Avec dans le même temps, la diffusion rapide de la rupture conventionnelle dans le paysage des ruptures du CDI (cf. chapitre 1), ces deux pratiques semblent indiquer un attrait nouveau pour des formes de ruptures que l’on peut qualifier de négociées, dans la

mesure où elles s’éloignent de la distinction traditionnelle établie en droit du travail entre le licenciement à l’initiative de l’employeur, et la démission à l’initiative du salarié. Le point

commun à ces deux types de rupture, PDV et RC, renvoie au fait qu’elles reposent sur

l’accord du salarié à la rupture et donc à la perte de son emploi, sans que la responsabilité

vienne nécessairement de ce dernier. Ces pratiques semblent donc brouiller les frontières des modalités de rupture en associant une responsabilité de l’employeur avec une adhésion du

salarié. L’enjeu du chapitre est alors de comprendre d’où émerge ce brouillage des frontières dans l’initiative de la rupture.

Ce questionnement nous conduit assez naturellement à adopter une perspective historique, qui débute dans les années 1960 et s’achève, tout au moins pour le moment, en 2008 avec la création de la RC. L’objectif du chapitre est d’abord de montrer que l’apparition de la RC peut être considérée comme l’aboutissement d’un processus, initié par les pouvoirs publics dans les années 1960, basé sur la recherche de l’adhésion du salarié à la perte de son emploi.

A partir d’une analyse spécifique à la RC, nous souhaitons ensuite révéler les enjeux

implicites et les éventuels effets pervers des objectifs qui lui ont été officiellement assignés. Cet intérêt particulier pour la RC a deux justifications : d’une part, elle devient la première modalité de rupture qui consacre, dans son principe même, le commun accord entre

l’employeur et le salarié, et d’autre part, elle a pris une place empirique significative dans l’ensemble des ruptures du CDI.

La première partie du chapitre est ainsi consacrée à la mise en perspective historique des pratiques de rupture comprenant une forme d’adhésion, voire d’accord, du salarié à la rupture

et par conséquent à la perte de son emploi. Il s’avère que ces pratiques reposent

81Cf. par exemple l’article de Favennec-Héry (2010) intitulé « PDV, PSE, PDR : un plan chasse l’autre ». 82 Pour prendre deux exemples parmi tant d’autres : Le monde, « Toujours plus de plans de départs volontaires »,

14 octobre 2012 ; Les échos, « Vers 500 à 600 départs volontaires chez les hôtesses et stewards d'Air France », 28 mars 2013.

essentiellement sur trois caractéristiques communes. Tout d’abord, elles sont anciennes, puisqu’elles datent des années 1960 avec les mesures publiques incitant le salarié à accepter son retrait précoce du marché du travail (préretraites). Ensuite, elles concernent des situations particulières de difficultés économiques dans les entreprises ou certains secteurs d’activité, et reposent ainsi sur une cause économique. Enfin, elles sont principalement encouragées par les pouvoirs publics, à travers la mise en place de politiques de gestion des salariés impliqués dans des restructurations. Ces politiques poursuivent plusieurs objectifs, mais qui semblent être animés par une même logique : atténuer les effets des suppressions d’emploi sur le chômage et les chômeurs, tout en les rendant moins conflictuelles socialement et judiciairement. Finalement, en créant un cadre formel aux ruptures d’un commun accord, la RC peut apparaître comme le point d’aboutissement de ce processus débuté il y a cinquante ans.

S’intéressant plus précisément à la RC, la seconde partie du chapitre cherche à discuter les objectifs officiels exposés lors de son introduction dans la législation. Ces objectifs officiels comportent en réalité des enjeux implicites concernant le rapport de force entre employeur et

salarié lors de la rupture de la relation d’emploi, et des effets pervers pouvant affecter les

droits des salariés. En effet, si la RC permet de donner un cadre formel à des ruptures consensuelles et négociées, il n’est pas garanti que la négociation qu’elle permet d’engager sur le principe et les conditions de la rupture aboutisse au choix de la RC comme modalité juridique de rupture. Il est nécessaire pour cela que la négociation parvienne à concilier les intérêts contradictoires de chaque partie à la relation de travail. Mais le rapport de force entre ces deux parties peut se trouver déséquilibré par le maintien, pendant la négociation, du lien de subordination juridique du salarié envers son employeur, de sorte que la valeur du consentement du salarié à la rupture peut être questionnée. Enfin, la réduction de la conflictualité et du nombre de contentieux sur la rupture du contrat de travail que permettrait

l’introduction de la RC pourrait conduire à des effets pervers. Elle rendrait moins visible les

conflits qui restent en réalité toujours présents, et diminuerait dans le même temps la capacité des salariés à recourir au juge pour éclairer justement ces conflits d’intérêt inhérents à la relation de travail.

1 L’émergence d’une forme d’accord du salarié à la perte de son

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