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Étude Bibliographique

2.2 Description acoustique du jet

2.2.2 Rayonnement acoustique du jet

D2Π Dt2∂x i µ c2∂Π ∂xi ¶¸ + 2∂uj ∂xi ∂ ∂xj µ c2∂Π ∂xi ¶ = −2γ∂u∂xj i ∂uk ∂xj ∂ui ∂xk . + D 2 Dt2 · 1 cp Ds Dt ¸ + 2∂uj ∂xi ∂ ∂xj µ 1 ρ ∂τik ∂xk ¶ − D Dt · ∂ ∂xi µ 1 ρ ∂τij ∂xj ¶¸

Le membre de gauche de cette analogie représente un opérateur de propagation pour des sources mobiles dans un écoulement moyen cisaillé et unidirectionnel. Le membre de droite, quant à lui, peut être considéré comme une description complète des sources purement acoustiques comportant les effets de fluctuations de vitesse (1erterme), les effets de fluctuations d’entropie (2e) ainsi que les effets de fluctuations des contraintes visqueuses (derniers termes). Toutefois, comme pour la formulation de Phillips, la limitation de cette approche réside dans la complexité du système différentiel obtenu, rendant sa résolution difficile.

2.2.1.d Powell (1964) et Howe (1975)

Une alternative à l’analogie de Lighthill est proposée par Powell [166], puis Howe [96], dans le but de relier plus explicitement la génération de bruit et la dynamique de l’écoulement. La thèse défendant l’idée que les structures tourbillonnaires présentes dans les écoulements cisaillés sont à l’origine de son rayonnement acoustique conduit Powell à faire apparaître le rotationnel du vecteur vitesse dans les termes sources acoustiques à partir d’une reformulation des équations de Navier-Stokes. Utilisant l’enthalpie totale comme variable acoustique, cette alternative à l’analogie de Lighthill est connue sous le terme générique de vortex sound.

Ce modèle, très utilisé pour les études de phénomènes aéroacoustiques, se limite néanmoins aux écoulements à faible nombre de Mach pour lesquels le terme source est facilement identifiable.

2.2.2 Rayonnement acoustique du jet

Les analogies acoustiques qui ont été développées ont permis, et permettent encore au-jourd’hui, une meilleur compréhension et modélisation des phénomènes physiques régissant la génération de bruit de nature hydrodynamique. En particulier, l’analogie de Lighthill, de par sa simplicité, a été largement exploitée afin de comprendre et caractériser le rayonnement acous-tique des jets turbulents. On se propose ici d’exposer ces considérations ainsi que les différentes contributions intervenant dans le rayonnement acoustique des jets supersoniques.

2.2.2.a Application de Lighthill au jet

L’analogie de Lighthill (éq.2.4) permet de réduire le problème de prédiction de l’émission acoustique d’un écoulement instationnaire en un problème classique de prédiction du champ acoustique émis par un volume source supposé connu. Une solution analytique de ce problème peut être exprimée en utilisant la fonction de Green en espace libre associée à l’opérateur de propagation : ρ(x, t) = 1 4πc2 0 Z V 1 |x − y| ∂2Tij

∂yi∂yj (y, t − τ) dy (2.6) où ρ désigne les fluctuations de masse volumique instationnaires en un point x du milieu am-biant, dues aux fluctuations du terme source ∂2Tij

∂yi∂yj dans le volume source V. Le retard τ exprime le temps de propagation des fluctuations du point d’émission y au point d’observation x :

τ = |x − y| c0

Du fait de la difficulté à déterminer la dérivée spatiale du terme source ∂2Tij

∂yi∂yj, la relation2.6

peut être remaniée de manière à en simplifier le calcul. Ainsi, la dérivation par rapport au point du volume source est transposée en une dérivation par rapport au point d’observation (Gold-stein [85]) : ρ(x, t) = 1 4πc2 02 ∂xi∂xj Z V2Tij |x − y| µ y, t −|x − y| c0 ¶ dy

D’autre part, si le point d’observation se situe en champ lointain, certaines simplifications peuvent être apportées. Dans cette région, définie par une distance du volume source largement supérieure à la longueur d’onde caractéristique (§2.4.1), les approximations suivantes sont vé-rifiées : |x − y| ≈ |x| ∂ ∂xi ≈ −xi |x| 1 c0 ∂ ∂t

De ce fait, la solution de l’analogie de Lighthill peut être approximée de la manière suivante :

ρ(x, t) = 1 4πc4 0 xixj |x|3 Z V2Tij ∂t2 µ y, t − |x − y| c0 ¶ dy (2.7)

Ainsi, ces trois variantes de la solution de l’analogie de Lighthill, les plus courantes, sont basées sur le même terme source Tij. Or ce tenseur est lui même composé de trois contributions rendant sa détermination délicate. Toutefois, dans le cadre des écoulements turbulents à haut nombre de Reynolds (jet subsonique haute vitesse, jet supersonique), les effets de génération de bruit associés aux contraintes visqueuses sont faibles et peuvent généralement être négligés. De plus, dans le cas des jets à température ambiante, les fluctuations de pression peuvent être considérées isentropiques. Finalement, pour les écoulements à nombre Mach restreint (Mj < 0, 6), les effets de compressibilité sont suffisamment faibles pour considérer la masse volumique du terme des fluctuations de vitesses comme constante. Cette hypothèse, levant l’indétermina-tion du système, est généralement supposée vérifiée même en configural’indétermina-tion supersonique. Dans le cadre d’une configuration de jet vérifiant l’ensemble de ces conditions, le terme source de l’analogie de Lighthill se résume à la contribution unique des fluctuations de vitesses :

Tij ≈ ρ0uiuj (2.8) Bien que le terme source puisse souvent être réduit à cette seule composante, sa connais-sance exacte sous forme instantanée sur l’ensemble du volume de l’écoulement est probléma-tique. Pour pallier cette indétermination, Lighthill suggère d’adopter une approche statisprobléma-tique.

2.2.2.b Approche statistique

L’analogie proposée par Lighthill permet d’accéder à une formulation analytique des fluc-tuations de masse volumique. Celle-ci nécessite toutefois la connaissance complète du terme source instationnaire Tij sur l’ensemble du volume de l’écoulement. Lighthill propose alors une approche statistique en introduisant la fonction d’auto-corrélation de ce tenseur. Cela permet alors de travailler non plus sur les fluctuations instantanées des sources de bruit mais directe-ment sur leur distribution spatio-temporelle. De plus, cette approche introduit la notion d’éner-gie acoustique produite, où intensité acoustique :

I(x) = p′2(x, t) ρ0c0

Cette intensité peut être déterminée à partir de la fonction d’auto-corrélation normalisée des fluctuations de pression :

Γ(x, τ ) = p(x, t)p(x, t + τ ) ρ0c0

en considérant un retard nul :

I(x) = Γ(x, 0)

Étant donné la solution de l’analogie de Lighthill en champ lointain (éq.2.7) et la relation entre la pression et la masse volumique en cette région (p=c2

0ρ), la fonction d’auto-corrélation normalisée peut analytiquement s’exprimer :

Γ(x, τ ) = 1 16π2c5 0ρ0 xixjxkxl |x|6 ZZ V2Tij ∂t2 (y, t) 2Tkl ∂t2 (y′′, t′′)dydy′′

où t et t′′ sont les temps de propagation des ondes issues des points sources respectivement localisés en y et y′′ pour parvenir au point d’observation x :

t = t −|x − y | c0 t ′′ = t −|x − y ′′| c0

L’introduction de la variable de séparation des points sources η = y′′−ypermet, en consi-dérant la turbulence comme stationnaire, de reformuler l’expression de l’intensité acoustique en champ lointain : Γ(x, τ ) = ρ0 16π2c5 0 xixjxkxl |x|64 ∂τ4 ZZ VRijkl µ y, η, τ + η c0 .x |x| ¶ dydη (2.9)

où Rijkl représente la fonction d’auto-corrélation spatio-temporelle du terme source de Ligh-thill :

Rijkl(y, η, τ ) = Tij(y, t)Tkl(y + η, t + τ ) ρ2

0

La présence du temps de retard η c0.x

|x| rend l’estimation de la fonction d’auto-corrélation normalisée Γ délicate. Le rapport η/c0 représente le temps de propagation des ondes entre les points sources y et y′′. Ce retard correspond alors au retard perçu au point d’observation x entre les ondes émises en y et y′′. Considérons l et τη les échelles caractéristiques de la turbulence respectivement spatiale et temporelle telles que :

Rijkl(y, η, τ )

Rijkl(y, 0, τ ) ≈ 0 , avec |η| > l Rijkl(y, η, τη)

Rijkl(y, η, 0) ≈ 0

Si l’échelle caractéristique temporelle est largement supérieure au temps de propagation dans un volume fluide cohérent, définie par l/c0, alors le tenseur Rijklne variera que faiblement en fonction du retard τ et l’approximation suivante pourra être posée :

Rijkl µ y, η, τ + η c0 x |x| ¶ = Rijkl(y, η, τ ) , si τη À l c0

En présence d’un écoulement moyen, cette hypothèse n’est toutefois pas vérifiée car, en raison de l’effet d’entraînement, les sources sont convectées. L’hypothèse d’un temps caractéristique supérieur au temps de propagation n’est alors pas validée. Ces échelles sont reportées sur la représentation dans le plan (η1, τ ) des iso-contours de l’auto-corrélation des vitesses longitu-dinales de la couche de mélange d’un jet subsonique en fig. 2.7(a) (Davies et al. [52]). Dans cette configuration d’écoulement, cette fonction de corrélation correspond au terme source de Lighthill. Celle-ci montre clairement la convection de la turbulence à la vitesse Uc = c0Mc représentée par une ligne en pointillés.

(a) Dans le repère fixe (b) Dans le repère mobile

FIG. 2.7 – Iso-contours de corrélations spatio-temporelles de vitesse longitudinale dans le repère fixe (gauche) et mobile (droite) d’un jet subsonique, d’après Davies et al. [52]

En faisant l’hypothèse d’un écoulement moyen quasi-unidirectionnel suivant l’axe y1, il est possible de se placer dans un repère mobile, convecté avec l’écoulement à cette vitesse Uc, en introduisant le changement de variable ξ = η −Ucτ y1 (Ffowcs-Williams [64], Ribner [168]). Cette variable correspond à une séparation spatiale dans le repère mobile entre les points y et y′′respectivement aux instants t et t+τ. La fonction d’auto-corrélation du tenseur de Lighthill s’exprime alors dans ce repère :

R(y, η, τ) = R(y, ξ, τ)

L’équivalence de la fonction d’auto-corrélation des vitesses longitudinales du jet donnée en fig.2.7(a)est représentée en fig.2.7(b)dans le plan (ξ1, τ ).

En introduisant l’angle θ entre la direction de l’écoulement y1 et la direction d’observa-tion x, l’applicad’observa-tion de ce changement de variable à la relad’observa-tion 2.9 permet d’exprimer l’auto-corrélation normalisée de la pression en champ lointain en fonction du tenseur d’auto-l’auto-corrélation des sources de Lighthill explicité dans le repère lié à la turbulence :

Γ(x, τ ) = ρ0 16π2c5 0 xixjxkxl |x|6 1 (1 − Mccos θ)5× ZZ V4Rijkl ∂t4 µ y, ξ, t + x |x|. ξ c0(1 − Mccos θ) ¶¯¯¯ ¯ t= τ (1−Mc cos θ) dξdy (2.10)

L’effet principal de la convection des sources est donc une amplification de l’intensité acous-tique rayonnée par un facteur (1−Mccos θ)5. Celui-ci est caractéristique d’une distribution de sources quadratiques mobiles avec pondération par un facteur d’effet Doppler (1−Mccos θ).

Dans le repère mobile, le temps caractéristique τξ de décroissance de la turbulence (l’équi-valent du temps τη dans le repère fixe) est maximal. Dans le cas des écoulements subsoniques et

faiblement supersoniques, celui-ci est largement supérieur au temps caractéristique de propaga-tion l/c0. Le retard x

|x|.c0(1−Mξ

ccos θ) peut alors être négligé dans l’expression2.10. Cela revient à considérer les structures en tant que sources compactes, c’est à dire ayant des dimensions ca-ractéristiques spatiales suffisamment petites devant la longueur caractéristique de l’onde émise.

Il peut également être noté que dès 1954, Lighthill [120] suggère l’existence de deux com-posantes de bruit distinctes : l’une associée à la turbulence fine et contribuant aux hautes fré-quences, et l’autre ayant pour origine l’interaction entre le champ turbulent et l’écoulement moyen, contribuant aux basses fréquences. Nommées respectivement “bruit propre” et “bruit de cisaillement”, ces contributions seront mathématiquement décrites par Ribner [169].

Ce dernier utilise la décomposition de Reynolds du champ de vitesse en une composante moyenne Ui et une composante fluctuante u

i. Considérant le terme source de Lighthill Tij dans sa version simplifiée (éq.2.8), sa fonction d’auto-corrélation devient :

Rijkl(y, η, τ ) = (Ui+ u

i)(Uj + u

j)(Uk+ u

k)′′(Ul+ u l)′′

où les exposants et ′′ indiquent des grandeurs respectivement relatives aux positions spatio-temporelles (y, t) et (y+ η, t + τ ).

Dans le cas d’un écoulement parallèle de direction y1, ce tenseur de corrélation d’ordre 4 du champ de vitesse prend la forme :

Rijkl(y, η, τ ) = u iu ju′′ ku′′ l + U1U1′′iku ju′′ l + δjlu iu′′ k+ δjku iu′′ l + δilu ju′′ k) + U 11iu ju′′ ku′′ l + δ1ju iu′′ ku′′ l) + U1′′1ku iu ju′′ l + δ1lu iu ju′′ k)

où les termes quadratiques du champ moyen sont retirés car constants dans le temps et ne contribuant donc pas au rayonnement (du fait de la dérivation temporelle ∂4/∂τ4dans l’expres-sion2.9).

Le premier terme est la corrélation d’ordre 4 des fluctuations de vitesse. C’est le bruit propre engendré par l’interaction de la turbulence avec elle-même. Le second terme, en corrélation d’ordre 2, constitue le bruit de cisaillement induit par l’interaction de l’écoulement moyen avec la turbulence. Les deux derniers termes sont des corrélations d’ordre 3. Dans l’hypothèse d’une turbulence isotrope, ceux-ci ne contribuent par au rayonnement acoustique, leur intégration sur l’ensemble du volume source V étant nulle.

Pour un jet axisymétrique, Ribner [169] montre que seules les corrélations définies par des paires d’indice (i, j, k, l) égales contribuent au rayonnement acoustique. Il est alors possible de définir la directivité des contributions de bruit propre et cisaillé. Celles-ci sont reportées sur les figures2.8(a) et2.8(b) respectivement dans le cas d’une turbulence isotrope et axisymétrique. Dans le premier cas, le bruit propre est omnidirectionnel alors que la directivité du bruit de cisaillement est identique à celle d’un dipôle orienté suivant l’axe du jet. Pour une turbulence axisymétrique, la directivité du bruit propre devient celle d’un dipôle orienté suivant la direc-tion normale à l’axe de l’écoulement, le bruit de cisaillement reste identique à un dipôle orienté suivant l’axe du jet.

Cette décomposition du bruit de mélange en bruit propre et cisaillé est cependant quelque peu contestée (Tam [178]), suggérant que ces contributions ne peuvent correspondre à des mé-canismes différents et ne sont que des contributions mathématiques.

L’ensemble de ces considérations théoriques concernant le rayonnement acoustique d’écou-lements turbulents permet de déterminer les caractéristiques du bruit de jet.

(a) Turbulence isotrope (b) Turbulence axisymétrique

FIG. 2.8 – Directivité des composantes de bruit propre (- - -) et de bruit de cisaillement (—), Bailly [12]

2.2.2.c Rayonnements des jets subsoniques

Directivité Le rayonnement acoustique d’un jet subsonique peut être caractérisé par le biais d’une analyse dimensionnelle de l’expression analytique de la fonction d’auto-corrélation de pression normalisée 2.10. En supposant une distribution de sources quadripolaires compactes (non prise en compte du temps de retard), une loi d’évolution de l’intensité acoustique rayonnée en champ lointain peut être formulée :

I(|x|, θ) ∝ D 2 |x| U8 j c5 0 1 (1 − Mccos θ)5

Cette relation montre que la directivité du rayonnement est principalement caractérisée par un facteur (1−Mccos θ)5dû au mouvement des structures turbulentes de l’écoulement. Cette évolu-tion n’est que partiellement validée expérimentalement (fig.2.9(a)). En effet, l’intensité acous-tique du jet subsonique est maximale pour des angles de 20˚ à 30˚(Lush [130], Tanna [180]). Pour les angles faibles, les effets de réfraction des ondes acoustiques dans la couche de mélange du jet induisent une décroissance de l’intensité (Ribner [167]). Or, ce phénomène n’est pas pris en compte par le facteur de directivité. Considérant un temps fini de désagrégation des tour-billons, Ffowcs-Williams [64] apporte une correction à cette directivité définissant un facteur de la forme :

C−5

(1 − Mccos θ)2+ α2Mc2¤−5 2

où le coefficient empirique α=0,55.

La puissance acoustique du jet W est déterminée par l’intégration de l’intensité acoustique I rayonnée sur une sphère de rayon |x| :

W = Z π

0 2π|x|2I(x, θ) sin θdθ

D’un point de vue dimensionnel, elle vérifie l’expression suivante (Lush [130]) :

W ∝ ρ0D2U 8 j c5 0 1 + M2 c (1 − M2 c)4

Il s’agit de la fameuse loi en U8

(a) Directivité acoustique, Lush [130] (b) Niveau de puissance acoustique, Candel [37].

FIG. 2.9 – Directivité et niveau de puissance acoustique rayonnée par les jets subsoniques froids

expérimentalement (fig.2.9(b)).

Répartition spectrale d’énergie Les résultats expérimentaux montrent que le rayonnement acoustique émis par un jet turbulent subsonique présente une distribution spectrale large bande. S’appuyant sur la transformée de Fourrier de la fonction d’auto-corrélation2.10en champ loin-tain, il peut être montré que le spectre tiers d’octave est uniquement fonction du nombre de Strouhal par l’application d’un facteur de normalisation ρ2

0U8

j(D/x)2/c4 0.

À 90˚, ce spectre présente un maximum pour un nombre de Strouhal StD unitaire (fig.2.10). Il est à noter que les contributions hautes fréquences sont généralement associées à la turbulence fine de l’écoulement et les basses fréquences aux structures grandes échelles. Ces structures se déplaçant dans l’écoulement, la fréquence centrale du spectre acoustique diminue avec l’angle d’observation θ (effet Doppler).

FIG. 2.10 – Spectres de pression acoustique normalisés mesurés à 90˚ pour un jet subsonique, Blake [22]

2.2.2.d Rayonnements des jets supersoniques

Dans le cadre des jets supersoniques, le bruit de mélange n’est pas la seule contribution au rayonnement acoustique. Une seconde famille de mécanismes de génération de bruit peut être distinguée, associée aux structures cohérentes de la couche de mélange et à leurs interactions avec le réseau d’ondes de choc éventuellement présent. Ces diverses contributions acoustiques présentent des caractéristiques différentes et peuvent être identifiées dans le spectre de puissance acoustique d’un jet non adapté (fig.2.11).

FIG. 2.11 – Exemple de densité spectrale de puissance acoustique d’un jet supersonique non-parfaitement détendu mesuré à θ=30˚ (Tam [178])

Bruit de mélange Le bruit de mélange est la seule composante acoustique commune aux jets subsoniques et supersoniques. Résultant des fluctuations de vitesses au sein de l’écoule-ment, ces sources acoustiques sont de nature quadripolaire. Ce rayonnement est constitué des deux contributions, nommées bruit propre et bruit de cisaillement, respectivement induites par l’interaction des fluctuations turbulentes avec elles-mêmes et avec l’écoulement moyen. Il est principalement dirigé dans la direction aval du jet, prédominant dans le secteur angulaire de 20˚ à 60˚ (par rapport à l’axe du jet), présentant un maximum généralement autour de 30˚. Sa répar-tition spectrale d’énergie est large bande, centrée sur un nombre de Strouhal StD d’autant plus faible que l’angle d’observation considéré est faible. En amont de l’écoulement (θ > 90˚), le spectre de pression acoustique est quasiment indépendant de l’angle pouvant alors être associé à un bruit de fond. Il est à noter que le rapport de ce bruit de fond au rayonnement acoustique dans la direction aval est d’autant plus faible que le nombre de Mach du jet Mj est élevé.

Quand la vitesse de convection des structures turbulentes du jet devient supersonique, une autre contribution vient s’ajouter au bruit de mélange. Celle-ci est induite par le déplacement d’ondes d’instabilités à une vitesse supérieure à la vitesse du son (wavy wall). Un réseau d’ondes planes de fort niveau est alors généré, constituant une contribution dominante du bruit de mé-lange. L’angle de propagation de ces ondes est appelé l’angle de Mach θc(fig.2.12(a)). Il vérifie

la relation :

θc= acos¡ Mc−1¢

(2.11) Il est possible d’identifier ces ondes acoustiques au moyen de visualisation strioscopique comme sur la figure 2.12(b) réalisée par Panda et Seasholtz [154] sur un jet supersonique adapté de nombre de Mach Mj=1,8.

(a) Mécanisme de génération des ondes de Mach

(Tam [178]) (b) Visualisation strioscopique d’un jet parfaitementadapté à Mj=1,8 (Panda et Seasholtz [154]).

FIG. 2.12 – Mécanisme de génération et visualisation strioscopique des ondes de Mach d’un jet supersonique

S’appuyant sur la solution de l’analogie de Lighthill en champ lointain (éq.2.10), une ana-lyse dimensionnelle permet de définir une loi d’évolution de l’intensité acoustique rayonnée. Cette relation présente une singularité en Mc= acos (M−1

c ) correspondant à la mise en défaut de l’hypothèse de compacité des sources lorsque le nombre de Mach convectif est supersonique. De ce fait, conservant l’information de retard dans l’expression, la loi d’évolution de l’intensité s’écrit (Ffowcs-Williams [64]) :

I(x) ∝ ρ0

D2

|x|2Uj3

La puissance acoustique de l’écoulement est alors proportionnelle au cube de la vitesse d’éjec-tion, vérifiant la loi adimensionnelle suivante :

W ∝ ρ0D2Uj3 Cette évolution est retrouvée expérimentalement (fig.2.9(b)).

Lorsque le jet n’est pas adapté (i.e. que la pression statique en sortie de tuyère n’est pas égale à la pression du milieu ambiant), un réseau de cellules de chocs se forme dans l’écoulement permettant d’assurer le nécessaire retour à l’équilibre. Dans ce cas, deux nouvelles contributions au rayonnement acoustique du jet apparaissent.

Bruit de choc large bande Identifiée par Harper-Bourne et Fisher [91], l’une de ces compo-santes est nommée bruit de choc large bande (broadband shock noise). Elle est due à l’interac-tion des structures grandes échelles du jet avec les cellules de choc. En effet, ces structures sont suffisamment énergétiques pour déformer les cellules de choc, occasionnant une instabilité des ondes de chocs. Des perturbations acoustiques sont alors générées.

Ce rayonnement est large bande, centré sur une fréquence supérieure à la fréquence du maximum d’énergie du bruit de mélange. L’espacement régulier des cellules de chocs, le ca-ractère quasi-périodique des structures grandes échelles et leur vitesse de convection constante induisent une directivité bien marquée de ce rayonnement lié à un effet Doppler. Tam [178] définit la fréquence centrale de ce rayonnement à l’aide de la relation empirique :

fb = Uc

Li[1 + Mccos(θ)] (2.12) où Ucet Mcsont respectivement la vitesse et le nombre de Mach convectif de l’écoulement. Li

est la longueur des cellules de choc. Pour un jet légèrement non adapté, elle est définie par la relation suivante basée sur la réflexion des ondes de choc sur la couche de mélange entourant la zone irrotationnelle :

Li = π(Mj2− 1)1/2Da σi

où Mj est le nombre de Mach du jet et Da est le diamètre équivalent adapté (i.e. nécessaire à l’obtention d’un jet adapté de même vitesse avec le même diamètre de col). σi est la ie racine de la fonction de Bessel d’ordre zéro J0i)=0.

Ce rayonnement est principalement observé dans la zone amont du jet (θ > 90˚). Expéri-mentalement, son intensité acoustique est observée comme fonction du nombre de Mach du jet adapté équivalent Maà la puissance 4 (Tanna [180]) :

I ∝ (Ma2− 1)2

Bruit de raie La seconde contribution acoustique pouvant apparaître pour les jets superso-niques non-adaptés est le bruit de raie, également nommé bruit de bouclage (Screech tone). Powell [165] fut l’un des premiers à étudier ce phénomène. Il montre que ce rayonnement acoustique est induit par un mécanisme de contre-réaction associant les ondes d’instabilités, les cellules de chocs et les ondes acoustiques.

Ce bruit, dit de raie car correspondant à une fréquence pure, est dû aux ondes d’instabilités prenant naissance au bord de fuite de la tuyère. Convectées dans l’écoulement, leur niveau énergétique augmente jusqu’à être suffisant pour interagir avec le choc oblique généralement de la troisième ou quatrième cellule de choc. Cela occasionne la génération d’ondes acoustiques. Ces perturbations de pression se propagent alors en amont de l’écoulement jusqu’à venir exciter les instabilités en sortie de tuyère qui seront, de ce fait, amplifiées et pourront, à leur tour,