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Étude Bibliographique

2.2 Description acoustique du jet

2.2.3 Calculs numériques en aéroacoustique

Mj2− 1¢−1/2 " 1 + 0, 7Mj µ 1 + γ − 1 2 M 2 j−1/2µ Ts Ta−1/2#−1

où Mj est le nombre de Mach du jet de diamètre d’éjection D, Tset Tasont respectivement les températures du jet et du milieu ambiant.

Le bruit de raie peut présenter des niveaux très élevés pouvant entraîner des oscillations (toroïdales ou hélicoïdales) de l’écoulement de jet lui-même.

La littérature traitant de l’aéroacoustique est vaste. Toutefois, le lecteur voulant approfondir le sujet concernant la génération et la caractérisation du rayonnement acoustique des écoule-ments cisaillés trouvera en Goldstein [85], Ribner [170] ou encore Crighton [49] d’excellentes revues. Une revue détaillée du rayonnement acoustique du jet supersonique sera également trou-vée dans les travaux de Tam [178]. Il est également à noter que les effets de température sur le rayonnement acoustique des jets n’ont pas été abordés ici car dépassant le cadre de cette étude. Cependant, une revue complète pourra être trouvée dans les travaux de Marchesse [135].

De nombreuses études théoriques et expérimentales ont été et sont menées sur les méca-nismes de génération de bruit par les écoulements, entre autres turbulents. Avec l’avènement des moyens de calculs de plus en plus puissants, de nouvelles possibilités se sont ouvertes.

2.2.3 Calculs numériques en aéroacoustique

Récemment, la communauté aéroacoustique s’est dotée de nouveaux outils en l’utilisation des calculs numériques. En effet, l’avancement des méthodes numériques développées dans le cadre des calculs aérodynamiques (CFD pour Computational Fluid Dynamics) ainsi que l’aug-mentation de la puissance de calculs disponibles (Loi de Moore toujours vérifiée au jour d’au-jourd’hui1) ont rendu possible la réalisation de calculs numériques d’aéroacoustique (commu-nément nommé CAA pour Computational AeroAcoustics). L’objectif de ces nouveaux outils se veut double en favorisant la compréhension des mécanismes physiques responsables de la génération de bruit des écoulements turbulents d’une part, et en permettant la prédiction de ces rayonnements acoustiques d’autre part.

Numériquement, plusieurs approches du problème peuvent être envisagées. Celles-ci peuvent être classées en trois catégories (Lighthill [121]) :

– résolution des équations de Navier-Stokes de manière à déterminer l’écoulement ainsi que sa composante acoustique sur l’ensemble du domaine ;

– résolution similaire des champs dynamique et acoustique mais sur un domaine restreint ne comprenant que l’écoulement. Le champ acoustique lointain est calculé à partir des conditions aux frontières de ce domaine par des modèles de propagation ;

– détermination de l’écoulement en champ proche de sorte à en déterminer les sources acoustiques à l’aide d’une analogie acoustique permettant de calculer le champ acoustique lointain.

La première catégorie est généralement qualifiée de “méthode directe” car déterminant di-rectement l’ensemble des données. Les autres approches sont appelées “méthodes hybrides”. La première de ces méthodes simplifie les calculs en découplant la génération de bruit et son

1Co-inventeur du transistor, en 1965 Gordon E. Moore prévoyait le doublement du nombre de transistors pour une même surface tous les 18 mois. Actuellement, ce facteur s’effectue sur une période moyenne de 2 ans et devrait encore se vérifier jusqu’en 2015

rayonnement acoustique par l’utilisation de calculs de propagation. La seconde méthode consi-dère séparément la dynamique de l’écoulement et le phénomène de génération de bruit.

Pour chacune des ces catégories, les principales méthodes utilisées sont introduites dans cette section. L’ensemble des techniques abordées est loin de constituer une liste exhaustive des techniques existantes, ce qui dépasserait largement le cadre de cette étude, mais permet l’introduction des méthodes les plus utilisées, de leurs avantages et restrictions. Une sensibili-sation aux contraintes propres aux calculs aéroacoustiques sera trouvée dans la revue de Wells et Renaut [191] et plus récemment dans celle de Wang et al. [190].

2.2.3.a Calculs Directs

Cette famille de méthodes est directement issue des applications purement aérodynamiques. Ce type d’approche peut être qualifié de calcul direct dans le sens où l’ensemble des champs, hy-drodynamique et acoustique, sont simultanément calculés par résolution complète des équations de Navier-Stokes compressibles instationnaires. Deux techniques sont classiquement dévelop-pées et employées en laboratoire.

La première de ces techniques est appelée “simulation numérique directe” ou DNS (Direct Numerical Simulation). Ce type de calculs est considéré comme le plus exact car résolvant intégralement les équations régissant le mouvement des fluides en ne faisant intervenir aucune modélisation. Toutes les échelles spatiales et temporelles sont ainsi déterminées. Cet avantage constitue également un inconvénient, restreignant son application à des écoulements ayant un nombre de Reynolds modéré. En effet, le nombre de Reynolds, rapport des forces d’inertie aux effets visqueux, est représentatif de la gamme des échelles présentes au sein de l’écoulement et conditionne la taille des mailles de calculs nécessaires à leur résolution. Le nombre de points de calculs augmente alors fortement avec le nombre de Reynolds se heurtant à des limitations techniques en terme de moyen de calculs. Le nombre de point nécessaire est généralement considéré proportionnel au nombre de Reynolds suivant la relation N3∝R9/4e .

L’application de cette méthode en aéroacoustique présente également des contraintes spé-cifiques du fait du calcul simultané sur un grand domaine de deux champs aux caractéristiques distinctes. Ainsi, les échelles spatiales caractéristiques d’un écoulement subsonique sont très inférieures aux longueurs d’ondes acoustiques, imposant une résolution fine du domaine et conduisant à un nombre de points de calculs élevé. De même, les fluctuations de vitesses acous-tiques sont largement inférieures aux vitesses hydrodynamiques. Des schémas numériques de haute précision sont alors requis. Il est également à noter que les erreurs numériques liées à la discrétisation du problème peuvent aussi agir comme sources de bruit artificiel. On notera éga-lement que les échelles temporelles sont inversement proportionnelles au nombre de Mach de l’écoulement. Leur résolution peut alors nécessiter un pas de temps de calculs faible, condui-sant à des coûts de calculs élevés. Finalement, une vigilance particulière est exigée quant au traitement des conditions aux frontières du domaine de calculs, nécessitant l’imposition de conditions d’absorption modélisant un espace libre en supprimant les réflexions acoustiques (voir Givoli [80]). L’ensemble de ces exigences explique la difficulté de réalisation de ce type de calculs et justifie son apparition récente et le fait qu’il ne soit encore que peu répandu.

Les premiers calculs directs du rayonnement acoustique d’écoulements cisaillés libres sont l’œuvre de Colonius et al. [47] pour la couche de mélange, de Mitchell et al [142] pour le jet axisymétrique dont un résultat est donné en figure2.13. Ils ont montré la faisabilité de ce type d’approche, obtenant des résultats similaires à ceux d’autres techniques. Les travaux de Freund et al.[72,70] sur des jets tridimensionnels subsonique et supersonique peuvent également être cités.

(a) Jet Mj=0,4 (b) Jet Mj=0,4

FIG. 2.13 – Iso-contours instantanés de vorticité dans la zone hydrodynamique et dilatation en champ lointain, DNS Mitchell et al [142]

L’une des alternatives à l’utilisation des DNS, en particulier pour pallier la limitation en terme de nombre de Reynolds, peut être la simulation aux grandes échelles (LES pour (Large-Eddy Simulation). En effet, cette technique permet de diminuer la résolution spatiale du do-maine, et donc de réduire la puissance de calculs nécessaire, en se bornant à la résolution des grandes échelles de l’écoulement. Les effets de dissipation visqueuse aux petites échelles non-résolues sont modélisés par un modèle “sous-maille” (voir par exemple Lesieur et Metais [114]). Une application récente de cette méthode au cas du rayonnement acoustique d’un jet sera trou-vée dans Bogey et al. [23].

2.2.3.b Méthodes de propagation

Les méthodes directes sont des techniques lourdes en terme de calcul. L’ensemble des gran-deurs physiques est déterminé sur un large domaine, s’étendant jusqu’au champ lointain. Hors, en cette zone, seul le rayonnement acoustique est présent. Des méthodes plus simples peuvent y être utilisées. C’est le principe des méthodes de propagations pour lesquelles les calculs en champ proche, englobant l’écoulement, et le champ lointain, sont découplés.

Ainsi, le champ proche est calculé par une méthode directe. Les conditions aux frontières de ce domaine sont propagées en champ lointain par résolution numérique ou analytique de l’équation d’onde.

Équation des ondes convectées Cette méthode fut introduite par Freund [69]. Elle se propose de calculer la propagation acoustique dans la région située en dehors de la zone source par résolution de l’équation des ondes convectées :

△p − 1 c2 0

D2p Dt2 = 0

Le couplage entre la région de l’écoulement, où sont résolues les équations de Navier-Stokes in-compressibles, et la région de calcul de propagation linéaire par l’équation des ondes convectées

nécessite un chevauchement des domaines de calcul. Cette interface joue le rôle de zone d’en-trée du calcul de propagation et remplace les conditions aux limites nécessaires aux équations de Navier-Stokes. Or, l’équation des ondes convectées ne porte que sur le terme de pression et le transfert des données d’un domaine à l’autre n’est donc pas immédiat. Ceci peut alors entraîner l’apparition d’instabilités dans l’utilisation du modèle de propagation.

Cette méthode présente toutefois un avantage majeur en terme de coût de calcul. Elle est appliquée par Freund [69] pour calculer le rayonnement acoustique d’un jet axisymétrique de nombre de Mach Mj=0,9 obtenu par DNS.

Formulation intégrale de Kirchhoff Au lieu de résoudre numériquement l’équation de pro-pagation, la formulation intégrale de Kirchhoff permet d’en déterminer directement la solution en un point quelconque de l’espace où l’équation d’onde linéaire homogène est vérifiée.

En effet, considérant un volume fini (Vs) contenant l’ensemble des sources et effets non linéaires, on se propose de déterminer la solution de propagation acoustique en un point M du volume (V0) où l’équation d’onde linéaire homogène est vérifiée (fig.2.14) :

△p(r, t) −c12 0

2p(r, t) ∂t2 = 0

Pour se faire, une solution est définie par convolution avec la fonction de Green en espace libre, solution de l’équation : △G(r, t|r0, t0) − 1 c2 02G(r, t|r0, t0) ∂t2 = −δ(r − r0)δ(t − t0) s (V ) (S )0 r−r0 0 (V ) ns 0 r M Point d’observation Surface de Kirchhoff Volume source r

FIG. 2.14 – Représentation schématique et notations de la formulation intégrale de Kirchhoff

Les perturbations acoustiques en un point quelconque du domaine linéaire (V0) peuvent alors s’exprimer par l’intégration des fluctuations de pression sur une surface fermée (S0) quel-conque de ce domaine, contenant le volume source (Vs) (Bruneau [34]) :

p(r, t) = −1 ZZ S · 1 R ∂p(r0, t0) ∂ns +p(r0, t0) R2 ∂R ∂ns + 1 Rc0 ∂p(r0, t0) ∂t0 ∂R ∂ns ¸ t0=t−τ dS0

où nsest la normale extérieure à la surface (S0), R = |r−r0| est la distance du point de calcul au point de la surface et τ =R/c0est le temps de propagation entre ces points.

Dans le cadre de calculs aéroacoustiques, la zone source (Vs) correspond à l’écoulement. Les équations de Navier-Stokes incompressibles y sont résolues, permettant l’obtention du champ de pression sur une surface (S0). Le choix de cette surface constitue la limitation ma-jeure de cette méthode. En effet, celle-ci doit se situer dans le domaine acoustique linéaire. Cela pose deux difficultés. La première est qu’il est compliqué de déterminer la limite à partir de laquelle cette hypothèse est vérifiée. La position de cette surface est alors délicate à définir. De plus, cette formulation est exacte pour une surface (S0) fermée. Or, il n’est pas possible de fermer cette surface sans tronquer l’écoulement où l’hypothèse de linéarité n’est plus valable. Cette surface est donc généralement ouverte, la section aval étant négligée.

Des résultats conformes aux résultats de calculs directs ont été obtenus en utilisant cette méthode par Freund et al. [71], Colonius et al. [47], Mitchell et al. [142], où encore plus récem-ment par Uzun et al [189]. Lyrintzis [131] propose une revue des applications de cette méthode aux calculs aéroacoustiques.

Ne nécessitant que la connaissance du champ de pression, cette méthode sera utilisée dans la présente étude où le rayonnement acoustique d’un jet supersonique est estimé à partir de mesures expérimentales (§6.5et annexeE).

2.2.3.c Analogies acoustiques

Les méthodes directes ainsi que les méthodes hybrides permettent de déterminer le rayonne-ment acoustique d’un écoulerayonne-ment. Toutefois, elles ne permettent pas d’en distinguer les sources acoustiques. Elles se prêtent donc bien aux calculs du rayonnement acoustique mais elles restent limitées en terme d’analyse des mécanismes de génération de bruit.

Basée sur les analogies acoustiques, la troisième catégorie des méthodes employées en cal-cul aéroacoustique permet cette distinction. L’écoulement est calcal-culé par résolution des équa-tions de Navier-Stokes. Des sources acoustiques sont alors déterminées à partir du champ hy-drodynamique permettant ainsi l’analyse des mécanismes de génération de bruit ainsi que du rayonnement acoustique. L’expression de ces sources dépend de l’opérateur de propagation choisi.

Lighthill et ses dérivées L’analogie la plus classiquement employée est l’analogie de Ligh-thill introduite au §2.2.1.a. Le rayonnement acoustique de l’écoulement est défini par l’intégra-tion d’un terme source sur l’ensemble de son volume. Ce terme source est défini à partir du champ hydrodynamique. Celui-ci peut être obtenu par la résolution numérique des équations de Stokes compressibles, mais aussi et plus paradoxalement, des équations de Navier-Stokes incompressibles dans le cas d’écoulement à faible nombre de Mach ou encore des équa-tions moyennées de type RANS (Reynolds Averaged Navier-Stokes) couplées à un modèle de turbulence synthétique s’appuyant sur l’énergie cinétique k et la dissipation ² (modèle SNGR, Stochastic Noise Generation and Radiation, Béchara et al [16]).

Comme cela a été développé précédemment, les effets de convection et de réfraction des perturbations acoustiques par le champ hydrodynamique sont compris dans le terme source de Lighthill. Ces interactions ne constituent pourtant pas une source de bruit à proprement parlé et ne devraient par conséquent pas être considérées comme telle. Les analogies de Phillips (§2.2.1.b) ou encore de Lilley (§2.2.1.c) peuvent alors être utilisées pour définir le terme source. Celui-ci est plus simple mais le prix en est un opérateur de propagation plus complexe (car in-tégrant ces interactions entre les champs hydrodynamique et acoustique). La solution de ces équations n’est généralement pas triviale et se limite à des configurations d’écoulement simple.

partir de calculs DNS de la zone hydrodynamique et s’appuyant respectivement sur les analogies acoustiques de Lilley et de Lighthill, ont pu montrer un très bon accord avec leurs résultats issus de simulations directes. Utilisant également des données issues de calculs DNS, Freund [70] montre que les niveaux maximaux du tenseur de Lighthill sont situés de part et d’autre de l’axe du jet, en fin de zone potentielle (fig.2.15).

(a) Valeur instantanée

(b) Valeur RMS

FIG. 2.15 – Iso-contours du terme source de Lighthill, DNS de jet Mj=0,9, Freund [70]

Équation d’Euler linéarisées En pratique, les écoulements moyens rencontrés sont rarement bidimensionnels ou unidirectionnellement cisaillés et ne correspondent donc pas aux hypo-thèses de l’analogie de Lilley (§2.2.1.c). Un opérateur de propagation exact pour tout type d’écoulement doit donc être défini. Celui-ci peut être trouvé en l’utilisation des équations d’Eu-ler linéarisées (LEE pour Linearized Eud’Eu-ler’s Equations). Ces équations supportent à la fois les ondes acoustiques et les fluctuations aérodynamiques de nature tourbillonnaire ou entropique. De ce fait, elles prennent en compte toutes les interactions linéaires entre les fluctuations acous-tiques et un champ aérodynamique moyen quelconque. Elles peuvent être appliquées dans le cas de géométries complexes, en particulier dans les configurations d’écoulements confinés, car il n’y a pas à connaître la fonction de Green associée aux problèmes. De plus, ces équations sont faciles à résoudre car formant un système différentiel du premier ordre.

Afin d’assurer la génération du bruit dans les équations, un terme source doit y être introduit. Celui-ci est associé aux seules équations de quantité de mouvement. Déterminé à partir des données du calcul aérodynamique, il prend la forme suivante (Bogey et al. [24]) :

Su = −∂ρ

(0)u(0)i u(0)j ∂xj

Ce terme source contient les contributions de bruit propre et de bruit de cisaillement de la turbu-lence. Un second terme source peut être ajouté afin de prendre en compte les effets anisothermes

pour les écoulements chauds (Golansky [84]) :

St= −∂ρ

(0)u(0)i ∂t

Celui-ci correspond au bruit d’entropie dans les analogies de Lighthill, Phillips et Lilley.

Depuis ces 10 dernières années, cette méthode est très utilisée et fait l’objet de nombreuses études. Deux thématiques sont principalement développées. La première porte sur les méthodes numériques de résolution des LEE et sur le traitement des conditions aux frontières du domaine qui, comme pour les méthodes directes, doivent présenter des propriétés de non réflexion des ondes acoustiques. La seconde thématique s’intéresse au couplage des LEE avec les méthodes CFD utilisées pour le calcul du champ aérodynamique. La définition des sources introduites dans les LEE en est un aspect déterminant.

Il est également à noter que les LEE peuvent également être utilisées comme méthode de propagation, permettant de propager les conditions aux frontières du calcul aérodynamique en champ lointain. Contrairement à la méthode des ondes convectées précédemment introduite, les LEE traitent les même grandeurs physiques que le calcul aérodynamique. L’interfaçage des données est alors immédiat.

Au cours des précédentes synthèses sur la dynamique et l’acoustique des jets, les structures turbulentes de l’écoulement ont été mentionnées à plusieurs reprises. Leur définition n’ayant toutefois pas encore été abordée, celle-ci fait l’objet de la section suivante.