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Le champ proche : Une zone d’interactions

4.1 Observations expérimentales

La configuration expérimentale dans laquelle les mesures de pression proche du jet subso-nique ont été réalisées est sommairement présentée.

Une confrontation des spectres obtenus, avec les propositions formulées par Arndt et al. [9], permet une discussion sur la répartition spectrale d’énergie, parallèlement à une discussion sur l’évolution spatiale de cette répartition.

Enfin, les fonctions de cohérence obtenues expérimentalement sont décrites. En effet, le modèle d’interaction proposé dans ce chapitre repose sur l’interprétation de ces fonctions.

4.1.1 Configuration expérimentale

Afin d’étudier les interactions possibles entre les deux composantes de la pression, une série de mesures a été réalisée par F. Ricaud [171] dans le champ proche d’un jet subsonique Mj=0,3 (cf. AnnexeB).

Une antenne constituée de 31 microphones 1/4 de pouce, espacés de 10 mm, a été placée dans le champ proche du jet. L’antenne est alignée avec l’axe du jet et sa position radiale est repérée par la position r1/D du premier microphone qui se situe dans le plan de la section d’éjection. Elle est inclinée de 9˚ par rapport à l’axe du jet de manière à suivre l’expansion de l’écoulement. Les microphones se répartissent entre les positions x/D=0 et x/D=5,92, cou-vrant ainsi une fois et demi la longueur du cône potentiel, qui a été trouvée être de longueur Lc=4,2D.

Les mesures ont été réalisées pour 9 positions radiales de l’antenne, représentées sur le schéma 4.1(b), comprenant 6 positions allant de r1/D=0,5 à r1/D=1 par pas de 0,1D puis 3 positions allant de r1/D=2 à r1/D4 par pas de 1D. La photographie 4.1(a) représente cette

antenne en configuration de mesures. Pour chaque position, une acquisition synchrone des 31 mesures microphoniques est effectuée à une fréquence d’échantillonage de 50 kHz pendant 50 secondes.

(a) Montage (b) Points de mesure

FIG. 4.1 – Dispositif expérimental, antenne inclinée champ proche, jet subsonique (Ri-caud [171])

4.1.2 Spectres de pression

Ces données ayant déjà fait l’objet d’une précédente étude [171], nous ne reprendrons pas ici l’ensemble des résultats mais porterons notre attention sur une analyse des mesures dans le domaine spectral. On se place ici dans le contexte des analyses d’Arndt et al. [9] portant sur la séparation entre les contributions hydrodynamique et acoustique (§2.4.2).

Pour illustrer cette analyse, on s’appuie sur les spectres de pression représentés sous forme adimensionnée, pour chaque microphone de l’antenne aux positions radiales r1/D=1 et r1/D=3 sur les figures4.2(a)et4.2(b)respectivement. Ces spectres sont tracés en fonction de la variable kr où k=ω/c0est le nombre d’onde et où r=r-0, 5D est la position radiale réduite (i.e. la distance du microphone au centre de la couche de mélange du jet). Dans ces spectres, un changement de pente caractéristique du champ proche apparaît pour une valeur de kr voisine de 2. Arndt et al. [9] proposent cette valeur comme point de démarcation entre les basses et les hautes fréquences, respectivement dominées par des fluctuations de nature hydrodynamique et des fluctuations de nature acoustique. Ces deux contributions, dont la répartition spectrale d’énergie diffère, sont donc en ce point de niveau équivalent. Dans leur étude, ils proposent des lois d’évolution du spectre de pression en champ proche décrivant une pente en (kr)−6,66 pour la zone inertielle et (kr)−2pour la partie acoustique. Ces pentes sont reportées sur les figures4.2(a)

et4.2(b).

Les résultats obtenus dans notre configuration de jet respectent globalement ces lois mais présentent quelques différences. En effet, on constate que pour la zone inertielle, l’évolution fréquentielle des spectres ne vérifie pas exactement la pente en (kr)−6,66. Cette valeur a été obtenue par Arndt et al. [9] en considérant l’analyse du champ de pression proche, solution de l’équation de Bernoulli instationnaire, en considérant kr¿1 dans la zone inertielle du spectre de pression en champ proche. Or, cette zone se situe à des valeurs de kr comprises entre 0,8 et 2 et ce critère n’est donc pas vérifié. Les simplifications opérées pour l’obtention de cette évolution spectrale ne peuvent donc plus ici être considérées comme valable.

En ce qui concerne la zone du spectre dite acoustique, pour kr>2, la pente en (kr)−2 est retrouvée mais seulement pour les microphones les plus en aval de l’antenne. En effet, les

mi-(a) Antenne inclinée en r1/D=1,0 (b) Antenne inclinée en r1/D=3,0

FIG. 4.2 – Spectres de pression adimensionnés en champ proche du jet subsonique

crophones près de la sortie du jet présentent une pente en (kr)−1, également tracée sur la figure. Cette variation de la pente en fonction de la position longitudinale considérée peut s’expli-quer par la différence de caractéristiques du champ acoustique. En effet, le nombre de Strouhal dans la couche de mélange d’un jet décroît avec l’augmentation de la position longitudinale. Il en résulte une fréquence du maximum d’énergie du spectre acoustique de plus en plus basse (O’Hara [151]). Si l’on considère les spectres de pression en deux positions longitudinales dif-férentes, une même plage de fréquences correspond donc à une partie plus ou moins éloignée de la fréquence du maximum de ce spectre large bande, présentant alors des pentes différentes. L’influence de l’éloignement radial de l’antenne par rapport au jet, illustré par la figure4.2(b), conduit à deux constats :

– Les spectres présentent une pente similaire pour les fréquences telles que kr>2 sur l’en-semble des microphones. Effectivement, l’antenne étant plus éloignée, les mesures n’ont plus un effet aussi localisé et sont dominées, quelque soit leur position longitudinale, par les fluctuations générées en fin de cône potentiel où les niveaux de turbulence sont les plus élevés. La distance radiale r augmentant, la fréquence telle que kr=2 est plus basse. A titre indicatif, cette fréquence est de l’ordre de 800 Hz (StD=0,4) en r/D=3,0. Elle se rapproche donc de la fréquence de pic des fluctuations de vitesse obtenue en fin de cône potentiel qui est de l’ordre de 600 Hz (StD=0,3), Ricaud [171] ;

– La pente de la zone inertielle ne vérifie pas la loi en (kr)−6,66, la décroissance spectrale d’énergie étant ici moins forte.

Pour terminer cette confrontation des spectres de pression obtenus pour notre configuration de jet subsonique avec les propositions formulées par Arndt et al. [9], le point de changement d’évolution des spectres, marquant la séparation entre les basses et hautes fréquences de com-portement différent, est bien observé ici aussi pour des valeurs de kr voisines de 2. Une valeur plus précise reste toutefois difficile à déterminer du fait de la méconnaissance des phénomènes se produisant dans le champ proche des jets. Néanmoins, il est possible d’affirmer que cette valeur, pour laquelle les contributions hydrodynamiques et acoustiques sont de même niveau d’énergie, est bien comprise entre kr=1 et kr=2.

4.1.3 Fonctions de cohérence

Afin d’étudier les possibles interactions entre les composantes hydrodynamique et acous-tique de la pression en champ proche, nous nous intéressons aux fonctions de cohérence γpp (éq. 3.13). Les interspectres sont donc calculés et adimensionnés pour chaque position radiale de l’antenne.

1,0 et 3,0, repérées par des cercles pleins sur la figure4.1(b), sont reportées respectivement sur les colonnes a, b et c de la figure 4.3. Chaque ligne, de 1 à 6, correspond à un microphone de référence différent dont la position longitudinale x est représentée par la ligne droite verticale correspondant à un niveau de cohérence de 1. Les iso-contours de cohérence sont tracés par incrément de 0,2 dans le plan spatio-fréquentiel. La position longitudinale est repérée par la variable adimensionnée x/D et la variable représentant les fréquences est ici le nombre d’onde k adimensionné par la racine carré du produit de la position radiale réduite r du microphone de référence par celle du microphone considéré r : k√

rr. L’antenne étant inclinée, les micro-phones ne sont pas tous à la même position radiale. Cette normalisation prend alors en compte la position radiale de chacun d’eux.

Cette figure permet alors d’avoir une vue d’ensemble de l’évolution radiale du comporte-ment spatio-fréquentiel des fonctions de cohérence par rapport à différentes positions longitu-dinales de référence. Globalement, comme pour les spectres de pression, une démarcation est observable entre les zones de basses et de hautes fréquences au voisinage de la valeur k√

rr=2. Dominées respectivement par des contributions hydrodynamique et acoustique, ces zones pré-sentent un comportement différent.

En effet, la première zone présente de forts niveaux de cohérence sur une grande étendue spatiale. Cela signifie qu’une perturbation en une position axiale du jet, dans la gamme de fréquences concernées, aura une influence sur l’ensemble de l’étendue du jet. La fréquence maximale délimitant cette zone va en diminuant avec l’éloignement radial. Ainsi, pour une antenne en position r1/D=0,6 (col. a), cette zone s’étend jusqu’à des fréquences de l’ordre de 4 kHz (StD=2,0), largement supérieures à la fréquence de pic du jet. Pour une antenne en position r1/D=3 (col. c), ces fréquences sont alors de l’ordre de 800 Hz (StD=0,4) pour lequel le niveau d’énergie acoustique est maximal.

Contrairement à cette première zone, la partie “hautes fréquences” de ces cohérences, telle que k√

rr>2, est dominée par des perturbations de nature acoustique. Pour les positions ra-diales très proches de la frontière du jet, les mécanismes générant les perturbations acoustiques dans cette gamme de fréquences sont vus comme une distribution longitudinale de sources non-corrélées. En effet, l’étendue spatiale des zones de fortes cohérences est ici de l’ordre de D/2 pour la configuration d’antenne en position r1/D=0,6 (col. a). L’étendue spatiale de la cohé-rence augmente avec l’éloignement du jet (col. b et c). On peut avancer deux arguments pour expliquer ce comportement :

– Premièrement, la fréquence correspondant au critère k√

rr=2 diminue avec l’augmenta-tion des posil’augmenta-tions radiales r, se rapprochant ainsi de la zone contenant l’énergie du spectre. Elle correspond alors aux fréquences des structures grandes échelles de la couche de mé-lange du jet qui sont fortement corrélées sur un large domaine ;

– De plus, avec cette augmentation de la position radiale, et donc de la distance au jet, la zone source n’est alors plus perçue comme une distribution longitudinale de sources non-corrélées mais comme une seule source s’étendant sur l’ensemble du domaine, dominée par les perturbations situées à la fin et en aval du cône potentiel.

Un phénomène particulier est observable en amont et en aval du microphone de référence. Il s’agit de pertes de cohérence fortement marquées et localisées dans le domaine spatio-fréquentiel. Quelque soit la position longitudinale x/D de ce point, il se manifeste à une valeur constante de k√

rr’=1,3 tracée en pointillés sur la figure 4.3. Très prononcé pour la configuration d’an-tenne r1/D=1,0 (col. b), ce phénomène apparaît également pour les configurations d’antenne plus proche (col. a) et plus éloigné (col. c) du jet mais de manière moins importante. Pour une position plus éloignée (r1/D=4), non représentée ici, il disparaît alors complètement.

D’une manière surprenante, ces importantes pertes de cohérence ne sont pas retrouvées dans la littérature. La suite de ce chapitre est une tentative d’explication de ce phénomène.

(1) x /D =0,0 (a) r1/D=0,6 (b) r1/D=1,0 (c) r1/D=3,0 (2) x /D =0,8 (3) x /D =1,8 (4) x /D =2,8 (5) x /D =3,8 (6) x /D =4,8 (7) x /D =5,8

FIG. 4.3 – Fonctions de cohérence pour les configurations d’antenne en r1/D=0,6, 1,0 et 3,0 (Col. a, b et c), pour plusieurs points de références (lig. 1 à 7).