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Analyse d’une configuration supersonique

6.2.3 Champ turbulent

6.2.3.a Tension de Reynolds

Les distributions des moments d’ordre 2 des vitesses longitudinales et radiales ainsi que les termes croisés sont représentés respectivement sur les figures6.18(a) à6.18(c). On peut noter un effet de déplacement des maxima des tensions de Reynolds vers les basses vitesses avec une pente comparable à celle de l’axe de la couche de mélange (§6.2.2.d).

Ces profils sont représentés en fonction de la position radiale adimensionnée sur les fi-gures6.19(a)à6.19(c). On remarque que les profils se superposent assez bien et qu’un état de similitude est donc atteint pour les grandeurs turbulentes. Toutefois, une dispersion importante apparaît côté haute vitesse de la couche de mélange, très claire à partir de x/D=5. Cette disper-sion est très probablement induite par un manque de convergence des données statistiques en ces positions éloignées de la section d’éjection où l’ensemencement est moins important. Cette

(a) pu2/Uj

(b) pv2/Uj

(c) −uv/U2 j

dispersion n’apparaît pas sur les tensions croisées uv.

Le maximum de turbulence ne se trouve pas sur l’axe de la couche de mélange mais en r ≈0,1 et ces profils ne sont pas symétriques. Cette dissymétrie a déjà été observée pour des couches de mélange planes supersoniques, voir Chambres [38].

Dans la zone irrotationnelle, les taux de turbulence sont de l’ordre de 4%. Cette valeur paraît élevée mais la LDV est assez imprécise pour estimer les taux de turbulence faibles (<4% dans les écoulements supersoniques, Robinson et al. [172], Bellaud [17]).

(a) pu2/Uj (b) pv2/Uj

(c) −uv/U2 j

FIG. 6.19 – Profils adimensionnés des vitesses RMS et des tensions turbulentes, mesures LDV

Les valeurs maximales des tensions de Reynolds mesurées au sein de l’écoulement sont compilées dans le tableau6.7 et comparées aux résultats obtenus par quelques autres auteurs. Les taux de turbulence dans la direction longitudinale ainsi que le terme croisé sont en bon accord avec la littérature. En revanche, on notera la valeur élevée de la composante transver-sale relative aux autres études. Le rapport entre les composantes longitudinale et transvertransver-sale est compris dans la valeur de la littérature. On notera toutefois que, du fait de la dispersion des données statistiques, cette valeur varie de 1,6 à 2 en fonction de la position longitudinale considérée. Etude Uc/Uj ∆Uσu ¯ ¯ max σv ∆U ¯ ¯ max −uv ∆U ¯ ¯ max σu σv Présente étude 0,84 0,17 0,11 0,008 2 Bellaud [17] 0,84 0,15 0,09 0,0066 1,55 Zeman [198] 0,84 0,15 0,10 0,0077 1,51 Goebel & Dutton [83] 0,86 0,18 0,065 0,0066 2,74 Gruber et al. [86] 0,80 0,17 0,072 0,0065 2,5

TAB. 6.7 – Comparatif des valeurs maximales des tensions de Reynolds de plusieurs jets super-soniques

6.2.3.b Moments d’ordre élevé

Les moments d’ordres 3 et 4, adimensionnés par les moments d’ordre 2 (éq.6.6et6.7), sont représentés sur les figures6.20et6.21respectivement.

Sui = u 3 i u2 i 3/2 (6.6) Tui = u 4 i u2 i 2 (6.7)

En premier lieu, comme dans le cadre des moments d’ordre 2, une forte dispersion est observée pour le côté haute vitesse de la couche de mélange. La convergence statistique étant d’autant plus lente que le moment considéré est élevé, ce résultat n’est pas surprenant.

De plus, la dissymétrie relevée sur les vitesses moyennes et RMS est également retrouvée sur les coefficients d’asymétrie Suet Sv. Ainsi, les frontières de la couche de mélange se situent en r=-1 et r=0,6. Cette dissymétrie se retrouve également dans les niveaux maximaux atteints par ces coefficients. Du même ordre de grandeur que ceux obtenus par Bellaud [17], leurs niveaux varient en valeur absolue entre le côté subsonique et supersonique de la couche de mélange. Le passage par zéro de ces coefficients, quant à lui, a lieu sur l’axe de la couche de mélange pour la composante longitudinale et en r=0,1 pour la composante transversale.

(a) Su (b) Sv

FIG. 6.20 – Évolution des coefficients d’asymétrie Su et Sv en fonction de r, mesures LDV

La dispersion côté hautes vitesses est également retrouvée pour les coefficients d’aplatis-sement. Ces coefficients sont également dissymétriques. Les positions des valeurs maximales, caractéristiques de l’intermittence des frontières de la couche de mélange, ainsi que le niveau de ces valeurs maximales diffèrent entre les côtés subsonique et supersonique de la couche de mélange. Une valeur de 3, caractéristique d’un comportement Gaussien, est atteinte sur l’axe de la couche de mélange, aussi bien pour la composante longitudinale que pour la composante radiale. Une valeur proche de 3 est mesurée sur la zone -0,4<r<0,2, correspondant au centre de la couche de mélange, de comportement quasi-gaussien.

6.2.3.c Synthèse

Au cœur de la zone de mélange, une dispersion apparaît sur les moments statistiques d’ordre élevé du fait du faible nombre de Mach de l’écoulement, le rendant particulièrement sensible aux fluctuations de conditions génératrices. Une forte dispersion de ces données est également relevée du côté supersonique de la couche de mélange, pour les positions supérieures à x/D=5.

(a) Tu (b) Tv

FIG. 6.21 – Évolution des coefficients d’aplatissement Tuet Tven fonction de r, mesures LDV

Cette dispersion est due à un manque de convergence des statistiques induit par l’effet conjoint de l’ensemencement réduit en ces positions aval et du temps limité d’acquisition. Un phéno-mène d’entraînement mal contrôlé de l’ensemencement peut aussi influencer cette dispersion. Toutefois, les profils répondent assez bien à une loi de similitude et le niveau des maxima de turbulence est dans les mêmes ordres de grandeur que ceux de la littérature.

La dissymétrie entre les côtés supersonique et subsonique de la couche de mélange se re-trouve dans les moments statistiques tant au niveau de leurs valeurs maximales qu’ au niveau de la position de ces dernières.

6.2.4 Acoustique

Nous nous intéressons ici à la qualification du champ acoustique du jet. Il est délicat de valider de telles mesures sur un écoulement de ce type. En effet, la littérature sur ce point reste pauvre et la comparaison avec d’autres auteurs est donc délicate. Des considérations physiques, portant sur la connaissance du rayonnement acoustique des jets supersoniques, sont alors utili-sées pour valider nos mesures.

On vérifie par ailleurs la non-influence sur les mesures champ proche du bâti métallique supportant les antennes acoustiques et le système LDV à proximité du jet.

6.2.4.a Champ semi-lointain

Niveaux de pression globale La répartition spatiale des niveaux de pression globale Lp : Lp(x) = 20 × log10

Ã

p2(x)1/2 Pref

!

est considérée1. Proche du jet, de forts niveaux de pression sont mesurés, de l’ordre de 140 dB à une distance de 2D. Ces niveaux sont représentés sur la cartographie6.22sous forme de lignes isobares. La décroissance radiale est forte en ces positions proche du jet puis s’atténue avec l’éloignement. Une décroissance importante est également observée avec l’éloignement dans la direction amont de l’écoulement. Inversement, allant vers l’aval, les niveaux restent plus stables.

Une direction de fort niveaux de pression est mise en évidence dans cette direction, corres-pondant à la ligne de crête des iso-valeurs. Celle-ci correspond au bruit large bande induit par convection supersonique des structures grandes échelles de la couche de mélange. C’est la

composante dominante du rayonnement acoustique en aval des jets supersoniques (cf.§2.2.2.d). L’angle de propagation de cette contribution est fonction du nombre de Mach convectif des structures cohérentes.Considérant le nombre de Mach convectif précédemment défini de Mc=1,18 (cf.§6.2.1), la relation2.11 donne un angle de θc=32˚. Cette valeur est retrouvée dans les me-sures (fig.6.22, tirets). On notera que le prolongement de cette ligne de crête pointe sur la zone du cône potentiel où l’amplitude des instabilités est la plus élevée. Ce point de saturation est noté comme origine privilégiée de ce rayonnement par Laufer et al. [112] ainsi que par Troutt et McLaughlin [186].

FIG. 6.22 – Cartographie des niveaux de pression Lp du champ proche à semi-lointain (iso-contour par incrément de 2 dB)

La directivité à un mètre du jet est donnée sur la figure6.23. Dans la zone dominée par le bruit de turbulence fine, à 90˚, le niveau de pression est de l’ordre de 130 dB. Plus en aval, à 30˚, dans la zone dominée par le bruit large bande, ce niveau est de l’ordre de 140 dB. La loi de Lighthill en [1−Mccos(θ)]−5 (§2.2.2.c), décrivant l’évolution angulaire des niveaux de pression, ne s’applique pas ici. En effet, le nombre de Mach supérieur à 1 introduit une discon-tinuité de cette directivité et, de plus, la composante dominante du bruit de jet supersonique est générée par la convection supersonique des grandes échelles, non prise en compte dans cette loi modélisant le bruit de la turbulence fine.

L p [dB℄ 150 100 50 0

Densité spectrale d’énergie En aval du jet, la densité spectrale d’énergie mesurée est large bande, présentant un maximum au nombre de Strouhal classique pour un jet de StD=0,3. Les densités spectrales d’énergie mesurées à un mètre sont reportées sur la figure6.24 pour les po-sitions angulaires de 30˚, 60˚ et 90˚.

Aux positions angulaires de 60˚ et 90˚, le niveau d’énergie est nettement plus faible (-30 dB). Le bruit large bande associé à la convection des structures cohérentes laisse place au bruit de tur-bulence fine. A l’aplomb de la section d’éjection, à 90 degrés, la trace de bruit de choc apparaît à haute fréquence. En effet, lorsque des chocs/ondes de détente sont présents, du fait d’une non adaptation du jet, les structures cohérentes interagissent avec ces derniers, produisant un rayon-nement acoustique dominant en amont du jet. S’appuyant sur le modèle monodimensionnel de Tam [178], la fréquence de rayonnement de ces interactions est définie par la relation2.12 en fonction de l’angle d’observation θ. Pour un angle de 90˚, cette relation donne une fréquence de 6,2 kHz, soit un nombre de Strouhal de StD=0,65. Cette valeur est très proche de la valeur centrale StD=0,6 de la première bosse haute fréquence du spectre de pression en cette posi-tion angulaire. Elle confirme la non adaptaposi-tion parfaite du jet étudié et la présence d’ondes de détente ainsi que la valeur du nombre de Mach convectif Mc=1,18.

=90 Æ =60 Æ =30 Æ St D l p [d B /Hz℄ 1 0.1 100 95 90 85 80 75 70 65

FIG. 6.24 – Spectres de pression à 30˚, 60˚ et 90˚ à une distance d’un mètre (r/D=20)

6.2.4.b Influence du bâti JEAN

Une structure métallique est employée pour supporter le système LDV ainsi que les an-tennes de microphones (§6.1.1). On peut se poser la question de son influence sur les mesures acoustiques.

Les mesures de pression en champ proche du jet sont trouvées être insensibles à la présence de ce bâti. Un essai de la série de mesures en “cône” (essais Pcn, §6.1.4.f) est répété après retrait du bâti. Le positionnement des antennes de microphones est alors assuré par des tiges métalliques (une par antenne) fixées aux pylônes du hall d’essais MARTEL.

Pour tous les points de mesures, la répartition spectrale de l’énergie est trouvée identique dans les deux configurations. Sans entrer dans le détail, développé au paragraphe suivant, les densi-tés spectrales d’énergie sont reportées sur la fig.6.25(a)pour quelques positions longitudinales suivant l’expansion du jet. Elles se recoupent parfaitement, que le bâti soit présent ou non. Le même résultat est obtenu pour les distributions azimutales des densités spectrales de position

x/D=5,54 qui sont représentées sur la figure6.25(b).

On peut donc en conclure que le bâti JEAN n’a pas d’incidence sur les mesures de pression en champ proche. Son utilisation n’est pas limitative, n’imposant aucune restriction comme la réduction de la gamme fréquentielle d’étude par exemple. L’ensemble des mesures de pression en champ proche est réalisé en utilisant ce bâti. La qualification de celles-ci est maintenant abordée.

(a) Répartition longitudinale : x/D=(1,4 : 8,3) (b) Répartition azimutale : ∆θ=60˚

FIG. 6.25 – Répartitions longitudinale et azimutale des densités spectrales de pression avec et sans le bâti JEAN, antenne inclinée 9˚r1/D=0,8 et couronne x/D=5,54

6.2.4.c Champ proche

Les niveaux de pression globale Lpet les densités spectrales d’énergie sont examinées. Deux cas particuliers retiendront notre attention : En premier lieu, les mesures réalisées avec l’antenne courte inclinée en configuration cône (i.e. position r1/D=0,8) ; En second lieu, la configuration d’antenne droite en configuration cylindre (i.e. position r/D=1,7)

Niveaux de pression globale Les niveaux de pression rencontrés en champ proche du jet supersonique étudié sont élevés, de l’ordre de 150 dB. Comme dans le cadre du jet subsonique, la répartition des niveaux de pression sur une ligne suivant l’expansion de la couche de mélange (antenne inclinée) est plus homogène (fig.6.26(a)) que celle parallèle à l’axe du jet (fig.6.26(b)). La première configuration est donc plus adaptée à une analyse de type POD. En effet, celle-ci permet de privilégier l’analyse des cohérences du champ fluctuant en limitant l’importance qui pourrait être donnée à une partie du domaine où les niveaux d’énergie sont élevés.

Analyses spectrales Les densités spectrales d’énergie en champ proche sont représentées sur la figure 6.27, en différentes positions longitudinales, pour les deux configurations d’antennes (inclinée et droite). De la même manière que dans le cadre de la configuration de jet subsonique, l’augmentation du niveau global, et la diminution de la fréquence du maximum d’énergie, avec la position longitudinale sont retrouvées.

Une différence fondamentale apparaît toutefois dans cette configuration supersonique. En effet, le changement de pente des spectres, délimitant les gammes fréquentielles dominées par des contributions de nature hydrodynamique en basses fréquences ou des contributions de na-ture acoustique en hautes fréquences (voir chapitre4), n’a pas lieu.

Une démarcation est observée en haute fréquence (StD≈1,6, fig.6.27(a)), mais celle-ci est in-duite par la géométrie de l’antenne et correspond à sa fréquence de coupure. Ces fréquences,

x=D L p [d B 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 160 155 150 145 140

(a) Antenne inclinée 9˚, r1/D=0,8

x=D L p [d B 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 160 155 150 145 140 135 130 (b) Antenne droite, r/D=1,7

FIG. 6.26 – Distribution des niveaux de pression globale Lp en champ proche : a) Antenne inclinée de 9˚ ; b) Antenne droite

pour lesquelles des phénomènes de résonance et de repliement ont lieu, seront par la suite igno-rées.

(a) Antenne inclinée 9˚, r1/D=0,8 (b) Antenne droite, r/D=1,7

FIG. 6.27 – Distribution des spectres de pression en champ proche en fonction du nombre de Strouhal : a) Antenne inclinée de 9˚ ; b) Antenne droite

Les spectres obtenus sont large bande dans la partie aval de l’antenne. Ceux-ci présentent une morphologie similaire au spectre mesuré à 1m sous 30˚ (fig. 6.24). Les ondes de Mach, présentant une forte directivité, sont dominantes ici. En effet, sur la configuration d’antenne droite (fig.6.27(b)), les microphones les plus en amont ont un niveau très inférieur et un spectre de morphologie différente. Ceux-ci forment un angle de plus de 60˚ avec l’axe du jet, supérieur à l’angle de propagation des ondes de Mach (de l’ordre de 30˚).

Dans les deux configurations, la présence d’un maximum d’énergie est également relevé au nombre de Strouhal privilégié du jet StD=0,3.

6.2.4.d Synthèse

Une base de données telle que celle constituée pour cette étude sur le jet supersonique est importante car inexistante dans la littérature. Celle-ci est complète, comprenant des mesures acoustiques en champ semi-lointain et en champ proche.

Certaines caractéristiques de l’écoulement ont pu être confirmées par ces mesures. Ainsi, la vitesse de convection supersonique des grandes échelles du jet est mise en évidence par la directivité du champ de pression semi-lointain. De plus, la non adaptation parfaite du jet est confirmée par un regain d’énergie dans le plan de la section d’éjection pour des fréquences correspondantes à celles données par les modèles théoriques de bruit de choc.

Le champ de pression mesuré pour cet écoulement diffère fondamentalement de celui de la configuration subsonique. En effet, celui-ci est dominé par un rayonnement d’ondes de Mach, fortement directionnel, de niveaux d’énergie élevés.

Les spectres sont large bande. En champ proche, ils présentent une fréquence de pic évolu-tive, linéairement proportionnelle à l’épaisseur locale de la couche de mélange. La démarcation entre basses et hautes fréquences par un changement de pente n’est pas observée sur cette confi-guration.

6.2.5 Conclusions

Des qualifications du jet supersonique ont été effectuées. Globalement, d’un point de vue aérodynamique, les résultats obtenus sont similaires à ceux de la littérature. Cependant, le jet recherché était un jet parfaitement adapté, or celui-ci ne l’est pas. Il s’en suit un bruit de choc apparaissant sur les spectres de pression dans le plan de la section d’éjection. D’un point de vue acoustique, les ondes de Mach, dues à une vitesse de convection supersonique des structures cohérentes de la couche de mélange, sont observées. Leur directivité forme un angle de 32˚avec l’axe du jet.

En ce qui concerne le champ de pression proche du jet, le changement de pente des spectres observé en configuration subsonique n’est pas retrouvé. En effet, les pressions sont ici dominées par le rayonnement acoustique des ondes de Mach de niveau élevé.

La démarcation entre les hautes et les basses fréquences trouvée subsonique n’est pas re-trouvée dans cette configuration. De ce fait, existe-t-il toujours une interaction entre les contri-butions hydrodynamique et acoustique de la pression en champ proche telle que celle discutée au chapitre4pour la configuration subsonique ?