• Aucun résultat trouvé

LA GESTION DE L’ÉCOULEMENT DES EAUX : UNE FORME PARTICULIÈRE DE POUVOIR

Chapitre 6. Intérêts d’assèchements et autres intérêts : mobiliser et interpeller

4. Se rassembler pour parler d’une seule vo

Pour avoir un certain poids dans le jeu décisionnaire, les sections de wateringues interpellent les pouvoirs publics parfois en se rassemblant, pour faire valoir l’intérêt de l’assèchement à plus grande échelle, celle du réseau des wateringues en général.

En janvier 1910, la commission administrative demande au ministre de l’Agriculture d’intervenir auprès du ministre des Travaux Publics pour obtenir des mesures pour limiter l’encombrement des bateaux dans les canaux et la possibilité de baisser leur niveau sous le niveau réglementaire en cas de crue94. La 2e section vient appuyer ces demandes dans une délibération également envoyée au ministère de l’Agriculture, tandis que le président de la 4e section s’y joint par une lettre envoyée au préfet du Nord en février. Le rapport d’un ingénieur ordinaire du service maritime ici prend en compte ces réclamations groupées en proposant des mesures pour y répondre au moins partiellement, c’est-à-dire appliquer la police des eaux dans les canaux de navigation à la lettre concernant le passage des bateaux et modifier celle-ci pour permettre l’abaissement du niveau de 30 cm dans les canaux en cas de crues.

On observe également des mobilisations communes aux différentes sections après des inondations importantes, comme celles d’octobre-novembre 1894. Elles obtiennent en août 1895 par une pétition commune aux 2e, 3e et 4e sections une dépêche du ministère de l’Agriculture qui somme le ministère des Travaux Publics de prendre les mesures nécessaires

91 René Galamé et al., Dictionnaire biographique dunkerquois, Dunkerque, Société dunkerquoise d’histoire et d’archéologie. Les corsaires dunkerquois., 2013, p. 1059.

92 ADN, S8695, Extrait des procès-verbaux des délibérations du Conseil Général du département du Nord, 29/04/1881.

93 ADN, S8695, Lettre du ministre des Travaux Publics au préfet du Nord, 27/06/1881.

94 AMDK, 5S630, Rapport de l’ingénieur ordinaire du service maritime sur la réclamation des 2e,3e et 4e sections des wateringues, 04/06/1910.

118

précisées pour éviter la répétition d’une telle inondation ; la 1ère et la 2e section font pression

également en octobre par des demandes communes sur les obligations du service maritime à sa suite95.

Les sections attendent des ingénieurs du service maritime la mise en place de ces mesures ou études, tout en rappelant que les difficultés que connait l’assèchement seraient surtout dues à l’absence de réels ouvrages efficaces d’évacuation des eaux dont le service maritime est normalement chargé. En ce sens, on observe dans les débats qui suivent la dépêche du ministère comment les sections s’opposent aux conclusions des ingénieurs du service hydraulique qui imputent les inondations aux caractéristiques « naturelles » de la plaine au niveau très bas :

Le syndicat reconnaît que lors des crues de 1867 à 1880 on pouvait attribuer en partie la durée et l’importance des inondations à la constitution du territoire ; mais cela n’est plus vrai aujourd’hui, depuis que les Waeteringues ont exécuté de très grands travaux, afin d’obvier aux inconvénients du peu d’élévation des terrains, et de la grande distance qui les sépare de la mer. Et la preuve, c’est qu’en 1894 toutes les eaux du pays arrivaient rapidement à Dunkerque où elles s’accumulaient faute d’un écoulement suffisant à la mer. C’est donc bien au Service Maritime qu’il faut attribuer les retards d’assèchement : c’est ce service qui pendant que l’on mettait en état les fossés du pays et les canaux de navigation intérieure, allongeait la voie d’écoulement à la mer, en diminuant sa section et en y créant des obstacles.96

Les sections de wateringues font valoir les travaux qu’elles ont mis en place depuis plusieurs années, en accusant le service maritime d’avoir failli à sa tâche, c’est-à-dire de maintenir des débouchés suffisants à la mer au réseau des wateringues. Rassemblées entre elles, les sections tentent d’avoir un poids supplémentaire, d’autant plus qu’elles s’appuient sur des intermédiaires comme le ministre de l’Agriculture, censé « défendre » les intérêts de l’agriculture ou bien même les ingénieurs du service hydraulique, qui jugent utiles dans ces circonstances de rappeler à l’ingénieur en chef du service maritime à Dunkerque « le grand intérêt que présente, pour le dessèchement du territoire waëteringué, l’exécution des travaux réclamés. »97.

Les administrateurs des wateringues légitiment d’autant plus leurs demandes en rappelant les promesses faites par l’Etat pour fournir rapidement dès 1881 un véritable

95 AMDK, 5S630, Rapport de l’ingénieur ordinaire du service hydraulique, arrondissements de Dunkerque et d’Hazebrouck-Nord, 19/10/1895.

96 AMDK, 5S630, Extrait du registre des délibérations de la commission administrative de la 2e section des wateringues, 8/10/1895.

97AMDK, 5S630, Avis émis le 21/10/1895 par l’ingénieur en chef du service hydraulique sur le rapport de l’ingénieur ordinaire du service hydraulique, arrondissements de Dunkerque et d’Hazebrouck-Nord, 19/10/1895.

119 débouché à la mer, qui finalement n’est à cette époque matérialisé que par des petites écluses qui ne suffisent pas à équilibrer l’encombrement des canaux et leur utilisation croissante par les bateaux. Cette initiative de pétitions communes débouche ici tout de même sur des mises à l’étude par l’ingénieur maritime et par l’application de quelques mesures précises demandées par le ministre de l’Agriculture, comme la suppression d’un pont établi dans les fossés de l’Ouest utilisé par une raffinerie98.

Remarquons la récurrence dans les diverses pétitions du rappel de « sacrifices » et des initiatives privées qu’auraient prises les wateringues depuis des siècles qui ont bénéficié et bénéficient alors à l’Etat. La commission administrative de la 4e section rappelle à l’époque

« que ce sont les waeteringues qui ont créé toutes les artères de dessèchement et les voies de communication du pays »99.

Face aux transformations des usages des canaux et l’arrivée d’une nouvelle activité et ses nouveaux acteurs, les administrations des wateringues défendent leurs « droits » et ceux de l’agriculture en revendiquant son poids économique mais aussi un système et des techniques héritées. On retrouve tous les traits de ce discours dès 1879 dans une pétition signée par trois présidents de sections différents adressées au Conseil Général, où il est demandé de veiller à ne pas laisser le port « dépouiller » les canaux aux wateringues ou au moins, si c’est le cas, à donner des exutoires indépendants aux wateringues100.

5. L’exemple du procès de mme de Meezemacker contre le port : la voie judiciaire pour

Outline

Documents relatifs