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La dépendance à la préfecture en cas de dépenses urgentes L’exemple de l’hiver 1880 1881 et du fonctionnement de la machine hydraulique de Steendam

LA GESTION DE L’ÉCOULEMENT DES EAUX : UNE FORME PARTICULIÈRE DE POUVOIR

Chapitre 4. Une gestion quotidienne autonome sous la surveillance des ingénieurs

5. La dépendance à la préfecture en cas de dépenses urgentes L’exemple de l’hiver 1880 1881 et du fonctionnement de la machine hydraulique de Steendam

On l’a déjà vu, la plupart des décisions prises par la 4e section des wateringues sont

contrôlées et sous la nécessité d’être approuvées par le service hydraulique et la préfecture du Nord. Ses fonds proviennent surtout des cotisations des propriétaires de la section et elle dispose d’une certaine autonomie financière. Seulement, cette gestion budgétaire bénéficiaire le plus souvent chaque année se retrouve bouleversée lors de situations d’urgence, lorsque la section doit employer dans un temps court des dépenses très importantes imprévues.

Il faut d’abord préciser que les travaux d’urgence font office d’exception dans le règlement de 185231. L’article 20 permet à la commission administrative d’en appliquer après une délibération spéciale tout en engageant leur propre responsabilité ; la délibération doit alors être transmise au préfet dans les trois jours suivants, qui estime s’il faut arrêter ou continuer l’exécution des travaux d’urgence.

29 ADN, S8697, Extrait du registre aux délibérations du Conseil Municipal de la commune de Leffrinckoucke, 18/11/1879.

30 ADN, S8697, Extrait du registre des délibérations de la Commission Administrative de la 4e section des wateringues, 17/01/1880.

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L’année 1880 est pour la 4e section une année mouvementée. Dans les budgets de départ,

elle prévoyait déjà une importante somme de dépenses pour le paiement des travaux de construction de la machine à vapeur de pompage et du barrage éclusé près du pont de Steendam (fig. 10) (réparti sur plusieurs années) et le traitement de ses éclusiers. A l’été 1880, elle contracte un nouveau crédit pour ces paiements, de l’ordre de 40 000 francs. Au mois de décembre, de fortes crues provoquent des inondations dans la section. Dans l’urgence, la section a engagé plusieurs travaux d’urgence et augmenté de façon importante ses dépenses pour assurer le fonctionnement de la machine à un rythme important (paiement des éclusiers jour et nuit, charbon).

Le 11 décembre 1880, la commission administrative décide alors, en plus de commencer à rembourser une partie du crédit de 40 000 francs (900 francs), de compléter son budget primitif d’un paiement supplémentaire de 450 francs pour le salaire des éclusiers qui ont travaillé plus que prévu dans l’urgence32. Alors que l’ajout de dépenses peu importantes comme

telles dans le budget au milieu de l’année sont d’habitude validées par la préfecture, la situation d’urgence et la contraction d’un crédit important durant l’été inquiète l’ingénieur du service hydraulique. Ainsi, celui-ci interroge la section et sa hiérarchie sur l’absence de fonds supplémentaires prévus dans le budget primitif pour subvenir à ces dépenses imprévues33. La commission administrative justifie ces paiements sans autorisation par l’urgence, et prévoit de les amortir en ajournant le paiement de travaux précédents sur les années suivantes34.

Lorsqu’elle présente son budget primitif en avril 1881 pour l’année 1881, la commission administrative doit également répondre aux interrogations des ingénieurs qui appellent de leurs vœux à augmenter les impôts sur les propriétaires pour éviter la baisse des dépenses d’entretien des fossés et ouvrages d’art (qui est une répercussion des sommes supplémentaires et crédits contractés l’année précédente)35. Cet épisode nous rappelle que, même en situation d’urgence,

les décisions prises par la section de wateringues en autonomie doivent aussi répondre au contrôle de la préfecture et de ses ingénieurs. En cas de dépense urgente et imprévue, l’ouverture de nouveaux crédits pris sur le budget de l’association dépend toujours de

32 ADN, S8697, Extrait du registre des délibérations de la commission administrative de la 4e section des wateringues, 11/12/1880.

33 ADN, S8697, Lettre de l’ingénieur ordinaire du service hydraulique au sous-préfet de Dunkerque, 03/02/1881. 34 ADN, S8697, Lettre du président de la commission administrative de la 4e section des wateringues au sous- préfet de Dunkerque, 25/02/1881.

35 ADN, S8697, Rapport de l’ingénieur ordinaire concernant la réponse de la commission administrative aux observations de monsieur le préfet sur le budget primitif de 1881, 27/04/1881, avis de l’ingénieur en chef, 28/04/1881.

93 l’approbation de la préfecture qui contrôle ses comptes et s’assure qu’elle ne manque pas à ses travaux d’assèchement et ne se retrouve pas déficitaire.

La gestion quotidienne du réseau d’assèchement des wateringues à partir de 1852 résulte alors de l’application de normes bureaucratiques et d’un contrôle des sections de wateringues accentué adapté à leur existence ancienne qui se caractérisait par une certaine autonomie. Celle- ci s’incarne alors dans la gestion administrative et financière, dans la mise en œuvre des travaux et les actions de la commission administrative de la section se caractérisent par une forme d’intervention publique légitime financée en majorité par l’impôt de ses administrés.

Le gouvernement national, dans une volonté d’accentuation des rendements agricoles et d’extension des terres cultivées, se dote d’une administration technique centralisée caractérisée ici par le service de l’hydraulique agricole. L’Etat impose donc des normes et un contrôle sur ces travaux qui sont à l’origine d’initiatives privées. L’assèchement des terres et l’entretien des wateringues sont reconnus d’ « utilité agricole », on pourrait même les désigner comme un service public. Celui-ci est assuré par des acteurs privés, les propriétaires et leurs élus, qui ont une certaine autonomie financière. Le contrôle imposé aux associations de wateringues ne s’accompagne notamment pas de subventions de l’Etat. Le conducteur spécial, nommé par la préfecture et les ingénieurs sous sa direction mais rémunéré par l’association, est l’incarnation de ce service reconnu d’intérêt général mais qui est laissé à l’initiative, dorénavant contrôlée, des acteurs privés.

La section de wateringues est un niveau des différentes échelles administratives liées entre elles dont la section des wateringues fait elle-même partie. De la même manière que l’ingénieur ordinaire du service hydraulique contrôle les travaux projetés et mis en place par le conducteur au sein de la section ou que la préfecture contrôle les budgets et délibérations de ladite section, l’ingénieur en chef du département du Nord supervise et examine les décisions de l’ingénieur du service hydraulique. Ces différents échelons sont mis en relation par de multiples procédures qui forment un « contrôle bureaucratique »36 ; celui-ci fonde les rouages d’un Etat technicien qui se veut centralisateur et déconcentré et qui souhaite impulser des grandes transformations de l’espace rural suivant des objectifs économiques nationaux. On assiste à une prise en main de nombreux aspects de l’environnement à partir de 1852, avec une politique volontariste de la part tout d’abord de l’administration napoléonienne, que ce soit pour

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accompagner et organiser des phénomènes comme l’urbanisation avec pour vitrine Paris37 ou

l’industrialisation et les mutations économiques qui en ressortent38.

37 Q. Deluermoz, Le crépuscule des révolutions, op. cit., p. 139. 38 Ibid., p. 149‑150.

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Chapitre 5.

Les techniques locales de desséchement dans les

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