• Aucun résultat trouvé

Les associations : instigatrices de petits projets de construction et réparations

LA GESTION DE L’ÉCOULEMENT DES EAUX : UNE FORME PARTICULIÈRE DE POUVOIR

Chapitre 5. Les techniques locales de desséchement dans les décisions d’ingénieurs : marginalisation ou intégration ?

1. Les associations : instigatrices de petits projets de construction et réparations

On vient de le voir, les sections de wateringues ont la charge de l’entretien du réseau d’évacuation, par les curements et faucardements des canaux par exemple ou encore par les réparations et la maintenance des écluses. Tous ces travaux sont de l’ordre de travaux de routine, que la section de wateringues projette et finance chaque année avec son conducteur spécial, sous autorisation préfectorale et supervision des ingénieurs avec ses revenus habituels. Ils ont constitués en majorité des taxes payées par les propriétaires appartenant à la section de wateringues et bénéficiant de l’assèchement. Une section peut en dehors de ces travaux de routine et petites améliorations porter des projets d’aménagements hydrauliques. Elle intervient alors en tant qu’instigatrice de projets et d’études qui peuvent ensuite être validés, encouragés et mis en application en lien avec les autorités administratives, mais également peut intervenir pour faire modifier des projets de travaux présentés par d’autres acteurs.

La construction du barrage situé près du Pont de Steendam à Coudekerque et de la machine de pompage des eaux du canal des Moëres (fig. 10) est un exemple de ce processus d’élaboration de projets impulsée par la 4e section de wateringues. Dès février 1864, la 4e

section des wateringues, constatant les projets de travaux dans les fortifications de la place de Dunkerque, demande l’autorisation à la préfecture d’organiser une réunion avec les autres sections pour étudier la possibilité d’améliorer l’assèchement en en profitant39. De cette

manière, la section de wateringues fait valoir son droit de consultation sur des projets qui touchent l’assèchement ; l’ingénieur du service hydraulique est réceptif à cet argument juridique, assis sur le règlement de 1852 : « Considérant que les administrations des waeteringues n’ont pas été appelées à donner leur avis au sujet de ces modifications comme elles y avaient droit, et qu’on ne peut se refuser à entendre leurs observations »40.

Outre l’argument juridique, soulignons également que la commission administrative use ici de l’argument de l’intérêt général qui dépendrait de l’état de dessèchement du pays

39 ADN,S8695, Lettre du président de la commission administrative de la 4e section des wateringues au sous-préfet de Dunkerque, 15/02/1864.

40 ADN, S8695, Rapport de l’ingénieur ordinaire sur les modifications des voies d’écoulement à la mer à Dunkerque, 23/02/1864.

96

wateringué, et face auquel l’administration aurait alors un « devoir ». Même si nous ne disposons pas du contenu des discussions à ce propos ensuite, il semble qu’elles ont débouché sur l’avis généralement admis localement de l’importance d’une évacuation des eaux du canal des Moëres par les fossés de fortifications à l’Est de Dunkerque qui remplacerait celle par la Cunette. En septembre 1875, la commission administrative souligne que les fossés des remparts de l’Est déplacés et reconstruits à partir de 1868, sont presque achevés. Les administrateurs considèrent alors qu’il faut débuter les études de travaux pour utiliser ces fossés, reliés au chenal du port, pour évacuer les eaux de la 4e section des wateringues :

Considérant que les travaux en question sont des travaux extraordinaires, dont l’exécution présentera des difficultés, dont la dépense sera considérable, et qui exigeront, outre des connaissances spéciales, un personnel et un outillage qui ne sont pas à la disposition de la section. Est unanimement d’avis que l’étude, la rédaction des projets et l’exécution des travaux dont il s’agit soient confiés aux Ingénieurs des ponts et chaussées chargés du service hydraulique dans l’arrondissement de Dunkerque.

La section de wateringues veut alors lancer l’étude de ces travaux et leur application, mais ne prétend pas avoir les connaissances, les moyens techniques et humains pour celles-ci. Ainsi, lorsque des travaux dits « extraordinaires » qui représentent notamment des dépenses importantes, qui s’éloignent alors des récurrents travaux de routine, d’entretien ou de curement, la section semble s’en remettre aux ingénieurs du service hydraulique41. Le rapport de l’ingénieur Carlier de l’arrondissement de Dunkerque pour ce service montre que ce principe (évacuer les eaux du canal des Moëres par les fossés Est) est admis depuis longtemps par l’administration et les acteurs locaux. Néanmoins, le lancement des études est provoqué par la section de wateringues qui fait admettre à l’ingénieur sa nécessité et les modalités demandées par la section42.

Deux ans plus tard, c’est le conducteur de la section et non les ingénieurs du service hydraulique qui finalement produit un projet de travaux, consistant principalement dans la « construction d’un barrage avec portes busquées près du pont de Steendam et dans l’établissement d’une machine à vapeur destinée à actionner des appareils d’épuisement »43. La

section de wateringues prend alors en charge ces travaux, grâce à son conducteur spécial, tandis que les ingénieurs du service hydraulique officialisent leur retrait (notamment financier) de

41 ADN, S8696, Délibérations de la commission administrative de la 4e section des wateringues du Nord, 11/09/1875.

42 ADN, S8696, Rapport de l’ingénieur du service hydraulique Carlier (ordinaire), 27/10/1875. 43 ADN, S8696, Lettre de l’ingénieur Carlier à l’ingénieur en chef du service hydraulique, 04/07/1877.

97 ceux-ci, tout en conservant ses prérogatives habituelles de contrôle des travaux et des dépenses instituées par le règlement de 1852. En février 1880, on constate alors par exemple une approbation de l’ingénieur de l’arrondissement chargé du service hydraulique aux dépenses supplémentaires rajoutées par la 4e section à son budget de 1879 pour payer 3000 francs supplémentaires pour ces travaux44.

Finalisée à l’hiver 1879-1880, la machine de Steendam est contrôlée et approuvée dans son ensemble par le même ingénieur avec le conducteur, en présence des 5 membres de la commission administrative et du constructeur45. Cette réalisation de travaux par la 4e section qui n’a finalement pas eu besoin du concours direct des ingénieurs du service hydraulique montre la capacité qu’elle a à projeter des travaux, les faire autoriser, les faire appliquer et les financer (par un crédit de 40 000 francs initiaux ici par exemple). L’évacuation par les fossés est finalement reportée par l’absence d’autorisation du Génie Militaire, on le verra par la suite, et n’est finalisée qu’entre 1905 et 1909, malgré le soutien des ingénieurs du service hydraulique à celle-ci.

Cette capacité des sections à faire valoir auprès du service hydraulique et de la préfecture des projets de travaux préparés en interne avec le conducteur spécial se retrouve à de nombreuses reprises pour des travaux à ampleur moins importante. Ainsi, la section prend l’initiative d’entreprendre des travaux d’exhaussement de la digue Nord du canal de la Basse- Colme en 1877, et d’ajouter leur coût au budget initial de l’année. Celle-ci requiert systématiquement la validation de l’ingénieur de l’arrondissement en charge du service hydraulique, de l’ingénieur en chef du département et de la préfecture46. Il semble que le plus

souvent, ces travaux sont approuvés tant qu’ils sont justifiés par la situation et que la section peut se permettre financièrement de les effectuer.

2. Les associations de wateringues : un interlocuteur privilégié de l’Etat appelé à donner

Outline

Documents relatifs