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raça [race] au Brésil

3.3. Raça : les limites de la cordialité ?

La démocratie raciale et l'hypocrisie raciale qu'elle permet garantissent a priori que les efforts individuels soient récompensés. Les stratégies individuelles de mobilité ascendante82 ont 81 « Faire l'hypothèse que les individus sélectionnent des identités raciales de la même manière qu'ils pourraient équilibrer leurs comptes financiers peut seulement fournir une connaissance superficielle de la résurgence indienne. Cela ne doit donc pas signifier qu'une analyse coût-bénéfice ne contient pas de valeur explicative ; bien que cela suggère qu'un modèle basé sur le marché rationnel produit probablement une image limitée de l'indianisation. Mais cette manière comptable d'interpréter l'identité indienne correspond à la réalité à un degré tel qu'il est difficile de la contrer. De plus, des ordres symboliques et des codes moraux alternatifs ont été rendu peu plausible, voire invisible, à mesure que la logique du capital gagne en force » [J. W. Warren (2001 : 56) – italique de l'auteur].

82 Ces stratégies s'expriment notamment en termes éducatifs où l'accès et la réalisation d'études universitaires apparaissent comme des atouts clefs.

cependant été mises en échec concernant les personnes ayant les couleurs de peau les plus foncées. Agir non plus en tant qu'individu (concept de cor) mais en tant que groupe (concept de raça) apparaît alors nécessaire pour conquérir les récompenses économiques, sociales et symboliques attendues. Cela n'implique cependant pas le renoncement des individus à la mobilité permise par la cor, autrement dit, à l'utilisation de stratégies individuelles parallèlement aux stratégies collectives.

3.3.1 Quand les stratégies individuelles sont mises en échec

En raison de leur capacité à éviter qu'une situation soit ou devienne conflictuelle, les Brésiliens ont pu être qualifiés de 'homens cordiais'83. Le respect par chacun de la place qui lui est économiquement et socialement allouée contribue à maintenir cette cordialité84. Cette règle du jeu clairement énoncée, dans un contexte posé comme relevant de la démocratie raciale – autorisant donc l'hypocrisie raciale –, fait promouvoir une ascension économique et sociale sans activisme par le Frente Negra Brasileira [FNB – Front Noir Brésilien]85. Il s'agit d'ouvrir la voie aux autres personnes noires en corrigeant, grâce aux mobilités ascendantes, la vision erronée des noirs véhiculées par les théories racistes. Autrement dit, le FNB encourage la mise en place de stratégies individuelles pensant favoriser le groupe dans son ensemble86. Cependant, d'une part ce but n'est pas atteint, car les expériences positives sont uniquement capitalisées par l'individu en mobilité. D'autre part, les personnes ayant une couleur de peau foncée se heurtent, à un moment ou à un autre et malgré des capacités individuelles élevées, à un plafond de verre87. Tout d'abord, de nombreux mécanismes d'adaptation se mettent en

83 'Hommes cordiaux', d'après l'expression 'homem cordial' [homme cordial] due à S. B. de Holanda (1936/2006) afin de qualifier ce qu'il considère être caractéristique des Brésiliens.

84 Pour G. Freyre, l'absence de conflit inter-racial est garanti si chacun reste dans la position hiérarchiquement attendue selon sa couleur de peau [L. M. Carvano / M. Paixão (2007 : 13)]. Millôr Fernandes en a fait une provocation célèbre : « no Brasil não há preconceito porque o negro sabe o seu lugar » [au Brésil il n'y a pas de préjugé parce que le noir connaît sa place] [cité par L. K. M. Schwarcz in L. K. M. Schwarcz / L. V. Reis (1996 : 170)]. Pour K. Munanga l'explication d'absence d'un tel conflit « estaria nessa ideologia brasileira, profundamente assimilativa, chegando a criar constrangimento para os grupos que procuram se manter afastados da sociedade nacional » [serait dans cette idéologie brésilienne profondément assimilatrice, jusqu'à créer une contrainte pour les groupes qui cherchent à se maintenir à l'écart de la société nationale] [K. Munanga in L. K. M. Schwarcz / L. V. Reis (1996 : 188)].

85 Créé en 1931, le FNB fut dissout en 1937 du fait de l'autoritarisme du régime politique alors en place. cf. A. Hofbauer (2006 : 347 – 376) pour une présentation complète et nuancée du FNB. Notons que le FNB, tout en récusant l'existence de races supérieures ou inférieures, posait que les personnes noires avaient un certain retard à rattraper pour être complètement intégrées dans tous les aspects de la société brésilienne [A. Hofbauer (2006 : 353)]. Dans son opposition à l'idéologie du blanchiment, il défend par ailleurs l'idée d'une race brésilienne qui serait noire et métisse [A. Hofbauer (2006 : 368)].

86 Pour le FNB, une couleur de peau foncée est un handicap dont il faut s'affranchir. C'est pourquoi l'accent est mis sur les efforts individuels, la majorité du groupe étant perçue comme incapable d'y contribuer. 87 Cette expression renvoie aux difficultés d'accéder à une ascension économique, sociale et symbolique au-

place88. Ce n'est que lorsque ces derniers empêchent malgré tout la mobilité ascendante que les limites de la cordialité sont constatées et que la racialisation du discours s'effectue. Ce n'est donc que lorsque les stratégies individuelles sont mises, en échec en dépit des nombreux efforts consentis, que les stratégies collectives sont envisagées89.

Cette limite de la cordialité rompt le pacte implicite contenu dans la rhétorique de la démocratie raciale. Le langage de la raça remplace alors peu à peu celui de la cor90. Le

Movimento Negro Unificado [MNU – Mouvement Noir Unifié] marque ce changement en

cristallisant son discours autour du terme de 'raça negra' [race noire]. Cela est problématique pour ceux dont la couleur, intermédiaire, autorise encore un raisonnement en termes de cor car : « For those in the middle, however, who choose to move upward, blanqueamiento is their aspiration and mestisaje is their stigma »91. Le MNU souhaite les attirer en son sein et dénonce l'impression qu'ils ont de ne pas se considérer comme noirs mais comme proche de la couleur blanche92. Dans un contexte où l'évocation de la démocratie raciale se fait sur le mode du mythe, c'est-à-dire une fois que les mécanismes de discrimination et les préjugés ont été dénoncés, les attentes des individus ayant une peau foncée deviennent plus nombreuses, précises et exigeantes. Les déceptions et frustrations découlant de l'impossibilité de voir ces attentes réalisées93 impliquent donc que les revendications du MNU rencontrent un écho croissant, quoique toujours limité en termes de nombre de personnes, au sein de la population brésilienne94.

88 J. W. Warren souligne que « blacks and pardos prefer to meet racism with silence. That is, blacks and pardos tend to respond to perceived racism via withdrawal or by changing their behavior » [J. W. Warren (2001 : 274)] [Les noirs et les métis préfèrent se confronter au racisme en silence. C'est-à-dire que les noirs et les métis tendent à répondre au racisme qu'ils perçoivent en se mettant en retrait ou en changeant leur comportement]. Il est en effet plus facile dans un premier temps de se plier aux attentes sociales plutôt que de les remettre en cause de manière frontale [K. J.Gersen (1967 : 402)].

89 « No caso dos negros [...] será o enfrentamento das barreiras impostas à sua ascensão social que o forão, muitas vezes, reconhecer a sua identidade negra » [Dans le cas des noirs, […] ce sera l'affrontement de barrières imposées à leur ascension sociale qui les feront, dans la majorité des cas, reconnaître leur identité noire] [A. Brandão / A. P. Silva in O. S. A. Pinho / L. Sansone (2008 : 427)].

90 O. Pinho résume cette situation en soulignant que « a ascensão social, a formação universitária e o consumo conspícuo de bens, não imunizam sujeitos identificados como negros do racismo. O que de certo modo explica porque esses negros de classe média, apesar de distantes do ativismo, sejam capazes e mobilizar uma linguagem identitária. » [O. Pinho in O. Pinho / L. Sansone (2008 : 14)] [L'ascension sociale, la formation universitaire et la consommation notable de biens, n'immunisent pas les sujets identifiés comme noir du racisme. Ce qui d'une certaine manière explique pourquoi ces noirs de classe moyenne, malgré le fait qu'ils soient distants de l'activisme, soient capables de mobiliser un langage identitaire.].

91 « Pour ceux situés au milieu [du spectre de couleurs], cependant, qui choisissent une mobilité ascendante, le blanchiment est leur aspiration et le métissage leur stigmate » [N. E. Whitten Jr (2007 : 363)].

92 A. Hofbauer (2006 : 386, 391).

93 L. Sansone (2003 : 26) et A. S. Santos (2006 : 38).

94 Cet écho est aussi limité car d'une part, comme le souligne A. S. Guimarães, il est malgré tout possible d'expérimenter la démocratie raciale au quotidien [A. S. Guimarães in O. S. A. Pinho / L. Sansone (2008 : 77)], et d'autre part parce que la classification binaire imposée implique que se reconnaître negro empêche

3.3.2. Raça et stratégies collectives : réinvestir le terme de raça

Concernant préjugés et discrimination, passer d'une stratégie individuelle à une stratégie collective, c'est-à-dire passer avant tout par le groupe pour atteindre un but donné, implique de se reconnaître en tant que membre de ce groupe, autrement dit en tant que victime. Or : « when examples of racial discrimination are given, they often refer to third persons or, even, to something heard from the media »95. Dans la mesure où il existe un interdit social des préjugés au Brésil96, ils se manifestent plutôt dans le cadre de relations privées97, sans témoins. L'inconfort des enquêtés serait alors lié à une volonté de protéger leur vie privée. Mais cette réticence à se reconnaître en tant que victime permet aussi à l'individu de ne pas se poser comme appartenant à un groupe objet de préjugés. Cela manifesterait un désir de voir les épisodes racistes comme des accidents individuels et non comme des évènements amenés à se répéter. Autrement dit, l'individu concerné continue à croire que ses efforts individuels vont lui permettre de réaliser une ascension économique et sociale, surtout s’il a une couleur intermédiaire, qui permet d'y aspirer. Il ne voit pas de suite qu'il est face à un plafond de verre. Certes, les valeurs dominantes véhiculées par l'imaginaire social, où être branco est valorisé tandis que être de couleur preta ne l'est pas98, renforcent la difficulté à se reconnaître en tant que victime. Avoir une couleur intermédiaire permet d'aspirer au rapprochement vers les personnes brancas. Or celles-ci n'ont jamais constitué un groupe, chacune restant un individu99. Enfin, il est difficile de désirer adhérer à l'identité d'un groupe ayant une image négative100.

Les fondateurs du MNU ainsi que ses premiers militants ont pleinement pris conscience de l'échec de leurs stratégies individuelles passé un certain niveau de la hiérarchie économique et sociale. Ils savent aussi que, sans valorisation, une couleur de peau foncée fonctionne comme

tout retour en arrière : la mobilité n'est plus possible [A. Hofbauer (2006 : 378)].

95 « Quand des exemples de discrimination raciale sont donnés, ils font souvent référence à des tierces personnes ou, même, à quelque chose entendu dans les média » [L. Sansone (2003 : 55)]. De manière générale, s'il y a des personnes racistes ou victimes de racisme, elles sont toujours désignées comme étant 'autrui' [L. K. M. Schwarcz in L. K. M. Schwarcz / L. V. Reis (1996 : 155) et S. Kilsztajn / M. S. N. do Carmo / G. T. L. Sugahora / E. de S. Lopes / S. S. Petrohilos (2005 : 369)].

96 cf. la Constitution du Brésil (1988). 97 S. Schwartzman (1998).

98 « O reconhecimento da cor, quando ocorre, amiúde vem acompanhado da ressalva de algo que a ameniza, como se a cor trouxesse consigo algum mal que necessitasse de ser purgado » [W. B. Coelho (2006 : 166)] [La reconnaissance de la couleur, quand elle a lieu, est fréquemment accompagné de précisions qui l'amenuisent, comme si la couleur portait avec elle quelque chose de mauvais qui nécessiterait d'être purgé].

99 E. Piza (2002/2003 : 71 – 72). Ce groupe existe cependant par défaut, incarnant la norme.

100 F. Oliveira (2004 : 57). C'est pour cette raison qu'il nous semble difficile que le choix de la raça soit fait à titre individuel, sans avoir été au préalable attaché par autrui à un groupe.

un repoussoir identitaire au Brésil. Afin de lever cet obstacle, qui nuit à la constitution d'un groupe porteur des revendications pour ces individus, et inspirés par les réalisations nord- américaines, le MNU raisonne en terme de raça. Notons qu'au Brésil la raça fait toujours référence à la 'raça negra'101. La cor est désinvestie car elle ne permet pas de poser des frontières claires au sein de la société102. Alors que dans une perspective raciste le terme de 'race' permet de protéger le groupe dominant en excluant des individus ainsi stigmatisés, les mouvements luttant contre ce racisme peuvent y recourir politiquement103 pour (re)constituer un groupe104 afin d'obtenir leur intégration et des réparations105. La raça est réinvestie dans un sens biologique106 de manière analogue mais inversée à l'idéologie du blanchiment107. Au lieu de mettre en exergue le rapprochement chromatique vers la cor branca, le MNU souligne la part de 'sang noir' chez les pardos. Afin de souligner ce point commun aux catégories parda et

preta, le MNU précise « preto é cor e negro é raça »108 en revendiquant un terme auparavant stigmatisé109. Par ailleurs, Livio Sansone note que les personnes s'auto-déclarant negras dénoncent le racisme et non celles s'auto-déclarant de couleur preta ou parda110. Enfin, les personnes plus jeunes, socialisées dans un contexte où la démocratie raciale est qualifiée de mythe, ont une plus grande probabilité à se reconnaître en tant que victime et à adopter une rhétorique en termes de raça et non de cor111.

Tandis que ce discours était initialement relativement bien toléré par le reste de la population brésilienne112, notamment parce que l'identité negra se manifestait culturellement113 et 101 J. W. Warren souligne « In Brazilian academic circles, whenever I encountered this belief that race meant black » [J. W. Warren (2001 : 240)] [Dans les cercles académiques brésiliens, je rencontrais tout le temps cette croyance que race signifiait noir]. Nous avons constaté lors de notre enquête de terrain qu'il en était de même pour le mot cor.

102 La cor à la fois atomise (car sépare les individus les uns des autres) et rassemble l'ensemble de la société brésilienne (qui ne peut être qu'une). De plus, elle véhicule des stratégies individuelles et non collectives. 103 W. B. Coelho (2006 : 36).

104 L. M. Carnavo / M. Paixão in O. S. A. Pinho / L. Sansone (2008 : 31).

105 Ce mécanisme de défense d'un groupe ou d'un autre peut s'appliquer à d'autres éléments que la 'race' tels que l'habillement par exemple [A. Lipschütz (1937/1944 : 84 – 85, 87)].

106 A. Hofbauer (2006 : 392). 107 R. Bastide (1976 : 19). 108 F. Oliveira (2004 : 58).

109 Ce passage d'une connotation négative à une connotation positive, a lieu dans les années 1970 – 1980 [L. Sansone (2003 : 37, 47)]. Plusieurs mesures ont aussi été prises afin de valoriser cette identité, telles que l'instauration d'un dia da conciência negra [jour de la conscience noire] chaque 20 novembre depuis les années 1960.

110 L. Sansone (2003 : 56).

111 L. Sansone (2003 : 37). Par ailleurs, il n'existe que deux groupes, branco et negro, sous l'angle du concept de raça.

112 Il s'agit des personnes ne se reconnaissant pas negras.

113 Pour R. Bastide, il est important de noter que cette valorisation culturelle se fait sur un mode afro-brésilien et non africain, ce qui permet de rester ancré au discours de la démocratie raciale et donc de ne pas apparaître d'emblée comme une menace au groupe dominant [R. Bastide (1976 : 19 – 20)]. Il y voit également une explication du succès relatif du MNU à São Paulo et de son échec dans le Nordeste, où les

qu'aucune discrimination positive n'était alors mise en place, il devient menaçant pour l'imaginaire social dominant et donc rejeté une fois que la volonté d'une discrimination positive apparaît. Face à cela, la rhétorique en termes de cor est renforcée car elle véhicule une vision plus unitaire de la société brésilienne, mais il est également possible de noter l'affirmation de l'etnia [ethnie].

3.3.3. Etnia [ethnie] et groupes en mobilité

Comme le souligne Jeferson Afonso Bacelar, « os estudos étnicos nascem sob o signo da raça »114. Le concept d'etnia [ethnie] est en effet une réaction à la rigidité intrinsèque du concept de raça. Il lui est premièrement reproché d'appréhender les couleurs de peau à travers un prisme strictement binaire, et donc de méconnaître ce qu'est le racisme au Brésil :

« A inspiração norte-americana significou para o MNU, em nosso entender, um imenso gap entre seus valores e os da população que efetivamente representava. Pautados pela divisão bipolar de raças na análise da existência de um preconceito de origem […], o movimento desconheceu o caráter particular do racismo brasileiro. Não é a origem que delimita o pertencimento, mas sim a cor, a marca, assim como a posição econômica »115.

Tout comme aux États-Unis les personnes classées dans la raça negra – au sens du MNU – peuvent être plus ou moins claires ou foncées, mais aux États-Unis la race l'emporte sur la nuance de la couleur de la peau116 tandis qu'au Brésil cette nuance peut l'emporter sur la raça. Cette distinction a été théorisée par Oracy Nogueira qui sépare le preconceito de origem [préjugé d'origine] lié à la race du preconceito de marca [préjugé de marque] lié à l'apparence.

Les chercheurs utilisant essentiellement le concept de raça en ont conscience, contrairement aux affirmations de leurs détracteurs, d'où leur réticence face au très grand nombre de cores [couleurs] qui menace l'intégrité et la taille de la raça negra. Aussi, pour A. S. Guimarães par exemple, la notion de cor doit être utilisée mais sans proposer un trop grand nombre d'alternatives117. Il menacerait la raça negra d'une hémorragie. La rigidité imposée aux cores

survivances africaines sont nombreuses [R. Bastide (1976 : 20)].

114 « Les études ethniques naissent sous le signe de la race » [J. Bacelar (1989 : 19].

115 « L'inspiration nord-américaine signifia pour le MNU, de notre point de vu, un fossé immense entre ses valeurs et celles de la population qu'il représente effectivement. En se focalisant sur une division bipolaire des races dans l'analyse de l'existence d'un préjugé d'origine […], le mouvement a perdu de vue le caractère particulier du racisme brésilien. Ce n'est pas l'origine qui délimite l'appartenance, mais la couleur, la marque, tout comme la position économique » [L. K. M. Schwarcz in L. K. M. Schwarcz / L. V. Reis (1996 : 168) – italique des auteurs].

116 Mais la nuance s'applique au sein de la race.

par la raça est son rempart.

Il est deuxièmement reproché au concept de raça de certes permettre une analyse en termes de groupes, mais d'abolir l'individu et de rejeter une certaine fluidité des groupes118. Beaucoup d'auteurs brésiliens recourent alors à l'ethnicité119 ou parlent de catégories ethnico-raciales120. Rappelons que historiquement, au moment où émerge le concept de etnia, cor et raça sont presque utilisés comme des synonymes. Le terme de cor – en tant que notion – ne peut donc pas être investi pour forger des groupes non racialisés, d'où la nouveauté du concept de etnia qui autorise l'appartenance à un groupe sur la base de la couleur de sa peau tout en limitant cette question à la sphère privée, tandis que la constitution de groupes sous l’angle du concept de raça relève de la sphère publique et d’une fixité121. L'etnia s'appuie en effet sur les cores car elle opère une classification à partir des ressemblances et différences des individus sur ce point122. Mais contrairement à la raça, l'etnia autorise l'existence de plusieurs groupes noirs123, ainsi que celle d'une mobilité individuelle entre les groupes124 :

« Entretanto, uma das características dos grupos étnicos é que, não obstante sua atualização dinâmica, a mudança das suas fronteiras faz-se em geral de forma devagar ou inconsciente, na maioria das vezes de maneira imperceptível »125.

« Refletimos sobre a mobilidade individual, ou passagem de um grupo étnico para o outro, tão presente nas sociedades modernas e pluralistas »126.

Ce concept donne donc un groupe à l'individu127 sans l'y dissoudre et sans l'enfermer, notamment politiquement. De plus l'etnia permet de poursuivre un cheminement vers une réalisation effective de la démocratie raciale, ou plutôt mistura [mélange] ou miscegenação [miscigénation] selon le vocabulaire employé actuellement128 :

118 L. Sansone (2003 : 3).

119 cf. J. Bacelar (1989). Pour G. M. Fredrickson, « les marqueurs de l'appartenance ethnique sont la langue, la religion, les coutumes et les caractères physiques, innés ou acquis » [G. M. Fredrickson (2003 : 155)]. De notre point de vue, il s'agit d'un moyen de conserver une catégorie d'analyse en termes de groupes face aux couleurs de peau (d'où l'expression 'ethnico-racial') tout en ne s'engageant pas dans un activisme politique prônant la discrimination positive.

120 cf. O. Pinho / L. Sansone (2008). 121 L. Sansone (2003 : 8).

122 J. Bacelar (1989 : 11).

123 L. Sansone souligne ce phénomène en précisant qu'une culture noire peut exister sans négritude et inversement [L. Sansone in O. S. A. Pinho / L. Sansone (2008 : 175)].

124 J. Bacelar (1989 : 50).

125 « Entre temps, un des caractéristiques des groupes ethniques est que, en dépit de son actualisation dynamique, le changement de ses frontières se fait en général de manière lente ou inconsciente, dans la majorité des cas de manière imperceptible » [J. Bacelar (1989 : 37)].

126 « Nous orientons notre réflexion sur la mobilité individuelle, ou passage d'un groupe ethnique à un autre, si présente dans les sociétés modernes et pluralistes » [J. Bacelar (1989 : 14 – 15)].