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raça [race] au Brésil

II. Les discriminations : une cause des inégalités au Brésil ?

2.1. Qu'est-ce que la discrimination : définitions et mesures

La discrimination est souvent confondue avec d'autres concepts tels que la ségrégation, le préjugé, le stéréotype. Nous précisons comment est définie la discrimination61 ainsi que la manière dont elle s'articule avec ces concepts. Cela nous permettra de souligner les mécanismes menant à sa mise en œuvre. Puis nous présenterons les différentes méthodes existantes permettant de repérer et de mesurer les discriminations.

2.1.1. Définir la discrimination et ses mécanismes

La discrimination correspond, à caractéristiques égales et selon un axe particulier, au refus d'une égalité de traitement qu'un individu est en droit d'attendre62. Il s'agit donc d'un phénomène plus large que la ségrégation, qui peut être définie comme une séparation hermétique dans l'espace entre des groupes aux caractéristiques différentes. En effet, la ségrégation implique la discrimination – l'inégalité de traitement se focalise sur la répartition géographique –, l'inverse n'étant pas vrai ; elle peut être considérée comme un cas particulier de la discrimination.63 Préciser que l'individu est 'en droit d'attendre' une égalité de traitement souligne que la définition d'une situation de discrimination ne dépend pas de la perception de la personne qui en est victime64 mais qu'elle peut cependant reposer sur le regard de la société.

la démocratie raciale où les stéréotypes n'existent pas par définition.

61 En toute rigueur, la discrimination correspond à la fois au fait de faire une séparation entre deux choses, de les distinguer sans poser de jugement de valeur, et au résultat de ce processus. Nous nous plaçons directement, dans la suite de notre propos, dans l'optique d'une simultanéité de la discrimination et de l'émission d'un jugement de valeur car c'est en cela que nous sommes interpelés en tant que chercheur. 62 Les inégalités résultant de la discrimination sont donc totalement rejetées car elles trahissent le non respect

de la règle selon laquelle sont réparties les rémunérations économiques, sociales et symboliques. L'ONU définit quant à elle la discrimination raciale comme « toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans le domaine politique, économique, social ou culturel ou dans un tout autre domaine de la vie publique » [article 1 de la Convention de l'ONU du 7 mars 1966].

63 En économie, les études empiriques de la ségrégation recourent aux outils permettant de repérer et mesurer les inégalités car la dimension spatiale l'emporte sur le processus discriminatoire guidant le résultat. cf. S. R. Chakravarty / J. Silber (2007) pour la présentation d'un index généralisé de ségrégation (d'inégalité) selon le type d'occupation.

64 Nous nous distinguons donc a priori de M. Mörner (1967/1971 : 18) pour lequel le regard du groupe de la victime est essentiel dans l'identification de la discrimination : « la discrimination est le refus apporté aux membres du groupe sujet au préjugé de l'égalité du traitement qu'ils revendiquent ». Cependant, si ce groupe porte des revendications, elles peuvent être traduites dans la règle.

Ainsi, dans une société où la règle est « le salaire est fixé selon le niveau de capital humain », si deux individus α et β sont identiques à l'exception de leur couleur de peau (même contexte, même niveau de capital humain) et qu'ils reçoivent un salaire différent, cette inégalité doit être considérée comme résultant de la discrimination, même si α et β sont habitués à être traités de manière différenciée et que cela correspond à leurs attentes. En revanche, c'est bien le regard de la société qui pose ce que les individus sont en droit d'attendre, du fait de l'existence de la règle. Il convient donc d'identifier quelles sont les règles auxquelles il est fait référence, souvent de manière implicite, lors de l'étude des discriminations.

Il arrive également que la discrimination soit confondue avec le préjugé et le stéréotype. Le préjugé [pré-jugé] est une opinion exprimée avant tout effort réflexif, tandis que le stéréotype correspond à la rationalisation du préjugé.65 Ces deux concepts distincts précèdent la discrimination mais ne l'impliquent pas. En revanche l'existence de discrimination signifie qu'un stéréotype ou un préjugé est activé.66 Il en est de même concernant le concept de racisme. Il peut être défini comme la croyance de l'existence par nature de liens entre des caractéristiques physiques67 et morales impliquant la supériorité et la domination d'un groupe sur un autre selon ces caractéristiques68. Pour la personne raciste, la discrimination peut être un moyen de mettre en œuvre cette domination.69

Ces éléments nous permettent de déterminer quelle est l'imprécision globale dont est victime le concept de discrimination. C'est parce que ce dernier correspond à la fois à un résultat – inégalité de traitement – et à un processus – c'est le traitement qui est discriminatoire – qu'il est confondu avec ses causes ; ces dernières constituent le processus menant à la mise en œuvre de la discrimination [Schéma 2.1]. Cela nous amène à relativiser, sans les accepter, les confusions préalablement soulignées. Il apparaît en effet que, si la discrimination est à la fois un résultat et un processus, l'étudier implique de tenir compte de deux angles d'analyse, autrement dit d'intégrer les différentes causes possibles. C'est d'ailleurs ainsi que fonctionnent 65 H. Garner-Moyer (2003). Le même auteur précise également que le préjugé se situe au niveau individuel

tandis que le stéréotype s'ancre au niveau collectif. Ces deux concepts sont souvent confondus entre eux. 66 cf. Z. Kunda / S. J. Spencer (2003) pour une présentation détaillée du lien et de la distinction entre

stéréotype et discrimination. L'activation correspond au moment où le stéréotype vient à l'esprit face à une personne [Z. Kunda / S. J. Spencer (2003 : 522)].

67 H. Garner-Moyer (2003) en distingue cinq : l'apparence physique (dont la beauté), le phénotype, le genre, le handicap et l'âge. Elle ajoute que d'autres caractéristiques, non physiques, telles que l'orientation sexuelle et l'appartenance à un syndicat, peuvent aussi être des axes selon lesquels s'exerce la discrimination. 68 Pour D. M. Leite (1969/1983 : 1, 6, 17 – 19) c'est l'émergence de la domination qui distingue racisme et

xénophobie.

69 Parmi les causes de discrimination, figurent aussi les mécanismes de protection de soi et de son groupe d'appartenance [endogroupe] par rapport à un autre groupe, extérieur [exogroupe].

les modèles d'analyse des discriminations en économie et en sociologie. Il s'agit de la repérer et / ou la mesurer selon l'hypothèse faite sur les causes à l'œuvre. C'est encore une fois le regard du chercheur qui intervient. Une analyse rigoureuse de la discrimination impliquerait donc d'interroger toutes ses causes possibles. Tout comme pour les différents axes structurant les inégalités, cela est pourtant difficile, ce qui va nous forcer à choisir un positionnement a

priori face à cet objet.70

Schéma 2.1 : Les étapes précédant la discrimination

En économie, il y a principalement deux modèles qui s'opposent : celui de Gary Stanley Becker (discrimination par goût) et celui de Edmund S. Phelps (discrimination statistique). Le premier71 postule que la discrimination résulte des goûts des employeurs, des employés et / ou des clients, qui ne souhaitent pas entrer en contact avec des individus appartenant à un groupe qu'ils n'aiment pas. De notre point de vue, il peut s'agir d'un modèle de ségrégation dans la mesure où c'est le contact entre les groupes qui est en jeux. Cependant, le mécanisme à l'œuvre révèle bien de la discrimination car la désutilité du contact entre des individus de groupe différent se traduit par une inégalité de traitement dans les salaires72.

Edmund S. Phelps73 postule quant à lui que, face à une incertitude quant aux caractéristiques productives d'un individu, l'employeur se base sur les caractéristiques statistiques moyennes du groupe auquel appartient le candidat. Ce n'est pas le fait d'aimer ou non ce groupe qui 70 Dans la mesure où un même résultat peut découler de causes différentes (la discrimination fait partie des phénomènes observationnellement équivalents car nous ne pouvons pas en observer les causes, dont la préférence – le rejet – de l'employeur par exemple pour un groupe ou un autre), ce choix est particulièrement délicat.

71 Une présentation théorique de l'approche de G. S. Becker figure dans le volume annexe [Annexe 2.3 page 8].

72 D'ailleurs G. S. Becker ne s'y trompe pas, affirmant que la discrimination est une cause de la ségrégation [G. S. Becker (1971 : 22)].

73 Une présentation théorique de l'approche de E. S. Phelps figure dans le volume annexe [Annexe 2.4 page 8]. confrontation (réelle ou fictive) cause(s) activée(s) cause(s) non activée(s) application de ‘cause(s)’ non application de ‘cause(s)’ DISCRIMINATION

intervient.74

En sociologie, nous distinguons principalement quatre approches concernant le Brésil [Tableau 2.16]. Dans le cadre de la première, ce sont les personnes à la peau claire qui, du fait du racisme ou de stéréotypes, discriminent les personnes ayant une peau foncée. La seconde approche, sans remettre en cause la première, souligne que « o propio negro discrimina ao negro »75, notamment parce qu'il a intériorisé l'idéologie du blanchiment. La troisième approche résulte d'une critique adressée à la seconde, où le blanchiment est uniquement pensé comme une carence des personnes ayant une peau foncée : c'est du fait de leur déficit de blancheur qu'elles se percevraient comme inférieures et discrimineraient les individus de leur propre groupe. Or les tenants de la troisième approche soulignent que le pendant de cette carence réside dans le privilège dont bénéficient les personnes de couleur claire76. Il convient donc, de ce point de vue, d'étudier à la fois les populations 'negras'77 mais aussi celles étant 'brancas' [blanches] car : « evitar focalizar o branco é evitar discutir as diferentes dimensões do privilégio »78.

Tableau 2.16 : Les quatre approches des causes et acteurs en présence dans les situations de discrimination

approches causes peut mettre en œuvre la discrimination discriminationest victime de 1 racisme / stéréotypes personnes à la peau claire personnes à la peau foncée 2 intériorisation de l'idéologie du blanchiment personnes à la peau foncée personnes à la peau foncée 3 intériorisation de l'idéologie du blanchiment tout le monde personnes à la peau foncée 4 racisme / stéréotypes personnes à la peau foncée personnes à la peau claire Cet élargissement de l'analyse comporte cependant un risque car parler de privilège fait écho à 74 Notons que l'histoire ne commente pas le fait que l'employeur choisisse justement la couleur de la peau

comme un critère permettant de lever ses incertitudes quant aux qualités productives du candidat.

75 Littéralement « le noir lui-même discrimine le noir ». Nous citons ainsi cette expression car elle fait partie des éléments du refrain argumentatif constaté lors des entretiens.

76 M. A. S. Bento (1999).

77 Nous employons ici à dessein le terme 'negras' [noires] pour deux raison. La première correspond à un phénomène récurrent pendant notre enquête de terrain (présentée dans le chapitre quatre pages 309 à 317) : notre déclaration 'j'étudie les différents mots pour décrire les couleurs de peau' était quasi systématiquement interprété comme 'elle étudie la discrimination contre les noirs'. La seconde réside dans la géométrie sémantique variable de ce terme (soulignée supra pages 97 à 98) : nous faisons bien référence aux populations 'negras' dans tous les sens possibles de ce terme.

78 « Eviter de se focaliser sur le Blanc c'est éviter de discuter les différentes dimensions du privilège » [M. A. S. Bento in I. Carone / M. A. S. Bento (2002/2003 : 27)].

une certaine illégitimité, or il s'agirait plutôt de rendre accessible à tous les niveaux de salaire, par exemple, des personnes de couleur claire79. Dans la quatrième approche ce sont les personnes ayant une couleur foncée qui, du fait du racisme ou de stéréotypes, discriminent les personnes de couleur claire. Cette approche est récente : elle a émergé au Brésil parallèlement aux revendications pour la mise en place d'une discrimination positive.

2.1.2. Repérer et mesurer les discriminations

Tout comme pour les inégalités, l'économie et la sociologie étudient la discrimination en différents moments de son déroulement temporel. L'analyse sociologique, qui se focalise relativement plus sur le repérage des discriminations, se situe en amont de l'analyse économique, qui traite plus de leur mesure. Cette distinction peut cependant paraître artificielle car pour que l'identification de la discrimination soit incontestable, il convient de la mesurer. Or il est difficile de mettre en évidence l'existence de discrimination car les méthodes employées sont sans cesse critiquées, souvent avec raison80. Notons par exemple que pour beaucoup d'auteurs81 il est suffisant de montrer l'existence d'inégalités pour en déduire qu'il y a de la discrimination. C'est d'après le modèle analytique, dans le cadre duquel l'étude des inégalités est convoquée, qu'une telle conclusion est posée. Mais une telle méthode est rapidement cible d'objections, qui remettent en cause le modèle utilisé et donc la conclusion, car ce n'est pas le phénomène 'discrimination' en soi qui est identifié, contrairement à ce qui est annoncé. En effet, dans la mesure où toute inégalité ne résulte pas de la discrimination, repérer ou mesurer une inégalité ne permet pas en soi de conclure en terme de discrimination. Les axes et causes utilisés pour l'analyse sont également critiqués82, principalement pour deux raisons : le choix en soi de ces axes et de ces causes d'une part et la variabilité des causes d'autre part. D'une part, il n'existe pas forcément de consensus par rapport à la pertinence d'un axe ou d'un autre selon lequel la discrimination existerait. Ainsi, si un auteur α pense que la couleur de la peau est un axe important dans l'étude de la discrimination et qu'un auteur β ne partage pas du tout cet avis, un débat stérile et sans fin peut potentiellement s'engager. Concernant les causes de la discrimination, un même affrontement peut émerger, les partisans de la première et de la quatrième approche [Tableau 2.16] s'opposant de manière trop frontale. D'autre part, les causes ont une certaines variabilité 79 J. Matas (2008).

80 cf. Z. Kunda / S. J. Spencer (2003) pour une présentation des différentes méthodes disponibles afin de repérer les stéréotypes.

81 Dont C. Hasenbalg, qui en a totalement conscience [A. S. A. Guimarães (2006)]. 82 H. Garner-Moyer (2003).

car elles peuvent être différentes dans le temps (époque)83, dans l'espace (pays, région) et selon les individus84. Comme le souligne Ruy Coelho dans la préface de l'ouvrage de Teófilo de Queiros Júnior « o preconceito, como o vírus da gripe epidêmica, tem infinita capacidade de mutação »85, affirmation qui peut également s'étendre aux stéréotypes et aux racismes. Il est donc particulièrement difficile de prouver l'existence de discrimination, ce qui n'est pas sans lien avec la nature des inégalités qui y sont attachées, rejetées totalement.

A notre connaissance, il existe deux façons d'identifier de manière directe la discrimination, dont l'une permet également de la mesurer : le testing86 et la méthode de décomposition d'Oaxaca. Le testing est une procédure expérimentale87. Il s'agit de confondre une personne soupçonnée d'exercer une discrimination en la confrontant à son insu à deux individus identiques à l'exception de leur couleur de peau (si la discrimination objet de l'expérience s'effectue selon cet axe). Si la personne testée traite de manière différenciée les deux individus, la conclusion du testing est qu'il y a discrimination88. Nous identifions principalement quatre limites pour cette méthodes89. Premièrement, elle est très coûteuse. Deuxièmement, il n'est pas possible de séparer ce qui relève de la discrimination par goût et de la discrimination statistique90. Troisièmement, s'il s'agit d'une expérience dite contrôlée, elle ne l'est jamais complètement car des variables telles que la personnalité impliquent qu'il n'y a jamais deux candidats identiques à comparer91. Enfin, quatrièmement, peut-être du fait 83 O. Ianni (1966/2004 : 335) souligne également un lien entre les cycles économiques et l'ampleur des

préjugés, les situations de crise renforçant l'émergence de ces derniers. 84 G. S. Becker (1971 : 17).

85 « Le préjugé, comme le virus de la grippe épidémique, a une capacité infinie de mutation » [T. de Queiroz Jr (1975/1982 : 1)].

86 Cette méthode peut être traduite différemment selon ses domaines d'application. Si les juristes parlent de 'test de discrimination' [cf. F. Burnier / B. Pesquié (2007)], les économistes préfèrent les termes de 'test de situation' et 'd'audit par couples' [cf. E. Duguet / N. Leandri / Y. L'Horty / P. Petit (2007)] (respectivement face à l'accès à l'entretien d'embauche et à l'accès à l'emploi).

87 Comme le souligne G. Calvès (2007), l'expérimentateur ne maîtrise cepandant pas tous les éléments, ce qui ne constitue pas pour autant un argument en soi contre l'utilisation de cette méthode.

88 Cette méthode a notamment été employée pour tester la présence de discrimination à l'entrée des discothèques ou lors de l'embauche [respectivement F. Burnier / B. Pesquié (2007) et P. Petit (2003)]. 89 Nous nous focalisons ici sur le testing tel qu'il est utilisé dans les recherches académiques. G. Calvès

(2007) souligne trois différences entre le testing scientifique et le testing judiciaire. Premièrement, le premier peut s'appuyer sur des candidats fictifs tandis que le second impose que les personnes en présence soient de vrais acteurs et non des constructions pour l'occasion du test. Deuxièmement, le testing scientifique vise à obtenir des conclusions par rapport à une population la plus large possible, tandis que le testing judiciaire vise à condamner une entité en particulier. Troisièmement, la validité du premier repose sur une évaluation scientifique, tandis que celle du second est liée à la preuve de l'existence effective d'une intention de discriminer. Les deux dernières différences sont en quelque sorte indiquées par la définition retenue de la discrimination dans le droit, où elle « est prouvée quand la différence de traitement est démontrée, quand l'auteur de l'acte est identifié et quand l'état d'esprit qui l'anime est la cause centrale de l'acte » [F. Burnier / B. Pesquié (2007 : 4)].

90 J. J. Heckman (1998). 91 O. De Schutter (2001).

des coûts liés à une condamnation s'il s'agit d'un testing judiciaire, « certaines entreprises se sont dotées de méthodes permettant de détecter les tests »92. Des précautions peuvent cependant être prises par les chercheurs pour limiter ce pouvoir de détection93.

La méthode de décomposition d'Oaxaca repose quant à elle sur l'économétrie.94 En amont, il s'agit de diviser la population en sous-groupes selon l'axe cristallisant la discrimination (comme la couleur de la peau, le genre) puis de réaliser une estimation économétrique sur chaque sous-groupe dans le domaine où s'exerce la discrimination (comme l'accès au marché du travail, le salaire). Enfin, le chercheur procède à la décomposition de l'inégalité de résultat (comme la probabilité d'être au chômage, l'écart de salaire) entre une part dite 'justifiée' et une autre dite 'injustifiée'95. La première est la part de l'écart résultant de la valorisation des caractéristiques et attributs individuels selon la règle de répartition des rémunérations économiques, sociales et symboliques. La seconde est définie de manière résiduelle et correspond donc au reste de l'inégalité : dans la mesure où elle ne découle pas de l'application de la règle, elle est considérée comme 'injustifiée' et est attribuée à la discrimination. Cette méthode est très employée, notamment parce qu'elle peut s'appliquer aux bases de données existantes, tandis que le testing suppose par définition une nouvelle collecte de données. Il convient néanmoins de garder à l'esprit les nombreuses limites de la méthode de décomposition d'Oaxaca afin de nuancer les conclusions qu'elle permet d'apporter. Nous en dénombrons deux : la surestimation de la mesure de la discrimination et la non prise en compte de la distribution des résultats, caractéristiques et attributs au sein de la population. Tout d'abord, comme la mesure de la discrimination (la part 'injustifiée' des inégalités) est calculée de manière résiduelle, cela signifie que nous sommes face à une surestimation du phénomène; en effet, sachant que toutes les variables explicatives nécessaires ne sont pas disponibles dans les bases de données96, cela implique qu'une moins grande proportion de la variabilité du résultat est expliquée / justifiée. De plus, les coefficients97 souffrent d'un biais de 92 F. Burnier / B. Pesquié (2007 : 6).

93 E. Duguet / N. Leandri / Y. L'Horty / P. Petit (2007).

94 Une présentation plus formelle figure dans le volume annexe [Annexe 2.5 pages 9 à 10].

95 La terminologie choisie par R. Oaxaca fait sans doute référence à l'opposition juste / injuste traditionnellement faite pour les inégalités. Notons que le couple justifié / injustifié est parfois remplacé par le couple expliqué / inexpliqué. Face à notre typologie, cette méthode permet de décomposer une inégalité entre sa part pouvant être acceptée totalement (la règle est respectée) et une autre part rejetée totalement (une règle – la discrimination – est appliquée mais elle n'est pas valide). Les inégalités acceptées ou rejetées partiellement ne semblent pas concernée par cette méthode.

96 Ces données peuvent ne pas être disponibles car elles ne sont pas collectées mais aussi car il peut s'agir