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Rôle réactif du client : les attitudes d’évitement

De la transformation digitale du client à sa relation avec l'entreprise

Section 1 : La transformation digitale du client

3. Rôle réactif du client : les attitudes d’évitement

Les attitudes d’approche du client dans le cadre de la relation digitale et de la transparence ont été précédemment étudiées. Dans les discours des clients, deux autres concepts sont apparus, qui à l’inverse, suivent une logique de l’évitement. Cette logique d‘évitement peut être assimilée à une volonté de ne pas agir, d’avoir un rôle seulement réactif (parfois pour se protéger) aux sollicitations des entreprises. Certains individus deviennent spectateurs d’un monde connecté qui leur échappe. Eux aussi se transforment avec l’évolution des pratiques digitales mais ils perçoivent une moins grande maîtrise sur leur environnement.

« Maintenant c’est rentré dans les mœurs. C’est normal qu’on vous identifie

d’entrée : qui vous êtes, homme ou femme. On vous catalogue déjà dans une certaine case. C’est normal qu’on regarde où vous allez, qu’on sache où vous allez.

Je pense qu’il y en a qui doivent être forts pour ça ». (Entretien n°2)

« C’est sûr que l’on collecte nos données c’est sûr. De toute façon, c’est sûr qu’on est suivi à partir du moment où l’on va sur internet. Il est difficile de faire quoi que

ce soit par rapport à ça ou alors il ne faut pas aller sur internet. C’est tout ou rien

en fait. C’est ce qui se passe en fait ». (Entretien n°15)

Ces clients observent de façon impuissante et résignée les pratiques digitales évoluer et sont préoccupés par les risques liés à leur vie privée. La résignation et la préoccupation pour la vie privée ont d’ailleurs un point commun très fort, ils font tous deux référence à la passivité de l’individu dans la relation et à un sentiment de perte de contrôle, d’inquiétude, de risque perçu.

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Tableau 46 : Attitudes d'approche et d'évitement des clients dans un environnement digital

Attitudes APPROCHE EVITEMENT

Rôle du client ACTIF REACTIF

Concepts mobilisés

Aisance digitale

Connaissances subjectives sur le digital (expertise) et usages objectifs des outils digitaux Perspicacité

Efforts du client afin de voir, de comprendre, de découvrir ce qui est caché derrière les pratiques

digitales pour en tirer des prévisions et des bénéfices

Besoin de contrôle de la relation

Volonté du client de contrôler les prises de contact avec l’entreprise

Préoccupation pour la vie privée

Attitude, inquiétude face à un manque de contrôle

Résignation

Conséquence d’un manque de

pouvoir, de contrôle, non motivation à agir

3.1. Un client préoccupé pour sa vie privée

La préoccupation pour la vie privée dans un cadre relationnel est liée à l’évaluation d’un risque : c’est l’évaluation du risque d’un manque de contrôle sur ses données personnelles. Elle représente une inquiétude, un trait du client qui peut être modifié en fonction des situations. Ce concept ne représente pas des actions concrètes que l’individu va mettre en place ou a la volonté de mettre en place. Il représente une réaction au manque de contrôle. Dans un premier temps, nous commençons par réaliser un tour d’horizon sur les concepts proches de la préoccupation de la vie privée : protection des données personnelles, droit au respect de la vie privée. Nous proposons ensuite de faire évoluer la définition sur le concept en prenant en compte le fait que la préoccupation pour la vie privée fasse aussi référence à la perception de risque liée à la combinaison de données via des algorithmes28 (Balagué, 2016).

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3.1.1. De la protection des données personnelles à la préoccupation pour la vie privée

A ses origines, la question du respect de la vie privée est associée au marketing des bases de données et au marketing direct. C’est d’ailleurs pourquoi en 1978 que la Loi « Informatique et

Libertés » est promulguée. Depuis, avec le développement d’Internet, l’attente de respect de

la vie privée s’est accrue de la part des clients. Ces derniers perçoivent un risque de privacy (intimité ou confidentialité en français) de plus en plus grand face à la récolte, la combinaison et l’utilisation de leurs données personnelles. Les définitions relatives aux données personnelles ainsi que leurs principales protections sont abordées dans le paragraphe suivant.

a. Qu’est-ce qu’une donnée personnelle ?

Une donnée personnelle représente « toute information relative à une personne physique

identifiée ou identifiable par un numéro d’identification ou un élément qui lui est propre »

(comme son nom, son adresse email, etc.). Les données sociodémographiques ne sont pas qualifiées de personnelles, toutefois, elles le deviennent si elles sont associées à des données qui permettent d’identifier un individu. Les données personnelles sont très souvent classées en différentes catégories (de 2 à 8 catégories dans la littérature). Une des classifications des plus retenues est celle de Phelps et al. (2000), également retenue par Lancelot-Miltgen, (2006).

Tableau 47 : Classification des données personnelles (Phelps et al., 2000)

Classification des données personnelles par Phelps et al. (2000)

Type de données

Données d’identification (nom, n°téléphone, n°CB, n°sécurité sociale, ..)

Données sociodémograhiques (âge/date de naissance, statut marital, niveau d’études, profession, ..)

Données de « style de vie » (hobbies, loisirs, ..)

Données comportementales (supermarchés fréquentés, produits/services achetés à distance, achats avec CB, ..) Données financières (revenu annuel, ..)

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Les données personnelles des clients peuvent être obtenues de deux façons différentes en ligne :

De manière directe : elles sont fournies de façon volontaire par le client au cours de l’échange (en contrepartie d’avantages promotionnels, de contenus gratuits)

De manière indirecte : il s’agit d’informations clients récoltées lors de la navigation de l’internaute (grâce aux cookies) concernant par exemple son comportement d’achat. Il est alors question de transmission de données de façon passive, par le biais de technologies « discrètes » (Caudill et Murphy, 2000).

Ce sont les données recueillies de manière indirecte qui posent actuellement le plus de problèmes éthiques puisque les techniques de collecte sont très souvent opaques et invisibles pour le client.

b. De quelle(s) façon(s) sont protégées les données personnelles ?

Lorsque l’on s’intéresse à la protection des données personnelles, la question du respect de la vie privée va de pair. Les préoccupations pour le respect de la vie privée ne sont d’ailleurs pas nouvelles. Elles émergent et s’accentuent quand le public perçoit « une menace due à

l’existence de technologies, qui accroissent les capacités de surveillance, de stockage, de mémorisation et de communication des informations personnelles » (Westin, 1967 ; Miller,

1971). Le conflit principal à ce sujet réside dans l’opposition entre le droit du client à protéger sa vie privée et le droit des entreprises à se les approprier. Il existe une contradiction entre la liberté du commerce d’un côté et la liberté individuelle de l’autre (Rigaux, 2000).

En France, la Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (2004) constitue un cadre juridique pour les relations commerciales sur Internet. En octobre 2016, en France, la loi pour une République Numérique indique que les « services proposés par des plateformes digitales

doivent respecter des critères de transparence et de loyauté envers leurs clients, et clarifier

leurs conditions générales d’utilisation »29. L’objet des différentes lois sur le numérique ne

concerne plus seulement les données, mais concerne également les algorithmes et leur transparence.