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La perspicacité du point de vue des entreprises et des clients

De la transformation digitale du client à sa relation avec l'entreprise

Section 1 : La transformation digitale du client

1. Identification de la transformation digitale des clients

2.1. Un client avec une certaine aisance digitale

2.2.3. La perspicacité du point de vue des entreprises et des clients

Le concept de perspicacité tel que défini dans les paragraphes précédents a pu être identifié dans les discours des entreprises et des clients, lors de nos entretiens (Tableau 41). Les entreprises remarquent que les individus sont toujours plus nombreux à chercher à comprendre et à tirer avantage de leurs pratiques. En effet, elles se rendent compte de l’évolution des connaissances des clients et des efforts qu’ils réalisent. Elles savent que ces derniers sont de plus en plus au fait des pratiques digitales et qu’ils tentent de « tricher » afin d’obtenir des avantages. Côté clients, ces-derniers sont très clairs sur leurs agissements. Ils disent clairement qu’ils connaissent le fonctionnement des pratiques digitales des entreprises et que si l’occasion se présente, ils tenteront d’en obtenir des bénéfices.

D’après les commentaires recueillis, autant du point de vue de l’entreprise que du point de vue des clients, la perspicacité est particulièrement bien identifiée. Ce n’est pas seulement le fait d’avoir des connaissances, c’est aussi le fait d’arriver à prédire les processus marketing des entreprises afin de savoir comment agir pour en retirer un plus grand bénéfice.

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Tableau 41 : La perspicacité du point de vue des entreprises et des clients

La perspicacité

Verbatims :

la perspicacité du point de vue des entreprises

Verbatims :

la perspicacité du point de vue des clients

Un client qui connaît les

pratiques

« Le client est moins naïf par rapport à ce qu’on lui propose sur le web. Donc il va avoir tendance à comparer, à aller à droite à gauche, à regarder les forums. Ils n’hésitent pas à aller regarder partout, à chercher partout, à regarder les commentaires, etc. »

(Entreprise SNCF)

« Pour les newsletters, je peux avoir un bénéfice des fois lors de

l’inscription ou nouvelle inscription. On peut avoir 5% de réduction quand on est nouveau donc des fois je crée un nouvel email pour avoir la réduction ». (Entretien n°8)

marketing pour en tirer avantage

« Aujourd’hui il y a un gap énorme entre l’avancée des technologies et ce que le client lambda du point de vente voit. Seuls les clients avertis en ce qui concerne l’univers numérique sont en phase avec ça, et il y en a de plus en plus ». (Entreprise Mobirider).

« Souvent on met dans le panier et on ne commande pas. Le lendemain on reçoit un rappel « vous avez ça dans votre panier, vous n’avez pas commandé » et vous allez dans votre panier et là ils vous font une remise de 10%. Vous attendez encore 3-4 jours et on vous fait encore une remise. Je sais comment ça marche ».

(Entretien n°3) Un client qui « détourne » les pratiques digitales à son avantage

« Je ne crois absolument pas à la transparence du client, pas le moins du monde. Et je le conçois tout à fait. Les clients trichent pour avoir le gain sans en avoir la contrainte ».

(Entreprise Cibleweb, n°1)

« Je pense qu’en général oui, je triche. Si jamais j’ai l’impression que je vais tirer un plus grand bénéfice à divulguer de fausses informations, je vais le faire. Je ne sais pas, si par exemple je sais que je vais avoir une réduction si je dis que j’habite à côté, je vais dire que j’habite à côté ».

(Entretien n°1) Un client qui « détourne » les pratiques digitales à son avantage

« Le client va tricher s’il voit un bénéfice ». (Entreprise Célio)

« Bon la date anniversaire déjà je triche parce-que je ne mets jamais ma date d’anniversaire correcte. Pour le numéro de téléphone, je mets des faux numéros, à part si je dois me faire livrer quelque chose. Sinon, j’ai une boîte email dédiée qu’aux trucs commerciaux ». (Entretien n°7)

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La transformation digitale du client est donc en partie liée à deux attitudes d’approche de celui-ci : le développement de son aisance digitale et de sa perspicacité.Nous proposons une synthèse de ces deux concepts dans le Tableau 42 ci-dessous.

Tableau 42 : Synthèse des définitions de l’aisance digitale et de la perspicacité

Concepts Cadre théorique Définitions des concepts

Aisance digitale (expertise + usages du numérique) Digital literacy Capacité à comprendre et à maîtriser internet, les outils numériques et les technologies de

l’information

L’expertise est la faculté à savoir mobiliser des compétences et

des outils numériques en

fonction des expériences

passées afin d’en connaître plus que les autres sur les pratiques digitales

Connaissances subjectives Les usages du numérique représentent la capacité des individus à utiliser les outils digitaux au quotidien

Connaissances objectives

Perspicacité Consumer acumen

Capacité à se poser des questions sur les processus et à avoir un plus grand

discernement que les

autres sur la consommation

La perspicacité consiste à chercher à découvrir ce qui est caché derrière les processus marketing en investissant des ressources (temps, efforts, …) et en utilisant des compétences digitales, ceci afin de réaliser des prévisions et d’obtenir des

bénéfices issus de

l’environnement digital. En outre, les études managériales s’intéressent de plus en plus au désir du client de maîtriser l’environnement digital, que ce soit d’obtenir plus de contrôle sur ses données personnelles ou bien sur les promotions qu’il reçoit (par exemple les études de KPMG)27.

27 https://home.kpmg.com/fr/fr/home/media/press-releases/2017/02/protection-des-donnees-personnelles-frein-client.html

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Les clients cherchent en effet à retrouver du contrôle dans leurs relations avec les entreprises. Ils sont de plus en plus inquiets quant à leur perte de pouvoir tout au long de leur parcours. Ainsi, l’aisance digitale, la perspicacité et le besoin de contrôle du client participent au désir de celui-ci de maîtriser l’environnement numérique, c’est-à-dire de « pouvoir user à

son gré d’un savoir, d’une technique, d’une force » (Larousse) dans un environnement

digitalisé. Les deux premières parties de cette section se sont intéressées à l’aisance digitale et à la perspicacité. Cette troisième partie appréhende le besoin de contrôle du client. Cela concerne sa volonté de participer à la modélisation de sa relation avec l’entreprise de façon active. Le client met alors en place une attitude d’approche envers l’entreprise dans le sens où il tente de retrouver du pouvoir et cherche à mieux maîtriser les rapports et les contacts avec les entreprises.

Tableau 43 : Attitudes d'approche et d'évitement des clients dans un environnement digital

Attitudes APPROCHE EVITEMENT

Rôle du client ACTIF REACTIF

Concepts mobilisés

Aisance digitale

Connaissances subjectives sur le digital (expertise) et usages objectifs des outils digitaux Perspicacité

Efforts du client afin de voir, de comprendre, de découvrir ce qui est caché derrière les pratiques

digitales pour en tirer des prévisions

Besoin de contrôle de la relation

Volonté du client de mieux

maîtriser les prises de contact avec l’entreprise

Préoccupation pour la vie privée Attitude, inquiétude face à un manque de contrôle

Résignation

Conséquence d’un manque de

pouvoir, de contrôle, non motivation à agir

183 2.3. Un client qui souhaite « contrôler » sa relation avec l’entreprise

Interagir efficacement avec son environnement a été reconnu comme un besoin humain fondamental (White, 1959, p.297). Cette efficacité dans le contrôle de l’environnement est définie par White (1959) comme « une force structurante de l’activité orientée vers le besoin

de démontrer sa compétence, sa supériorité et sa maîtrise de l’environnement ». La

transformation digitale du client passe par sa volonté grandissante de contrôler les éléments qui l’entoure et par sa volonté encore plus grande de maîtriser sa relation avec les entreprises, trop souvent subie. Régulièrement spammés par des messages marketing non choisis et obligés d’utiliser des canaux précis afin de contacter une entreprise, les clients désirent mieux contrôler les prises de contact à leur initiative ou à l’initiative de l’entreprise. Mieux contrôler, c’est avant tout mieux s’approprier les outils digitaux dans l’objectif ensuite de mieux gérer la relation. C’est aussi gagner du pouvoir, d’où l’importance du champ de littérature concernant le customer empowerment.

Nous proposons tout d’abord d’éclairer la notion de contrôle de la relation en nous appuyant sur les recherches concernant l’appropriation. Avant de pouvoir contrôler quoi que ce soit, il s’agit de se l’approprier. Les recherches sur le pouvoir et sur le customer empowerment seront également mobilisées afin de préciser le concept de contrôle. Enfin, nous nous intéressons plus précisément aux définitions du contrôle perçu et du désir de contrôle. Elles viendront étayer le concept de besoin de contrôle dans la relation entreprise-client.