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Perspective dynamique, multilatérale et interactionnelle

Conceptualisation de la transparence perçue des pratiques digitales

3. Une diversité des perspectives de la transparence dans la littérature

3.3. D’une perspective statique vers une perspective dynamique

3.3.2. Perspective dynamique, multilatérale et interactionnelle

Bien que le GRI ait tenté d’inclure le client dans la définition de la transparence en indiquant que son point de vue devait être intégré, cela ne semble pas suffisant. Le domaine des médias, a permis de mieux appréhender la transparence, cela d’un point de vue plus participatif. D’après Hedman (2016), de nombreuses recherches dans le domaine des médias prônent plus de transparence (Chadha et Koliska, 2014 ; Groenhart, 2012 ; Heise et al., 2013 ; Phillips, 2010) pour plusieurs raisons :

 Le public souhaite que les médias soient transparents sur leurs sources, leurs principes journalistiques et leurs erreurs.

 Les entreprises employant des journalistes désirent que leur public les considère comme objectifs, responsables et transparents.

 Les journalistes considèrent la transparence comme l'un des idéaux professionnels les plus importants.

La transparence est alors devenue une norme incontournable dans le domaine des médias, notamment parce qu'elle est censée promouvoir la crédibilité et la responsabilité. Plaisance (2007) soutient que la transparence est un élément essentiel de la crédibilité. Deuze (2005) indique que la transparence est aussi étroitement liée à la participation et à l'interactivité.

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Karlsson (2010) propose d’ailleurs deux types de transparence :

(1) La transparence de la divulgation : dans quelle mesure les journalistes sont « ouverts » en ce qui concerne la collecte d’informations sur les faits d’actualité ? Comment les faits d’actualité sont-ils expliqués au public ?

(2) La transparence participative : dans quelle mesure le public est inclus dans la production d’actualités ? Comment peut-il interagir avec ce type d’informations ? Ces deux types de transparence semblent complémentaires. L’une étant plus descriptive et faisant référence à la transparence statique décrite en début de paragraphe et l’autre plus participative. La première concerne un flux d’information provenant de l’entreprise vers les individus (individu passif et spectateur de l’information) et la seconde implique l’individu comme membre actif interagissant dans la relation.

Plaisance (2007) prône également la participation en indiquant plus précisément

que l'ouverture est la meilleure façon de renforcer la confiance. Meier (2009) appuie en ce sens

en décrivant la transparence comme une démonstration de fiabilité à l’aide d’une réflexion ouverte et grâce à l'établissement d'une relation avec le public.

Avec les médias sociaux, ces processus sont devenus encore plus visibles car ils apportent des nouvelles possibilités et de nouveaux aspects de la transparence, comme la diffusion de l’information en temps réel (Chadha et Koliska, 2014). Le phénomène de « journaliste citoyen » ou de « journalisme participatif » a d’ailleurs pris de l’ampleur grâce aux outils mobiles et aux réseaux sociaux qui permettent l’instantanéité. En effet, des informations sur l’actualité peuvent aujourd’hui être produites et diffusées par un quelconque individu équipé d’outils digitaux (mobile et réseaux sociaux par exemple). Ce type de journalisme a pris son essor avec l’apparition des blogs dans les années 2000. Bowman et Willis (2003) le définissent comme l’action de citoyens dans les processus de collecte, de reportage, d’analyse et de dissémination de l’information d’actualité. L’objectif du journalisme participatif est alors de fournir les informations indépendantes, fiables, précises, diverses et appropriées pour Pelissier et Chaudy (2009). Le journalisme participatif désire rendre l’environnement bien plus transparent grâce à l’aide de la communauté.

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Par ailleurs, différents travaux (Tapscott et Ticoll, 2003 ; Vaccaro 2006 ; Vaccaro et al., 2008) exposent le rôle primordial des Systèmes d’Information (SI) dans la transparence des entreprises. D’après Tapscott et Ticoll (2003), les SI ont le pouvoir de transformer les entreprises opaques en « naked organizations » (organisations nues). Thompson (2007) indique même que la transparence sera rapidement liée à la capacité des entreprises à utiliser Internet et les outils technologiques tels que les blogs et les sites collaboratifs, afin de créer un dialogue direct et continu avec les clients. Les TIC (par exemple les sites Web, les communautés en ligne, les forums, les e-mails et les blogs) conduisent à une nouvelle forme efficace d'engagement des parties prenantes en créant un lieu (virtuel) où celles-ci peuvent échanger, partager, comparer les informations. Les outils associés à l’Internet peuvent être exploités par les entreprises afin de donner de l’information personnalisée de manière individuelle aux parties prenantes, afin de garantir qu’ils reçoivent et comprennent l’information (Fombrun et Rindova 2000). Par exemple, un client peut préférer recevoir de l’information par email plutôt que par SMS. L’entreprise peut alors adapter le moyen grâce auquel elle divulgue de l’information.

De l’ensemble de ces éléments, découle une transparence dite « dynamique » discutée dans la littérature en sciences sociales où les Systèmes d’Information sont utilisés afin de maintenir une interaction continuelle entre l’organisation et les parties prenantes. La transparence

« dynamique » s’apparente à la définition de la transparence « collaborative » indiquant

que tout citoyen peut fournir des informations pour contribuer activement à rendre une organisation transparente. Il est alors question de « customer empowerment » dans le sens où les citoyens/clients ont le pouvoir d’agir (Le Bossé et Lavallée, 1993) grâce aux pratiques collaboratives possible à l’aide d’Internet.

Un exemple de transparence collaborative peut justement être cité : le site

www.scorecard.org rassemble et fournit des informations sur les niveaux de pollution aux

États-Unis. Il permet aux visiteurs de soumettre leurs commentaires sur les émissions toxiques dans leur ville. La transparence ici constitue un effort citoyen et collaboratif.

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La transparence en politique fait actuellement grand débat avec les WikiLeaks qui sont au cœur des controverses depuis 2010, Il s'agit d'un réseau d'individus engagés, dans lequel les technologies sont utilisées pour divulguer des informations au public, cela dans un souci de transparence. Ces individus prennent le pouvoir afin de parvenir à leur objectif de « faire la

guerre au secret » (Calabresi, 2010). Le phénomène WikiLeaks consiste à contester « les tendances autoritaires croissantes » dans le gouvernement et la croissance inexplicable du

pouvoir de certaines entreprises (WikiLeaks, 2011a). De nombreuses affaires ont été révélées par WikiLeaks. En 2015, c’est cette organisation même qui affirmait que de nombreux membres de l’élite française (dont trois présidents de la république) ont été espionnés par la NSA. De nombreuses informations sur des affaires d’Etat ont ainsi été mises au jour, faisant souvent l’objet de scandales. Dans cette conception, n’importe qui peut s’instaurer acteur de la transparence. Les WikiLeads mettent en exergue la perspective dynamique de la transparence. Madsen (2009) indique d’ailleurs que la transparence dynamique permet d’éviter la manipulation de l’information.

Pour finir, Vaccaro et Madsen (2009a) font valoir l’idée que la transparence dynamique est une norme éthique vers laquelle les entreprises devraient tendre. La transparence dynamique est appréhendée comme le partage d'informations de façon interactive et multidirectionnelle. Elle garantit « le droit de savoir » en procurant des informations personnalisées. L’interactivité est rendue possible grâce aux outils comme les emails, les formulaires web, les FAQs, les blogs, les newsletters, les avis clients, et les médias sociaux. Cela modifie l’information et la façon dont elle est divulguée via les infomédiaires et favorise la perception de réciprocité et la conversation mutuelle (Johnson, Bruner II et Kumar, 2006). Ainsi, cette perspective dynamique s’oppose à la transparence dite « statique » (ou

« corporate transparency » (Owen et al., 2000) où la divulgation d'informations est normalisée

et unidirectionnelle (de l’organisation vers les clients). C’est cette transparence dynamique, intégrant le client en tant que véritable acteur qui nous intéresse dans cette recherche.

78 3.4. Synthèse des perspectives de la transparence issues de la littérature

Après avoir passé en revue différentes perspectives de la transparence, nous proposons de faire une synthèse dans le Tableau 5.

Tableau 5 : Synthèse des perspectives de la transparence

Perspective transactionnelle Perspective relationnelle

Définitions

Divulguer des informations concernant les prix, les produits, la fabrication, l’entreprise,…

Divulguer des informations concernant les pratiques digitales des entreprises comme l’utilisation des données personnelles ou

la mise en place de messages

personnalisés par exemple, dans l’objectif de surmonter les risques liés aux potentielles tentatives d’opportunisme des entreprises

Perspective normative Perspective subjective

Définitions

Connaître les faits et les chiffres de base d’une entreprise, mais aussi les

mécanismes et les processus

(Transparency International, 2010)

Rendre les informations disponibles afin de permettre aux citoyens d’être au courant des décisions et d’évaluer ces décisions (Florini, 2007)

Perspective statique

(flux unidirectionnel de l’information)

Perspective dynamique

(flux multidirectionnels de l’information)

Définitions

Divulguer des informations que le gouvernement possède ou collecte ainsi que divulguer des informations

concernant les acteurs du

gouvernement, les décisions qu'ils prennent, et les raisons de ces décisions (Balkin, 1999)

Divulguer l'information en temps opportun et présentée dans un format compréhensible (Grimmelikhuijsen, 2011)

Partager des informations de façon interactive et multidirectionnelle (Vaccaro

et Madsen, 2009a)

La littérature fait également émerger un ensemble de dimensions afin de définir la transparence. Celles-ci sont étudiées dans le paragraphe suivant, plus particulièrement dans le domaine du marketing.

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4. Une approche holiste versus une approche multidimensionnelle de la

transparence

Dans cette partie, nous cherchons spécifiquement à appréhender la transparence dans le domaine du marketing. La revue de littérature dans ce champ spécifique, nous interroge sur l’appréhension multidimensionnelle du concept. Les dimensions de la transparence mises en exergue dans la littérature nous permettent, en fin de partie, de réaliser une première proposition de définition du concept.