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Entreprise par son créateur - propriétaire - dirigeant

1.3.1.3. Le rôle de l’entrepreneur

La gestion d’une TPE est une affaire personnelle, pour la comprendre, il faut analyser le profil du dirigeant (MARCHESNAY, 1991). Cependant, les entrepreneurs de TPE forment un groupe très divers et déterminer quel est le ou les profils est problématique.

Il y a quelque chose d’autre dans le fait de démarrer un projet d’entreprise que le simple calcul de rentabilité. On se situe dans la problématique de la décision d’entreprendre avec l’importance de la dimension psychologique du porteur de projet TPE, dimension à la base de la grande diversité des TPE dans leur nature et dans leur fonctionnement (JULIEN, GREPME 1997). L’approche par les traits repose sur l’hypothèse que les entrepreneurs disposent de certaines caractéristiques psychologiques et certains traits de personnalité qui les prédisposent à un comportement et des activités entrepreneuriales. Elle n’a pas connu le

succès par son incapacité à prédire le phénomène entrepreneurial. Les travaux relatifs à la définition des caractères de l’entrepreneur abondent jusqu’en 1985 et proposent de nombreuses typologies mettant en avant des éléments de la personnalité censés amener au comportement attendu, à savoir partir en affaires. CANTILLON, SAY, pour ne citer qu’eux, étaient les précurseurs de cette approche de l’entrepreneur en tant qu’individu doté de certaines caractéristiques. Pour certains, les médiocres résultats de ce type d’approche reposent sur le fait qu’il existe plus de différences entre les entrepreneurs qu’entre les entrepreneurs et les non-entrepreneurs (BROCKHAUS 1982, GASSE 1982, GARTNER 1982, LOW et MACMILLAN 1988).

Bien que ce type d’approche par les traits ait été remis en cause (GARTNER, 1985), tous les éléments ne sont cependant pas à exclure. Le tableau suivant (tableau 02), inspiré de GARTNER (1985) et de HILLAIRET (2003) et de leur travail de synthèse reprend certaines caractéristiques importantes :

Auteurs51 Caractéristiques de l’entrepreneur

COLLINS ET MOORE 1970 ; COOPER et DUNKERLBERG 1981; GOMOLKA 1977; HORNADAY et ABOUD 1971; LACHMAN 1980 ;

Reproduction sociale, métier des parents Education

LITZINGER 1965 Besoin d’autonomie et de leadership

SMITH 1967 Besoin d’autonomie et d’indépendance, recherche de croissance, construction d’une organisation réussie GOULD 1969 Perception des opportunités

HOWELL 1972 Age et position familiale

LAUFER 1975 Besoin d’autonomie, de réalisation de soi, de reconnaissance (statut) et de pouvoir DE CARLO et LYONS 1979 ; THORNE et BALL

1981 …

Expérience professionnelle (salarié ou création) DE CARLO ET LYONS 1979 ; DURAND 1975 ; Besoin de réalisation de soi

BROCKHAUS 1980 ; HULL, BOSLEY et UDELL 1980 ; LITZINGZE 1965 ; WELSH ET YOUNG

Propension à prendre des risques HULL, BOSLEY ET UDELL 1980 Statut social attendu

HIRICH et O’BRIEN 1981 Rigueur et discipline personnelle MESCON et MONTARINI 1981 Contrôle interne

WELSH et YOUNG 1982 Créativité

SCHERE 1982 Tolérance à l’ambiguïté

DUNKELBERG et COOPER 1982 Besoin d’autonomie, attitude face à la croissance et au profit

STEVENSON et GUMPERT 1985 Confiance en soi, capacité d’adaptation, esprit d’initiative DAVIDSON 1988 Locus of contrôle, confiance en soi, attitude face à la

croissance JULIEN et MARCHESNAY 1987 PIC et CAP

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Pour une liste plus complète des auteurs, voir GARTNER 1985 table 1 p. 49 et suivantes. Il est tout de même à noter que la plupart de ces typologies ne sont pas issues d’analyses de données rigoureuses mais des réflexions personnelles de leurs auteurs.

GARTNER 1989 Réalisation de soi, locus of control, attitude face au risque LAFUENTE et SALAS 1989 Engagement personnel, besoin de sécurité, réalisation de

soi, besoin de reconnaissance, attitude face au risque, esprit de compétition

MINER 1990 Esprit de compétition, besoin de pouvoir, réalisation de soi, reconnaissance

CHELL et HAWORTH 1993 Propension à l’aventure, créativité, background, propension aux changements, réalisation de soi, locus of control, attitude face au risque

SIU 1995 Créativité, relations, attitude face à la croissance, recherche de profit, besoin de réalisation de soi, besoin d’autonomie / indépendance

FAYOLLE 1996, 2001 Besoin d’autonomie, prises d’initiative, propension au changement, mobilité, antécédents familiaux dans l’entrepreneuriat, représentation du statut professionnel MARCHESNAY 1997 Direction adhocratique ou hiérarchique, décision réactive

ou proactive

FILION 1997 Engagement personnel, recherche de profit, réalisation de soi, besoin d’autonomie

Tableau 1.02 : Les traits de l’entrepreneur selon GARTNER (1985) et HILLAIRET (2003)

Se contenter de cette approche n’est pas satisfaisant et ce n’est pas en détaillant les caractéristiques physiques et psychologiques d’un joueur de base-ball que l’on sait s’il sait jouer. Cette image de GARTNER nous montre qu’il ne faut pas séparer l’individu de son environnement et, plus particulièrement, de ce qu’il y fait. SCHUMPETER, en 192852, associait déjà le créateur d’entreprise à des fonctions et non plus à des traits. L’approche psychologique de PAILOT (1999) abonde dans ce sens en citant BERNOUX (1995) : « L’exercice de la fonction détermine le comportement beaucoup plus que les

caractéristiques de l’individu ». Tous ces éléments sont inscrits plus ou moins

profondément dans chaque entrepreneur, comme en chacun d’entre nous à des échelles différentes. La bonne « composition » de ces éléments susceptibles de prédire l’acte entrepreneurial n’est toujours pas découverte et ne le sera sans doute jamais. Il n’existe pas non plus de critère discriminant idéal.

Au-delà des limites de cette approche infructueuse de recherche d’éléments de personnalité ou d’attitude, une typologie des porteurs de projet permet de mieux comprendre leur comportement dans l’administration de leur entreprise, dans leurs choix et dans la définition de leurs objectifs, ce que nous avons vu dans la section précédente. Ces typologies permettent de mieux saisir une réalité a priori très disparate. HILLAIRET (2003) propose une revue de littérature des nombreuses typologies dont nous reprenons ici

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la synthèse (tableau 03). Ces démarches visent à expliquer les différences de comportement stratégique des TPE en partant du postulat de la prégnance du rôle du dirigeant. Les TPE offrent un terrain fertile pour ce travail typologique du fait de leur grande diversité, diversité aussi grande que celle qualifiant les entrepreneurs. Comme l’a noté JULIEN (1997) pour la PME, il s’avère extrêmement difficile d’établir une taxonomie exhaustive de la TPE. Certaines se contentent du postulat culturaliste, d’autres vont plus loin en associant des attitudes aux principes de l’individu, principes structurant l’action (MEIER et PACITTO, 2007) : l’entrepreneur PIC et l’entrepreneur CAP de JULIEN et MARCHESNAY (1987 et 1992) par exemple. Les typologies peuvent également représenter l’entreprise : BENTABET et alii53 (1999) proposent de distinguer trois types de TPE : la TPE traditionnelle, la TPE entrepreneuriale et la TPE managériale.

Auteurs Typologies entrepreneuriales54

COLE 1942 Entrepreneur pratique, informé, sophistiqué, mathématiquement avisé SMITH 1967 Entrepreneur artisan, opportuniste

COLLINS et MOORE 1970

Entrepreneur administratif, indépendant

LAUFER 1975 Entrepreneur manager - innovateur, propriétaire orienté vers la croissance, recherchant l’efficacité, artisan

MILES et SNOW 1978 Entrepreneur prospecteur, innovateur, suiveur, réacteur

VESPER 1980 Entrepreneur travailleur autonome travaillant seul, bâtisseur d’équipe, innovateur indépendant, multiplicateur de modèles existants, exploitant d’économies d’échelle, rassembleur de capitaux, acquéreur, artiste qui achète et vend, constructeur de conglomérats, spéculateur, manipulateur de valeurs apparentes

SCHOLLHAMMER 1980 Entrepreneur administratif, opportuniste, acquisitif, incubatif, imitatif DUNKELBERG et

COOPER 1982

Entrepreneur artisan, orienté vers la croissance, indépendant

CASSON 1982 Entrepreneur privé (propriétaire, dirigeant et spéculateur), de « corps constitués », politique, révolutionnaire, criminel

KNIGHT 1983 Entrepreneur artisan inventeur, promoteur générateur d’entreprise, gérant – général coordinateur

ETTINGER 1983 Entrepreneur indépendant, créateur d’organisation STEVENSON et

GUMPERT 1985

Entrepreneur promoteur, administratif

53

BENTABET, E, MICHUN S. et TROUVE P. (1999), Gestion des hommes et formation dans les très petites

entreprises, Étude no 72, Céreq., cités par MEIER et PACITTO (2007), p. 10. 54

JULIEN et

MARCHESNAY 1987

Entrepreneur PIC (pérennité, indépendance, croissance) et CAP (croissance, autonomie, pérennité)

CARLAND, HOY et CARLAND 1988

Entrepreneur et propriétaires de PME

FILION 1988 Entrepreneur bûcheron, séducteur, sportif, vacancier, converti, missionnaire KOCHANSKI et

KOMBOU 1988

Entrepreneur explorateur mutant, explorateur individualiste, reproducteur entreprenant, reproducteur multiplicateur

LAFUENTE et SALAS 1989

Entrepreneur artisan, orienté vers le risque, orienté vers la famille, managérial DAVIDSON 1989 Entrepreneur, manager, propriétaire dirigeant

GARTNER 1989 Entrepreneur, propriétaire dirigeant

MINER 1990 Entrepreneur, manager, entrepreneur à forte croissance SMITH 1990 Entrepreneur technicien, manager

CHELL et HAWORTH 1993

Entrepreneur, quasi-entrepreneur, administratif, attentionné SIU 1995 Entrepreneur citoyen, travailleur, danseur, idéaliste, voltigeur FILION 1996 Entrepreneur opérateur, visionnaire

FAYOLLE 1996, 2001 Entrepreneur manager (X), technicien (Y), super technicien (Z) FAU 1997 Entrepreneur propriétaire, gestionnaire

SAMMUT 1998 Entrepreneur inexpérimenté mais adaptateur, expérimenté mais prudent, fougueux, ambitieux mais raisonnable

MARCHESNAY 1998, 2000

Entrepreneur isolé, nomade, notable, entreprenant BOUTILLIER et

UZUNIDIS 1998

Entrepreneur héroïque, socialisé

BOUHAOULA 1999 Entrepreneur passionné, indépendant, gestionnaire, patrimonial (conservateur) HILLAIRET 1999, 2000 Entrepreneur audacieux, passionné indépendant, « self made man », idéaliste,

technicien, industriel, opportuniste BOUTILLIET et

UZUNIDIS 1999

Entrepreneur routinier, révolutionnaire DUCHESNEAUT 1999 Entrepreneur rebelle, mature, initié, débutant TORRES 2000 Entrepreneur local, globe-trotter, explorateur

MARCHESNAY 2000 Entrepreneur patron, dirigeant, demi-patron, entrepreneur BOUTILLIER et

UZUNIDIS 2000, UZUNIDIS 2001

Entrepreneur technologique, de proximité, traditionnel ou routinier

FOLIARD 2008 Entrepreneur pressé, négociateur, ancien chômeur hésitant, dépité, artisan, en cours, prescrit, ancienne école, chef d’entreprise, ambitieux, rêveur, décalé, timide

Tableau 1.03 : les typologies d’entrepreneurs55

55

D’après les documents de l’auteur et de la synthèse faite par HILLAIRET (2003, p 253) qui développe certaines de ces typologies de la page 254 à 268.

La réalisation de typologies et la définition de comportements associés à ces différents profils peuvent conduire à des erreurs de jugement, des effets pervers difficilement contrôlables pour reprendre les propos de MEIER et PACITTO (2007). Le premier de ces effets est de considérer le comportement associé à un type comme la norme. Tout comportement différent sera alors considéré comme déviant. Si on s’accorde autour de la définition de l’entrepreneur opportuniste ou managérial, le comportement de l’artisan devient une anomalie : si l’autonomie est retenue comme élément de la spécificité de la TPE, travailler dans le monde artisanal, en partager les valeurs et les contraintes de fonctionnement peut apparaître comme une barrière au développement de l’entreprise. Ne pas adopter de TIC dans l’artisanat n’est pas une aberration en soi, même si cela peut l’être dans une entreprise commerciale. Les principes de gestion adaptés aux TPE artisanales peuvent aujourd’hui très bien se passer de cet outil. De la même manière, les auteurs mettent en évidence l’absence de démarche marketing de la TPE. Elle n’utilise pas non plus de matrice de portefeuille et autres outils de planification stratégique. La raison n’est pas à chercher dans une quelconque approche identitaire de la TPE mais tout simplement dans la contingence contextuelle : une TPE a certainement mieux à faire de ses ressources réduites par définition que de les mobiliser dans des démarches annexes non directement productrices de richesses.

Conclusion : l’entrepreneur de TPE agit dans un contexte contingent, ses actions sont à analyser en fonction de ses caractéristiques psychologiques mais également dans le cadre d’une certaine rationalité opératoire.

Les travaux de réalisation de typologies des entrepreneurs sont abondants et souvent redondants. Chacun d’eux permet de percevoir une distinction particulière mais il manque un travail de synthèse sur lequel nous pourrions nous appuyer pour identifier de réelles différences entre les individus. Toutes ces typologies sont prolixes sur des domaines très précis alors que leur vocation est de décrire un élément d’un niveau supérieur d’agrégation, il manque LA typologie, mais la complexité de l’objet rend sans doute ce travail irréalisable. Conscient des apports limités de ces descriptions, nous les utilisons pour

comprendre ce qu’est l’entrepreneur dans son environnement, et non pas pour le décrire. Nous avons déjà parler des effets potentiellement pervers de ces classements et, si nous les présentons, nous assignons à cette démarche deux objectifs : le premier est de comprendre des phénomènes avec l’utilisation d’une grille de lecture que nous devons adapter à un contexte précis, sans agrégation, le second est lié au résultat de notre recherche et à l’utilisation plus ou moins consciente par les conseillers financiers d’heuristiques de simplification. Nous présenterons ces éléments par la suite.

1.3.2. La proxémique aiguë pour éclairer la spécificité de la TPE

1.3.2.1. Spécificité, diversité et positionnement des formes