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La loi proxémique de MOLES et ROHMER (1972)

Entreprise par son créateur - propriétaire - dirigeant

1.3.2.2. La proxémique aiguë pour appréhender la TPE

1.3.2.2.1. La loi proxémique de MOLES et ROHMER (1972)

Raisonner à l’échelle de l’entrepreneur, c’est raisonner en termes de proximité (TORRES, 2000, 2003, 2004) en mettant au centre du monde l’entrepreneur, en utilisant la philosophie

TPE

Grande Entreprise PME

Les trois formes sont radicalement différentes

Les trois formes sont spécifiques mais les seuils de spécificité sont contingents. Ils donnent naissance à des formes hybrides.

Les trois formes correspondent à la même réalité

Même réalité, seule la taille diffère Ontologiquement différentes Zones de métamorphoses TPE managériale PME managériale TPE traditionnelle TPE dénaturée - Différenciation +

de la centralité de MOLES et ROHMER (1972). Comme nous l’avons vu, l’entrepreneur TPE peut envisager son environnement comme une suite de challenges ou comme un univers hostile et contraignant contre lequel il devra se défendre. L’approche de MOLES et ROHMER est une philosophie du conflit entre le Moi (l’entrepreneur) et l’Autre (l’environnement). La question qui ce pose entre le Moi et l’Autre est : qui est le centre du monde ? Dans notre vision de l’egotrophie entrepreneuriale TPE, tout tourne autour du dirigeant et de ses objectifs, sachant qu’il perçoit l’environnement en fonction de son point de vue, avec un panorama que lui seul peut voir, ce qui pose déjà un problème dans la relation avec les partenaires d’affaires dont les banquiers, qui perçoivent l’environnement cartésien, sans donner davantage de valeur à un lieu plutôt qu’à un autre, sans se soucier de la valeur personnelle d’un projet. Ici s’oppose une vue du dedans de l’entrepreneur et une vue du dehors du banquier. Ce sont deux perceptions essentielles, contradictoires et irréductibles l’une à l’autre. Ces deux approches supposent deux mouvements de pensée, deux grammaires du projet de création d’entreprise, deux façons d’utiliser cette grammaire et, en conséquence, deux façons de saisir les démarches et les êtres qui les animent.

Égocentrée, la TPE va s’organiser autour du Moi et des dimensions qui interpellent ce Moi, c'est-à-dire le lieu où est le Moi (Ici), et le temps du Moi (Maintenant). Moi, Ici et Maintenant définissent la philosophie de la centralité, une conception centrée « sur l’être

individuel, unique et privilégié pour lequel les autres ne sont que des compléments facultatifs du Moi » (MOLES et ROHMER, 1972). L’éloignement du point de référence,

Ici, se traduit par une diminution des phénomènes perçus : ce qui est loin est moins important que ce qui est proche. C’est la loi proxémique qui apparaît comme une méthode d’ordonnancement de l’importance des phénomènes : ce qui est proche apparaît toujours plus important et forme une bulle phénoménologique (Figure 3-a). Cette proximité est spatiale, mais également temporelle et peut justifier l’orientation de l’entrepreneur TPE vers la réalisation de tâches de gestion urgentes aux dépens de tâches de gestion à plus long terme comme la formalisation d’une approche stratégique. L’idée Ici correspond à la définition, à la construction sociale de l’entrepreneur dans son environnement. Il a besoin d’un lieu dans lequel il va pouvoir exister. L’entrepreneur s’enracine dans son entreprise et existe ensuite en fonction de l’environnement. La loi proxémique suppose également que l’individu entrepreneur dispose d’un niveau de maîtrise sur les événements de plus en plus fort, à mesure que l’on se rapproche de lui. MOLES et ROHMER (1972) mettent en évidence huit distances à partir de l’individu centré, ce qu’ils appellent les coquilles de

l’homme. Certaines de ces coquilles représentent la sphère personnelle de l’individu et ce qu’il maîtrise (son corps, son appartement, son quartier), la coquille la plus éloignée représente le monde inconnu avec lequel les contacts sont rares. La TPE peut être vue comme une coquille dans laquelle l’entrepreneur va concevoir un lieu où son emprise est forte. La TPE permet la domestication des pratiques, la création d’un chez soi où le dirigeant fait ce qu’il veut. Les murs de son entreprise deviennent une paroi phénoménologique. L’entrepreneur va se concentrer sur les éléments sur lesquels il a un pouvoir aux dépens de ce qui est plus éloigné. Il va créer cette paroi entre ce qui est proche, dans sa sphère d’influence, et ce qui est loin (figure 3-b) qui deviendra l’ailleurs. L’ailleurs est délaissé, les phénomènes en provenant sont peu perçus par l’entrepreneur qui privilégie une approche basée sur la proximité. Il va se concentrer sur une de ses huit coquilles, celle où il est le plus à l’aise, celle où il peut exercer un pouvoir. Les interventions de l’extérieur dans une de ces coquilles personnelles sont assez mal vécues par les entrepreneurs qui ne les comprennent pas et les vivent comme des intrusions. Pour illustrer ce propos, nous pouvons prendre l’exemple de la demande des documents comptables annuels par les banques auprès de leur clientèle entreprise. Cette demande est motivée par les accords de Bâle et la nécessité de coter le risque des entreprises clientes. Elle est vécue comme un manque de confiance, une intrusion dans le fonctionnement personnel de l’entreprise57.

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Les chefs de TPE ne comprennent pas cette nécessité et avancent souvent aux conseillers financiers : « pourquoi vous

voulez mon bilan, je n’ai rien à vous demander ? », avec comme arrière pensée : « si le banquier veut mon bilan, c’est qu’il n’a pas confiance en moi et qu’il veut vérifier quelque chose ». Nous tirons ces idées de notre expérience de