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Rôle de l’État face à la crise

Encadré II.1 Les dépenses de santé

2.3.3 Rôle de l’État face à la crise

Grâce à des réformes de politique intérieure des États, les BRICS ont connu, avant la crise 2007-2008, des taux de croissance importants et stables. Cette forte croissance a permis aux BRICS de faire un pas dans la lutte contre la pauvreté367 absolue durant les deux dernières décennies précédant la crise de 2008 particulièrement au Brésil et en Chine (le recul reste modeste en Inde et en Afrique du Sud)368.

Au Brésil, l’importance de l’État au sein de l’économie est changeante au cours du temps. Dès le début des années 90, un processus de libéralisation financière et commerciale a été adopté et

367 Par convention, l’extrême pauvreté est mesurée par la proportion de la population totale vivant avec moins de 1.25 ou 2 dollars par jour (en parité pouvoir d’achat).

368 OCDE (2012, p. 50), Toujours plus d’inégalités : Pourquoi les écarts de revenus se creusent, Éditions OCDE, Paris. 0 10 20 30 40 0 10 20 30 40 1995 2000 2005 2010 2015 1995 2000 2005 2010 20151995 2000 2005 2010 2015

Brésil Chine India

Russie South Africa

investissement public investissement total

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147 accompagné d’une forte réduction du rôle de l’État dans l’économie. En 1999, après la chute du régime de change semi-fixe, le Brésil a adopté une politique économique tripartite fortement inspiré par le Nouveau Consensus : un taux de change flottant, un régime de ciblage d’inflation et la poursuite de surplus budgétaire primaire. Que ce programme de nouvelle politique économique ait réussi ou non est un sujet de controverses. Quoi qu’il en soit, depuis 2004, le boom des denrées agricoles a conduit l’économie brésilienne vers une croissance économique sous contrainte de la balance des paiements, un problème typique de pays en développement qui n’ont pas suivi un modèle de croissance tiré par les exportations.

Le premier gouvernement de Lula da Silva (2003-06) a en particulier appliqué des politiques économiques conventionnelles orthodoxes en partie en réaction à la crise de change fin 2002 et début 2003. Toutefois, à la fin du premier mandat et dans le second gouvernement de Lula da Silva (2007-10), la politique économique en particulier, la politique budgétaire est devenue relativement plus flexible. Cela s’est concrétisé par le lancement d’un programme de dépenses sur les infrastructures économiques et sociales : le « Programme d’Accélération de la Croissance ».

Par ailleurs, en dépit de la faiblesse du salaire minimum (soit 622 réal brésilien en 2012), l’État a réussi à améliorer le niveau de vie des brésiliens. En effet, grâce aux politiques interventionnistes de Lula à partir de 2003, douze millions d’emplois ont été créés dans le secteur formel avec une hausse du salaire minimum réel de 74 % en 2010. Cette hausse du salaire minimum a entraîné une meilleure redistribution des richesses. Ainsi, les revenus des 10% les plus pauvres ont augmenté de 8 % alors que ceux des 10% les plus aisés ont cru seulement de 1,5 %. D’autre part, la mise en place du « Bolsa Familia » a permis une réduction de la pauvreté (vingt-quatre millions de personnes sont sortis de la pauvreté)369, une baisse du travail des enfants et de la malnutrition infantile de 62 % entre 2003 et 2008. Toutefois, cet élan a été amoindri par la crise de 2007-2008 obligeant l’État à assainir ses finances via sa politique fiscale et ses dépenses. Cet assainissement budgétaire a permis d’atténuer les dépenses publiques de consommation brésiliennes qui étaient les plus élevées dans les BRICS.

Entre 2008-2009, le Brésil avait connu une reprise économique très rapide. Celle-ci fut obtenue au moyen d’instruments contracycliques keynésiens traditionnels (une politique monétaire

369 Une personne est considérée comme pauvre au Brésil si elle ne gagne pas la moitié du salaire minimum (soit environ 400 BRL/mois).

148 fournissant des liquidités au secteur bancaire et une politique budgétaire expansionniste) avec des politiques non conventionnelles comme l’utilisation de banques publiques fédérales dans des mesures de crédits contracycliques. Pour ces objectifs, la présence d’économiste du développement dans le ministère des finances et dans les comités des banques publiques fédérales370 fut fondamentalement importante pour formuler des politiques contracycliques face à la crise au Brésil371.

Les économistes hétérodoxes et keynésiens soulignent le besoin de réconcilier une croissance économique soutenue avec l’équité sociale et la stabilité macroéconomique. À cette fin, l’État a un rôle fondamental à jouer en tant que promoteur de la croissance : en créant un environnement institutionnel approprié, stable, favorable à l’investissement privé et à la réduction des inégalités sociales. Il peut y arriver également à travers des politiques sociales globales et ciblées. En outre, les économistes keynésiens-structuralistes qui défendent ce nouveau développementaliste, souligne le besoin d’utiliser un taux de change compétitif pour surmonter la contrainte externe sur la croissance et le risque de désindustrialisation de l’économie brésilienne causé par l’appréciation de la monnaie372.

Concernant l’Inde, durant la crise de 2008, l’État central a augmenté les dépenses publiques afin d’endiguer la contraction économique. Certaines mesures comme la hausse des salaires des fonctionnaires sur dix ans, l’annulation des dettes consenties en faveur des petits agriculteurs, l’élargissement des programmes nationaux de garantie de l’emploi et la baisse des impôts, ont été mises en place pour stimuler l’économie. Toutefois, ces mesures ont favorisé une aggravation du déficit373.

Dans le même registre, suite à la crise économique de 2008, l’État chinois a eu à réagir pour soutenir son économie par des politiques contracycliques rapides et importantes374 mais également par des ajustements rapides sur le marché du travail. Ces mesures ont favorisé une accélération de la croissance en 2009, permettant ainsi à la Chine de jouer un rôle important dans la reprise de l’économie mondiale. En effet, la stimulation budgétaire a eu des effets

370 Guido Mantega, Joaquim Levy

371 King J-E. (2012, p. 43)

372 Voir Sicsu J., Paula L-F., Michel R. (2007), Bresser-Pereira L-C. (2010).

373 OCDE Inde (2011, p. 15)

374 La stimulation s’est faite à travers des dépenses additionnelles dans le domaine des transports, de l’énergie et des infrastructures de réseau où l’offre n’est pas totalement satisfaisante.

149 significatifs sur la production en encourageant l’investissement privé et la consommation375. Ainsi, durant cette période de crise, l’État chinois a su jouer un rôle économique non négligeable. Toutefois, une meilleure efficacité de l’administration pourrait permettre une hausse de la part des recettes publiques dans une perspective de favoriser la redistribution et l’investissement.