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L’État régulateur économique et social

Smith aborde la place de l’État à travers certaines fonctions. Il pense que les fonctions essentielles à une bonne organisation de l’économie de marché peuvent ne pas être garanties de manière spontanée et il convient alors de faire intervenir l’État. L’action régulatrice de l’État est primordiale au fonctionnement harmonieux de la société. Cette action doit permettre que l’intérêt individuel ne soit pas détrôné par l’intérêt particulier d’une catégorie sociale, d’une corporation de manufacturiers ou d’un individu dont les ambitions sont, le plus souvent, de s’offrir des avantages. Smith préconise une conception de l’État à mi-chemin de la thèse de

53 Hobbes (pour qui l’État est un dispositif organique qui protège l’homme contre ses semblables) et l’idée de Marx (l’étiolement de l’État dans une dans une société ayant dépassé la lutte des classes et ayant atteint le stade du communisme). Il prône ainsi l’idée d’un État, régulateur social et économique, qui veille sur l’intérêt individuel et qui résiste aux intérêts particuliers. Le souverain doit effectuer des dépenses de sécurité (défense nationale, police, justice) pour une protection aussi efficace que possible de chaque citoyen contre l’oppression et l’injustice de tout autre membre de la société93.

En sus, pour favoriser l’accumulation et la production de richesses, l’État doit réaliser et entretenir des infrastructures publiques que les entreprises privées ne souhaitent produire94. Les entreprises peuvent trouver que la production des biens collectifs est sous-optimale pour elles en raison des défaillances du système de marché. Dès lors, seul l’État acceptera la production et la fourniture de ces biens collectifs et souvent à perte pour l’intérêt général en espérant pouvoir compenser ce manque à gagner par des prélèvements fiscaux. Suivant les circonstances, Smith conçoit deux types de biens ou services publics :

- les biens collectifs95 dont les conditions de marché ne permettent pas leur fourniture ;

- ceux dont la production est réalisable par le secteur privé mais en raison du problème du passager clandestin, les individus préféreront ne pas participer au financement du bien collectif nonobstant qu’il y soit de leur intérêt (école publique, route)96.

Dans le même ordre d’idées, Say (1803) pense que l’intervention publique peut être nécessaire afin de favoriser la production des entreprises privées par la construction d’infrastructures (routes, ponts, communication). Le moyen le plus efficace pour soutenir la production est d’assurer la sûreté des personnes (sécurité, application des lois, liberté).

De même, Walras (1874, Sect. VIII) considère qu’aucune économie ne fonctionnerait sans l’intervention d’une autorité publique chargée de la sécurité des citoyens, du territoire.

93 Smith A. (1965, p. 215 et 219)

94 Smith A. (1965, p. 321)

95 Un bien collectif peut être défini comme un bien non rival et non exclusif : la consommation du bien par un individu n’empêche en rien l’utilisation de celui-ci par un autre consommateur et il est impossible d’exclure un citoyen de l’usage du bien par le système des prix (exemple de la lumière fournie par un réverbère dans une rue). Un bien collectif devient un bien public si en raison de la défaillance du marché, l’État se charge de la production de ce bien. Il est à noter que tout bien collectif n’est pas forcément un bien public et vice versa.

96 Il suggère aussi la mise en place d’un salaire de subsistance par la puissance publique pour des raisons économiques et d’éthique.

54 Malgré son penchant sans équivoque pour le libéralisme, Pigou (1921) préconise l’intervention de l’État en situation de guerre en effectuant des dépenses d’urgence telles que les dépenses militaires, de nourritures mais également aider les industries à se développer et assister les cultivateurs via les subventions. Par ailleurs, il prône l’intervention des autorités publiques dans le domaine environnemental afin d’amoindrir les éventuelles divergences entre coûts privés et sociaux (par exemple la nuisance sonore, la détérioration du paysage, la pollution de l’eau etc.). Pigou suppose que lorsque l’activité économique est source de coûts externes, alors l’État doit s’autosaisir en faisant supporter un coût financier (taxe) aux pollueurs correspondant aux dommages infligés à la société : c’est « le principe du pollueur-payeur ». Cette taxe est nécessaire car les acteurs économiques omettent souvent l’impact social de leur activité économique.

Hayek lui, ne préconise pas une absence totale de l’État dans le système économique mais seulement les activités où cela conduirait à un dysfonctionnement des signaux gouvernant le marché. Par exemple, l’État n’a pas à s’interférer dans le mécanisme de fixation du salaire97. Globalement, les économistes libéraux, toutes obédiences confondues supposent que l’État à travers ses dépenses est improductif et inefficace. Il n’a pas à occuper une place importante dans l’activité économique et doit se contenter tout simplement des taches régaliennes nécessaires à la liberté individuelle d’entreprendre. Toutefois, cette conception à connotation négative du rôle économique de l’État ne fait pas l’unanimité dans le concert des économistes. En effet, durant la période de la crise des années trente, la théorie économique existante peinait à expliquer les causes de l’effondrement de l’économie mondiale ou à proposer des politiques publiques idoines pour relancer promptement la production et l’emploi. C’est dans ces circonstances que Keynes a tenté d’apporter une alternative en affirmant que la demande globale98 est la force motrice la plus importante pour endiguer les difficultés économiques. Keynes pense que l’État, à travers les politiques publiques, peut soutenir l’économie à assurer le plein-emploi et la stabilité des prix99. Ce point de vue a été perpétué par divers adeptes de la théorie keynésienne.

97 Hayek F. (2006)

98 Consommation des ménages, dépenses de l’État, investissement et exportation nette.

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1.2 Modèle keynésien : L’État, agent économique productif

À la différence de la préconisation orthodoxe d’un État minimal par le principe de la main invisible, les hétérodoxes (keynésiens) pensent que le fonctionnement « spontané » du système économique est inefficient et ne permet pas d’éviter les crises économiques, d’où l’importance de l’intervention étatique pour remédier à la défaillance du marché. En outre, l’action publique est souhaitable au regard de l’insuffisance de la demande globale, facteur de hausse du chômage (invalidation de la loi de Say quant à l’impossibilité d’une crise de surproduction). Cette intervention de la puissance publique peut s’accomplir via les dépenses publiques (contribution par la hausse de la demande globale) ou par l’intermédiaire des prélèvements sur le secteur privé (individus et sociétés). Dans cette sous-section, il s’agit de mettre en évidence les auteurs keynésiens qui se sont attelés à montrer l’impact positif de l’action publique par le biais des différentes fonctions de l’État et ses domaines d’intervention. Ils ont également tenté de montrer le caractère erroné d’une idée répandue dans l’analyse classique sur le déficit et la dette publique à savoir le principe de la finance saine.

1.2.1 Les dépenses publiques, leurs composantes et leurs effets sur l’emploi