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L’effet des rigidités sur l’intervention publique

L’idée de rigidités est portée par des économistes tels que Stiglitz, Weiss 236, Akerlof237 et Azariadis238, Ball, Mankiw, Romer239. Leur objectif est d’intégrer dans l’analyse la critique de Lucas (1972) en proposant des fondements microéconomiques (agents rationnels ; anticipations rationnelles ; distinction du court et du long terme) aux modèles macroéconomiques. Ils traitent particulièrement le thème de la concurrence imparfaite caractérisée par l’existence d’asymétries d’informations (génératrices de sélection adverse240 et d’aléa moral) et la question des rigidités nominales et réelles (des prix et/ou des salaires).

Dans les années soixante-dix, les nouveaux classiques interpellaient les « keynésiens » de bien vouloir expliquer les sources des rigidités dans les modèles keynésiens. Les néo-keynésiens ont répondu aux critiques en évoquant que l’existence des coûts d’ajustement émanent des contrats implicites, de la relation insiders-outsiders et des salaires d’efficience241. Toutefois, cette idée de coût de menu mise en avant par des néo-keynésiens, est rejetée par les nouveaux classiques qui estiment que les coûts d’ajustement sont faibles. Les nouveaux keynésiens tels que Ball, Mankiw, D.Romer sont en phase avec les nouveaux classiques en affirmant que les rigidités nominales ne sauraient être expliquées par des coûts de menu importants mais au contraire, les rigidités seraient dues aux pertes minimes en l’absence d’ajustement des prix de vente par les firmes suite à une modification des prix. Néanmoins, elles peuvent avoir des effets macroéconomiques en impactant la demande agrégée et par conséquent la production.

Une seconde série de réponses consistera d’abord à mettre en évidence l’existence de rigidités242 qui expliquerait la différence entre l’équilibre macroéconomique et l’équilibre

236 Stiglitz J et Weiss L. (1981), Shapiro C et Stiglitz J. (1984), Weiss A. (1990).

237 Akerlof G. (1970) sur la sélection adverse (exemple des automobiles d’occasion).

238 Azariadis C. (1975) au sujet de la théorie des contrats implicites.

239 Ball L., Mankiw N-G et Romer D. (1988)

240 Akerlof G et Stiglitz J. (1973), Spence M. (1973).

241 Ball L., Mankiw N-G, Romer D. (1988, p. 5)

242 Les rigidités sont de deux sortes : celles nominales et celles réelles. Les rigidités nominales sont celles qui affectent les salaires et les prix exprimés en valeur nominale ou en prix absolus. Les rigidités réelles concernent les quantités sur les marchés des biens, du capital et du travail. Elles touchent donc les prix relatifs. (Exemple : une forte indexation des salaires sur les prix entraîne une rigidité réelle du salaire réel). Les rigidités nominales sont dues aux imperfections des marchés. Elles sont acceptables du point de vue individuel, mais collectivement elles sont sous-optimales. Si les prix sont rigides c’est que leur modification est trop coûteuse (coût d’ajustement élevé). En concurrence pure et parfaite, le problème ne se pose pas, les entreprises sont preneuses de prix, mais en

100 général de Walras. Ils estiment que la politique monétaire peut être efficace compte tenu de l’existence « des rigidités nominales » à travers divers mécanismes. D’abord, les coûts d’ajustement permettent à la politique monétaire d’être efficace puisque les rigidités empêchent le retour à la valeur initiale des encaisses réelles. Ensuite, les contrats de travail de longue durée font que les salaires sont stables en termes nominaux, ce qui permet à la politique monétaire d’avoir un impact sur l’emploi. Enfin, elle peut également être efficace en agissant sur le crédit et en réduisant la fragilité financière des différents acteurs économiques. La politique monétaire rassure ainsi les banques quant aux conséquences des rigidités sur le marché des fonds prêtables.

En somme, en raison de la lenteur d'ajustement des prix : la monnaie n'est plus neutre et la politique économique retrouve son efficacité (même en cas de flexibilité des prix). L'action gouvernementale est nécessaire du fait des échecs du marché en cas de récession. Les interventions de politiques économiques sont ainsi nécessaires en cas de chocs importants de long terme car les économies de marché s'adaptent lentement.

En dehors de la question des rigidités, le programme de recherches de la nouvelle économie keynésienne s’intéresse également aux problèmes de déséquilibre ou de défaillance du marché. 1.3.7 Déséquilibre, défaillances et intervention publique

Dans le dessein de répondre aux nouveaux classiques qui accusent l’intervention étatique (les politiques économiques) d’être la cause d’un certain nombre de déséquilibres, les nouveaux keynésiens mettent en avant divers événements et d’évolutions structurelles de l’économie qui se sont produits indépendamment des politiques économiques menées et qui alimentent pourtant à la fois le chômage et l’inflation. Il s’agit principalement :

- des chocs pétroliers de 1973 et 1979 qui ont constitué d’importantes sources d’inflation importée et qui ont nui à la croissance économique ;

concurrence imparfaite les entreprises sont faiseuses de prix et la modification de ces derniers entraîne des coûts d’ajustement. Par conséquent, il est rationnel qu’elles arbitrent entre les coûts et les avantages d’une telle modification. Les rigidités peuvent également être saisies via l’effet d’hystérèse pour expliquer la persistance du chômage (Phelps). Une période de chômage prolongée affaiblit les mécanismes concurrentiels, ainsi que l’influence du chômage sur l’évolution du salaire réel. Elle accroît les privilèges des insiders et la fragilité des outsiders et ce déséquilibre s’accroît avec le temps (Lindbeck., Snower, 1989 et Phelps, 1994). Il devient de plus en plus difficile de renverser la tendance d’un chômage qui initialement était conjoncturel et devenu structurel.

101 - de la tertiairisation de l’économie et le développement des services non-marchands ;

- des mutations technologiques qui posent des problèmes de reconversion aux individus et aux entreprises, et d’adaptation du système éducatif. Les secteurs en pleine expansion, faute de capacités de production, génèrent de l’inflation ; et ceux qui sont en perte de vitesse licencient, sans que les chômeurs des secteurs en déclin ne puissent être embauchés dans les secteurs en expansion.

Ils considèrent donc que les politiques publiques peuvent affecter la production en période de récession243.

Par ailleurs, Stiglitz (1994) examine le rôle de l’État sur les marchés financiers et diverses défaillances donnant raison à une intervention de l’autorité publique pour les rendre meilleurs et accroître la performance de l’activité économique. Ces défaillances décelées sur les marchés financiers sont notamment : le défaut de surveillance de l’information (dans le marché) en tant que bien public, le manque de contrôle des externalités, l’absence de surveillance des projets sélectionnés et de l’utilisation des fonds. Il subsiste également l’externalisation des perturbations du système financier (conséquences macroéconomiques telles que la faillite), l’absence et l’incomplétude des marchés (sélection adverse et aléa moral), la concurrence imparfaite, l’inexistence d’un optimum de Pareto du marché (une information complète et exogène, deux hypothèses qui font défaut sur le marché financier), un défaut d’informations des investisseurs (décisions basées sur un jugement subjectif)244.

L’État peut pallier aux défaillances des marchés financiers en menant des actions ou en s’intéressant à des objectifs. Les actions245 de l’État comprennent la régulation des institutions et des marchés financiers246. L’État peut effectuer une régulation prudentielle, une intervention directe sur le crédit, s’atteler à une répression financière, mener des politiques de concurrence et évaluer les circonstances dans lesquelles les ressources émanant de la répression financière pourraient être bénéfiques247.

243 Greenwald B., Stiglitz J-E. (1987, p.132)

244 Stiglitz J. (1991, pp. 25-31).

245 D’autres actions peuvent influer intentionnellement ou non les marchés financiers à savoir tout ce qui est relatif aux impôts, la faillite, la tenue des comptes (Stiglitz J., 1994, pp. 31).

246 Stiglitz J.(1994, p. 32)

102 Globalement, bien qu’adoptant en partie des hypothèses microéconomiques, les nouveaux keynésiens affirment qu’il est primordial que l’État intervienne pour pallier aux imperfections et défaillances du marché pour résoudre le problème de chômage. D’autres nouveaux keynésiens tels que Taylor (1993) examine l’intervention publique en termes de règles budgétaires.