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La réussite de l’ex-RDA.

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 46-49)

I.3. Les réponses apportées par les gouvernements concernés

I.3.1. La réussite de l’ex-RDA.

La transition est-allemande est ce que l'on peut appeler une transition réussie. Bien évidemment, cette dernière est loin d'être achevée mais le plus difficile est déjà réalisé. Avant de présenter plus en détail comment l’Allemagne a aménagé sa réunification, il est important de présenter comment l’intégration monétaire s’est réalisée. Le premier Juillet 1990, fut instaurée entre les deux Allemagnes une union monétaire. Du jour au lendemain, tous les stocks de Marks de l’Est (Ostmark) furent convertis en Deutsche Marks (DM). Des taux de conversion différents furent appliqués selon plusieurs critères.

Ainsi, la plupart des dépôts bancaires, les créances et dettes des firmes et des ménages, furent convertis au taux de change de 2/1 (Ostmark/DM). En revanche, les contrats salariaux et les allocations de retraites furent l’objet d’un taux de change de (1/1). Une telle décision fut bien évidemment précédée de débats fortement animés et centrés autour des questions suivantes:

(i) Est ce que l’union monétaire a un sens au niveau théorique ?

(ii) Le taux de change relatif à la conversion doit-il être surévalué pour être socialement accepté ?

(iii) Doit-on choisir un unique taux de conversion de 1/1 pour ne pas avoir mauvaise conscience par rapport aux populations de l’Est et pour stopper le flux migratoire Est-Ouest ?

L’objectif final de tels débats était celui de la crédibilité. La réussite de toute réforme monétaire repose sur les anticipations des agents. Il s’agit d’un point très important car si la suppression d’un régime monétaire au profit d’un autre n’est ni comprise ni soutenue par la population alors la nouvelle devise ne sera jamais acceptée, ce qui ne sera pas sans

conséquences sur le fonctionnement d’ensemble de l’économie33. En réalisant l’union monétaire l’Allemagne de l’Est put tirer pleinement avantage de la crédibilité de la Bundesbank

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. De plus, cette union constitua un signal fort auprès des allemands de l’Est car elle signifiait que la réunification avait atteint une étape irrévocable et de ce fait avait découragé le flux migratoire de l’Est vers l’Ouest. Le critère de crédibilité était le seul fiable car en 1990, il était très difficile de prévoir le futur même proche, notamment à propos des coûts et des bénéfices de l’Union monétaire. Cette absence de lisibilité a poussé le Chancelier Khol à baser ses décisions sur des éléments davantage sociaux qu’économiques. Il ne faut pas perdre de vue que la monnaie n’est pas qu’un moyen de transaction, une unité de compte et une réserve de valeurs. Elle est aussi un ciment social: un ciment d’autant plus fort qu’au cours de son histoire mouvementée le peuple allemand s’est toujours reconnu dans sa monnaie. Nous constatons donc que la transition allemande d’un point de vue monétaire, se distingue radicalement de celle vécue par tous les anciens pays membres du CAEM.

Le passage vers l'économie de marché a été largement soutenu par la monnaie très forte qu'est le Deutsche Mark ouest Allemand. Aussi, la focale que nous avons adoptée depuis le début de ce travail - à savoir les mécanismes monétaires et en particulier ceux d'inflation et d'hyperinflation - n'est pas véritablement appropriée dans l'étude de cette région de 16 millions d'habitants. En revanche, la question que nous pouvons nous poser ici peut être celle de connaître les avantages que peut procurer un système monétaire et financier stable dans le cas d'un pays en transition. Il pourrait être intéressant de considérer le cas est-allemand comme point de repère et le mettre en parallèle avec tous les autres pays anciennement planifiés de l'Europe centrale et de l'ex-URSS. Aussi nous allons brièvement ici décrire comment, depuis la «chute du mur de Berlin» en novembre 1989, la transition a été gérée.

Avec les institutions politiques et juridiques fournissant un point de référence stable et bien défini ainsi qu'une économie Ouest-allemande capable de fournir un vaste effort financier, il fut possible de mettre en oeuvre un fort changement et un programme de transformation plus radical qu’ailleurs. Le mandat du Treuhandanstalt - "Agence de gestion de fonds publics" - était de restructurer et de privatiser la plupart des entreprises d'Etat de l'ex- RDA pour la fin 1994. La mission de cet organisme a été remarquablement remplie. La

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L’aspect «crédibilité» est au coeur de la transition monétaire engagée par les pays de l’Est de l’Europe. Aussi tout au long de ce travail, nous ne manquerons pas dans rappeler ses implications (voir III.4.6. et IV.3.1.3. en particulier)

privatisation du secteur des services (comprenant, 20 000 commerces de détail, restaurants et hôtels) a été terminée deux ans après la réunification. De plus, 90% des 12 000 entreprises industrielles ont été soit transférés au secteur privé, soit fermés. Le Treuhandanstalt insistait généralement auprès des acheteurs d'entreprises d'Etat afin qu'ils maintiennent l'emploi et l'investissement à des niveaux spécifiés contractuellement. En échange de ces engagements, le prix de cession était réduit. Les réalisations du Treuhandanstalt ont été soutenues par d'importants transferts financiers émanant du public. Il a été octroyé au Treuhandanstalt 1% du PNB allemand par an entre 1990 et 1994. Cet organisme a pu donc prendre les dettes des entreprises d'Etat «vieillissantes» et reconvertir les actifs obsolètes de ces dernières. Au total, la dette du Treuhandanstalt avoisina 300 millions de Deutsche Marks à la fin de son mandat (soit environ 9 % du PNB de l'Allemagne réunifiée). En 1995, cette dette fut mise au passif du gouvernement fédéral et gréva le déficit budgétaire de près de 1% du PIB. Malgré ce succès, certaines entreprises n’étaient toujours pas reprises par des investisseurs privés au début de cette même année. Certaines grandes entreprises sont considérées comme vitales pour le "coeur industriel" de certaines régions.

Ces dernières sont mise momentanément sous tutelle du gouvernement fédéral. La réussite du Treuhandanstalt dans le transfert des actifs publics au secteur privé n'a pas de parallèle historique. Certains problèmes demeurent encore. Un important fossé existe entre d'une part le niveau des salaires et d’autre part la productivité. Un tel fossé décourage beaucoup d'investisseurs privés. Le haut niveau des salaires réels inversement proportionnel à la productivité menace la viabilité de nombreuses entreprises privatisées.

Au regard de l'histoire de la transition Est-allemande, nous pouvons constater que le déficit budgétaire - une des sources majeures de l'inflation élevée de la plupart des pays en transition que nous étudions - est contrôlé par les très importants fonds octroyés par Bonn. De plus, si nous regardons les autres sources de l'inflation, que nous avons souligné précédemment, nous nous apercevons que l'ex-RDA est très privilégiée aujourd'hui. Les prix ont été presque tous libéralisés, à l'exception de ceux liés au transport (ferroviaire notamment) et des rémunérations du travail. Nous assistons à une faible distorsion du vecteur des prix. Enfin, les problèmes liés aux régimes des changes - tels ceux rencontrés par la plupart des autres pays en transition n'ont pas concerné l'Allemagne de l'Est. Alors que les données économétriques ne montrent pas une corrélation claire entre la thérapie de choc et le déclin de

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la production, le cas de l'Allemagne de l'Est se détache. Ce pays, dans lequel la thérapie de choc a été la plus drastique, a subi durant les deux premières années de la transition le plus

grand déclin des niveaux de production parmi les économies de l'Est les plus avancées35. La

leçon évidente qui émerge du cas Est-allemand est que cette ancienne économie socialiste ne peut fournir plus d'emplois à des salaires équivalents à ceux des niveaux de l'Ouest. Les revenus dans les pays en réforme ne peuvent converger vers ceux des pays de l’OCDE en une décennie sans transferts massifs. Le choix d’une stratégie de “big bang” selon Stanley Fischer n’était pas

une erreur de la part des autorités de Bonn36.

L’alternative posée en ex-RDA était, soit de supporter une structure obsolète et la laisser mourir de sa belle mort, soit tenter une rapide transition vers une nouvelle structure de l'économie.

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 46-49)