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Avant la dissolution du système d’économie planifiée

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 55-59)

I.4. L’apport de l’histoire dans la compréhension des phénomènes d’inflation forte.

I.4.1. Avant la dissolution du système d’économie planifiée

L'inflation élevée est un phénomène moderne. Avant la première guerre mondiale, les épisodes d'inflation forte étaient rares en raison de la prédominance de monnaies convertibles et de “biens monnaies”. La première vague d'inflation forte est survenue après la première guerre mondiale. C'est la monétisation des larges déficits fiscaux causée par la guerre

qui a conduit à l'hyperinflation - en Autriche, en Allemagne, en Hongrie et en Russie40. Après la

40

Pour mieux comprendre cet épisode des pressions inflationnistes dans la Russie de l'entre-deux guerres mondiales, nous ferons référence dans la suite de notre travail à une étude très intéressante de Christian Gourièroux et Irina Peaucelle.

seconde guerre mondiale, l'hyperinflation est réapparue en Hongrie, Grèce et Chine. Elle a ensuite disparu pendant près de trois décennies et a resurgi en Bolivie en 1984.

Nota: L’hyperinflation allemande a provoqué l’effondrement de l’activité commerciale et plongé les pays dans un chaos politique et social. La manière la plus simple de mesurer l’ampleur d’une telle crise est d’analyser l’écroulement du pouvoir d’achat. Ce que l’on pouvait acheter pour un Mark en juillet 1921 coûtait 54 000 millions de marks en novembre 1923. Il n’est donc pas surprenant qu’en période d’hyperinflation, la propension marginale à consommer soit égale à 1. Les agents dépensent quasi-instantanément tous leurs revenus dès qu’ils le reçoivent. En 1922, les commerçants fermaient leurs entreprises quelques heures pour aller dépenser leurs recettes de la journée avant quelles ne se réduisent en peau de chagrin. Dans les dernières étapes de l’hyperinflation allemande, un mouvement de multiplication des moyens d’échanges pour remplacer le Mark s’est développé. Aussi en 1923, étaient recensées plus de 2 000 monnaies différentes en circulation.

Finalement, l’absence d’un moyen d’échange - unique et largement acceptable - stoppa le commerce, conduisit à la fermeture des usines, au chômage et à la disette.

La Science Economique a longtemps considéré que l’hyperinflation était un déséquilibre monétaire présent lors de troubles politiques. Or, la Bolivie, fut le premier épisode d'hyperinflation dans le vingtième siècle à ne pas être lié à une guerre ou une révolution politique. Plus récemment, l'hyperinflation a accompagné la guerre civile dans les Etats de l'ancienne Yougoslavie (hormis la Slovénie) et s'installa entre 1992 et 1996, comme nous l'avons précisé dans la première partie, en Russie et en Ukraine.

L'histoire nous enseigne que les épisodes d'hyperinflation sont caractérisés par une augmentation du niveau général des prix dépassant rarement plus de dix-huit mois. Le taux mensuel moyen dans les douze mois précédant la stabilisation a atteint des niveaux de 19 800%

Gourièroux C., Peaucelle I., (1993) "Les transitions en économie: Les changements de prix en Russie dans les années vingt", Economie et Prévision, n°109.

en Hongrie après la deuxième guerre mondiale, 455% dans l’Allemagne de l’entre-deux guerres, et 58% dans la récente hyperinflation bolivienne.

A la fin des années quarante, beaucoup moins spectaculaire mais tout aussi préoccupante fut l'apparition d'une inflation chronique. Certains pays en développement, surtout en Amérique Latine, ont commencé à souffrir d'une inflation persistante dépassant les 20% par an. Dans de nombreux cas - tels qu'en Argentine, Brésil et Uruguay - cette situation a perduré pendant plusieurs décennies. Les pays ont fait face à ce phénomène monétaire en créant divers mécanismes d’indexation. Quoi qu'il en soit, en rendant l'inflation plus supportable, ces mesures diminuent la capacité des politiques à éradiquer une inflation forte. La distinction entre hyperinflation et inflation chronique est importante pour la compréhension des effets des politiques de stabilisation. L'hyperinflation dispose de trois caractéristiques propres. Premièrement, elle a dans la plupart des cas une origine clairement fiscale. Deuxièmement, les contrats nominaux disparaissent graduellement à mesure que le taux d'inflation augmente, les salaires et les prix devenant indexés à une monnaie étrangère. Troisièmement, l'hyperinflation conduit à un environnement économique et social chaotique, le public se persuadant que cette situation devient intenable.

Paradoxalement, l'aspect dévastateur et explosif des processus hyperinflationnistes explique pourquoi il s'est avéré moins difficile de stopper l'hyperinflation que l'inflation chronique. Typiquement, pour les grandes organisations internationales et en particulier la Banque Mondiale, en finir avec l'hyperinflation exige la création d'une banque centrale indépendante, la mise en oeuvre de réformes fiscales majeures pour éliminer les pressions sur le financement et l'établissement d'une monnaie convertible - souvent à un taux de change fixe. Un tel ensemble de mesures économiques a dans de nombreux cas, stoppé l'inflation. En effet, la plupart des salaires et des prix étant cotée en monnaie étrangère, fixer le taux de change équivaut à stabiliser virtuellement les prix de tous les biens de l'économie.

L'origine fiscale du problème est évidente pour le public et la situation est jugée par ce dernier comme intolérable. Aussi, les programmes visant à stopper l'hyperinflation sont habituellement bien acceptés, voire soutenus car ils sont un gage de crédibilité. Il convient d'ajouter qu'en hyperinflation, les rigidités nominales étant supprimées, les coûts réels d'une stabilisation monétaire sont relativement faibles par rapport à une situation d'inflation chronique. Les caractéristiques de cette dernière sont différentes de celle de l'hyperinflation.

Premièrement, à court terme, ce type d’inflation est plus facile à supporter, ce qui a pour conséquence négative qu'il soit difficile de mobiliser un support politique pour activer la réforme. Deuxièmement ce phénomène dispose d'un haut degré d'inertie - d'où son appellation d'inflation inertielle due à la large indexation. Troisièmement, le public est généralement sceptique face aux nouvelles tentatives gouvernementales pour la stopper. Attardons nous maintenant sur ce que la littérature économique nomme «l’inflation inertielle ou chronique»

L’hyperinflation inertielle est celle entretenue par l’Etat au travers de la légalisation du mécanisme d’indexation. Les hausses antérieures des coûts et des prix sont répercutées avec quelques délais, d’où une certaine inertie du processus. Les salaires augmentent devant les revendications des travailleurs qui veulent maintenir leur pouvoir d’achat face à l’inflation. Les prix s’accroissent pour tenir compte de l’élévation des salaires. Cette composante inertielle est importante dans l’inflation latino-américaine. L’indexation institutionnalise la rigidité du taux d’inflation.

En d’autres termes, si l’économie est proche d’une situation de plein emploi et si l’équilibre est stable, sans boom ni crise économique, l’inflation ne sera affectée ni par un trend économique, ni par le secteur extérieur et l’inflation se perpétuera indéfiniment. Selon la théorie de l’inertie, l’accélération de l’inflation intervient à la suite de chocs extérieurs (chocs pétroliers, guerres, hausse des prix des matières premières) et selon les phases du cycle dans lesquelles nous nous trouvons. Plus le taux d’inflation est élevé , plus la spirale des salaires et des prix va s’enraciner. Les employeurs vont être d’autant plus disposés à accorder des hausses de salaires qu’ils savent qu’ils pourront les répercuter sur leurs prix. Eradiquer l'inflation chronique n'est donc pas une tâche aisée. Les ajustements fiscaux, quoique nécessaires ne sont pas suffisants pour assurer le succès. Les programmes pour la stopper, reposent habituellement sur des taux de change considérés comme des ancrages nominaux. Evidemment, sortir de l'inflation chronique n'est en aucun cas impossible. Le Chili, Israël et le Mexique ont réduit leur taux d'inflation à 15% par an. Dans tous les cas, les programmes sont soutenus par de drastiques réformes structurelles et fiscales. Nous pouvons constater que l’histoire économique de ce siècle est marquée par de nombreux épisodes d’inflation forte et d’hyperinflation. Il est intéressant d’essayer de tirer les leçons des combats menés contre les pressions hyperinflationnistes.

Nous venons de remarquer que l’hyperinflation a laissé son empreinte dans plusieurs systèmes économiques au cours du vingtième siècle. Recherchons maintenant comment des pays tels que l’Allemagne (1921-23), l’Autriche (1921-23), la Hongrie (1922- 24), la Pologne (1922-23) et Israël (1985), ont réussi à éradiquer de telles pressions inflationnistes. L’Allemagne a mis en oeuvre une importante réforme monétaire, consistant à

introduire le Rentenmark (1 Rentenmark = 10 12 anciens Marks), en établissant une nouvelle

banque centrale (Rentenbank) avec pour objectif de limiter à la fois le volume de la masse monétaire et des prêts accordés au Gouvernement.

En Autriche, la banque centrale a été rendue indépendante. Les budgets gouvernementaux ont été sévèrement contraints à l’austérité, de nouvelles taxes ont été introduites. En Hongrie, la nouvelle banque centrale a imposé au Gouvernement des réserves d’or en garantie des prêts qu’elle lui octroyait. En Pologne, une réforme monétaire a été entreprise, imposant une parité fixe avec le cours de l’or. Une nouvelle banque centrale a été crée. Enfin, pour ce qui concerne l’Etat d’Israël, le déficit budgétaire a été sévèrement réduit, passant de 17% à 8% du PNB. Le taux de change avec le dollar US a été stabilisé et la banque

centrale rendue plus indépendante41.

Après avoir défini, au regard de l'histoire, les différences fondamentales entre l'inflation inertielle et l'hyperinflation, ainsi que les diverses stratégies pour vaincre de telles situations, nous pouvons alors préciser la nature des ces phénomènes monétaires dans les anciens pays membres du CAEM.

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