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Introduction de dynamiques dans les modèles standards d’inflation forte

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 83-90)

CARACTERISES PAR UNE INFLATION ELEVEE

II. L’APPORT DE LA THEORIE ECONOMIQUE DANS LA COMPREHENSION DES PHENOMENES MONETAIRES, CARACTERISES PAR UNE INFLATION

II.1. L’expansion de la monnaie est la cause de l’augmentation des pr

II.1.2. Introduction de dynamiques dans les modèles standards d’inflation forte

Le courant de la littérature économique, ancré sur les travaux de Cagan recherche donc à expliquer pourquoi les gouvernements des pays souffrant de fortes inflations ne fixent pas le montant de création monétaire au maximum de la courbe décrivant les revenus de seigneuriage. Cette démarche, toujours en cours, est très éclairante car elle laisse la place à de nombreuses explications. La plupart d’entre elles reposent sur l’information. Par exemple, Alex Cukierman tient l’imperfection de l’information pour responsable de taux d’inflation au

delà de 1/α. Une information imparfaite provoquerait des retards dans les anticipations des

autorités monétaires, ce qui pousserait temporairement µ au delà de 1/α67.

Dans le droit fil des modèles de type Cagan, centrés autour d’une courbe de Laffer, se trouve toute une série de modèles visant à expliquer tel ou tel aspect propre aux épisodes d’inflation forte. A titre d’exemple, nous allons en présenter deux distincts. Le

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Cukierman A. (1988b) «Rapid Inflation: Deliberate Policy or Miscalculation ?», Carnegie Rochester

premier vise à introduire des mécanismes d’indexation, il est proposé par Valérie Lelièvre. Le second dynamise la construction de Cagan pour examiner finement les processus d’ajustement des anticipations des agents subissant une situation d’hyperinflation. Comme nous allons le remarquer, les forces de cette littérature sont en même temps ses faiblesses. En effet, tout ce courant adopte une formalisation unifiée et cohérente, laquelle en revanche contient la pensée théorique dans un carcan quelque peu rigide.

II.1.2.1. Les mécanismes d’indexation dans les épisodes d’inflation forte

Dans la partie précédente, (I.) nous avons souligné que de nombreux épisodes d’inflation forte perduraient en raison de la présence d’un mécanisme d’indexation portant sur la détermination des salaires. Le modèle présenté ici a l’avantage de montrer la grande capacité de la littérature standard sur les inflations fortes à traiter d’une grande diversité de situations. Ici, en reprenant le même canevas que celui employé par Cagan, Valérie Lelièvre parvient à modéliser les épisodes d’hyperinflation qu’ont connus de nombreux pays d’Amérique latine

dans les années 70 et 8068. Ce modèle reprend l’essentiel des caractéristiques mises en avant

dans la section précédente. Le gouvernement finance toujours son déficit par émission de

monnaie. Pour expliquer des taux de création monétaire au delà de 1/α, une rigidité est

introduite.

Cette dernière procède d’un mécanisme d’indexation conférant un certain degré d’inertie dans le processus d’ajustement. Un tel mécanisme est particulièrement bien approprié car il a été à l’œuvre dans les périodes fortement inflationnistes qu’ont connues les économies d’Amérique Latine.

Les revenus de seigneuriage sont déterminés de manière tout à fait standard, nous retrouvons donc l’équation (1). Il est alors possible de retracer les revenus de seigneuriage par une courbe de type Laffer de même nature que celle présentée dans la figure précédente (II.1.1.1.). La fonction de demande de monnaie dispose exactement des mêmes

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Lelièvre V. (1995) «Un modèle théorique de la dynamique de l’hyperinflation: une reformulation du modèle de Cagan», Revue Française d’économie, Volume X, hiver.

propriétés que celle proposée par Cagan. Seul le taux d’inflation anticipé est davantage explicité: Cagan (1956): (3) (M) ) ( ) P t e L d = −απte = πe Lelièvre (1995): (3’) (M) ( ) ( ( )) P t e L a d =αa t+ε =

Nous constatons donc que les bases de départ sont analogues dans ces deux

modèles. C’est en introduisant des anticipations rationnelles dans

( )a que Valérie Lelièvre

justifie µ différent de µ*:

(4)

( )a t+1 = Et(pt+1pt)

Sur le sentier

d’équilibre, il y a égalité entre trois taux à savoir celui de l’inflation anticipée, celui de l’inflation constatée et celui de croissance de la masse monétaire. L’équation (2) se réécrit donc:

(2’)

( )a =

( )t = µ

Le taux de croissance de la masse monétaire augmente à chaque fois que le gouvernement doit financer un nouveau déficit budgétaire, provoquant par là même une accélération des tensions inflationnistes..

Pour que l’équilibre hyperinflationniste soit stable, il faut donc que les chocs disparaissent. Comme les déficits sont financés par la taxe d’inflation S doit être alors égal à zéro69. (1’) S M P M M M P ≡ & = & × =0 ó M P a M P *

( )= *

=0 Soit

( )a =

= =m& 0 69

En effet, si «d» représente le déficit. De part l’équation (1): S M

( )

P M M M P L t d e

≡ & = & × = µ π = donc si

d=0 alors S = 0

Et = Espérance mathématique

pt = Prix à la période t (en

logarithme)

pt+1 = Prix à la période t+1 (en

Tout comme le modèle de Cagan, le déclenchement du processus hyperinflationniste est conditionné par la forme semi-logarithmique de la fonction de demande de monnaie. Toute augmentation de µ, entretenue de surcroît par un mécanisme systématique d’inflation inertielle réduit les revenus de seigneuriage et conduit le gouvernement dans un

engrenage hyperinflationniste70. Les anticipations rationnelles conduisent les agents à anticiper

la poursuite d’un tel processus d’entropie. A partir d’un certain seuil, les agents se détournent de cette monnaie qui n’est plus qu’un impôt qu’ils payent au gouvernement et vont lui rechercher des substituts. Ce phénomène justifie l’essor du troc ou de la dollarisation que l’on peut observer dans nombre d’économies subissant une inflation forte.

Nous pouvons constater qu’au travers de modèles dans la lignée de celui proposé par Cagan, il est possible d’une part, de considérer plusieurs dimensions telles que par exemple des anticipations ou bien des mécanismes d’inertie mais aussi d’autre part, de fournir des explications à des phénomènes complexes tels ceux liés à la dollarisation d’une économie. Si le modèle de Lelièvre fait appel aux anticipations rationnelles, celui de Sokic que nous allons

examiner dès à présent intègre les anticipations adaptatives71.

II.1.2.2. La dynamique des anticipations adaptatives

Tout comme le modèle précédent, celui d’Alexandre Sokic adopte la même formalisation du seigneuriage et de la demande de monnaie (à un paramètre près) que celle utilisée par Cagan en 1956. Ici aussi, le gouvernement finance son déficit (d) uniquement par seigneuriage. Alors que le modèle de Lelièvre intègre des anticipations rationnelles, ce dernier établit des anticipations adaptatives.

Ce modèle comporte donc quatre équations de départ:

70

L’inflation inertielle intervient en amont de la résolution du modèle de Lelièvre. Elle se résume à spécifier le déficit de la manière suivante: (G-T)r = d. Cependant le déficit étant posé constant dès le départ, sa spécification n’intervient pas dans la résolution du modèle.

71

Sokic A. (1992) «Déficits budgétaires, délais d’ajustements et hyperinflation», Working Paper, Bureau d’Economie Théorique et Appliquée, Université Louis Pasteur, Strasbourg, Décembre.

• L’équation de seigneuriage (1)

• La demande (3) et une offre (M/P) de monnaie

• Les anticipations adaptatives des agents (4)

(1) S M

( )

P M M M P L t d e ≡ & = & × =µ π = (3) (M) P t e d = γ απte (4) π&t β π( π ) e t t e = −

Ce modèle comme les précédents se situe dans un régime régulier et de ce fait prend pour point de départ une situation d’équilibre entre offre et demande de monnaie soit:

(6) (M) P

M P

d =

La résolution du système composé par les équations (1), (3), (4) et (6) permet à Sokic de déterminer le comportement de l’économie au travers d’une fonction retraçant la dynamique

des encaisses réelles de la forme72:

(7) &m= f m( )= − ( d m m[log( )])m

− − +

β

αβ α γ

1

Il s’agit ensuite d’étudier la dynamique de f(m) au travers de l’étude du signe de sa dérivée73.

(8) f' ( )m = − ( log( )m )

− − + +

β

αβ γ

1 1

De nouveau, la forme semi-logarithmique de la fonction de demande de monnaie conditionne le niveau maximum de seigneuriage à atteindre.

Par exemple, pour β∈[0;α-1], f’(m) >0 si m<eγ-1. La ligne des phases obtenue par Sokic est le

reflet de la courbe de Laffer des revenus de seigneuriage. Elle détermine deux états stationnaires A et B qui proviennent de la possibilité offerte par la forme de la fonction de demande de monnaie de financer un certain montant de déficit à l’aide de deux taux d’inflation constants.

La figure 2 retrace la ligne des phases obtenue par Sokic pour un niveau de déficit donné.

Graphique n°2.2:

72

Remarque : &π & α

e m

m

= −1× pour &m donné.

& m

m A B

L’état stationnaire A est instable, il correspond à une inflation forte alors que l’état B est stable et correspond à un niveau d’inflation plus faible. Par analogie avec les résultats de Cagan (56), l’état stationnaire instable ‘A’ correspond à une situation où le taux de création de monnaie excède le montant maximum de revenu de seigneuriage, c’est-à-dire une situation dans laquelle: µ>1/α.

La littérature standard des inflations fortes dispose donc d’une structure cohérente. Sa démarche procède d’une même logique centrée autour d’une courbe de type Laffer. A ce tronc commun, de nombreuses branches peuvent être greffées. En effet, il est possible de fournir différentes présentations des mécanismes d’anticipation ou des déficits budgétaires.

De plus, les analyses faites par les modèles de types Cagan retracent assez fidèlement la réalité de nombreux épisodes d’hyperinflation tels ceux vécus par l’Allemagne dans les années 20 ou par les pays d’Amérique latine dans les années 80.

La question qu’il se pose alors est celle de savoir si les phénomènes d’inflation forte, à l’oeuvre dans tous les pays en transition de l’Est de l’Europe, peuvent être modélisés par le courant «orthodoxe» de la théorie sur les inflations fortes. Même si au cours de cette section (II.1.1.) certaines voies ont été défrichées, nous ne pouvons répondre tout de go à une

73 f m m d M P dt ( ) & ( )

telle question. Il est nécessaire de présenter les approches alternatives à celles de type Cagan (ce qui fera l’objet du chapitre (II.2.)) et d’établir un panorama des travaux - portant sur les tensions inflationnistes à l’oeuvre dans les pays en transition de l’Est de l’Europe - réalisés par la théorie économique (II.3.).

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