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L’évaluation du seigneuriage en tant que politique économique

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 181-183)

CARACTERISES PAR UNE INFLATION ELEVEE

UNE APPROCHE HORS EQUILIBRE DES INFLATIONS FORTES

III.4. L’inflation forte: une pluralité de politiques économiques pour y mettre un terme

III.4.1. L’évaluation du seigneuriage en tant que politique économique

Toute taxation signifie un transfert de revenu d'une partie des agents vers une autre. L'inflation est un système fiscal et les revenus imposés sont ceux des agents privés. A cet égard, Keynes a affirmé que l’efficacité de l’inflation comme méthode de taxation ne pouvait

être disputée139. L’inflation génère une taxe qui est bien répartie au sein de la population, les

agents ne peuvent y échapper, sa collection ne coûte rien. De plus, même le gouvernement le plus faible peut la mettre en oeuvre, lorsqu’il n’a plus d’alternative possible. La cash-inflation (pour reprendre la terminologie employée dans la section III.2.) a souvent été utilisée pour acheter une stabilité politique au travers la création d’une bureaucratie excessive ou d’une armée surabondante. A un certain moment, la cash-inflation a été employée dans les pays d’Amérique Latine pour réaliser des desseins démagogiques dans des sociétés au mode de fonctionnement quasi-féodal. Parfois, certaines politiques de cash inflation sont destinées à encourager le prix d’une production nationale donnée lorsque les cours internationaux ont chuté - blé dans les années 30 en Europe de l’Est, café au Brésil et boeuf en Argentine. Tant que les revenus de ces producteurs particuliers furent protégés (pendant la période de déclin du revenu national), les autres classes durent supporter des pertes. Cependant, l’inconvénient de tout mouvement inflationniste est que, si d’une part, il bouche un trou dans le système, d’autre part, il crée d’autres trous ailleurs. Comme nous avons eu l’occasion de le souligner précédemment (voir III.2.), mettre de la nouvelle monnaie à disposition de certaines catégories d’agents (par exemple les fermiers allemands dans les années 30) pénalise fortement les autres catégories. Il est nécessaire de connaître deux faits qui sont essentiels dans la compréhension de l’inflation en tant que mécanisme de taxation. Tout d’abord, la taxe imposée par l’inflation est très particulière. Elle n’est pas levée en monnaie et il n’existe pas de collecteurs.

Le mécanisme est qu’il existe un montant équivalent en monnaie, T, lequel est à la disposition de groupes d’agents privilégiés, sous la forme de salaires plus élevés ou de prêts bancaires bon marché. Le second point est que le revenu taxé n’est pas transformé directement ni indirectement en investissement.

Une fois les prêts «bon marché» rentrés dans les comptes des firmes, T est

assimilé comme un investissement «additionnel», I=αT ou autrement dit comme un profit

supplémentaire P=(1-α)T avec 0≤α<1. Tout le problème réside dans la manière selon laquelle

l’investissement additionnel va être réalisé. Bien évidemment, toute firme désireuse de conserver son niveau d’activité va augmenter son capital productif pour atteindre le niveau exigé par les nouveaux prix. Dans un état d’inflation, les firmes utilisent les prêts bon marché (cheap loans) dans ce but. Les agents pour lesquels P augmente, peuvent ne pas le dépenser dans son intégralité. Or, si dans un état d’inflation toute épargne est directement investie, alors

l’investissement total doit être supérieur à l’investissement additionnel, soit: à δT>αT, δ<1.

L’importance de δ repose sur un ensemble complexe de facteurs. Parmi ces derniers, les plus

fondamentaux sont les habitudes de consommation (dans le long terme) de certaines classes sociales ainsi que les perspectives économiques à court terme. Si les agents recevant T épargnent et que les perspectives économiques incitent les entreprises à investir alors la politique de «cash inflation», comprise comme une politique stimulant l’accumulation du capital peut réussir. En réalité, les récents épisodes d’inflation forte, vécus par les pays d’Amérique latine dans les années 80, ont montré qu’en ce sens, les vertus de la «cash inflation» étaient très faibles. Par exemple le train de vie des classes sociales riches du Brésil (celles recevant en priorité T) était si fort que ces dernières n’ont jamais beaucoup épargné; même avant l’apparition de l’inflation forte. Pour quiconque investissant une partie de son revenu, la demande dans le secteur concerné doit augmenter en termes réels. Mais quelle est la source de cette augmentation continue de la demande? La réponse la plus simple est de dire qu’au départ, elle provient des profits générés par les premières injections inflationnistes. En réajustant périodiquement les salaires réels à un taux décroissant, ces profits peuvent continuer à s’accroître. En revanche, si les salaires réels sont toujours réajustés au même taux, il n’existe pas de transfert additionnel de revenu permettant une augmentation continue de la demande.

Dans un tel contexte, l’augmentation de la demande ne peut dépendre que du développement économique sans quoi, le taux de revenu réel (Y) ne peut en aucun cas s’accroître. Dans un état d’inflation, d’une part la demande pour certains biens augmente et d’autre part, il existe un surcroît de monnaie destiné à l’expansion des industries des dits biens. Normalement, hormis les frictions usuelles liées à tout processus d’ajustement, ce type de

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mécanisme peut être qualifié de «push-pull» permettant le développement économique. En réalité, ces effets bénéfiques ne se produisent jamais en raison de l’atmosphère d’incertitude inhérente à tout état d’inflation. De même, l’acquisition de prêts «bon marché» peut conduire l’industriel en question dans un premier temps à un surcroît d’optimisme, le poussant à sur- investir et en conséquence le laissant à moyen ou long terme avec des capacité productives oisives qu’il faudra amortir comme les autres. Ainsi, le mécanisme «push pull» entre l’augmentation de la demande et celle de l’investissement fonctionne très difficilement.

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 181-183)