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La prise en compte de la dollarisation

Dans le document Inflation Forte et Transition à l'Est (Page 106-110)

CARACTERISES PAR UNE INFLATION ELEVEE

II. L’APPORT DE LA THEORIE ECONOMIQUE DANS LA COMPREHENSION DES PHENOMENES MONETAIRES, CARACTERISES PAR UNE INFLATION

II.3. Les modèles d’inflation forte appliqués spécifiquement aux économies anciennement planifiées

II.3.2. La prise en compte de la dollarisation

Comme nous l’avons vu dans la première partie, le phénomène de dollarisation se retrouve, avec une plus ou moins grande ampleur, dans tous les pays en transition de l’Est de l’Europe. Déjà l’étude de Valérie Lelièvre (cf. II.1.2.1.) nous a permis de constater qu’au travers d’une analyse de type Cagan, il était possible de donner une interprétation du phénomène de dollarisation. Ici, le second modèle (réalisé dans le cadre des recherches du F.M.I) et présenté par Sahay et Végh focalise directement sur le désintéressement de la

monnaie domestique au profit d’une monnaie étrangère79. Pour donner un contenu analytique au phénomène de la dollarisation, ces auteurs ont repris des travaux antérieurs de Thomas

(1985)80. Le recours à un tel canevas théorique est le suivant: l’acquisition d’une devise

étrangère par les agents privés procède d’un choix de portefeuille. Les agents vont palier à la rapide dépréciation de la monnaie nationale en ajoutant à leur portefeuille des actifs cotés en devise étrangère.

La formalisation appréhende un monde à un bien dans lequel les consommateurs peuvent détenir quatre actifs différents: La monnaie domestique, une devise étrangère, des titres domestiques, des titres étrangers. Bien évidemment, les titres domestiques sont cotés en monnaie nationale et les étrangers en devise étrangère. La détention de monnaie ne rapporte par d’intérêt. Aussi, les agents ne la détiennent que pour sa fonction de moyen de paiement. Donc les encaisses monétaires réelles en monnaie domestique (m) et celles en monnaie étrangère (f) sont utilisées car elles réduisent les coûts de transaction - ces derniers s’écrivant

formellement de la manière suivante81:

(22) s cv m c f c = ( , ) , v ≥ 0, v1 ≤ 0, v2 ≤ 0, v11 > 0, v22 > 0, v12 > 0, v11v22-v12 2 > 0

la variable ‘s’ représente la date de l’achat, ‘c’ la consommation réelle. L’équation (22) décrit une technologie des coûts de transaction qui est convexe et donc assure la présence d’une fonction de demande de monnaie ayant les bonnes propriétés. Les titres sont uniquement détenus comme réserve de valeur. Pour introduire une imparfaite substitution entre les titres domestiques et les titres étrangers, Thomas suppose que les prix domestiques et étrangers évoluent stochastiquement. Ainsi, pour un rendement nominal donné, les rendements réels des titres domestiques et étrangers sont incertains. Les préférences individuelles des consommateurs sont caractérisées par une fonction d’utilité de type Von Neumann - Morgensten, c’est-à-dire une fonction strictement concave en c.

79

Sahay R., Végh, C.A., (1995) „Dollarization in transition Economies“, IMF Working Paper, September.

80

Thomas L.R., (1985) „Portfolio Theory and Currency Substitution“, Journal of Money, Credit and Banking“, vol 17, pp. 347-357.

81

Par simplicité les coûts de transaction sont homogènes de degré un en c,m et f. Le modèle est statique, le temps n’intervient pas.

Soit θj, (j = m, f, b et d) la part d’un actif j dans la richesse financière totale

(m+f+d+b), où d représente la détention réelle de titres domestique et b, la détention réelle de

titres étrangers. Bien évidemment, θm + θf + θd + θb = 1. Le consommateur doit maximiser à la

fois sa consommation et la structure de son portefeuille (θm, θf, θd, θb). Ainsi, θf + θb

représente la part de la richesse financière comptabilisée en devises étrangères.

Les conditions de premier ordre obtenues par Thomas sont les suivantes:

(23) −v m = c f c i 1( , ) (24) −v m = c f c i 2( , ) * (25) θ f +θb =[i − −(i ε)] * Γ

La variabilité des rendements et le degré d’aversion pour le risque est donné par

‘Γ‘. Les taux d’intérêts nominaux domestiques et étrangers sont respectivement i et i*. Quant à

‘ε‘, il représente le taux de dévaluation de la monnaie domestique. Grâce aux équations (23) et

(24), il est possible de définir les fonctions de demande de monnaie domestique (26) et étrangère (27) de la manière suivante:

(26) m cL i im Li L m i m = ( , ),* <0, * >0 (27) f =cL i if( , ),* Lif <0, Lif* >0

Les équations (26) et (27) impliquent l’existence d’une fonction de demande de monnaie de la forme suivante:

(28) f

m=L i i( , ), Li > , Li <

* *

Au travers l’utilisation de ce cadre conceptuel, il est possible de tirer un certain nombre de conclusions quant au phénomène de la dollarisation. Tout d’abord, à la lecture de l’équation (25) nous pouvons constater qu’une augmentation des taux d’intérêts nominaux domestiques -i-, provoque celle du ratio devise étrangère/devise domestique (f/m). Ce phénomène de substitution de la monnaie nationale par rapport à la monnaie étrangère se comprend de la manière suivante: la demande pour la monnaie étrangère (en tant que moyen d’échange) par rapport à celle effectuée pour la monnaie nationale repose sur le coût

d’opportunité des deux devises (c’est-à-dire i et i*). Cette même équation (25) nous enseigne

également que le choix optimum de détention d’actifs cotés en devise étrangère (soit θf + θb)

dépend uniquement de l’écart de rendement réel mesuré par i*-(i-ε), et non des rendements

nominaux ou des services de liquidités des deux devises. Si θf + θb représentent le degré de

dollarisation de l’économie, alors l’équation (25) montre que la dollarisation dépend négativement de i. Le consommateur décide donc de détenir, d’emprunter ou prêter telle ou telle devise de manière à constituer le portefeuille optimal décrit par (25).

Si ce modèle permet de spécifier la place de la dollarisation dans une économie en proie à de fortes inflations, il ne peut faire se défaire d’une fonction de demande de monnaie

de la même nature que celle proposée par Cagan dans l’équation (3)82. Hormis cette rigidité

formelle, il est intéressant de concevoir l’attrait pour une devise étrangère comme un moyen de réduire les coûts de transaction. Une telle option théorique n’est pas éloignée de la réalité des économies en proie aux fortes pressions inflationnistes. Cependant, nous montrerons dans la partie suivante que la demande de dollars n’est pas uniquement conditionnée par des besoins «de sécurité». Si l’on observe les économies en transition de l’Est de l’Europe, il est possible de constater que certains marchés sont “dollarisés” et d’autres non. Le choix du moyen d’échanges pour tel ou tel type de marché ne peut s’exprimer seulement en fonction d’une théorie basée sur les choix de portefeuille. Certains agents demandent du dollar, non pas pour

protéger la perte de leur pouvoir d’achat mais uniquement parce qu’ils y sont contraints83.

82

D’ailleurs on peut mettre aussi en parallèle l’équation (1’) avec l’équation (22)

83

Juste un exemple même si nous en donnerons d’autres ultérieurement (voir III.2.3. et IV.). Dans la plupart des marchés libres d’Ukraine, du moins entre 1991 et 1994, il était impossible pour un agent d’acheter une voiture autrement qu’en la payant avec une devise étrangère, en l’occurrence le dollar US. L’acheteur ne

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