• Aucun résultat trouvé

Les résultats

Dans le document Différences des sexes et des générations (Page 179-186)

sexe du sujet

2.1.3 Les résultats

L’objectif de ce premier traitement quantitatif des résultats est d’établir un contexte général de la représentation de la famille et des liens d’autorité du point de vue de l’enfant.

Pour qu’il n’y ait aucun malentendu, je ne prétends pas dans cette phase interpréter les dessins des enfants que nous avons rencontrés dans les classes. En effet, le fait de ne pas avoir recueilli leur parole à propos de leur production m’empêche d’être dans la dimension de l’interprétation au sens psychanalytique du terme. Il s’agit ici d’analyser les dessins à partir des concepts qui sous-tendent mon hypothèse, déclinés en dimensions et en indicateurs pertinents pour répondre au questionnement. Mes concepts de base, la différence des sexes et des générations, les représentations familiales et l’identification, étant les mêmes que ceux de CoPsyEnfant, j’ai sélectionné et utilisé les dimensions et les indicateurs présents dans la grille de lecture générale en lien avec mon travail.

Je présente maintenant les résultats qui ont été pertinents pour ma recherche. Ils ont été élaborés avec certains de mes collègues de CoPsyEnfant, V. Dufour, D. Druzhinenko, et S.

Lesourd, cela à l’occasion de présentations dans des colloques9. Par contre, je ne retiens ici que ceux qui concernent la tranche d’âge qui m’intéresse, c’est-à-dire la période œdipienne. Pour ce qui concerne les résultats pour les autres étapes de la construction psychique (latence et adolescence), je vous renvois directement à ces travaux.

Les résultats concernent préférentiellement la question du personnage d’identification car pour étudier le rapport aux figures d’autorité j’ai privilégié l’étude des personnages

9 Référence des travaux :

Girerd, C., Druzhinenko, D., Dufour, V., Lesourd, S., (2007, July). The problem of authority figures construction in “CoPsyEnfant” cross-cultural study. International congress “Xth European Congress of Psychology”, 3-6 July, Prague, Czech Republic.

Girerd. C., (2007, août). Le processus d’autorité dans la construction psychique de l’enfant. Congrès international “La subversion opérée dans le monde par le discours de la science et … les chemins de la psychanalyse”, 23-25 aôut, Belo-Horizonte, Brésil.

Girerd, C., (2007, août). Le personnage d’identification comme figure d’autorité dans le dessin d’enfant.

d’identification du sujet, en accord avec ma théorisation présentée dans la partie 2 et tels que L. Corman et A. Abraham les ont développées dans leurs travaux. Corman utilisait le dessin de famille comme test projectif de personnalité (suivit d’un entretien basé sur sa méthode des «Préférences-identifications» élaborée lors de la construction du test « Patte-Noire », 1959, 1 ère édition 1961), en se basant sur l’appui théorique freudien selon lequel il existe plusieurs types d’identifications : « Et à ce propos rappelons la distinction souvent très riche de sens que nous avons faite entre l’identification de réalité, l’identification de désir et l’identification de défense (le Moi, le Soi et le Sur-moi). » (Corman, 1964, p 160), et « Le personnage qui est au centre du récit, celui qui par conséquent est le plus investi, est toujours l’identification majeure du sujet, qui projette en lui ses aspirations essentielles. » (Corman, 1979, p 122).

L’étude de A. Abraham, appuyée elle-même sur celle de K. Machover (1949), est fondamentale sur la question du repérage de l’identification sexuelle à partir du dessin du bonhomme. A. Abraham dégage deux types d’identifications : anaclitiques et de défense du Moi, celles-ci étant le mécanisme pivot du complexe d’Œdipe. L’enfant se sent protégé par ses identifications qui le libèrent de son sentiment de faiblesse. Par contre, il lui est nécessaire de se libérer de ses identifications premières, pour établir une identité authentique de l’être. « L’identification est un mécanisme qui, à cause d’une relation avec l’autre, aboutit à une modification du sujet dans le sens d’une ressemblance avec l’autre, d’un état d’identité à lui. La reconnaissance de ce processus dans le soi, ainsi que les instances qui se structurent, assurent le sentiment d’identité de l’individu. Ceci veut dire, pour certains chercheurs, qu’aucune identité de soi n’est possible, si ce n’est à travers le processus d’identification.» (A. Abraham, 1976, p 22). « Les identifications s’insèrent dans la psyché par le développement du moi, du surmoi et du moi idéal, suivant un schéma crée

par les relations avec les parents » (A. Abraham, 1976, p. 23).

Dans ce cadre, tous les personnages sont plus ou moins supports d’identification, comme dans le rêve. Notamment car si la tendance identificatrice première au héros est interdite par le Moi, le sujet devra se projeter sur un personnage plus éloigné de lui. Cet aspect narcissique est facilement repérable dans le cadre du dessin de la famille idéale, dans son association au dessin de la famille réelle et à celui du bonhomme. Le bonhomme (sur le dessin du bonhomme voir V. Dufour, 2007) est le plus souvent la représentation idéale du sujet. Dans les dessins de famille, le personnage représenté en premier est le personnage auquel le sujet s’identifie, qu’il se représente lui-même dans le dessin ou non : « M. Porot insiste sur la composition de la famille telle qu’elle est donnée dans le dessin, sur l’importance du fait que certaines personnes peuvent être oubliées. Il souligne que le personnage dessiné le premier est presque toujours le plus important aux yeux de l’enfant.

Il indique les signes de valorisation et de minimisation.» (Corman, 1964, p 14). D’autre part, Corman précise qu’en général le personnage à gauche de la feuille, dans les écritures de gauche à droite, est dans la grande majorité des cas le personnage principal, c’est-à-dire le personnage support d’identification. Ainsi, j’ai pris cette observation comme indicateur de repérage du personnage d’identification, tout en sachant qu’il n’est pas le seul. J’ai travaillé sur la question des critères de repérage du personnage d’identification du sujet à partir de la répartition des couleurs sur les personnages, sachant que si trois organisateurs graphiques, la forme, le mouvement et la couleur rendent comptent du dynamisme affectif, la couleur est la dimension du dessin la plus liée à la pulsionnalité. Cette hypothèse s’est trouvée invalidée par le travail statistique, mais elle reste pertinente pour étudier les identifications partielles, dites identifications au trait unaire (J. Lacan.1961/1962) du sujet.

Par contre la couleur ne permet pas de repérer le personnage d’identification, celui auquel le sujet veut ressembler, celui auquel il s’identifie dans le dessin.

Voici les résultats obtenus après traitement statistique :

Tableau 3 : Principaux personnages d’identification de la famille réelle (« personnage à gauche ») chez les filles et les garçons français à la période œdipienne, en pourcentage.

Oedipe (N = 143)

Famille réelle Garçons Filles

Père 26 33,3

Mère 18,2 24,2

Sujet 19,5 15,2

Fratrie 27,3 19,7

Autre 9,1 7,6

Nous pouvons remarquer que le père est le premier personnage d’identification pour les filles, la mère n’étant que le second personnage d’identification et le sujet lui-même venant en troisième position. Par contre, il ressort également de ce tableau que chez les garçons, la fratrie est le personnage d’identification premier, avant le père en second et le sujet en troisième position. Nous constatons également que le garçon français œdipien se situe plus que la mère comme figure d’identification.

Cela interroge la construction des repères identificatoires sexués dans la population française et la part attribuée à la fonction paternelle d’autorité dans le développement

œdipien de l’enfant. Ceci amène à supposer que l’identification au père phallique œdipien, ne se met pas en place au temps de l’Œdipe, mettant ainsi en difficulté la fonction du père comme garant de l’autorité. D’autant que, par ailleurs, nous avons pu constater dans les résultats des périodes de latence et de l’adolescence que ce mouvement continue à se jouer, cette fois en acte, surtout au moment de l’adolescence. Par contre ce phénomène n’apparaît que peu chez les filles françaises, sans être stable pour autant : les figures parentales d’autorité œdipiennes sont repérables à l’Œdipe puis, à l’instar des garçons, une place importante est octroyée à la figure d’autorité paternelle à l’adolescence.

Il ressort de ces résultats que les deux axes fondateurs de l’Œdipe, la différence des sexes et celle des générations, sont bien repérés par les sujets mais ne sont pas structurants pour ce qui concerne la constitution des figures d’autorité chez les sujets français. Par ailleurs, la même exploration au niveau du dessin de la famille de rêve renforce ces résultats, notamment pour ce qui concerne la part attribuée à la fonction paternelle d’autorité dans le développement œdipien de l’enfant, comme le montre le tableau ci-dessous :

Tableau 4 : Principaux personnages d’identification de la famille imaginaire (« personnage à gauche ») chez les filles et les garçons français à la période œdipienne, en pourcentage.

Oedipe (N= 143) Famille

imaginaire

Garçons Filles

Père 9,8 7,6

Mère 8,3 12,9

Sujet 12,9 3

Fratrie 4,5 4,5

Autre 18,7 17,4

Nous voyons bien ici que les tendances observées dans la famille réelle sont accentuées dans la famille de rêve. D'une part, les « autres » sont les principaux personnages d’identification pour les garçons comme pour les filles. D’autre part, les garçons se situent eux-mêmes en tant que sujet comme le second personnage d’identification, alors que pour les filles, la mère est le second personnage d’identification. Enfin, le père n’arrive qu’en troisième position pour les deux sexes.

Un second résultat10 concernant la nature même des figures d’identification de la représentation de la famille réelle par l’enfant vient étayer les premiers constats. En effet, dans la réalité sociale les familles recomposées ou monoparentales représentent environ 30% (Rapports de INSEE et du Centre d'études de l'emploi pour la France) des familles françaises. Or, la réalité psychique que l’on retrouve dans les dessins réalisés dans le cadre de CoPsyEnfant est la suivante :

Tableau 5 : Taux de familles recomposées ou monoparentales dessinées dans la famille réelle, en pourcentage.

Il y a un certain décalage entre les phénomènes que nous observons dans la réalité sociale de la famille moderne et sa représentation par l’enfant. La famille recomposée ou monoparentale est dessinée dans moins de 10% des cas alors que la réalité sociale nous offre un chiffre différent. Ainsi, nous pouvons formuler l’hypothèse que les enfants construisent et dessinent leur représentation de la famille à partir des imagos parentales et non selon la réalité familiale.

10 D. Druzhinenko-Silhan, C. Girerd, V. Dufour, Pr. S. Lesourd. (2008) « La distinction entre réalité sociale et réalité psychique : un point crucial dans la construction méthodologique de la recherche CoPsyEnfant ». En

Familles recomposées

Familles monoparentales

5% 8%

Dans le document Différences des sexes et des générations (Page 179-186)