Partie 2 : Les trois figures d’autorité
1. Mon terrain de recherche et le modèle d’analyse
Mon terrain de recherche s’est constitué à partir de l’étude CoPsyEnfant à laquelle j’ai participé pendant deux ans et demi en tant que chargée d’étude, menée au laboratoire de recherche « Subjectivité, Connaissances et Lien Social » (EA 3071, directeur de laboratoire : Pr. S. Lesourd), faculté de psychologie de l’Université Louis Pasteur de Strasbourg. Cette étude est dirigée par le Pr. S. Lesourd et coordonnée par V. Dufour (Doctorantes et allocataires de recherche : D. Druzhinenko-Silhan, B. Schilling-Kessler).
Recherche financée par l’Agence Nationale de la Recherche, CoPsyEnfant est une étude internationale menée au Brésil, au Canada, en France, en Tunisie, en Russie, en Syrie et au Vietnam. Elle compte parmi ses partenaires le service de psychothérapie de l’enfant et de l’adolescent dirigé par le Pr. Bursztejn, de l’hôpital de l’Elsau (Hôpitaux Universitaires de Strasbourg), et d’autre part l’équipe de recherche « Clinique, éthique, fabrique des subjectivités » (responsable : Pr. Laurence Gavarini) du laboratoire des sciences de l'éducation, équipe d'accueil Education, Socialisation, Subjectivation, Institutions (E.A.2306) de l’Université Paris 8 – Saint-Denis.
CoPsyEnfant est une étude longitudinale qui a pour objectifs de comprendre comment l’enfant construit sa représentation de soi, la représentation de sa famille et des liens intergénérationnels et la représentation de ses liens aux autres, dans les conditions modernes de la famille et du lien social. Elle est réalisée à partir de dessins car ils présentent le double avantage d’être dépendants des représentations culturelles, et indépendants de la langue parlée, ce qui permet la part internationale de la recherche.
Les trois temps de construction de l’identité sont étudiés : la construction de l’image du
construction de l’identité sociale par le jeu des identifications et des apprentissages (6-11 ans), et la construction de l’identité sexuée adulte (identité de genre, ou identité sexuelle) au moment pubertaire et post-pubertaire (11-16 ans). Deux aspects centraux dans les pathologies actuelles de cette construction de l’identité infantile sont particulièrement étudiés : celui de la construction de l’identité sociale en lien avec la construction des rôles dans le cadre des mutations des représentations et des formes de la famille et de l’autorité dans la modernité ; et celui de la construction définitive de l’identité sexuelle et de l’identité de genre qui est en lien avec les représentations sociales idéales nouvelles des fonctions d’homme et de femme.
L’étude comporte deux phases : une première phase qui utilise des techniques de recueil et de traitement des données quantitatifs (passations collectives et traitement statistique par le logiciel Sphinx), et une seconde phase qui utilise des techniques qualitatives (entretien individuel et analyse qualitative du protocole d’entretien). L’étude concerne des enfants tout-venant vus dans le cadre scolaire, entre 3 et 16 ans, et des enfants repérés pour des difficultés et pris en charge dans des services spécialisés. Les objectifs de l’étude sont de réactualiser les connaissances sur la construction normale de l’enfant et d’affiner la compréhension de la psychopathologie liée au développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent dans la modernité.
L’hypothèse générale de CoPsyEnfant est que la différence des sexes et des générations, constitutive de la construction Œdipienne, n’est plus un repère dans notre lien social et que de nombreuses conséquences en découlent dans le rapport à l’autre, l'image de soi, la construction de l’image inconsciente du corps, les apprentissages, etc.
Chaque membre de l’équipe à pris des directions de travail selon ses intérêts propres et son cadre de travail (psychologie sociale, clinique, pathologique, psychanalytique, psychologie du développement, neuropsychologie) ; la mienne étant donc la construction des figures
d’autorité chez l’enfant.
Enfin, parmi les dimensions éthiques de la recherche, les autorisations pour les deux phases d’enquête ont été de plusieurs sortes : celles, obligatoires, de l’inspecteur académique (valable jusqu’à la fin de l’enquête) et des parents dans le cadre de l’hôpital, et nous en avons également demandé une aux directeurs d’établissements scolaires et aux parents dans le cadre des écoles, bien que facultatives ; le consentement des parents et des enfants était également demandé lors des entretiens individuels, à l’école comme à l’hôpital. D’autre part, tout le matériel récolté lors des deux phases ainsi que les écoles dans lesquelles l’étude est menée ont été rendus anonymes. Enfin, un retour des résultats collectifs a été fait aux écoles lors d’une conférence organisée par l’équipe de CoPsyEnfant (10 janvier 2007).
M’inscrivant dans l’étude et l’équipe de chercheurs dès ses débuts en tant que chargée d’étude, j’ai pu collaborer activement à l’ensemble des démarches de construction de cette enquête : depuis la théorisation du cadre de référence, l’élaboration du protocole, des outils de recueils et de traitements, en passant par les passations, le traitement des données et jusqu’à l’exploitation des résultats. Je me suis donc basée sur l’ensemble de ce travail collectif pour effectuer ma propre recherche, en apportant toutefois des modifications et des ajustements précisés dans le passage suivant consacré à ma procédure démonstrative.
2. La méthodologie
2.1 La première phase d’enquête : les statistiques, des constats et des pistes de recherche
Pour ce qui concerne cette phase de ma recherche, j’ai gardé les mêmes procédures de recueil et de traitement des données que celles utilisées par CoPsyEnfant. En revanche, j’ai analysé les dimensions des données et exploité les résultats selon mon axe de recherche et mon hypothèse de travail.
2.1.1 Protocole de passation et recueil des données
Lors de la passation, nous avons demandé aux élèves de chaque classe de réaliser quatre dessins avec une feuille et des feutres identiques pour tous, que nous leur avons distribué (nous avons amené le matériel qui a été financé par l’étude CoPsyEnfant).
Chacun des dessins avait une consigne précise et était effectué dans l’ordre de passation qui suit :
- Consigne 1 : « Prenez un crayon, faites un dessin le plus vite possible ». Le délai laissé pour exécuter ce dessin était de deux à trois minutes.
- Consigne 2 : « Maintenant, vous allez dessiner le plus beau bonhomme que vous pouvez ».
- Consigne 3 : « Maintenant, vous allez dessiner votre famille. Vous dessinez votre famille comme elle est ».
- Consigne 4 : « Maintenant, vous allez dessiner une famille dont vous rêvez ».
2.1.2 Le traitement des données : la grille de cotation
Le traitement des données a été fait à partir d’une grille de cotation, élaborée par l’ensemble des chercheurs de l’équipe CoPsyEnfant. Elle concerne les dessins du bonhomme, de la famille réelle et de la famille de rêve. Etablie à partir des concepts de différence des sexes et des générations, concepts qui sous-tendent l’hypothèse de la recherche, elle comporte des dimensions telles que la présence des personnages, leur taille et leur alignement8, leur sexuation, leur place dans la famille, etc.
L’analyse des données a été effectuée au moyen du logiciel statistique Sphinx. En accord avec mes missions de chargée d’étude, j’ai effectué l’ensemble de la cotation des dessins des enfants français, selon un manuel de cotation dont les conventions ont été discutées en équipe. Mais mon intérêt dans cette recherche se situant plus précisément dans l’exploration de la figure d’autorité de la fonction maternelle, je me suis attachée à l’observation des processus préœdipiens d’une part, chez des enfants en période de construction œdipiennes d’autre part, dans la mesure où cela me permettait un accès à leur dimension structurelle et non pas défensive. Ainsi, pour ce qui concerne cette première phase de l’enquête, mon échantillon est constitué de 143 enfants français du tout-venant de Cours Préparatoire et de Cours Elémentaire 1, c’est-à-dire environ âgés de 6 à 8 ans. Il est à remarquer que les dessins des enfants en maternelle n’ont pas été pris en compte à cette étape de l’étude car leur niveau graphique ne permettait pas une cotation pertinente avec cette grille de lecture.
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Tableau 1: Répartition des sujets de l'échantillon dans les classes, en nombres et en pourcentage.
Tableau 2: Répartition du sexe des sujets de l'échantillon, en nombre et en pourcentage.