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L’expérience de la naissance

Dans le document Différences des sexes et des générations (Page 96-100)

Partie 2 : Les trois figures d’autorité

2. Les mécanismes psychiques à la base de l’autorité

2.1 L’angoisse : origine de l’autorité

2.1.2. L’expérience de la naissance

2.1.2.1. La détresse originaire

La détresse originaire désigne l’état de dépendance totale du nourrisson, autant physiologique que psychique. Son état d’immaturité à la naissance implique qu’il ne peut survivre sans une aide extérieure, qu’il est dans l’impuissance à satisfaire ses propres besoins primordiaux : manger, se protéger du froid, etc.

Il semble que le remaniement de Freud de sa théorie de l’angoisse dans « Inhibition, Symptôme et Angoisse » (1925) a probablement été influencé par les travaux de Bolk. À ce moment il introduit l’idée que « l’enfant d’homme est jeté dans le monde plus inachevé qu’eux (la plupart des autres animaux) (…) ce facteur biologique instaure donc les premières situations de danger et crée le besoin d’être aimé, qui ne quittera plus l’être humain ». Freud établit ainsi un facteur biologique, l’état de détresse et de dépendance longuement prolongée du petit enfant d’homme, comme une des causes des névroses. Cela revient à supposer une cause phylogénétique du développement ontogénétique humain.

Notamment cela expliquerait la constitution de la sexualité humaine en deux temps. Cette nouvelle explication freudienne de l’angoisse et des névroses (tout à fait différente d’une lecture bio-psycho-sociale selon le modèle actuel, à ce titre Cf. les travaux de M-J. Sauret, 2008)) coïncide tout à fait avec la thèse de la néoténie humaine (reprise notamment par la paléoanthropologie) qui consiste en la persistance, à l’état adulte, de caractéristiques juvéniles : il s’agit d’une prolongation du juvénile. A ce titre, l’homme est « un être à naissance prématurée, à la fois incapable d’atteindre son développement germinal complet

et cependant capable de se reproduire et de transmettre ses caractères de juvénilité (…) » (D-R., Dufour, 2005, p 18).

En conséquence, le bébé d’homme, de façon encore plus prononcée que les bébés d'autres espèces animales, a besoin de quelqu’un pour grandir, pour augere, croître. Le néotène, se retrouve dans la nécessité de s’en remettre à une personne, d’élire un individu ayant les capacités et qualités lui permettant de survivre et de se développer. De façon privilégiée, il s’agira d’un individu de la même espèce, supérieur au sens « déjà mature », comme le sont ses parents : « Le facteur biologique, conclut Freud, à la fois, est à l’origine des premières situations de danger, et « crée le besoin d’être aimé qui n’abandonnera plus l’être humain». Lacan donne sa portée à l’incidence de la prématuration néonatale, la néoténie, avec le stade du miroir, et précise les conditions de la détresse structurale du sujet à l’examen des conditions de sa seconde naissance – au langage. » (M-J., Sauret, 2008, p 58).

Cependant, la disposition immédiate de l’enfant pour les relations intersubjectives ne peut être réduite au seul fait physiologico-biologique. Sa rencontre avec l’Autre signe une véritable « appétence symbolique » du nouveau né, selon l'expression de G. Cullere-Crespin (2007). « Pas de sujet sans Autre, pas d’Autre sans abandon : le (lien) social (incluant l’amour) est ce qu’invente l’humain pour traiter l’abandon solidaire de son avènement. » (M-J., Sauret, 2008, p 62), et ce désir d’entrer en relation avec l’Autre nous permet d’observer la primauté du symbolique sur l’état de besoin. Par ailleurs, ceci n’amoindrit aucunement l’importance de l’environnement néo-natal, notamment en ce qu’il participe du moment fondamental de la rencontre pendant laquelle s’articule le lien si fondamental au devenir humain. Cet environnement va permettre ou pas, selon s’il est suffisamment structuré et structurant, au bébé de franchir les étapes du développement.

Ainsi le bébé n’est pas pris dans un déterminisme absolu.

Il est entendu ici qu’il ne s’agit pas de personnes réelles mais de fonctions incarnées par des imagos, ce qui marque une seconde implication, et non des moindre, qui est celle du langage : la personne qui s’occupe de l’enfant doit lui parler sous peine qu’il ne se développe pas ou mal.

2.1.2.2 L’angoisse, une perturbation économique

Au départ, pour l’enfant, la naissance est un danger sans véritable contenu psychique : il s’agit pour lui, compte tenu de son appareil psychique faible, de remarquer que sa tension interne est très importante. Le danger fondamental auquel il est confronté est que son appareil psychique peut être perturbé par la présence d’une stimulation intense provenant de besoins physiologiques non satisfaits : le noyau du danger est dans tous les cas une excitation excessive. Il s’agit d’une perturbation économique. La libido en trop et inemployée, déviée de son utilisation, est éconduite en angoisse. Ainsi l’angoisse est déclenchée quand l’individu se trouve en état de détresse psychique face à une revendication pulsionnelle.

Or le bébé est impuissant à y faire face seul, mais la mère est dans la capacité de l’aider et il sait, par expérience, qu’elle satisfait tous ses besoins, et ceci sans délai. Le bébé a donc un grand besoin de percevoir sa mère, objet pare-excitateur, et le désir de la voir est une manifestation de la peur de sa perte. Par la suite, l’angoisse se mue surtout en une peur de perdre l’objet pare-excitateur, puis perte de l’objet d’amour et enfin une angoisse de séparation : « La situation de danger est la situation de désaide reconnue, remémorée, attendue. L’angoisse est la réaction originelle au désaide dans le trauma, qui sera alors

moi qui a vécu passivement le trauma en répète maintenant activement une reproduction affaiblie, dans l’espoir de pouvoir en diriger le cours en agissant par lui-même. » (S.

Freud, 1925, P 281).

2.1.2.3 La détresse originaire : origine de l’autorité

Nous voyons à quel point le moment de la naissance constitue un événement primordial, qui a des implications essentielles dont nous devons tenir compte lorsque l’on s’intéresse au développement psychique de l’humain. La plupart des théories psychanalytiques ont le même point de départ, souvent implicite, qui est la grande immaturité de l’enfant, autant physiologique que psychique. Il est unanimement évident que le bébé a un besoin impérieux de quelqu’un pour pouvoir continuer à vivre et à grandir. Les qualités dont cette personne devra faire preuve pour cela, ne sont pas sans nous rappeler les critères définissant la fonction de la figure d’autorité. Souvenons nous que celle-ci, notamment, « possède une légitimité d’énonciation et d’exercice de l’autorité, qui lui serait accordée nécessairement par le groupe (…) au nom d’une quelconque qualité, ou faculté supérieure (…), ceci au nom de la nécessité, pour tout groupe social, de fondements et de fondateurs, qui lui permettent de croître (…) » (Introduction, p 82).

Voici donc la justification du postulat de départ de mon hypothèse, selon lequel l’état de détresse originaire du bébé initie la relation d’autorité dans la famille. Il s’insuffle sur un support bio-physio-psychologique, qui entraîne une réaction affective d’angoisse.

Mais pas seulement car ceci signifie également que la relation d’autorité possède une dimension affective reposant sur l’éprouvé d’angoisse. En effet, le fait que l’angoisse ressentie lors de la naissance et la thèse selon laquelle toutes les situations d’angoisse

non plus du simple affect d’angoisse, le processus sous-jacent à la relation d’autorité : l’angoisse est le processus psychique qui sous-tend la relation d’autorité. L’éprouvé d’angoisse trouve une issue relationnelle, sociale pourrais-je dire, dans la relation d’autorité. À ce titre, la relation d’autorité évolue et se manifeste différemment en parallèle de l’angoisse.

Pour trouver d’autres éléments justifiant cette position, il faut aller plus avant dans la théorie de l’angoisse.

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