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Le père : l’autorité de l’auctor

Dans le document Différences des sexes et des générations (Page 155-159)

Partie 2 : Les trois figures d’autorité

4. Trois figures d’autorité

4.2 Deux figures d’autorités parentales basées sur la différence des sexes

4.2.2 Le père : l’autorité de l’auctor

4.2.2.1. De quelle fonction paternelle s’agit-il ?

« À l’acmé de cette impasse, le sujet en appelle à la fonction paternelle pour symboliser sa nécessaire dépendance de l’Autre, mis du même coup sur la voie de l’opération castration. » (M-J. Sauret, 2006, p 25) Le père dont il s’agit est l’« opérateur psychique de la séparation », celui qui conçoit le bébé comme un autre différent de lui immédiatement. Il ne le pense pas comme un morceau de lui et en conséquence il ne lui attribue pas ses propres pensées. Au contraire, le père demande à l’enfant qui il est, aménageant ainsi un autre espace d’émergence du sujet. Par ce positionnement vis à vis de l’enfant, la fonction paternelle soutient l’altérité. C’est en cela que son intervention relativise la toute-puissance maternelle : il introduit une limite à la jouissance maternelle en poussant l’enfant à ne plus se vivre comme un prolongement de la mère. Il assure donc une fonction tierce, de coupure en étant le « suffisant » de la « mère suffisamment bonne » de Winnicott (1957). Ainsi il

est celui qui permet l’aire transitionnelle. Il incarne l’Autre au sens de l’acteur incarnant, non pas un personnage, mais un autre lieu de la scène, l’Autre. La condition nécessaire pour cela est que sa fonction soit présente dans le psychisme de la mère.

Je rappelle que le père apparaît à l’enfant en trois temps (S. Lesourd, 2001) :

- un premier temps voilé, le désir de la mère au-delà de l’enfant ; pour l’enfant, cette étape constitue le questionnement du « être ou ne pas être » le phallus de la mère, objet comblant le désir maternel ;

- au deuxième temps, le père est médié par la parole de la mère qui le pose comme étant celui qui fait la loi. La mère est maintenant limitée dans son pouvoir. Le père est pacificateur pour l’enfant en le faisant sortir de la persécution par le désir de la mère et de la position paranoïaque qui en découle: « La reconnaissance de la valeur phallique implique donc le détour par l’attribution de sa puissance au père de manière imaginaire, car c’est lui qui possède l’objet phallique capable d’assurer la jouissance à l’objet primordial d’amour, que fut et reste la mère. Ce réglage premier de la différence des sexes, qui s’origine de l’impuissance sexuelle radicale de l’enfant, lié à sa prématurité biologique, reste un réglage incomplet du lien sexuel pour les deux sexes. » (S. Lesourd, 2001, P 122). Mais il est aussi une figure de potestas, de puissance.

- le troisième temps, à l’issue de l’Œdipe, le père amène l’enfant à abandonner ses investissements œdipiens de par sa place génitale auprès de la mère : « À la différence du père imaginaire œdipien qui prive la mère et l’enfant du phallus, le père réel le donne à la mère en la faisant l’objet petit a de son désir. Le père réel devient alors dans l’œuvre de Lacan celui qui produit l’amour « père-versement orienté, en faisant d’une femme l’objet petit a qui cause son désir ». La père-version prometteuse dans l’avenir, est celle de la castration qui fait passer l’enfant de l’être ici et maintenant à un avoir dans le futur différencié selon les sexes. » (S. Lesourd, 2001, p 125).

« La père-version devient organisatrice et normalisatrice du désir dans le nouage entre le père symbolique, mort depuis toujours, le père imaginaire œdipien potent, et le père réel, l’homme du désir de la mère en construisant un père tripartite, un père borroméen qui noue les différentes figures de l’interdit et du manque …».

4.2.2.2. L’autorité de la fonction paternelle : le tiers inclus

L’autorité de la fonction paternelle est celle que l’on connaît déjà : fondée à partir des identifications secondaires, en rapport avec les pulsions de conservation de l’espèce, mais pour le sujet lui-même dans un premier temps. La conservation de l’espèce incluant les autres viendra plus tard, à l’adolescence, avec l’autorité du tiers exclu. L’autorité de la fonction paternelle, comme celle de la fonction maternelle, participe aussi à l’élaboration du psychisme de l’enfant et est indissociable de l’amour.

En particulier, l’autorité de la fonction paternelle participe au développement de l’instance psychique surmoïque. C’est à partir du Surmoi que l’autorité acquière une dimension transgénérationnelle car le Surmoi de l’enfant est l’héritier du Surmoi des parents et non de l’exercice de l’autorité parentale directement. Elle consiste essentiellement en l’énonciation par un auteur, le père, des interdits et des lois en rapport avec le Complexe d’Œdipe. En ce sens, elle permet la socialisation. Elle est le premier pas vers l’autorité de la fonction sociale. Nous avons vu comment elle se constitue dans un rapport à l’autre, mais un autre qui incarne la loi et la Loi, c’est-à-dire un tiers : la figure d’autorité de la fonction paternelle fait référence à un Auteur par-delà lui, un grand Autre en termes lacaniens. C’est ainsi une autorité de l’avoir, située dans le registre symbolique, où le père, en tant qu’il est auteur de l’énonciation, est l’acteur du rôle du grand Autre, donc il a le

Toutefois, l’autorité de la fonction paternelle se situe du coté de la puissance, la potestas, dans le sens où elle est fondée sur la tradition et les ancêtres et qu’il s’agit d’une forme d’autorité fonctionnelle de délégation sociale du pouvoir par héritage. A travers la définition de l’autorité de la fonction paternelle nous retrouvons la définition de la potestas : pouvoir régulier lié à une fonction, pouvoir de contraindre quelqu’un dans le domaine de sa compétence, pouvoir de droit. L’autorité de la fonction paternelle est bien une puissance légale : la potestas du père est le reflet de la potestas de l’Autre. En cela, elle se différencie du pouvoir de la figure maternelle. Toutefois elle n’est pas véritablement de l’autorité car cette place occupée par le père n’est pas accordée par l’enfant. La puissance est aussi plus proche du pouvoir que de l’autorité car elle est dégagée de la notion de fondation, au sens de la création de quelque chose : la figure d’autorité paternelle ne créé rien, elle est le relais incarné de l’Autre.

Une autre particularité de l’autorité de la fonction paternelle par rapport à l’autorité de la fonction maternelle, est qu’elle est intériorisée au lieu psychique du Surmoi. Et il semblerait que l’angoisse devant l’autorité, serait plus précisément une angoisse ressentie devant l’autorité du Surmoi en ce que cette autorité intériorisée provoque des conflits psychiques, notamment avec le Moi et l’idéal du moi. Peut-on d’ailleurs parler de l’autorité d’une instance psychique, ne serait-ce pas un processus plus proche du pouvoir ? Ainsi, ce ne serait pas la relation d’autorité à proprement parler qui serait cause d’angoisse. Il nous semble d’ailleurs à l’inverse, et toute l’ambiguïté est là, que l’absence d’autorité paternelle est génératrice d’angoisse, ce qui cadre tout à fait avec notre idée que la relation d’autorité est un cadre relationnel contenant des angoisses de l’enfant.

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