• Aucun résultat trouvé

2.3 Enquête Q1 : Travailler sur l’identité sonore aujourd’hui

2.3.2 Résultats

Différentes approches de l’identité sonore

Nous avons commencé par interroger nos différents interlocuteurs sur la question de l’identité sonore. La diversité des réponses obtenues nous a montré que ce concept d’iden-tité sonore n’est pas clair. Les différentes approches de ce concept ont en commun un même principe, celui d’indice qui caractérise et différencie une entité (ce qui est conforme à la définition de l’American Marketing Association). Pour certains, le concept se résume à celui d’identité sonore de marque (et même essentiellement à celui d’identité musicale), pour d’autres l’identité sonore peut se référer aux caractéristiques sonore intrinsèques à un lieu (à la manière des marqueurs sonores, cf. § 1.2.1 page8) et même d’un objet. La méconnaissance du monde de la marque et de la notion d’identité de marque par les acteurs travaillant dans le domaine du son a été mentionnée par certains participants comme étant une source d’incompréhension entre les différents intervenants lors d’une démarche de design identitaire.

La démarche de design sonore

L’analyse de la troisième partie des entretiens montre que dans la plupart des cas, on peut décomposer le processus de design en trois étapes : le brief, le debrief et la validation. La première phase, le brief, est celle où le commanditaire rencontre le designer sonore pour lui exprimer sa demande. Cette étape est souvent difficile pour le client comme pour le designer car en général, le commanditaire n’a pas spécialement d’expertise sonore et n’arrive pas à formuler sa demande en termes sonores. A l’inverse, les designers sonores ne parlent pas le langage de la marque. Le constat qu’il y a un manque de vocabulaire partagé et spécifique au domaine sonore est unanime sur l’ensemble des entretiens. Ainsi, il est souvent difficile d’établir des directions de design claires. Cette difficulté d’interac-tion se retrouve dans d’autres domaines comme celui du cinéma : l’un des participants, également compositeur de musiques de films, nous a rapporté que le dialogue avec un réalisateur sur la sonorisation des scènes de films souffre parfois du même problème. La seconde phase, le debrief, est constituée d’une série d’aller-retours entre le designer et le commanditaire, pendant lesquelles des extraits, échantillons ou croquis sonores sont

présentés au client afin de retenir les directions de design les plus pertinentes. La princi-pale difficulté rencontrée lors de cette phase concerne le processus de décision du client. Il est ressorti des discussions avec nos interlocuteurs que les clients se réfèrent bien sou-vent à leur jugement personnel sur ces réalisations au détriment de critères de choix plus objectifs. D’aprèsHug et Misdariis(2011), beaucoup de clients ont du mal à comprendre cette étape conceptuelle. La phase de validation a pour objectif d’évaluer les sons, et souvent de montrer au client que ceux-ci sont bien perçus par le public. Cette phase n’a été mentionnée que par quelques participants, et dans la plupart des cas, ils ont déploré le manque de méthodologie, voire l’absence de cette étape. Parfois, le client demande à son agence de communication de réaliser une évaluation client. Dans d’autres cas, aucun test clients n’est réalisé. Le cadre générique pour le design sonore proposé par Susini et al.

(2014), sur lequel reposera notre méthodologie, implique une étape de validation. Ceci nous permettra de tenir compte de la remarque des designers sonores que nous avons rencontrés concernant cette phase.

Vers un vocabulaire sonore

Nous avons essayé lors de nos entretiens d’identifier un besoin en outils et méthodologies qui pourraient apporter des solutions au problème de l’interaction entre le designer et ses interlocuteurs, et au manque d’« éducation » sonore. D’après ces discussions, il apparait nécessaire d’avoir un vocabulaire simple et partagé permettant de décrire les caractéris-tiques d’un son. L’enjeu du design sonore est d’arriver à mettre en relation deux mondes qui ne parlent pas le même langage : celui du son ou de la musique, et celui du marketing. Avoir une grammaire et une description simple des sons et de la musique permettrait de discuter des aspects souhaités du son sans rentrer dans la technique. Cependant, d’après les résultats de Hug et Misdariis (2011), un tel vocabulaire ne doit pas être établi à partir de critères psychoacoustiques (par exemple, sonie, rugosité, etc) et de grandeurs physiques (par exemple, modulation de fréquence, enveloppe temporelle, etc) qui sont trop techniques et peu adaptés à la communication. Au contraire, le vocabulaire doit être établi à partir des expressions utilisées librement par les auditeurs pour caractériser les sons. La problématique de l’identité sonore dans le design des produits soulève donc la question plus générale du vocabulaire et de la communication autour des sons.

Conclusion

Nous retiendrons de ce chapitre que la marque est un élément d’identification et de différenciation des produits et services d’un groupe (entreprise, association,...). L’iden-tité de la marque est un outil stratégique permettant d’effectuer ces deux fonctions en

créant plus facilement des associations et des repères dans l’esprit des consommateurs. En tant que vecteur d’information, le son peut être porteur de l’identité, et nous avons rappelé la distinction entre identité sonore et identité musicale. Si cette dernière est déjà relativement maîtrisée dans la stratégie de communication de SNCF (voir §1.2.1.2, p.11), l’identité sonore potentiellement véhiculée par un design sonore des produits reste une piste d’exploration pertinente. Nous pouvons alors nous inspirer des idées et méthodo-logies utilisées pour véhiculer une identité à travers le design des produits. Le concept de transformation sémantique constitue une réponse à la problématique de la traduction d’intention qui constitue en partie la phase d’analyse de la démarche de design sonore (voir chapitre 1, § 1.2.2.4, page 16). La question des éléments de design sonore perti-nents se pose alors : sur quels attributs du son va-t-on jouer ? quelles sont les briques élémentaires que nous allons pouvoir manipuler, et comment communiquer autour de ces éléments ? La rencontre de professionnels du son travaillant avec des industriels sur des projets liés à la marque nous a appris que cette question constituait un obstacle majeur à la fluidité de leurs interactions avec les industriels. Les designers sonores et musicaux manipulent bien des attributs du son, mais ces éléments sont techniques et ne sont pas adaptés à la communication. Afin de répondre à la problématique de l’identité sonore dans le design des produits, nous devons donc nous pencher sur la question de la communication autour des sons.

À RETENIR :

 L’identité de marque sert à identifier et différencier la marque par rapport aux marques concurrentes.

 L’identité de marque repose souvent sur une série de valeurs ou traits de per-sonnalité.

 Les valeurs de la marque peuvent être véhiculées par le design de ses produits et de son environnement. La transformation sémantique est l’opération qui consiste à traduire ces valeurs en éléments de design. Elle peut être effectuée à l’aide d’outils créatifs (e.g. moodboards, Kansei cards. . . ) ou par le biais d’expé-riences perceptives.

 L’identité sonore est aujourd’hui essentiellement musicale. L’interaction entre les différents acteurs (designers sonores, marketing...) d’une démarche de design sonore ou musicale souffre du manque de vocabulaire sonore partagé.

Caractérisation sensorielle des

produits

Nous avons vu dans le chapitre précédent que l’enjeu principal de l’identité de marque était de véhiculer une intention cohérente sur l’ensemble des supports d’expression de la marque. Cette identité doit permettre au consommateur de reconnaître et de différencier la marque. L’objectif de ce chapitre est d’explorer les différents outils et méthodologies expérimentales qui permettent d’évaluer la perception des produits par les utilisateurs. Manipuler des éléments de design (au sens où nous l’avons vu dans le chapitre 2) pour véhiculer une identité souhaitée à travers les produits de la marque est courant dans le domaine du design graphique ou visuel (nous l’avons souligné avec l’exemple de la charte graphique et des formes, couleurs, textures...). En revanche, pour d’autres modalités, la question des éléments de design se pose : quels sont les attributs des produits qui entrent en jeu lors de leur perception par les consommateurs ? Comment mesurer les sensations des utilisateurs et leur influence sur l’acceptabilité du produit ou sur les associations qu’il génère dans leur esprit ? Ce chapitre présente un ensemble de méthodes couramment utilisées par les industriels pour caractériser leurs produits d’un point de vue sensoriel et les positionner par rapport à d’autres produits similaires.

3.1 Méthodologies pour étudier la sensorialité des produits :

l’analyse sensorielle

L’analyse sensorielle est née dans le domaine de l’alimentaire grâce aux travaux de Rose-Marie Pangborn, qui a fondé une discipline entière consacrée à la compréhension de la perception gustative de divers aliments par des consommateurs (Amerine et al. 1965). La

métrologie sensorielle a été adoptée par les laboratoires du secteur agro-alimentaire qui ont centré principalement leurs études sur le goût et l’odorat. Un peu plus tard, c’est le domaine des cosmétiques, puis de l’automobile, il y a une dizaine d’années, qui exploitent ces outils.

3.1.1 Principe et méthodologie générale

L’analyse sensorielle peut être considérée comme un ensemble de méthodes ayant pour objectif d’analyser la perception d’un corpus de stimuli par des êtres humains. L’objec-tif est de les positionner les uns par rapport aux autres d’un point de vue percepL’objec-tif. Cette perception est généralement multidimensionnelle. Le principe phare de l’analyse sensorielle est celui d’utiliser l’homme comme instrument de mesure des propriétés d’un produit. Cette démarche est constituée d’une succession d’expériences effectuées sur des panels de sujets (on parle aussi de testeurs ou de dégustateurs dans le cas du goût). Les méthodes d’analyse sensorielle sont conventionnellement utilisées pour évaluer et com-parer des produits de même nature (i.e. un corpus de stimuli homogène). On parle alors d’espace produit pour désigner l’ensemble des produits comparés. On distingue habituel-lement trois types d’épreuves en analyse sensorielle :

 Les épreuves discriminatives visent à déterminer l’existence de différences per-ceptives entre les produits.

 Les épreuves descriptives visent à obtenir une description qualitative ou quanti-tative des propriétés sensorielles des produits afin d’évaluer leur degré de similitude.  Les épreuves hédoniques ont pour but d’évaluer la préférence des produits par les consommateurs. L’étude du caractère plaisant ou déplaisant d’un son constitue un sujet de recherche à part entière mais n’entre pas directement dans le cadre de nos recherches ; les épreuves hédoniques ne seront donc pas détaillées dans ce document.

La méthodologie globale de l’analyse sensorielle s’articule autour de ces trois épreuves, l’objectif étant de faire le lien entre des propriétés perçues d’un produit (et mesurables de manière stable et répétitive) et les jugements et attentes des consommateurs. L’arti-culation de ces épreuves est résumée sur la figure 3.1.

On cherche à déterminer

Des différences La raison des Des préférences préférences Épreuves discriminatives Épreuves descriptives Épreuves hédonique Cartographie des préférences

Petit groupe de sujets non-entraînés

Petit groupe de sujets entraînés

Large groupe de consommateurs

Fig. 3.1: Schéma méthodologique des principes de métrologie sensorielle, adapté de Depledt et SSHA(2009).

L’une des techniques les plus utilisées en analyse sensorielle descriptive est la constitu-tion d’un panel sensoriel : il s’agit d’un ensemble d’individus qui sont formés de manière intensive à l’utilisation d’un vocabulaire descriptif spécifiquement dédié au produit consi-déré. L’objectif de cette formation est alors d’amener l’ensemble des juges à produire des mesures précises, répétables et consensuelles du produit en question sur un ensemble de propriétés perceptives pertinentes.