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4.2 Hypothèses et méthodologie

4.2.2 Les axes de recherche

Nous avons choisi d’organiser notre travail autour de deux axes de recherche :

1. Définir un vocabulaire spécifique pour le design sonore (chapitres 5, 6 et 7). 2. Définir et véhiculer une identité sonore sur un ensemble de marqueurs identitaires

(chapitres 8, 9, 10).

Dans un premier temps nous avons besoin de nous pencher sur la question du vocabulaire sonore. Nous avons fait l’hypothèse (hypothèse H1) que l’on peut mettre en place une méthodologie de design reposant sur les mots du langage et leur association. Le vocabulaire lié à la marque et à son identité est en général bien défini par les industriels, puisqu’il est créé dès le départ dans une logique de communication. En revanche, le langage de sortie de l’opération de transformation sémantique n’est pas bien identifié : quels sont les paramètres de conception pertinents pour le design sonore ? Par quels mots peut-on les décrire ? Nous faisons l’hypothèse qu’il est possible de définir un nombre fini de termes permettant de caractériser les différents aspects des sons pertinents pour le design (hypothèse H2).

Dans un second temps, nous proposerons une méthodologie de design pour définir et véhiculer une identité sonore dans un environnement de marque. Nous appliquerons cette méthodologie à la définition et la diffusion de l’identité SNCF. Nous avons choisi de travailler sur six marqueurs sonores caractéristiques de l’environnement d’une gare. Ces sons ont été choisis par SNCF pour représenter les différentes étapes d’un parcours en gare « de la borne de retrait au départ du train ».

 Le son électronique de validation sur une borne de retrait de billet  Le son de compostage du titre de transport

 Le son d’alarme avertissant de la fermeture des portes extérieures d’un TGV  Le son d’ouverture d’une porte coulissante à l’intérieur du train

 Le son produit par le dépliement d’une tablette à la place du voyageur

Nous faisons l’hypothèse (hypothèse H3) que les contraintes fonctionnelles et les spécifi-cations identitaires peuvent être traduites à l’aide du vocabulaire décrivant les différentes caractéristiques du son (résultant du premier axe de recherche, voir4.2.3).

Une vue d’ensemble de la démarche méthodologique que nous proposons pour étudier ces deux axes de recherche est présentée sur la figure 4.1. L’articulation que nous avons privilégiée pour la constitution de la méthodologie relative à chacun des deux axes est celle présentée dans le chapitre 1 (voir §1.2.2.2, page 15) : analyse, création, validation. Une description brève du contenu de ces deux axes de recherche est présentée dans les paragraphes suivants.

4.2.3 1eraxe : définir un vocabulaire spécifique pour le design sonore

L’objectif du premier axe est de générer un lexique représentatif des attributs du son. En particulier, nous veillerons à ce qu’il réponde aux critères suivants :

 Il doit être adapté au design sonore

 Il doit être non-technique et facilement compréhensible

 Il doit être générique pour pouvoir décrire un grand ensemble de sons

Le chapitre 5 présente une revue de la littérature sur la description verbale des sons (musicaux, environnementaux, électroniques...) ainsi qu’une analyse d’études phénomé-nologiques du son développées à partir de la seconde moitié du XXème siècle. Le but de ce chapitre est de comprendre quels sont les mots les plus adaptés à notre probléma-tique de recherche. Le chapitre 6 est consacré à la génération d’un lexique pour le design sonore à partir d’une analyse bibliographique et d’une enquête auprès d’experts dans le domaine du son. Par ailleurs, ce lexique sera illustré par un designer sonore afin de définir pour chaque terme des exemples sonores de référence. Le lexique sonore ainsi défini sera confronté à des auditeurs non-experts lors d’un test d’apprentissage (expérience E1). Cette étape permettra d’obtenir des retours sur les différentes illustrations sonores et d’ajuster le lexique. Le chapitre 7 présente une expérience originale, l’expérience d’in-dexation sonore (expérience E2), inspirée des épreuves d’analyse sensorielle de type CATA (chapitre 3, §3.1.2.3page51). Le lexique sonore sera utilisé pour entraîner un pa-nel d’auditeurs à la description verbale des sons. L’expérience d’indexation sera conduite

Hypothèse  H3  :    

Le  lexique  permet  d’exprimer  les   contraintes  fonc5onnelles  et  de  

traduire  les  valeurs  iden5taires  

Valeurs  de  marque  

I.  Analyse  

II.  Créa;on  

Sonore  

I.  Analyse  

 

 

Hypothèse  H2  :    

Un  lexique  générique  peut  perme:re  de   décrire  tous  les  types  de  sons  

II.  Créa;on  

sonore  

III.  Valida;on  

Marqueurs  sonores   iden;taires  de  la  

marque  SNCF  

Hypothèse  H1  :    

=>  par  transforma5on  séman5que   des  valeurs  de  marque  en   paramètres  de  concep5on  sonore  

Comment  véhiculer  l’iden;té  de   marque  à  travers  le  son  ?  

Expérience  E4  :  

Valida5on  des   iden5tés  (chap.  9)  

Enquête  :  

Comment  les  experts  parlent-­‐ils   des  sons  ?  (chap.  6)  

Revue  bibliographique  :  

Comment  parle-­‐t-­‐on  des   sons  ?  (chap.  5)   Lexique  sonore   illustré   Planches  de   tendances   Jeu  de   cartes   Expérience  E1  :   Appren5ssage  (chap.  6)     Séance  créa;ve  

Brief  de  design  (chap.  8)  

Spécifica;ons   iden;taires  

Transforma5on  séman5que   des  valeurs  de  marque  

(chap.  8)  

Spécifica;ons   fonc;onnelles  

Leviers  et  invariants  pour   chaque  marqueur  sonore  

(chap.  8)  

Expérience  E3  :  

Iden5fica5on  de  la  fonc5on   des  supports  (chap.  8)  

III.  Valida;on  

Expérience  E2  :  

Indexa5on  sonore  (chap.  7)  

Fig. 4.1: Schéma présentant la démarche méthodologique suivie lors de nos travaux de recherche. Les premier et le deuxième axe de recherche sont indiqués en couleur

sur un corpus de sons représentatifs des six marqueurs sonores de notre étude. La per-formance et les limites du protocole seront évaluées par les mesures classiques utilisées en analyse sensorielle (répétabilité, consensus, pouvoir discriminant). Les résultats de l’expérience E2 nous permettront d’évaluer dans quelle mesure le vocabulaire et le pro-tocole que nous proposons permet de décrire et de différencier un grand nombre de sons. D’autre part, les résultats de l’indexation nous fourniront une caractérisation perceptive des sons représentatifs des six marqueurs : nous utiliserons ces données d’indexation lors de la détermination des invariants et leviers relatifs à la nature ou à la fonction des marqueurs (cf. §4.2.4).

4.2.4 2eaxe : définir et véhiculer une identité sonore sur un ensemble de marqueurs identitaires

L’objectif du deuxième axe de travail est d’étudier, à travers un cas d’application concret, la possibilité de véhiculer une identité par le design sonore de différents supports carac-téristiques de l’environnement d’une marque. L’identité sonore doit permettre de recon-naître la marque et de la différencier d’autres marques concurrentes. Afin d’évaluer ces deux aspects fondamentaux, il apparaît nécessaire de travailler sur plusieurs identités, afin de pouvoir les comparer par la suite. L’identité SNCF aujourd’hui est définie par un ensemble de traits de personnalité (chapitre 1, § 2.1.3.1, page 25). La concurrence étant inexistante à l’heure actuelle dans le secteur du transport de voyageurs, nous travaillerons sur quatre identités de marque fictives définies en partie par d’autres traits de person-nalité. La méthodologie de design identitaire que nous proposons sera ainsi appliquée à cinq identités de marque différentes (l’identité SNCF + quatre identités fictives). Dans chaque cas, les six marqueurs sonores que nous avons présentés précédemment seront les supports de l’identité sonore à véhiculer (voir figure 4.2).

L’objectif est donc pour chaque identité de traduire les valeurs de marque qui la dé-finissent en un ensemble de termes sonore que le designer intégrera comme cahier des charges pour sa création. Cependant, nous devons aussi tenir compte des contraintes physiques et fonctionnelles liées à chacun des six marqueurs sur lesquels les identité se-ront déployées. Nous avons fais l’hypothèse que ces contraintes pouvaient également être traduites à l’aide des termes du lexique sonore développé dans la première partie (cf. § ??). Dans le chapitre 2, nous avons présenté différentes méthodes utilisées en design pour effectuer la traduction d’intentions en paramètres de design : des méthodes créa-tives (planches de tendance, jeu de cartes, diagramme...) et des méthodes expérimentales (expériences perceptives). Nous proposons d’intégrer ces deux types de méthodes dans notre démarche. Dans le chapitre 8, nous présenterons trois outils créatifs : le logiciel lié au lexique sonore, le jeu de cartes sonores et les planches de tendances. Ces outils seront

Valida&on   Table4e   Composteur   Valida&on   Table4e   Composteur  

Valida&on   Table4e   Composteur  

…..  

…..  

…..  

…..  

…..   …..   …..  

…..  

MARQUEUR  1   MARQUEUR  2   MARQUEUR  6  

IDENTITÉ  1  

IDENTITÉ  2  

IDENTITÉ  5  

Fig. 4.2: Cadre d’application de nos travaux de recherche : déclinaison de cinq identités sonores sur six marqueurs SNCF (identifiés par les formes). L’objectif est alors de créer cinq sons pour chaque marqueur, chacun étant représentatif d’une identité de marque

(identifiées par les couleurs).

utilisés pour effectuer la transformation sémantique des cinq identités de marque en cinq identités sonores exprimées avec les mots du lexique, constituant les spécifications identitaires pour l’étape de création sonore. D’autre part, une analyse fonctionnelle des six marqueurs sera réalisée à partir du résultat de deux expériences perceptives. Les données de l’expérience d’indexation (expérience E2, chapitre 7) seront confrontées aux résultats d’une expérience d’identification de la fonction, l’expérience E3. Le but de cette analyse est de dégager pour chaque marqueur les invariants fonctionnels (ca-ractéristiques sonores propres à la nature ou la fonction) ainsi que les leviers de design sonore (caractéristiques sonores sur lesquelles on peut jouer pour le design de l’identité). Ces invariants et leviers constitueront les spécifications fonctionnelles pour l’étape de création sonore. Enfin, dans le chapitre 9, nous présenterons le processus de création sonore des identités. Les spécifications identitaires et fonctionnelles exprimées à l’aide du lexique seront communiquées à une agence de design sonore (LAPS), pour la créa-tion de 30 sons identitaires (5 identités x 6 marqueurs). Une expérience de tri orienté (expérience E4) permettra d’évaluer la discrimination et la reconnaissance des cinq identités sonores de marque par des auditeurs. Cette expérience constituera la phase de validation de la démarche de design sonore.

Conclusion

Ce chapitre a présenté nos questions de recherche ainsi que les différentes hypothèses que nous avons formulées. Les différentes étapes de notre démarche méthodologique ont été exposées. Nos travaux s’organisent selon deux axes de recherche, auxquels correspondront respectivement les parties II et III de notre manuscrit :

1. Définir un vocabulaire spécifique pour le design sonore (chapitres 5, 6 et 7) : l’ob-jectif est de générer un lexique représentatif des propriétés du son, adapté à la communication au sein d’un processus de design sonore (interdisciplinaire). 2. Définir et véhiculer une identité sonore sur un ensemble de marqueurs identitaires :

l’objectif est de s’appuyer sur le lexique pour construire une méthodologie de design sonore identitaire, et de l’appliquer au cas de l’identité sonore SNCF (chapitres 8 et 9).

Notre travail s’appuiera sur une enquête auprès de la communauté des professionnels du son, et sur quatre expériences perceptives. Les chapitres suivants vont présenter en détail notre méthodologie et son application. Nous proposerons une synthèse générale ainsi qu’une discussion de l’ensemble de nos travaux dans le chapitre 10.

Définir un vocabulaire spécifique

pour le design sonore

Approches perceptives et

phénoménologiques de la description

des sons

Notre première hypothèse de travail (H1) est que l’on peut associer aux valeurs iden-titaires de la marque des mots représentatifs des différents paramètres de conception du son. Cette approche, dite « transformation sémantique », nécessite de disposer d’un ensemble de mots pertinents pour décrire les différents aspects d’un son. De plus, dans une optique de communication au sein du projet de design, cet ensemble de mots doit pouvoir être utilisé par les différents acteurs de la démarche : designers, acousticiens, res-ponsables marketing ou communication... L’absence d’un tel vocabulaire a été identifiée comme étant un obstacle majeur au déroulement des projets en design sonore. L’objectif de ce chapitre est de comprendre, à travers une analyse de la littérature sur la descrip-tion verbale, quels moyens nous avons à notre disposidescrip-tion pour parler des sons. Nous nous focaliserons dans un premier temps sur les études expérimentales consacrées à la perception des sons. Ces études ont parfois recours à des méthodes verbales. Nous pré-senterons ces études, les méthodes utilisées ainsi que leurs résultats afin de comprendre l’origine des différentes stratégies dont nous disposons pour décrire les sons. La seconde partie de ce chapitre sera consacrée à la phénoménologie du son, et en particulier aux recherches empiriques qui ont été menées par certains compositeurs du XXème siècle sur la matière sonore. Une synthèse de cette analyse bibliographique sera confrontée à notre problématique de recherche dans la troisième partie de ce chapitre.

5.1 Introduction

Comment parlons-nous des sons ? Les professionnels du son que nous avons rencontrés (voir chapitre 2, § 2.3, page 39) décrivent ce processus comme étant complexe : nous avons du mal à nous comprendre lorsque nous cherchons à imaginer ou décrire un son. Lorsque nous décrivons des objets ou des images, nous avons pourtant recours à un vocabulaire relativement consensuel : un carré rouge, par exemple, une ligne montante droite ou courbe, ... sont des notions qui parlent facilement à chacun d’entre nous. Décrire un son en revanche est une tâche beaucoup plus délicate. Porcello (2004) a observé ce phénomène lors d’une étude d’anthropologie consacrée aux métiers du son. Cette étude repose sur des enregistrements de conversations entre ingénieurs du son pendant des séances d’enregistrement en studio. L’une de ces séances est particulièrement riche en informations : elle met en scène un producteur de musique et un ingénieur du son qui débattent de la façon dont la batterie « devrait sonner ». Les deux interlocuteurs passent leur temps à essayer de se comprendre, sans succès. Ils utilisent différentes stratégies de communication, comme essayer d’imiter le son désiré, avoir recours à des métaphores de forme ou de volume, décrire un moyen technique pour produire le son, faire référence à d’autres musiciens ou à des enregistrements célèbres... Nous pouvons faire le parallèle entre une telle conversation et l’interaction entre un designer sonore et un industriel : dans les deux cas, un expert et un non-expert du son cherchent à se mettre d’accord sur un son cible. L’étude de Porcello révèle la diversité des stratégies disponibles pour communiquer sur les propriétés d’un son. Dans la suite de ce chapitre, nous examinerons ces différentes stratégies et les différentes situations dans lesquelles nous y avons recours.