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2.3 Enquête Q1 : Travailler sur l’identité sonore aujourd’hui

3.1.2 Les méthodes verbales

L’objectif de ces méthodes est d’obtenir une description complète des propriétés senso-rielles d’un ensemble de produits sur le plan qualitatif (identification des descripteurs pertinents pour décrire l’espace produit) et quantitatif (notation de l’intensité de chaque descripteur sensoriel pour chaque produit). Les méthodes verbales aboutissent généra-lement à des profils sensoriels permettant de comparer les produits. Des exemples de profils sensoriels obtenus lors d’une étude d’analyse sensorielle du son de machines à café (Knöferle 2012) sont présentés sur la figure3.2. La plupart du temps, des méthodes d’analyses statistiques permettent de visualiser la représentation perceptive de l’espace produit sur une carte en deux ou trois dimensions, afin d’identifier des groupes de produits similaires. La plupart des méthodes d’analyse sensorielle descriptive sont des méthodes

verbales. Nous allons présenter dans les sections suivantes la procédure la plus classique, celle du « profil conventionnel », ainsi que les variantes les plus fréquentes.

Fig. 3.2: Profil sensoriel des sons de machines à café. La ligne continue représente la moyenne des profils des deux sons les plus appréciés de l’espace produit lors d’une épreuve hédonique ; la ligne en pointillé représente la moyenne des profils des deux sons

les moins appréciés (Knöferle 2012).

3.1.2.1 Le profil conventionnel

Lorsque la liste de descripteurs est fixée et utilisée par l’ensemble des sujets, on parle de profil conventionnel. La méthode du profil conventionnel est la plus utilisée en analyse sensorielle. Elle est décrite par la norme ISO13299 (2003) comme étant la technique la plus fiable : les profils obtenus sont reproductibles et stables dans le temps, aussi bien au sein d’un même panel qu’en reconduisant les épreuves avec d’autres panels (ceci moyennant l’utilisation de références). Deux méthodes différentes peuvent être utilisées pour établir la liste de descripteurs :

 l’utilisation d’une liste préétablie. On peut trouver dans la littérature des listes existantes pour les odeurs (Harper et al. 1968 cité dans Depledt et SSHA 2009), pour les textures (Szczesniak 1963) et pour des produits ciblés comme par exemple le café, le chocolat et le lait (Daget (1977; 1982; 1986) cités dans Depledt et SSHA(2009)), le vin (Guinard et Noble 1986) ou le fromage (Bárcenas et al. 1999,

 l’élaboration de la liste par le panel de sujets dans une étape préalable à l’épreuve descriptive. C’est le cas des méthodes QDA (Quantitive Descriptive Analysis,Stone et al.(2008)) et Spectrum (Meilgaard et al. 1991).

Mesure des performances Constitution du panel Apprentissage des bases sensorielles Choix de produit Génération de descripteurs Établissement de la liste de descripteurs Réalisation des profils sensoriels Réduction Entraînement

Fig. 3.3: Les différentes étapes pour l’établissement d’un profil sensoriel, adapté de la normeISO11035(1994).

La norme ISO11035 (1994) présente les différentes étapes impliquées dans la mise en place de la procédure de profil conventionnel (figure 3.3). La phase d’apprentissage per-met aux membres du panel de découvrir l’espace produit et de générer un vocabulaire adapté à sa description (ou de découvrir un vocabulaire préexistant dans le cas où la liste de descripteurs est préétablie). La seconde phase est une phase de réduction du vocabulaire. Dans le cas où une liste préétablie est utilisée, cette étape permet égale-ment de vérifier que celle-ci est bien adaptée aux produits considérés. Elle peut se faire quantitativement (suppression des termes hédoniques), qualitativement (critères de fré-quences d’utilisation des termes) ou à l’aide d’outils statistiques (Strigler et al. 2009). La troisième étape est l’étape d’entraînement du panel : les sujets participent à plusieurs séances au cours desquelles ils s’exercent à utiliser le vocabulaire de manière qualitative (description) et quantitative (notation d’intensité). L’utilisation de références physiques pour chaque descripteur est un moyen efficace de compléter les informations apportées par le descripteur et sa définition dans le cas ou ces dernières ne suffisent pas à évoquer un concept sensoriel avec précision (Stampanoni 1994). Dans le domaine de l’odorat par exemple, on utilise des solutions chimiques caractéristiques des arômes principaux (Drake et Civille 2003,Ojeda et al. 2002). Ishii et O’Mahony(1987) recommandent dans ce cas d’utiliser plusieurs références par descripteur pour un meilleur alignement des concepts entre les sujets. Lors de la phase d’entraînement, les performances du panel d’experts sensoriels et leurs évolutions sont généralement contrôlées selon trois critères :

 Le pouvoir discriminant : les différences entre les produits sont-elles bien per-çues ?

 La répétabilité : deux produits identiques sont-ils décrits de la même façon d’une session à l’autre ?

 Le consensus : un stimulus est-il décrit de la même façon par les différents juges du panel ?

Enfin, une fois le panel sensoriel entraîné, l’épreuve finale d’évaluation a lieu : chacun des membres du panel sensoriel donne une note d’intensité relative à chaque descripteur pour chacun des produits. Les résultats sont généralement soumis à une analyse en com-posantes principales (ACP) permettant de réduire le nombre de dimensions de l’espace perceptif obtenu, afin de construire une carte sensorielle de l’espace produit.

Les principales critiques du profil conventionnel concernent sa durée de mise en œuvre et son coût : en contrepartie de la solidité et de la fiabilité des données recueillies, la méthode exige un entrainement intensif du panel qui peut prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, en fonction de l’espace produit et des caractéristiques sensorielles étudiées (Valentin et al. 2012). D’autre part, certains auteurs remettent en question la pertinence d’un vocabulaire consensuel au panel, par rapport à celle d’un vocabulaire individuel pour chaque sujet qui serait plus représentatif des caractéristiques perçues du produit (Andani et al. 2001, Faye et al. 2004). Ainsi, on voit aujourd’hui émerger en analyse sensorielle de nouveaux paradigmes expérimentaux qui tentent de limiter ou de s’affranchir de la phase d’entraînement. Nous allons présenter quelques uns de ces paradigmes.

3.1.2.2 Le profil libre

Lorsque la liste des descripteurs est propre à chacun des sujets, on parle de profil libre (Jack et Piggott 1992) ou individual vocabulary methods : c’est le cas des méthodes « Re-pertory Grid » (Thomson et McEwan 1988) et « Profil Flash » (Delarue et Sieffermann 2004). Ces deux méthodes sont des méthodes à vocabulaire individuel : chaque membre du panel sensoriel génère ses propres attributs à partir de l’exploration de l’espace pro-duit. Le participant effectue ensuite l’évaluation sur les échelles qu’il a élaborées dans le cas du Repertory Grid, ou effectue pour chacun des attributs un classement relatif des produits dans le cas du Profil Flash. Le profil sensoriel est alors obtenu par recoupement et analyse statistique telles que l’analyse en clusters hiérarchiques ou l’analyse procrus-tééne généralisée (ou GPA, voir Gower 1975) de l’ensemble des notations d’intensité ou des rangs individuels (voirValentin et al. (2012) pour plus de détails sur ces méthodes). Dans le domaine de la perception sonore, l’approche du Repertory Grid a été utilisée

pour étudier la perception des attributs sonores liés à la spatialisation (Berg et Rumsey 2006,Choisel et Wickelmaier 2006) ou à la texture sonore (Grill et al. 2011) ainsi que pour étudier la perception des ambiances sonores (McGregor 2013).

3.1.2.3 Le CATA

La procédure CATA (Check-All-That-Apply) est un paradigme expérimental issu des travaux deCoombs(1964) (cité dansValentin et al. 2012) qui a été récemment appliqué en analyse sensorielle. Lors d’une épreuve CATA, une liste d’attributs (mots ou phrases) est proposée aux participants, et des produits leur sont présentés successivement. La consigne est alors pour chaque produit de sélectionner dans la liste les attributs que les participants considèrent appropriés pour sa description, sans critère de nombre (voir figure 3.1 pour un exemple de liste). Il arrive souvent que les termes hédoniques ne soient pas éliminés pour une épreuve CATA, cependant Popper et al.(2011) (cités dans

Valentin et al. 2012) soulignent que la méthode est plus adaptée lorsque les termes sont des descripteurs sensoriels plutôt que des descripteurs subjectifs comme les émotions. Les données CATA prennent la forme d’une matrice d’occurences et sont généralement soumises à une analyse des correspondances. Le détail de cette méthode statistique est présenté en annexe A. La méthodologie CATA a été appliquée à l’analyse sensorielle en utilisant un panel entraîné (Campo et al. 2010), mais plusieurs auteurs l’ont utilisée comme une alternative à la méthode du profil conventionnel, en l’appliquant directement à un panel de consommateurs (Adams et al. 2007cité dansJaeger et al. 2013,Ares et al.

(2011),Plaehn(2012)). Les études CATA publiées dans la littérature ont montré que cette méthode, en plus d’être rapide et facile à mettre en œuvre, permettait de discriminer les échantillons avec une bonne précision (Valentin et al. 2012). Les principales critiques de cette méthode concernent la forme des données obtenues qui sont des occurrences et non des intensités ou des rangs (Dooley et al. 2010 cité dans Valentin et al. 2012), ce qui est moins puissant d’un point de vue statistique et peut nécessiter d’avoir un nombre de sujets plus élevé. Le choix et l’optimisation de la liste (notamment le nombre de descripteurs) est également un paramètre crucial qui peut avoir une influence sur la stabilité des résultats. Cependant, des études menées sur la pertinence des descripteurs lors d’une étude CATA (Jaeger et al. 2013) ont montré que l’introduction dans la liste de termes non pertinents (par exemple citronné ou juteux pour du chocolat solide) n’avait pas d’influence sur la description sensorielle obtenue, ceux-ci n’étant pas sélectionnés par les participants.

Check all attributes that describe this sample :

 Buttery  Soft

 Sweet  Hard

 Milk/dairy flavor  Gummy

 Custard/eggy flavor  Creamy flavor

 Corn syrup  Icy

 Artificial vanilla  Creamy/smooth  Natural vanilla

Tab. 3.1: Exemple de question CATA appliquée à l’analyse sensorielle de glace à la vanille, tiré deDooley et al.(2010).