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A l’instar de Françoise Sullet-Nylander (1998 : 31-72), nous avons classé nos titres en fonction de leur structure syntaxique, en reprenant sa typologie. On peut observer les résultats de ce classement dans le tableau suivant :

POURCENTAGES

JOURNAL Últimas Noticias

El Nacional El Universal complet Corpus Type (a) : Phrase complète 58% 52,70% 66,66% 59,13%

Type (b) : Parataxe 15,10% 4,05% 5,55% 7,69%

Type (c) : Structure bipartite 9,00% 27,02% 9,72% 15,86%

Type (d) : Bloc syntaxique unique 4,54% 13,51% 12,5% 10,57%

Divers 13,63% 2,70% 5,55% 6,73%

Si ces derniers montrent une relative homogénéité entre les trois journaux, certains d’entre eux méritent toutefois quelques commentaires. On remarque tout d’abord que la structure qui est de loin la plus fréquente dans notre sous-corpus est celle de la phrase

complète (type a), dont la structure de base est sujet + verbe (pouvant être élargie à

plusieurs expansions), et dont la caractéristique principale est, par conséquent, de posséder un prédicat verbal (Sullet-Nylander, 1998 : 36). Si l’on compare avec le corpus de titres de presse quotidienne française de Françoise Sullet-Nylander, on constate que dans ce dernier la structure de type (a) n’est la plus fréquente que pour le journal Le Monde et, dans un seul de ses sous-corpus396, pour Libération, tandis que pour les deux autres sous-corpus de ce quotidien comme pour Le Figaro, ce sont les structures de type (b) (parataxe) et (d) (structure bipartite) qui l’emportent.

396 Le corpus utilisé par Françoise Sullet-Nylander (1998 :19) pour sa recherche est composé de trois sous- corpus de 1992, 1994 et 1997, comportant chacun huit numéros des trois quotidiens Libération, Le Monde, et

En revanche, l’observation d’un échantillon de presse vénézuélienne actuelle397 révèle que la grande majorité des titres se présentent sous la forme d’une phrase complète (218 sur 261 titres recueillis). De plus, le linguiste vénézuélien Antonio Franco (2006 : 186), examinant un corpus de titres du quotidien El Nacional au mois de mars 2001, remarque que la structure syntaxique la plus fréquente est S+V+O (Sujet + Verbe + Complément d’objet). Il semblerait donc que la prédominance des titres de type (a) dans notre sous-corpus ne soit pas un phénomène exceptionnel lié à l’événement, mais qu’elle relève plutôt d’une tendance générale de la presse quotidienne vénézuélienne à privilégier des titres plus complets, du moins sur le plan syntaxique, que ceux de la presse française.

On constate d’autre part chez le quotidien El Nacional une proportion plus importante que chez les deux autres quotidiens de titres de type (b). Il s’agit de la structure syntaxique de la parataxe, qui se caractérise par la « juxtaposition de deux membres de phrases sur l’axe syntagmatique, sans que le rapport entre ces deux membres ne soit explicité » (ibid. : 47). Dans notre corpus, la moitié de ces titres (8 sur 16) consiste en fait en une mise en exergue d’un fragment de propos rapportés dans l’article, avec ou sans guillemets, présenté sous la forme de discours direct, et introduit par le nom de son locuteur suivi de deux points, comme dans l’exemple qui suit :

a. Rangel: “Nunca he tenido vocación de asilado”398

Autrement dit, ces titres en discours direct constituent ce que Dominique Maingueneau (2007 : 157-167) appelle « énoncés détachés », ou « aphorisations » – où en général l’énoncé originel subit des altérations (voir 5.1.1.4.2).

On observe également dans le quotidien El Universal une fréquence élevée (27%), par rapport aux deux autres journaux, des titres de structure bipartite. Les titres de cette catégorie (type c) forment « une seule et même structure dans laquelle sont liés, et non parataxés, deux composants » (Sullet-Nylander, 1998 : 51). Ils sont composés d’un syntagme nominal et d’un syntagme prépositionnel (SN + Sprep) :

b. CTV y Fedecámaras en alerta399

397 Editions des 14 et 15 avril 2010 des trois quotidiens El Nacional, El Universal, et Últimas Noticias. 398 Rangel : “Je n’ai jamais eu la vocation de réfugié”, El Nacional, 13 avril 2002.

c. Tristeza infinita por saqueos400

La très faible proportion, chez El Nacional, de titres de type (d) correspondant au bloc

syntaxique unique (4,5%), est également à noter. Dans cette catégorie, « les constituants de

l’énoncé sont soudés et forment une unité aussi bien syntaxique que sémantique » (ibid. : 57).

Dans son ouvrage, Françoise Sullet-Nylander souligne que sa typologie syntaxique suit une progression « allant du plus long au plus court, mais aussi du plus verbal au plus nominal » (ibid. : 35). Les remarques précédentes attirent ainsi notre attention sur le fait que El Nacional est celui des trois quotidiens qui a les titres les plus complets sur le plan syntaxique (si l’on ajoute les résultats obtenus pour les type a et b), tandis que les titres de

El Universal semblent arborer une syntaxe plus elliptique – même si, rappelons-le, la

phrase complète est la structure syntaxique la plus fréquente pour les trois quotidiens. Quant au tabloïd Últimas Noticias, il est celui qui présente le plus fort pourcentage de phrases complètes. Ces résultats vont ainsi à l’encontre de ce que l’on aurait pu attendre, autrement dit, des titres plus courts, « chocs » pour le tabloïd, et des titres plus élaborés syntaxiquement pour les deux journaux « d’élite ». Ce constat étonnant se vérifie également dans l’étude menée par Françoise Sullet-Nylander sur la presse française, qui montre que si Le Monde possède le plus fort pourcentage de phrases complètes, dans

Le Figaro ce sont la parataxe et surtout le « bloc unique » qui l’emportent, alors que le

journal tabloïd Libération se situe entre les deux, ses titres se caractérisant le plus souvent par la parataxe (1992 et 1994) puis par la phrase complète (1997)401. Il ne s’agirait donc pas là d’une spécificité de la presse vénézuélienne ou de notre corpus. Nos observations comme celles Françoise Sullet-Nylander semblent montrer que la structure syntaxique des titres ne dépendrait donc pas du type de journal (journaux « d’élite » versus journaux « populaires »).

Un dernier commentaire concerne la catégorie « divers », dans laquelle nous avons classé, suivant l’exemple de Françoise Sullet-Nylander, tous les titres ne correspondant pas à l’une de ces quatre structures. Pour El Nacional, on constate qu’ils constituent presque 14% des titres répertoriés, arrivant ainsi en troisième position, après la parataxe. En y

400 « Tristesse infinie à cause des pillages », El Universal, 15 avril 2002. 401 Voir les résultats chiffrés de Françoise Sullet-Nylander (1998), p. 60-63.

regardant de plus près, on observe certaines régularités dans les titres de cette catégorie. En effet, ils correspondent pour la plupart soit à une construction passive “tronquée”, c'est-à- dire à une phrase à la voix passive sans auxiliaire402 (d), soit à un énoncé composé d’un syntagme nominal ou d’un pronom, déterminé par une proposition subordonnée relative (e et f) :

(d) EE UU y la OEA preocupados por la violencia en Venezuela403 (e) Los valientes que cayeron por sus ideales404

(f) El que no oye consejos…405