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14/04/02 24 HORAS DE CAMBIOS 15/04/02 EL DÍA DESPUÉS CONSTITUCIONALIDAD CHAVEZ REASUME EL

4-3.1 Analyse des titres courants

14/04/02 24 HORAS DE CAMBIOS 15/04/02 EL DÍA DESPUÉS CONSTITUCIONALIDAD CHAVEZ REASUME EL

PODER

Pour récapituler, le 12 avril, El Nacional prend position sur les événements dans son titre courant, en assumant le point de vue des manifestants de la « société civile » (c’est-à-dire des manifestants anti-Chávez). El Universal reste « neutre »376, puisque le titre seul ne permet pas d’imputer le point de vue que suppose l’adjectif « decisiva » à une personne ou à un groupe particulier. Quant à Últimas Noticias, il fait un gros plan sur la personne de Chávez, mais n’exprime pas de position claire sur les événements. Rappelons que les observations faites pour ce jour doivent être nuancées par le fait que ces titres

375 On a mis « La nueva Venezuela » entre parenthèses pour rappeler qu’il ne s’agit pas d’un titre courant –

Últimas Noticias n’en porte pas le 13 avril – mais de l’inscription figurant à l’intérieur de l’élément

infographique qui apparaît sur de nombreuses pages du numéro ce jour-là. 376 Si tant est qu’un titre, que des mots puissent être « neutres ».

peuvent avoir été produits aussi bien avant qu’après l’annonce de démission du président, ce qui peut expliquer une certaine prudence des journaux vis-à-vis des événements.

Le 13 avril, aucun journal ne prend explicitement position, dans son titre courant, quant au caractère légal ou non des événements survenus jusque-là, c’est-à-dire la chute de Hugo Chávez et l’instauration d’un gouvernement provisoire. En effet, il n’y a, dans aucun des titres courants, ni dans l’inscription de l’élément iconique de Últimas Noticias, de qualification explicite et précise des faits. Cependant, dans les trois journaux, le caractère définitif de la chute du gouvernement de Chávez y apparaît de manière implicite. El

Nacional et Últimas Noticias font le choix de termes relativement neutres, évitant ainsi

d’exprimer une opinion sur la nouvelle situation politique du pays, tandis que le terme « Reconstrucción » employé par El Universal traduit un jugement positif sur cette dernière.

Le 14 avril, Últimas Noticias ne nomme pas explicitement les faits qui ont conduit au revirement de situation et au retour de Chávez au pouvoir, et emploie dans son titre courant des termes non marqués, s’abstenant ainsi d’exprimer une position particulière sur ces événements.

Le 15 avril, les quotidiens El Nacional et Últimas Noticias se caractérisent de nouveau par l’absence de prise de position sur les événements – principalement, la reprise de ses fonctions par Hugo Chávez. Mais si El Nacional évite de nommer les faits en utilisant des termes neutres, le titre courant de Últimas Noticias est le seul, sur les quatre jours étudiés, à être constitué d’une phrase complète et explicite, ne posant pas de problème d’interprétation, et focalisée, comme le 12 avril, sur Hugo Chávez. Quant à El

Universal, il se prononce pour la première fois sur le caractère légal de la situation, qualifiant cette dernière de « constitutionnelle », ce qui semble indiquer une volonté de conciliation de la part de ce journal. Notons qu’aucun des trois quotidiens n’avait jusqu’ici désigné les faits au moyen de termes juridiques.

Enfin, si l’on observe l’ensemble de ces titres courants, on constate qu’ils renvoient à une actualité au jour le jour, et non à un « dossier » s’étendant sur une période relativement longue (tel que « Conflicto petrolero », voir 3.2.1) : on est ici au cœur de l’événement. Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, les journaux ne cherchent pas,

dans ces titres à faire de la somme des faits survenus un événement unique, à nommer l’événement dans sa globalité, et par conséquent, ne prennent pas explicitement position face à celui-ci en le catégorisant, par exemple, comme coup d’Etat, comme révolte populaire, etc.

1-1-1.2. Des titres indéterminés

Concernant la structure syntaxique de ces titres, on remarque qu’ils appartiennent tous, selon la typologie réalisée par Françoise Sullet-Nylander, à la catégorie du bloc

syntaxique unique377, hormis « Chávez reasume el poder », qui constitue une phrase complète. Parmi les quatre catégories recensées par cet auteur, celle du bloc syntaxique

unique est celle qui, selon elle, représente « un degré maximum de condensation de

l’information »378. Néanmoins, cette condensation a pour conséquence l’ellipse d’un certain nombre d’informations qui nuisent à la précision de ces titres. Ainsi, on constate que ces titres – excepté celui cité ci-dessus – se caractérisent par un fort degré d’indétermination quant aux événements auxquels ils sont censés renvoyer.

En effet, à l’exception de deux titres mentionnant Chávez (Últimas Noticias 12 et 15 avril), les indications d’acteurs sont effacées. Le plus souvent, les marques de temporalité disparaissent également, et même lorsque ces titres comportent des références temporelles (« Jornada decisiva », « Período de transición », « 24 horas de cambios », « El día después ») seul le contexte permet de déterminer –lorsque cela est possible – ce à quoi elles renvoient. Parmi ces titres, deux d’entre eux ne contiennent aucune information sur les événements (« Jornada decisiva » et « El día después »), et ceux qui en contiennent, en

377 L’auteur regroupe entre autres, dans cette catégorie les syntagmes nominaux (SN) avec ou sans déterminant et de configuration Nom + adjectif, configurations auxquelles correspondent, dans notre corpus, les titres « JORNADA DECISIVA », « CHÁVEZ ACORRALADO », « RECONSTRUCCION », et « CONSTITUCIONALIDAD », les syntagmes prépositionnels et les syntagmes coordonnés, tels, dans notre corpus, les titres « PERIODO DE TRANSICION » et « PROTESTA Y REPRESIÓN », ou des configurations juxtaposant un nom et un adverbe, comme, dans notre corpus, « EL DÍA DESPUÉS ». Pour plus de précisions sur cette catégorie du bloc unique, voir SULLET-NYLANDER F. (1998), p.57-59 et dans ce chapitre, section 4.4.3.

378 SULLET-NYLANDER F. (1998), p.58. Pour les autres catégories de sa typologie des titres réalisée en fonction de leur structure syntaxique, voir le chapitre 3 de cet ouvrage, « Aspects syntaxico-discursifs des titres ».

raison de ce qui vient d’être dit – indications d’acteurs absentes ou incomplètes, références temporelles indéterminées – sont voués à l’imprécision.

La plupart des éléments nécessaires à l’interprétation de ces titres sont donc implicites, et il revient au lecteur d’apporter les pièces manquantes pour en reconstituer le sens. De cette manière, les journaux se dispensent de nommer précisément les faits et leurs acteurs, évitant ainsi d’assumer une position claire face aux événements. Néanmoins, il ne s’agit pas forcément ici d’une stratégie consciente de la part des rédacteurs de ces titres, mais plutôt d’une tendance générale du discours journalistique, appartenant à ces types de discours qui, selon Alice Krieg-Planque, « affectionnent toutes les formes de l’ambiguïté, de l’implicite et du non-dit »379. Cette tendance peut être due, en partie, aux exigences de concision qui incombent au style journalistique, en particulier dans les titres, et plus encore dans ce type de titres qui sont, plutôt que des titres réellement informatifs, des titres de rappel. De plus, il n’est pas étonnant que cette tendance se fasse encore plus forte dans de telles circonstances, où les nouvelles s’accumulent si vite que l’on peut imaginer que les journalistes eux-mêmes ne sont pas en mesure de déterminer avec exactitude ce qui se passe, et par conséquent, de nommer les événements avec précision.