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1-2.2.1. Historique

1-2.2.1.1. Le XIXème siècle : naissance de la presse vénézuélienne

On peut considérer la Gaceta de Caracas comme la première véritable publication périodique vénézuélienne. Celle-ci est imprimée grâce à la presse ramenée de l’île de

Trinidad par les Anglais Mateo Gallagher et Jaime Lamb, celle-là même qu’avait apportée

Francisco de Miranda en 1806 lors de sa tentative de déclarer l’indépendance du Venezuela. La gazette, publiée pour la première fois le 24 octobre 1808, a pour vocation, dans un premier temps, de se faire porte-parole des autorités coloniales, puis elle passera, à tour de rôle, des mains des royalistes à celles des indépendantistes, jusqu’en 1821, date de sa disparition (Pellegrino 2004 : 5). En 1818, est créé, avec la collaboration de Simón Bolívar, l’hebdomadaire El Correo del Orinoco qui circulera jusqu’en 1822 et dont l’objectif premier est de contrer l’influence de la Gaceta de Caracas (Aguirre et Cañizalez 1999 : 5). La presse vénézuélienne apparaît donc, à ses débuts, comme un organe politiquement orienté. Elle le restera par la suite, devenant, avec le début de la vie républicaine du pays (à partir de 1830), une tribune pour les luttes entre libéraux et conservateurs. Puis, avec l’industrialisation de la presse, celle-ci se détourne peu à peu de son objectif premier, celui d’être un outil idéologique, pour se diriger vers des fins plus commerciales. Bien que souvent déficitaire, le journal est souvent, pour son propriétaire, un moyen de compléter sa réussite économique, en accédant à un statut social reconnu et à un moyen d’influence important (Pellegrino 2004 : 6).

1-2.2.1.2. La presse sous les régimes militaires (1899-1958)

La première moitié du XXème siècle voit se succéder une série de régimes militaires, et pendant les trente-cinq premières années du XXème siècle, sous le gouvernement autoritaire de Cipriano Castro et la longue dictature du Général Juan Vicente Gómez, la presse est le plus souvent soumise au gouvernement en place. C’est à partir de 1941, avec le gouvernement de Medina Angarita, que s’ouvreune période d’ouverture démocratique et de libertés. Plusieurs journaux voient le jour, parmi lesquels Últimas Noticias (1941) et

El Nacional (1943), qui, selon Eleazar Díaz Rangel, vont moderniser le journalisme

vénézuélien avec une mise en page plus attractive, une réorganisation des rubriques pour faciliter la lecture, et l’adhésion à une ligne éditoriale déterminée par les intérêts politiques – et non économiques – de leurs éditeurs (Díaz Rangel 2007 : 98, 310). Cette période est également celle du développement des agences de presse (Díaz Rangel 2007 : 99-100). De plus, comme le signale Francisco Pellegrino (2004 : 7), l’investissement publicitaire devient la source de revenu financier principale pour la presse écrite et la radio, puis, un peu plus tard, pour la télévision – qui apparaît au Venezuela en 1952.

Le Venezuela subit ensuite une nouvelle dictature, avec le régime de Marcos Pérez Jiménez qui dure de 1948 à 1958. Dans le même temps, le pays bénéficie d’une importante croissance économique. Ainsi, si la presse doit alors affronter la censure et les mesures répressives, paradoxalement, les entreprises de presse deviennent, à l’instar de l’économie du pays, des entreprises capitalistes modernes (Díaz Rangel 2007 : 117-118). On voit en effet apparaître ou se consolider les grandes familles propriétaires de presse écrite, et se constituer de véritables « entreprises multimédia » – possédant, outre des journaux, plusieurs types de médias (revues, radio, TV) – se développant à la mesure de l’augmentation du volume de publicité.

1-2.2.1.3. Punto Fijo ou la « coexistence pacifique » entre médias et pouvoir politique

Après le renversement du gouvernement de Pérez Jiménez, en 1958, et la signature du pacte de Punto Fijo, qui instaure un système bipartite, une sorte de coexistence pacifique entre pouvoir politique et médias s’installe (Dragnic 1999 : 76). Le journalisme de cette époque est un journalisme tolérant, voire résigné, qui évite l’affrontement avec le pouvoir politique : à titre d’exemple, on assiste, à cette période, à la disparition de l’éditorial dans la presse.La « Doctrina de la Objetividad » (« Doctrine de l’Objectivité »), déjà adoptée par certains journaux –comme El Universal– depuis les années cinquante devient la norme suivie par la plupart des médias, imprimés et audiovisuels, à l’exception de certains journaux ayant une orientation politique définie129. Ainsi, la presse de gauche,

129 La « Doctrine de l’Objectivité » impose au journaliste de retranscrire les événements sans y introduire aucun jugement de valeur qui puisse dénaturer la présentation des faits ; celui-ci doit faire preuve

dite « presse populaire », doit affronter la répression, lorsque, dans les années soixante, le nouveau système politique est troublé par deux soulèvements militaires et un mouvement de guérilla marxiste (Díaz Rangel 2007 : 121-124).

Au cours de cette longue période d’apparente stabilité démocratique vont naître les premières alliances électorales entre journaux et partis politiques. La première a lieu lors des élections de 1969 entre le groupe Cadena Capriles et le parti COPEI, qui promet à Miguel Ángel Capriles un poste haut placé dans l’administration, si ce dernier offre au candidat de COPEI des espaces d’information, d’opinion, et de publicité dans les pages de ses quotidiens et revues (Díaz Rangel 2007 : 131).Son candidat, Rafael Caldera remporte les élections. Dix ans plus tard, c’est au tour du groupe d’édition Bloque de Armas de faire alliance avec le candidat du parti AD, Luis Piñerúa Ordaz, qui sera néanmoins battu par son adversaire, Luis Herrera Campins. On voit également apparaître, au Congrès, après chaque élection législative, un nombre croissant de députés éditeurs ou propriétaires de presse (Díaz Rangel 2007 : 137-138).

Les années soixante-dix se caractérisent par un certain essor de la presse : on observe une augmentation considérable du nombre de ventes de journaux, concomitante d’une baisse importante de l’analphabétisme. Au début des années quatre-vingt, de grands groupes bancaires, secteur alors en pleine expansion, rachètent des entreprises de communication ou en créent de nouvelles. Puis la crise financière vénézuélienne de 1983 va entraîner une tendance à la concentration, en faisant obstacle au développement des médias récents et à toute tentative d’en créer de nouveaux, tandis que les journaux les plus anciens, ayant bénéficié des conditions économiques favorables des années précédentes, se consolident. Ces derniers se dotent alors en technologies modernes et, influencés par certains journaux nord-américains, adoptent le style de ce qu’Olga Dragnic appelle le

« periodismo light » 130 (« journalisme light »). Il s’agit de s’adapter à la concurrence de la télévision en proposant un nouveau traitement de l’information : plus de couleurs, des titres tape-à-l’œil, des thèmes selon elle plus superficiels, etc. L’objectif étant d’attirer un lecteur enclin à chercher l’évasion face aux circonstances difficiles de cette période. Parallèlement, entre 1984-1989, sous la présidence de Jaime Lusinchi, la presse subit de

d’objectivité absolue dans son travail de reporter. Le première principe de l’objectivité est : « Los hechos son

sagrados, la opinión es libre » (« Les faits sont sacrés, l’opinion est libre »). Voir Dragnic (2002 : 76).

nouveau de fortes pressions, et adopte alors une attitude d’autocensure. Selon Eleazar Díaz Rangel (2007 : 140), la liberté d’expression n’avait jamais été aussi restreinte depuis la dictature de Pérez Jiménez.

On constate donc qu’au cours du XXème siècle, à l’exception de quelques courtes périodes de liberté qui ont provoqué l’effervescence d’opinions, la presse a le plus souvent adopté une attitude de résignation vis-à-vis du pouvoir politique. Mais c’est à partir de 1989 que tout commence à changer au Venezuela.

1-2.2.1.4. Le tournant de 1989-1992

La révolte populaire du Caracazo et les deux tentatives de coup d’Etat de 1992, signes d’un dysfonctionnement du système politique, s’accompagnent d’une perte de confiance croissante envers les partis traditionnels131. Mais ils vont également avoir des répercussions importantes quant au rôle des médias. Les journaux se mettent à fustiger les gouvernements antérieurs, mais également les partis politiques en général. De nouveau, ils mènent de véritables campagnes d’opinion ; le journalisme d’opinion et la publication d’éditoriaux réapparaissent. Comme le font remarquer plusieurs spécialistes des médias vénézuéliens, ces derniers commencent à acquérir un poids politique nouveau, et occupent peu à peu le vide occasionné par le discrédit des partis politiques et des syndicats (Dragnic 1999 : 60-61 ; Díaz Rangel 2007 : 146). De plus, ces événements ayant ouvert de nouvelles perspectives de changement, les groupes liés aux entreprises de presse entrevoient la possibilité d’atteindre des positions politiques importantes (Dragnic 2002 : 76-77).

1-2.2.2.

Hugo Chávez et les médias

Lorsqu’Hugo Chávez présente sa candidature aux élections présidentielles de 1998, il occupe assez rapidement une place prépondérante dans les sondages. Ce candidat atypique attire l’attention sur lui, et fait l’objet d’une importante bataille médiatique entre les organes de presse qui appuient sa candidature et ceux qui, au contraire, le voient comme un danger pour la démocratie et pour leurs propres intérêts. Certains journaux le soutiennent ouvertement comme par exemple les hebdomadaires politiques Quinto Día, ou

encore La Razón qui lui accorde chaque semaine une colonne au sein de ses pages (Torrico 2004 : 102-104). Le quotidien Así es la Noticia, s’adressant à un public de classes populaires – tout comme Hugo Chávez, qui cherche à attirer vers lui les voix du « peuple » – fait de lui « son candidat » (Torrico 2004 : 153). En revanche, le Bloque de Prensa, organisation créée en 1958, et constituée des propriétaires des principaux journaux du pays132 sonne l’alerte, en déclarant, le 14 novembre 1998, que l’élection de Hugo Chávez conduirait à l’instauration d’un gouvernement autoritaire qui, inéluctablement, exercerait une censure sur la presse133. La chaîne de télévision RCTV, quant à elle, appuie ouvertement Salas Römer, candidat soutenu par les partis AD et COPEI134.

1-2.2.2.1. Hugo Chávez, cible des médias

Ce débat se poursuivra avec véhémence après l’accession de Hugo Chávez à la présidence. L’un des premiers épisodes de ce conflit surgit avec la promulgation de la nouvelle Constitution « bolivarienne ». Dans celle-ci figurent neuf articles concernant la liberté d’expression et d’information, dont l’article 58, qui donne le droit à toute personne de recevoir une « information opportune, véridique et impartiale, sans censure, en accord avec les principes de cette Constitution », ainsi que le droit « de réponse et de rectification si elle se trouve affectée directement par des informations inexactes ou offensantes »135. L’introduction de ces droits dans la Constitution « bolivarienne » est aussitôt contestée par les patrons de presse au travers du Bloque de Prensa Venezolano, ainsi que par le Colegio

Nacional de Periodistas (Collège National de Journalistes, créé en 1976), la SIP (Société

Interaméricaine de Presse), et l’organisation internationale Reporters sans Frontières, qui

132 C’est-à-dire, au départ : El Universal, El Nacional, les Publications Capriles, The Daily Journal, El

Independiente et La Religión. Voir Díaz Rangel (2007: 121).

133 « Existe la amenaza de que pueda instaurarse en nuestra República, un gobierno de fuerza y autoritario,

que indefectiblemente impondría una censura de prensa en nuestro país », déclaration retranscrite dans Díaz

Rangel (2007: 153)..

134 Voir témoignage de Andrés Izarra, directeur de production du journal télévisé de RCTV jusqu’en avril 2002, in ININCO (2002 : 21).

135 Constitución de la República Bolivariana de Venezuela de 1999, article 58: “(…)Toda persona tiene

derecho a la información oportuna, veraz e imparcial, sin censura, de acuerdo con los principios de esta Constitución, así como a la réplica y rectificación cuando se vea afectada directamente por informaciones inexactas o agraviantes(…)”.

arguent que ces principes risqueraient de porter atteinte à la liberté d’expression et d’entreprise136.

Peu à peu, la plupart des organes de presse qui lui étaient favorables se retournent contre Hugo Chávez. Ainsi, les relations entre Miguel Henrique Otero, éditeur du quotidien El Nacional, et le président passent d’amicales à houleuses. Appartenant au même groupe (El Nacional C.A), le quotidien Así es la Noticia, influencé par ce dernier, devient alors ouvertement, à partir de 2001, un journal d’opposition (Torrico 2004 : 153). L’hebdomadaire La Razón, qui, comme Así es la Noticia, avait soutenu Hugo Chávez lors de la campagne électorale, se fait de plus en plus critique envers le gouvernement, perdant ainsi la publicité officielle. D’autre part, certains journalistes vont faire de leur hostilité envers le nouveau président leur cheval de bataille, tel Teodoro Petkoff, directeur du journal du soir El Mundo jusqu’en 1999, qui lui fait adopter une ligne éditoriale « anti- Chávez »137. Limogé en 1999, il décide de fonder un journal d’opposition. Le premier numéro de Tal Cual sort en avril 2000, titrant en une « Hola Hugo », dans une interpellation directe et quelque peu familière du président de la République. Ce dernier devient également l’une des sources d’inspiration favorites de certains programmes satiriques télévisés (Villegas Poljak 2002 : 55). Enfin, selon Vladimir Villegas Poljak (2002 : 52), la responsabilité de certains programmes ou espaces d’opinion est confiée à des personnalités liées aux partis d’opposition « puntifijistes ».

Les médias continuent par conséquent de jouer le rôle politique qu’ils avaient commencé à jouer dans les années quatre-vingt dix. Au point que de nombreux analystes vénézuéliens s’accordent à dire qu’avec l’affaiblissement des partis politiques traditionnels d’opposition, l’hostilité envers Hugo Chávez se réfugie dans les médias138.

136 « Información veraz y derecho a réplica en la nueva Constitución », Comunicación, n°108, (1999: 64-65). Notons qu’en 1992, sous le deuxième gouvernement de Carlos Andrés Pérez, une mesure du même acabit – établissant, entre autres, le droit de réponse et limitant la propriété des médias à un seul organe de communication– avait déjà été proposée, au sein d’un projet de réforme de la Constitution, et avait été rejetée à cause des pressions exercées par le Bloque de Prensa. Voir Díaz Rangel (2007 : 147).

137 (Torrico 2004 : 164). Ancien guérillero, puis candidat malheureux aux présidentielles de 1988, Teodoro Petkoff fut ministre sous le deuxième gouvernement de Caldera (1994 à 1998).

1-2.2.2.2. Hugo Chávez et l’utilisation des médias

Qu’il soit acclamé ou vilipendé, Hugo Chávez entretient donc, depuis sa première apparition télévisée du 4 février 2002, une relation particulière avec les médias. Doté d’une personnalité pour le moins charismatique, il n’hésite pas à utiliser les ressources médiatiques dont il dispose. Il anime ainsi une émission dominicale, « Aló Presidente »139, diffusée sur les chaînes de télévision et de radio nationales Venezolana de Televisión et

Radio Nacional de Venezuela, qui dure plusieurs heures, et à travers laquelle il entend

communiquer directement avec les citoyens vénézuéliens140, qui peuvent lui téléphoner au cours de l’émission. Il utilise également ce programme pour s’adresser à ses ministres, annoncer de nouvelles mesures, promouvoir son projet politique, etc. (Cárdenas García et Gomes Ferreira 2008 : 146).

De plus, le gouvernement a régulièrement recours à ce que les Vénézuéliens appellent familièrement les cadenas, c’est-à-dire, à la « transmission conjointe et simultanée par l’ensemble des médias audiovisuels et radiophoniques du pays, de messages émis par les organes d’Etat, préalablement définis comme messages d’intérêt public ou national (…) »141. Selon Olga Dragnic, il ne s’agit pas là d’une attitude inédite, puisque avant Chávez plusieurs chefs d’Etat avaient usé de ce procédé pour s’adresser à la nation. Cependant, les interventions du président n’ont pas un caractère aussi solennel que celles de ses prédécesseurs, et durent souvent plus d’une heure142. Ces incursions dans les programmes habituels constituent l’un des points sensibles de la relation entre Chávez et les propriétaires de médias : elles surviennent souvent aux moments de plus grande audience, et les annonceurs publicitaires menacent de ne pas payer pour l’espace correspondant à ces interruptions. Une partie des auditeurs et des téléspectateurs, ainsi que certaines organisations internationales, considèrent que le caractère obligatoire, pour les

139 En ligne sur le site http://alopresidente.gob.ve/.

140 Hugo Chávez n’est pas le premier à s’adresser directement à ses citoyens par le biais des médias : Rafael Caldera, lors de sa première présidence (1969 à 1974), donnait chaque semaine une conférence de presse auprès de journalistes vénézuéliens ou étrangers ; deux cent vingt-six d’entre elles furent transmises par télévision dans le programme « Habla el Presidente » (« Le Président parle »). Díaz Rangel (2007 : 133). 141 Sanz (2004 : 34). « Transmisión conjunta y simultanea efectuada desde todos los medios de comunicación

audiovisuales y radiales del país de mensajes correspondientes a los órganos del Estado, previamente definidos como de interés público o nacional en virtud de la trascendencia de su contenido”.

142 Cárdenas García et Gomes Ferreira (2008 : 145) comptabilisent un total de 1710 « cadenas » entre 1999 et mai 2008, chacune durant en moyenne 1h30 (statistiques basées sur le Report of AGB Nielsen Media

chaînes de radio et de télévision, de la diffusion de ces cadenas, est une atteinte à la liberté d’expression143.

Par ailleurs, le président répond aux attaques des médias qui lui sont opposés en s’en prenant directement et nommément à certains journalistes ou propriétaires de médias– particulièrement, de chaînes de télévision. De nombreux observateurs144 font état, en outre, d’agressions verbales, voire physiques, de journalistes dans l’exercice de leur profession par des groupes de partisans du Gouvernement, conséquence, selon eux, de l’attitude du président envers les médias. On peut citer par exemple la manifestation du 7 janvier 2002, lors de laquelle plusieurs dizaines de partisans du MVR bloquèrent l’accès au siège du quotidien El Nacional, suite aux attaques proférées la veille envers ce dernier par Hugo Chávez, lors de son émission Aló Presidente145.

Cependant, selon Eleazar Díaz Rangel (2007 : 154-155), on ne peut pas parler, au Venezuela, de véritables atteintes à la liberté d’opinion, puisque aucun professionnel des médias n’a été arrêté ou jugé, que jamais la circulation d’un média n’a été interdite, et qu’aucun journaliste n’a été censuré ou n’a subi de pression du Gouvernement pour ses opinions. Il n’existe donc – du moins, à l’époque des faits étudiés – ni de censure de l’information ni de répression politique au Venezuela.

Il reste que, d’un côté, les médias occupent une place importante dans la manière de gouverner de Hugo Chávez, que ce soit par le biais des médias publics ou par ses incursions dans les programmes des chaînes privées146. De l’autre, les médias privés, en exprimant de manière croissante leur rejet du chavisme, exercent une sorte de contre- pouvoir médiatique et canalisent le mécontentement des secteurs opposés au président. Il règne par conséquent un climat de confrontation entre les médias et Hugo Chávez, qui va s’exacerber avec les événements d’avril 2002.

143 Sur les « cadenas » et les critiques qu’elles suscitent, voir Dragnic (2002 : 80).

144 Ainsi, Eleazar Díaz Rangel (2007 : 154), spécialiste de la presse vénézuélienne, Villegas Poljak (2002 : 53), et Petkoff (2002 : 91), par exemple.

145 Voir Planas et Rui 2003 : 34 et Villegas Poljak 2002 : 53. 146 Voir Joffres 2008 ; García Samaniego et Gomes Ferreira 2008.

1-2.2.3.

Panorama médiatique en avril 2002

En avril 2002, le panorama médiatique vénézuélien se partage entre médias publics et privés. La presse écrite est à cette époque, sans exception, aux mains d’entreprises privées. On compte un grand nombre de journaux en circulation : Eleazar Díaz Rangel recense une centaine de quotidiens dans l’ensemble du pays, parmi lesquels de nombreux journaux régionaux147. Les quatre groupes les plus importants sont El Universal C.A. et El

Nacional C.A., possédant les deux grands journaux quotidiens du même nom, la Cadena Capriles (possédant notamment les journaux El Mundo et Ultimas Noticias) et le Bloque de Armas (Meridiano et 2001). Ces deux derniers se partagent 50% du marché des

quotidiens, et plus de 50% du marché des revues148. Les chaînes de télévision les plus importantes sont également aux mains de puissants groupes privés, dont les deux principaux sont l’organisation Cisneros149, propriétaire de la chaîne Venevisión (canal 4), et le groupe Phelps ou 1BC, possédant la chaîne RCTV150. Selon Francisco A. Pellegrino (2004 : 8), les deux groupes multimédia Phelps et Cisneros ont monopolisé de fait l’industrie culturelle vénézuélienne, principalement grâce à la télévision, et concentrent à eux seuls 60% de l’industrie de la communication dans le pays. En deuxième position figurent les chaînes Televén (canal 10, grupo Camero), et Globovisión (Pellegrino 2004 : 8) (canal 33), fondée en 1994, et entièrement dédiée à l’information.

On observe ainsi que si la propriété des principales chaînes de télévision est concentrée dans les mains de quelques grands groupes détenteurs d’une importante puissance économique, ces derniers n’ont pas la mainmise sur la presse écrite, qui