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Nous avons fait le choix, tout d’abord, d’aborder cet événement dans un corpus de presse écrite. Ce choix est motivé par deux raisons principales. La première raison est celle de la grande accessibilité de ce support : en effet, les archives de plusieurs journaux vénézuéliens sont disponibles en partie sur Internet, ce qui nous a permis de « déblayer le

terrain » avant de nous rendre sur place. De plus, la presse écrite fait généralement l’objet d’un travail d’archivage par les grandes bibliothèques (du moins, par celles du pays concerné230), et généralement par les journaux eux-mêmes, ce qui est beaucoup plus rarement le cas des informations télévisées.

La deuxième raison concerne la prise de position patente des médias télévisés durant les événements étudiés (voir 1.1.3.1). Cette dernière a été largement commentée par plusieurs journalistes ou par des auteurs qui se sont penchés sur ces événements, et il nous a semblé qu’il ne serait pas forcément très fructueux d’analyser ce qui, en définitive, sautait déjà aux yeux. De plus, cette prise de parti des télévisions s’est manifestée notamment par un « silence informatif », en particulier le 13 avril, et donc par une certaine pauvreté d’information, qui aurait fait perdre de son intérêt à l’analyse et aurait rendu difficile la tâche d’étudier les réactions immédiates à l’événement. Ainsi, on fait l’hypothèse que, étant relativement indépendants, d’un point de vue économique, des chaînes de télévisions (voir 1.2.2.3), les journaux de presse écrite peuvent avoir une ligne éditoriale et un positionnement qui leur est propre : il semble donc intéressant d’étudier quelle position ils adoptent face à cet événement.

Ensuite, le corpus se compose exclusivement de journaux privés, dans la mesure où il existait très peu de médias publics à l’époque des faits, et qu’il n’existait tout simplement pas de presse écrite dépendant du gouvernement. Le choix des journaux eux-mêmes a été une étape assez difficile, étant donné le grand nombre de quotidiens circulant au Venezuela, d’une part, et d’autre part, parce qu’il existe très peu de documentation et de travaux sur la presse vénézuélienne. Les données chiffrées, notamment, sont rares, ainsi que les informations précises concernant la ligne éditoriale des différents organes de presse. Les recherches effectuées au Venezuela nous ont amenée à sélectionner trois journaux, qui nous ont paru assez représentatifs de la grande presse quotidienne nationale vénézuelienne : El Nacional, El Universal et Últimas Noticias.

Pour ce qui est de la diffusion de ces journaux, Eleazar Díaz Rangel, dans son ouvrage sur la presse vénézuélienne, souligne précisément le fait que le tirage des journaux

230 En effet, très peu de bibliothèques françaises disposent d’archives de quotidiens vénézuéliens en version papier, et aucune ne dispose d’archives papier correspondant à la période étudiée.

au Venezuela semble être « un mystère venu du XIXème siècle » : ce n’est qu’en 2000 qu’apparaît dans ce pays un organisme fiable chargé de mesurer la diffusion des journaux, le Comité Certificateur de Médias231 (Díaz Rangel 2007 : 185). Ce dernier révèle ainsi, dans un rapport datant d’octobre-décembre 2001, les tirages de cinq quotidiens vénézuéliens : arrivent en tête Últimas Noticias (avec 129 059 exemplaires), El Nacional (avec 110 548 exemplaires) et El Universal (108 005 exemplaires), viennent ensuite le quotidien régional de l’Etat de Zulia, Panorama (104 600 exemplaires) et le quotidien du soir El Mundo (45 661 exemplaires). Aujourd’hui, Últimas Noticias donne sur son site Internet le chiffre de 210 000 exemplaires, et El Universal, de 69 030 exemplaires (certifiés par le CCM) ; quant à El Nacional, il ne donne pas de précision concernant son tirage. On peut enfin citer à ce propos, bien qu’un sondage ne puisse constituer une donnée totalement fiable, que deux études réalisées respectivement par DATOS IR-ANDA et Mercanálisis en septembre-octobre 2002, plaçaient dans l’ordre

Ultimas Noticias, El Universal et El Nacional, en tête des journaux les plus lus à Caracas

(Díaz Rangel 2007 : 188-189)

Concernant les bornes temporelles du corpus, nous avons choisi d’étudier cet événement au moment de son surgissement dans les médias. Néanmoins, dans la mesure où un événement est le fruit, comme on l’a montré, d’une construction de sens, ses limites temporelles ne s’imposent pas comme une évidence qui serait déterminée par les faits survenus : tout dépend du point de vue depuis lequel on appréhende cet événement. Nous avons pour notre part adopté le parti d’observer cet événement en tant qu’il est constitué de la chute de Hugo Chávez puis de son retour au pouvoir. Les différents éléments qui ont mené au départ du président passent donc au second plan dans cette recherche ; c’est pourquoi nous avons choisi de débuter le recueil du corpus le jour où la chute de Hugo Chávez est annoncée dans les journaux232 (le 12 avril 2002), et d’y inclure toutes les éditions publiées par ces derniers jusqu’à l’annonce du retour au pouvoir du chef de l’Etat (le 15 avril 2002).

231 Créé par deux associations d’annonceurs : l’ANDA (Asociación Nacional de Anunciantes) et la Fevap (Federación Venezolana de Agencias Publicitarias).

232 Rappelons que la démission de Hugo Chávez est annoncée dans un communiqué dans la nuit du 11 au 12 avril 2002. Toutefois, comme on le verra ultérieurement, la majeure partie des articles des éditions du 12 avril ont en fait été écrits avant que la chute de Hugo Chávez ne soit connue.

Notre séjour de recherches à Caracas nous a permis d’accéder à la version papier de l’ensemble des numéros recherchés (sur support microfilm), et donc, d’avoir accès à leur mise en page. En effet, seul le site Internet du quotidien Últimas Noticias permet (sur abonnement) la consultation de la version imprimée de ses archives sous forme d’image. Les sites des deux autres quotidiens ne donnent accès qu’au texte brut des articles – ces derniers n’étant donc pas intégrés au sein de cet ensemble qu’est la page de journal, comme c’est le cas pour la version papier – et parfois aux photos accompagnant l’article (seulement dans le cas de El Universal). Ces recherches nous ont également permis de nous procurer certains articles qui ne se trouvaient pas sur Internet ou dont la version papier différait de la version électronique. Nous avons notamment découvert que El

Universal avait publié le 12 avril trois éditions différentes, dont la première paraît dès le 11

avril au soir, et qui furent, selon ce journal, rapidement épuisées233. Nous n’avons pu avoir accès qu’aux deuxième et troisième éditions, l’entreprise El Universal elle-même n’ayant conservé, dans ses archives accessibles au public, que la 3ème édition. Le contenu des deux éditions dont nous disposons ne diffère que sur quelques pages, notamment la Une, mais ces différences permettent d’observer, d’une édition à l’autre, l’évolution des informations dont le journal est en possession. Ces recherches nous ont permis, pour finir, de découvrir que le journal Últimas Noticias avait publié une édition le 14 avril, qui ne figurait pas dans ses archives Internet. Il faut rappeler en effet que ce jour-là, la grande majorité des quotidiens du pays ne sortent pas en kiosque (voir 1.1.3.1.4). Nous ne disposons donc pas en revanche pour cette date des éditions des deux autres quotidiens.

Etant donné les disparités du matériau recueilli, nous avons choisi de baser notre étude sur la version papier des journaux. Cette hétérogénéité matérielle se doit d’être mentionnée : en effet, si nous disposons d’une grande partie des données sous forme numérisée (récoltée sur Internet), certaines parties du corpus – dont l’édition complète de

Últimas Noticias du 14 avril – se présentent en revanche sous forme de photocopies ou de

photographies de microfilms234. Cet aspect pratique a parfois posé problème dans le traitement des données, puisqu’il nous fallait toujours naviguer d’un support à l’autre. Le choix d’une analyse qualitative plutôt que quantitative s’est donc imposé à nous, car le

233 La première édition paraît à 22h00 le 11 avril, comme l’indique le journal El Universal lui-même dans son édition du 13 avril, dans un article intitulé « Ediciones leídas y agotadas » (« Editions lues et épuisées »). 234 On pourra se rendre compte de cette hétérogénéité matérielle en parcourant les documents annexes.

« nettoyage » et la transcription des éléments non numérisés du corpus, afin de pouvoir soumettre ce dernier à des logiciels de lexicométrie, aurait représenté un travail considérable et pas nécessairement productif. Ce choix nous semble également plus adapté à la nature même d’un corpus s’étalant sur une courte période. Néanmoins, il est évident que la numérisation complète du corpus aurait pu s’avérer utile pour certaines analyses ponctuelles. La composition du corpus et les grandes étapes des événements correspondant à chacune des dates sont récapitulées dans le tableau qui suit.

Composition du corpus

Date Faits marquants annoncés dans les journaux Exemplaires composant le corpus

12 avril 2002

¾ Chute de Hugo Chavez

¾ Instauration d'un gouvernement provisoire235 ¾ El Universal : 2 éditions (2ème et 3ème éd.) ¾ El Nacional ¾ Últimas Noticias 13 avril 2002 ¾ Publication du décret de gouvernement provisoire ¾ Composition du gouvernement de transition ¾ Réactions à l'événement ¾ El Universal ¾ El Nacional ¾ Últimas Noticias

14 avril 2002 ¾ Revirement de situation

¾ Retour au pouvoir de Hugo Chavez ¾ Últimas Noticias

15 avril 2002 ¾ Retour au pouvoir de Hugo Chavez

¾ El Universal ¾ El Nacional ¾ Últimas Noticias

Enfin, nous avons conservé, pour nos analyses, l’intégralité de chacune des éditions (à l’exception de certaines pages comme les pages sport, les pages donnant des informations financières ou des mots-croisés) dans la mesure où, comme on va le voir, la grande majorité des articles traitent de près ou de loin des événements (voir chapitre 3).

235 La nouvelle de l’instauration d’un gouvernement provisoire venant tout juste d’être connue, elle est annoncée que dans El Nacional et dans El Universal, mais pas dans Últimas Noticias.