• Aucun résultat trouvé

2-2.2 Les événements d’avril 2002 au Venezuela : quelles caractéristiques pour quelle approche discursive ?

2.1. Etude d’un événement au moment de son surgissement

Une première distinction doit être opérée entre les événements programmés et prévus pour être médiatisés (par exemple, une cérémonie ou une manifestation sportive) et les événements spontanés, qui surgissent de manière imprévue. Les premiers font l’objet, ainsi que le souligne Jocelyne Arquembourg, d’un travail considérable de la part des médias qui anticipent et préparent leur médiatisation192. Le plus souvent, leur nature et leur forme sont déjà prescrites : c’est le cas des événements sportifs, pour lesquels, comme le font remarquer Maurice Mouillaud et Jean François Têtu, « non seulement l'aire et la durée de l'événement sont expressément marquées par rapport à l'espace et au temps extérieurs, mais le terrain du jeu est balisé par des limites intérieures qui programment des événements partiels dans l'événement dominant »193. Pour ce type d’événements, « la mise en mots et en intrigue »194 a donc souvent déjà été en partie définie au préalable.

L’événement auquel on a affaire dans ce travail fait partie quant à lui de la deuxième catégorie : celle des événements imprévus, même si on peut objecter à cela, d’une part, que la manifestation de l’opposition – point de départ de ces événements – avait été organisée et annoncée auparavant et, d’autre part, que de nombreux éléments du contexte politique pouvaient laisser pressentir l’éclatement d’une crise importante. Cependant, il n’était pas prévu que cette manifestation dégénère de la sorte, menant à la chute de Hugo Chávez et à l’instauration d’un gouvernement de transition. Ainsi, si certains aspects de l’événement ont pu faire l’objet d’un travail de prédéfinition (la désignation des forces en présence, par exemple), la majeure partie du travail de description et d’explication a été effectuée sur le vif par les médias (telle la désignation des faits survenus).

D’autre part, l’événement étudié se déroule sur une très brève période (environ trois jours) ; on étudie donc un récit médiatique réalisé dans l’urgence et à mesure que les faits ont lieu. De ce fait, il ne s’agit pas d’observer un événement dont le récit médiatique s’étend sur la longue durée, comme l’a fait par exemple Alice Krieg-Planque, qui s’est penchée sur la genèse, puis la mise en circulation pendant la guerre yougoslave, de la

192 ARQUEMBOURG J. (2003), p. 30 et 34. 193 MOUILLAUD M. et TÉTU J.F. (1989), p. 19. 194 ARQUEMBOURG J. (2003), p. 35.

formule « purification ethnique », réunissant ainsi un corpus s’étalant de 1980 à 1994195. On ne traite pas non plus d’un événement auquel les médias ne cessent d’associer de nouveaux rebondissements, comme Sophie Moirandqui, s’intéressant à ce qu’elle appelle « les événements scientifiques et techniques à caractère politique »196, a constitué un ensemble de corpus autour de la crise de la vache folle d’abord, en mars 1996, puis autour de divers « instants discursifs », tels que la grippe du poulet en décembre 1997, le poulet à la dioxine et le coca-cola contaminé en juin 1999, les boues d’épuration en août 1999, ou encore autour de questions conflictuelles récurrentes comme celle des OGM197.

Ces deux auteurs ont ainsi observé l’élaboration par les médias de catégories descriptives de ces événements (formules, désignations, etc.) sur le long terme. Dans notre cas, en revanche, la plupart des catégories descriptives sont construites en même temps que surgit l’événement. L’un des objets de ce travail est donc, précisément, d’étudier leur émergence. Ainsi, même si ces deux chercheuses travaillent sur des événements dans une perspective d’analyse du discours, notre démarche se distingue de la leur par le fait que nous étudions la construction discursive de l’événement au moment même où il surgit dans le discours des médias, et non dans la longue durée.

Un problème se pose par conséquent, qui découle à la fois de cette démarche et de l’imprévisibilité de l’événement observé : celui de sa mise en récit. En effet, on considère généralement que le récit s’articule autour d’une situation initiale, d’un événement perturbateur et d’un dénouement. Or, une telle configuration ne peut s’appliquer à un événement traité sur le vif par les médias, puisqu’ils n’en connaissent pas le dénouement. Pour Jocelyne Arquembourg, les récits d’événements sont toujours « orientés vers une fin qui leur donne sens et ne peuvent être configurés qu’une fois accomplis »198. Elle propose donc de parler, pour les événements traités en direct, de compte-rendu de situation plutôt que de récit : « La mise en ordre des faits dans un récit s’organise selon un schéma rétrospectif alors que le compte rendu d’une situation s’élabore au présent et se construit autour de l’attente d’un dénouement »199. Le discours des journaux sur l’événement,

195 KRIEG-PLANQUE A. (2003), pp. 19-26. 196 MOIRAND S. (2007 a), p. 9

197 Voir MOIRAND S. (2007 a), pp. 7-10. Nous reviendrons plus tard sur ce qu’entend cet auteur par « instant discursif ».

198 ARQUEMBOURG J. (2003), p. 48. 199 Ibid

produit à mesure que les faits ont lieu, ne peut en effet être appréhendé comme un récit au sens traditionnel du terme. Il ne formera un récit qu’après coup, après qu’on en connaît la fin, mais le travail de mise en intrigue ne peut être effectué sur le moment. La distinction proposée par Jocelyne Arquembourg permet d’envisager néanmoins un récit des faits, élaboré au jour le jour, et s’écartant par conséquent du schéma ordinaire du récit. La façon dont s’effectue cette mise en récit (ou compte-rendu) « en direct », en attente de dénouement, constituera donc l’un des questionnements de ce travail.

2-2.2.2.

L’événement est un et multiple : l’importance de la nomination

Nous avons signalé plus tôt qu’il fallait distinguer entre les faits, survenus dans la réalité, et l’événement, qui suppose que ces faits soient perçus et signifiés. L’événement est, par conséquent, composite, puisqu’il se constitue toujours d’une série de faits. Marie Veniard remarque en effet que « d’un strict point de vue référentiel, un événement est une entité particulière dans la mesure où, en dehors de l’action du langage, il est difficilement synthétisable » 200 . Pour Maurice Mouillaud et Jean-François Têtu, l’événement journalistique, résultant d’une opération de cadrage201, est lui-même fragmenté en une série de cadrages intérieurs, car « on ne peut pas appréhender un événement d’une seule vue »202.

Mais l’événement ne se résume pas à une somme de faits, il est perçu comme un tout, comme une globalité. Il est donc, selon le philosophe Alain Badiou, à la fois un et multiple : « J’appelle événement de site X un multiple tel qu’il est composé d’une part des

éléments du site, d’autre part de lui-même »203 . Prenant l’exemple du syntagme

« Révolution française », il souligne que celui-ci fait référence à un événement se déroulant en France entre 1789 et 1794 et constitué d’une multiplicité d’éléments : « les électeurs des Etats généraux, les paysans de la Grande Peur, les sans-culottes des villes, le

200 VENIARD M. (2007), p.25

201 Ces auteurs empruntent le concept de cadrage à la photographie pour l’appliquer à l’événement : « Le cadre opère à la fois une coupure et une focalisation : une coupure parce qu'il sépare un champ et un hors- champ, une focalisation parce qu'en interdisant l'hémorragie du sens au-delà du cadre, il intensifie les relations entre les objets et les individus qui sont compris dans le champ et les réverbère vers un foyer ». MOUILLAUD M. et TÊTU J.F. (1989 : 17).

202 MOUILLAUD M. et TÊTU J.F. (1989 : 17).

personnel de la Convention, les clubs des jacobins, les soldats de la levée en masse, mais aussi, le prix des subsistances, la guillotine, les effets de tribune, les massacres, les espions anglais, les Vendéens, les assignats, le théâtre, la Marseillaise, etc. »204. Poussant au bout son raisonnement, il va jusqu’à affirmer :

« si vous commencez à poser que “Révolution française” n’est qu’un pur mot, vous démontrerez sans peine, au vu de l’infini des faits présentés, et non présentés, que rien de tel n’a jamais eu lieu. »205

La nomination, « intervention interprétante »206 qui permet de passer du multiple à l’un, joue donc un rôle fondamental dans l’existence même de l’événement.

Marie Veniard, qui travaille sur la nomination des événements que sont la guerre en Afghanistan et le conflit des intermittents dans la presse quotidienne française, reprend cet exemple d’Alain Badiou pour montrer que la nomination permet « de rendre l’événement intelligible, mais c’est aussi la condition d’existence de l’événement, puisqu’elle permet de limiter l’éparpillement des faits jusqu’à la disparition de tout événement »207. Pour elle, la nomination est centrale dans la construction discursive de l’événement, en tant qu’elle en opère une sémiotisation : « en parler comme d’un référent qu’on nomme permet d’exercer une sémiotisation : par la nomination, on regroupe des éléments du réel et on constitue un référent qui est plus ou moins partagé au sein d’une communauté »208. Considérant les conflits comme des « objets sociaux », elle postule que l’étude de la nomination d’un événement en discours permet d’accéder en partie au « sens social » de l’événement209.

Cette nécessité de procéder à une sémiotisation pour rendre compte de la multiplicité de l’événement est également soulignée par les sociologues Louis Quéré et Eric Neveu, qui parlent quant à eux d’événement « sous une description »210. Pour eux, la

204 BADIOU A. (1988), p. 201. 205 BADIOU A. (1988), p. 203. 206 BADIOU A. (1988), p.202 207 VENIARD M. (2007), p. 41. 208 VENIARD M. (2007), p. 17

209 VENIARD M. (2007), respectivement pp. 35 et 63. Sur ce point, Marie Veniard s’appuie des travaux de J.R Searle (1995) sur la notion de « fait social » et sur le rôle du langage dans la construction de ces faits sociaux. Voir VENIARD M. (2007), pp. 35-38 : « Les conflits : des objets sociaux ».

210 Les auteurs reprennent cette expression d’un article de Louis Quéré (1994), « L’événement "sous une description" : contraintes sémantiques, croyances stéréotypiques et “natural facts of life as a morality” », lui- même reprenant les propos de H. White (1981) : « Il n’y a aucun sens à parler d’événement en soi ; on ne

construction médiatique des événements passe nécessairement par « un processus d’individuation de l’événement, de réduction de son indétermination, de sa complexité et de son hétérogénéité »211. L’individuation de l’événement suppose, dans le même temps, son affiliation à un « contexte de description » :

Cette affiliation permet à la fois d’identifier une occurrence comme un événement d’une certaine sorte, de lui donner signification et valeur en tant qu’occurrence spécifique dans son genre et de le décrire212.

Autrement dit, l’individuation d’un événement s’accompagne forcément de sa catégorisation dans une classe d’événements. Cette catégorisation de l’événement déterminera par conséquent, selon ces auteurs, les commentaires et l’interprétation qui en seront faits :

« Ainsi, dès lors qu’un événement a été identifié sous une description (un attentat, une grève, une émeute, un krach boursier, etc.), son explication et son interprétation sont orientées et délimitées par la teneur sémantique des termes utilisés par cette description : celle-ci rend l’événement analysable ; elle structure son analysabilité »213

En effet, nommer un événement implique, dans un premier temps, une prise de position quant à la manière dont on le perçoit, et dans un deuxième temps, un certain nombre de conséquences et de contraintes quant à la façon dont il sera appréhendé suite à cette nomination.

Nous accorderons dans ce travail une attention toute particulière aux procédés de nomination, et donc de catégorisation de l’événement, dans la mesure où l’on considère, avec Marie Veniard, qu’ils constituent un lieu d’observation privilégié de la construction du sens de l’événement. On postule, en outre, qu’ils sont révélateurs de la position adoptée par les journaux face à cet événement. Concernant la problématique de l’événement « un et multiple », on verra par ailleurs que la sémiotisation de l’événement ne s’accomplit pas uniquement par la nomination de l’événement « global ». Dans la mesure où l’on travaille sur un événement en train de se produire, on s’intéressera également aux éléments qui, au

peut parler que d’événement sous une description. En d’autres termes, le type de protocole de description utilisé pour constituer des événements en faits d’une certaine sorte détermine le type de fait qu’on y voit ». 211 QUÉRÉ L. et NEVEU L. (1996), p. 14.

212 QUÉRÉ L. (1994), p.14.

jour le jour, permettent de passer de l’« événement multiple » à « l’événement un », en lui donnant, dans le même temps, un sens. Parmi ces éléments qui assurent une sémiotisation de l’événement se trouve, bien sûr, le titre, lieu de surgissement de l’événement par excellence, et lieu où s’exerce à son maximum la contrainte d’économie linguistique caractéristique du discours médiatique.

2-2.2.3.

Evénement, moment discursif et mémoire

Une autre interrogation majeure de notre recherche concerne les rapports entre événement et mémoire : cette dernière joue-t-elle un rôle dans la construction discursive des événements ? Pour Sophie Moirand, les discours des médias, contrairement aux idées reçues, ne sont pas éphémères, mais contribuent à la construction des mémoires collectives des sociétés actuelles214. Cette auteure appréhende l’événement à travers la notion de

moment discursif, qu’elle définit comme « le surgissement dans les médias d’une

production discursive intense et diversifiée à propos d’un même événement (Mai 1968, guerre au Kosovo, intervention russe en Tchétchénie, Coupe du monde de football, festival de Cannes, crise de la vache folle...), et qui se caractérise par une hétérogénéité multiforme (sémiotique, textuelle, énonciative) »215. Son hypothèse est qu’« au fil des moments discursifs analysés », un certain nombre de mots, de formules, de petites phrases, ou autres énoncés, se répètent, circulent et se transforment, d’un locuteur à un autre, d’un média à un autre, si bien que « les sens linguistiques véhiculés par ces différentes formes langagières contribuent à construire “le sens social” de certaines familles d’événements »216. Elle postule ainsi l’existence d’une mémoire interdiscursive médiatique, se constituant « dans et

par les médias », au fil des textes, « sur des formulations récurrentes, qui appartiennent

forcément à des discours antérieurs, et qui, fonctionnant sous le régime de l’allusion, participent à l’interprétation de ces évènements »217.

Le point de vue adopté par Sophie Moirand implique par conséquent de ne pas s’en tenir à réunir un corpus au moment du surgissement d’un moment discursif, mais de

214 MOIRAND S. (2007 a), p.2.

215 CHARAUDEAU P. et MAINGUENEAU D. (2002), article « Moment discursif », rédigé par Sophie Moirand, p. 389.

216 MOIRAND S. (2006)

217 MOIRAND S. (1999), p. 173, citée dans CHARAUDEAU P. et MAINGUENEAU D. (2002), article « Mémoire discursive », p. 372.

poursuivre par la suite le recueil des données, lors de l’apparition d’autres moments ou instants218 discursifs. Car, selon sa définition, « un fait ou un événement ne constitue un moment discursif que s’il donne lieu à une abondante production médiatique et qu’il en

reste également quelques traces à plus ou moins long terme dans les discours produits ultérieurement à propos d’autres événements »219. Si notre propre corpus ne nous permet pas de déterminer quelles « traces » laisseront, dans les discours ultérieurs, les discours médiatiques produits sur les événements d’avril 2002, on cherchera toutefois à observer dans quelle mesure la mémoire discursive peut jouer un rôle dans l’interprétation de ce

moment discursif et participe à en construire le sens.

En effet, on peut penser que plus un événement est imprévu, bouleversant, plus on doit faire appel à la mémoire d’événements passés pour l’expliquer. Pour Maurice Mouillaud et Jean-François Têtu, un événement s’inscrit toujours dans un paradigme, qui permet de le rendre intelligible :

On voit ainsi l'événement travailler en deux sens. Nous l'avons décrit, tourné vers l'avenir, avènement d'une différence incessamment reproduite. Mais il travaille aussi de manière récurrente ; il réveille et redonne une actualité à des événements passés dont il réactualise le paradigme. La nouvelle s'inscrit comme la reproduction d'un modèle. Le paradigme n'est pas moins essentiel que la différence car il est la condition de lisibilité de l'événement (…)220.

Il existerait par conséquent des scénarios types correspondant à des catégories d’événements, reproduisant des modèles d’événements antérieurs et constituant des cadres prédéfinis pour l’écriture comme pour la lecture des événements journalistiques.

Cette notion de paradigme de l’événement peut être rattachée, selon nous, à la question de la catégorisation de l’événement. S’appuyant sur les travaux de Harold Garfinkel (1967), Louis Quéré souligne en effet qu’ « identifier un événement et lui donner un sens c’est réduire sa contingence et son indétermination en l’inscrivant dans un ordre social » (Quéré 1994 : 20). En identifiant un événement sous une description, on lui attribue donc des « valeurs de normalité » (ibid.). Pour Louis Quéré, ces valeurs de

218 L’instant discursif se distingue du moment discursif par le fait qu’il « disparaît des discours médiatiques aussi vite qu’il est apparu » ; la grippe du poulet de décembre 1997, par exemple, ne constitue qu’un instant discursif (Moirand S., 2007 a, p.4).

219 MOIRAND S. (2007 a), p. 4, nous mettons les italiques. 220 MOUILLAUD M. et TETU J.F. (1989 : 26).

normalité sont constituées notamment de « valeurs de typicalité (l’événement exemplifie un type ou une catégorie), de vraisemblance (son occurrence correspond à ce qu’on pouvait attendre, à ce qui peut arriver ou à ce qui arrive le plus souvent), de comparabilité (il est comparable à des événements passés ou futurs) [...] » (ibid.). Catégoriser un événement en le nommant, c’est donc l’insérer dans une série d’événements du même type qui ont été catégorisés ainsi avant lui221. Autrement dit, nommer un événement, c’est aussi en fournir une interprétation à la lumière d’événements passés considérés comme similaires. La question de la mémoire discursive sera donc surtout appréhendée, dans ce travail, à travers l’étude de la nomination de l’événement.

2-2.2.4.

Evénement et performativité

L’événement, on l’a vu, est multiple, constitué d’un ensemble d’éléments hétérogènes, et se divise donc en une série de sous-événements. On distinguera ainsi, au sein de l’événement étudié, deux types de sous-événements222 : d’une part les sous- événements « mondains », et d’autre part les sous-événements « discursifs »223. Dans les premiers, on peut classer, entre autres, les manifestations, les morts, les opérations militaires, ou les diverses initiatives qui ont conduit à la récupération du pouvoir par Hugo Chávez. Les seconds sont constitués des différentes déclarations et textes produits pour être médiatisés, au sein desquels figurent, par exemple, les pronunciamientos de militaires, le décret de gouvernement intérimaire, ou les déclarations de réaction à l’événement. Pour

221 On peut rappeler ici le point de vue de Frédérique Langue (2005) et de Alban Bensa et Eric Fassin (2002) qui considèrent, à la suite de Pierre Nora (1974) que le chercheur, pour saisir le sens d’un événement, doit l’inscrire dans une série. Le point de vue présenté ici est que les médias eux-mêmes, consciemment ou inconsciemment, intègrent les événements dans des séries. Il est clair cependant que le travail de « mise en série » – pour reprendre les mots de Bensa et Fassin – effectué par les médias n’est pas comparable avec celui réalisé par le chercheur, par le simple fait qu’il ne s’agit pas d’une démarche scientifique.

222 Cette catégorisation s’avère opératoire si l’on observe l’événement dans une perspective d’analyse du discours ; observés depuis une perspective différente (celle des sciences politiques, de l’histoire, de la sociologie, etc.), ces sous-événements pourraient être classés d’une autre manière.

223 Si tant est que l’on puisse réellement distinguer le « mondain » du « discursif ». Ainsi, Alice Krieg- Planque, travaillant sur l’ « événement de discours » que constitue la formule « purification ethnique », distingue la purification ethnique en tant qu’événement mondain, de la formule « purification ethnique », qui fait événement dans l’univers discursif (2003, note 352 p. 310) ; mais elle précise dans sa thèse, et nous reprenons cette remarque à notre compte : « L’adjectif “mondain” qualifie, si l’on peut dire, les choses du monde abstraction faite des mots de la langue qui les nomment et des discours qui les commentent. La distinction entre “mondain” et “langagier” est ainsi proprement sémiotique, puisque le langage fait par ailleurs plus que tout partie du monde et que son emploi, parfois même, le fait advenir et le transforme », KRIEG-PLANQUE A. (2000 b : 65).

ces derniers, la médiatisation est un élément fondamental, puisqu’elle donne une existence