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2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

4.2. Les cellules souches cancéreuses

4.2.7. Résistance aux traitements

4.2.7.1. Mécanismes généraux

L’existence des CSCs et leur sensibilité aux traitements est une question cruciale en cancérologie. Actuellement, les traitements anticancéreux ciblent le potentiel prolifératif de la tumeur, en tuant les cellules en division rapide. Cependant, les CSCs ne seraient pas affectées et seraient responsables des récidives tumorales locales et à distance. Si le pourcentage de CSCs ne représente qu’une très faible proportion de la masse tumorale, elles seraient donc en partie responsables des phénomènes de résistance aux radiations ionisantes et à la chimiothérapie grâce à divers mécanismes :

o La quiescence : elle désigne un phénomène clinique fréquent dans lequel les cellules tumorales disséminées sont maintenues dans un état de dormance, non proliférant pendant de longs intervalles de temps. L'éveil de ces cellules dormantes conduit à une progression tumorale et à une rechute (Clarke et al. 2006). Des CSCs avec des phénotypes quiescents existent également dans les tumeurs, ce qui a été confirmé par des études in vivo et in vitro. En 2009, une sous-population de cellules à cycle lent a été identifiée dans les lignées cellulaires d'adénocarcinome

108 du pancréas (Dembinski and Krauss 2009). Ces cellules présentaient certains marqueurs de CSCs, survivaient à la chimiothérapie et avaient des potentiels tumorigène et invasif élevés. Dans le cancer hépatique, le marqueur de surface CD13 a été identifié comme une caractéristique fonctionnelle des CSCs potentiellement dormantes. Les cellules CD13+ contiennent de faibles niveaux de RLO, participent à la chimiorésistance et présentent un potentiel tumorigène élevé chez les souris immunodéprimées (Haraguchi et al. 2010).

o La présence de pompes à efflux membranaire de la famille ABC : la surexpression de pompes à efflux dans les CSCs permet l’élimination d’agents cytotoxiques, induisant alors une résistance à la chimiothérapie. Ces transporteurs permettent donc d’éviter l’accumulation toxique d’agents dans les CSCs. Trois transporteurs de la famille ABC sont principalement impliqués dans cette résistance: ABCB1 (aussi appelé P-gp ou MDR1), ABCC1 (ou MRP1) et ABCG2 (ou BCRP, MXR, ABCP). Dans les tumeurs solides humaines, la population SP surexprime majoritairement la pompe ABCG2 et représente un mécanisme cliniquement pertinent de résistance aux chimiothérapies en favorisant l’efflux des médicaments en dehors de la cellule. Une proportion de 10 % des cellules cancéreuses, toutes tumeurs confondues, serait dôtée de ce mécanisme de résistance (Wei et al. 2017).

o L’expression de protéines apoptotiques : les CSCs surexpriment des molécules anti-apoptotiques telles que Bcl-2 et Bcl-xL, qui agissent comme des régulateurs négatifs de la perméabilisation de la membrane mitochondriale et de la libération du cytochrome c (Hata et al. 2015). Des niveaux élevés de survivine (inhibiteur de l’apoptose) et de faibles niveaux d’ARNm de la caspase 8 ont également été décrits dans des CSCs de gliomes (Capper et al. 2009). De plus, l’inhibition spécifique des voies anti-apoptotiques réduit la chimio- et la radiorésistances des CSCs du glioblastome et élimine spécifiquement l'activité des cellules souches du cancer du sein (Piggott et al. 2011; Yang et al. 2012). Cependant, en raison de la coexistence de multiples mécanismes anti-apoptotiques, les essais cliniques basés sur l'utilisation d'agonistes des récepteurs de mort n'ont pas été concluants. L'association de ces composés avec d'autres molécules anti-apoptotiques telles que les antagonistes du Bcl-2 pourrait être plus pertinente pour un ciblage et une élimination efficaces de la tumeur (Sotiropoulou et al. 2014).

o La résistance aux dommages de l'ADN : les CSCs CD133+

de glioblastomes contribuent à la radiorésistance par l'activation préférentielle de la protéine kinase ATM et de Chk2. Après inhibition spécifique de Chk1 et Chk2, la radiorésistance est supprimée (Bao et al. 2006). Les inhibiteurs de Chk1 tels la gemcitabine, permettent également de sensibiliser les CSCs de l'adénocarcinome pancréatique (Venkatesha et al. 2012). En plus de l'activation des réponses aux

109 points de contrôle du cycle, des mécanismes performants de réparation de l'ADN ont été décrits dans les CSCs. L'activation préférentielle de la réparation des CDBs impliquant ATM, a été observée dans les CSCs neurales, ainsi qu’une augmentation de la résistance aux rayonnements dans les CSCs du glioblastome et des tumeurs tête et cou (Facchino et al. 2010). L'expression préférentielle d'autres gènes associés à la réparation de l'ADN tels que ceux codant pour la méthylguanine méthyltransférase (MGMT) et les protéines réparatrices d'ADN liées à BRCA1 a été rapportée dans les CSCs provenant respectivement de glioblastomes et de tumeurs pancréatiques (Liu, Yuan et al. 2006; Mathews et al. 2011). De plus, une augmentation de l’activité de la réparation NHEJ a été rapportée dans les CSCs de tumeurs mammaires (Chang et al. 2015). Enfin, la chimiorésistance ou la radiorésistance des CSCs sont également associées à des niveaux plus faibles de RLO, soit en raison de taux de production plus faibles ou en raison de la présence de systèmes anti-oxydants plus performants (Singer et al. 2015).

o Niches cellulaires et interaction avec le microenvironnement hypoxique : les niches cellulaires dans lesquelles se trouvent les CSCs permettent de maintenir un micro-environnement favorable à leur équilibre entre dormance, auto-renouvellement et prolifération. Elles contribuent également à protéger les CSCs des agressions physiques et/ou génotoxiques extérieures. Ainsi, les conditions hypoxiques favorisent les propriétés souches (Philip et al. 2013). L'expression accrue de marqueurs de CSCs a été observée dans des lignées cellulaires cancéreuses provenant de tumeurs de la prostate, du cerveau, du rein, du col de l'utérus, du poumon, du côlon, du foie, du sein et des VADS soumises à des conditions hypoxiques (Mathieu et al. 2011). De plus, une proportion élevée de cellules tumorigènes a été localisée dans les régions hypoxiques des neuroblastomes en association avec une expression élevée du marqueur CD133 (Platet et al. 2007).

4.2.7.2. CSCs et radioresistance

Bao et al. ont démontré pour la première fois la radiorésistance des CSCs de gliomes exprimant CD133. En effet, après tri cellulaire, la sous-population CD133+ présente une radiorésistance supérieure à celle des cellules CD133- et conserve également ses capacités à former des tumeurs in vivo (Bao et al. 2006). D’autres études, réalisées notamment dans les tumeurs HNSCC ou le cancer du sein, tendent également à démontrer une radiorésistance accrue des CSCs comparativement à la population non souche (Bertrand et al. 2014; Qi et al. 2017).

110 Comme nous l’avons vu précédemment, la radiosensibilité est fonction de la phase du cycle cellulaire. Des cellules en mitose sont radiosensibles alors que les cellules quiescentes sont davantage résistantes aux radiations ionisantes (Pajonk et al. 2010). La régulation de l’activation des points de contrôle du cycle cellulaire est également un élément clé de la radiorésistance. Dans le gliome, les cellules CD133+ activeraient plus facilement les protéines ATM et Chk1 alors que l’inhibition des protéines Chk1 et Chk2 conduirait à la radiorésistance (Eyler and Rich 2008). D’autres travaux ont montré une meilleure efficacité de réparation des CSBs dans les CSCs, alors que la vitesse de réparation des CDBs est équivalente dans les CSCs et les non-CSCs (Karimi-Busheri et al. 2010). Cependant, dans les CSCs, même si les taux de Chk1 et Chk2 sont plus élevés, leur phosphorylation reste plus faible. En revanche, la phosphorylation d’ATM dans les CSCs est plus importante avant et après irradiation. Enfin, l’activité des télomérases, corrélée à la sénescence radio-induite, est diminuée dans les CSCs (Karimi-Busheri et al. 2010).

D’autres études ont également permis de démontrer le rôle prépondérant des RLO dans la radiorésistance des CSCs. En effet, Philipps et al. ont montré que les CSCs présentaient des concentrations de RLO plus faibles que les non-CSCs, induisant une plus faible proportion de CDBs (faible phosphorylation de l’histone H2AX) et donc une radiorésistance (Phillips et al. 2006). En absence d’irradiation, les cellules présentent un taux basal de RLO qui dépend du type cellulaire, cette proportion augmentant considérablement après irradiation. Cependant, les CSCs possédent des systèmes de détoxification efficaces comme le glutathion, ce qui induit une résistance des CSCs à la mort radio-induite (Diehn et al. 2009; Kobayashi and Suda 2012). Plus récemment, plusieurs équipes ont rapporté l’influence du métabolisme de la glutamine sur la production de RLO dans les adénocarcinomes ductaux et pancréatiques : les CSCs utiliseraient une voie atypique de signalisation métabolique de la glutamine afin de maintenir leur capacité proliférative et ainsi activer la synthèse de glutathion. Son inhibition conduirait à l’apoptose et donc à la radiosensibilisation des CSCs (Burgess 2013; Son et al. 2013; Li, Fu et al. 2015).

En réponse aux ions carbone, la population CD44+/CD24- issue d’une lignée de cancer du sein présente des caractéristiques de radiorésistance par rapport à la population non-CSCs (Sai et al. 2015). Cependant, il a également été montré que les ions carbone ont une meilleure efficacité sur les CSCs de cellules HNSCC que les photons (Bertrand et al. 2014; Moncharmont et al. 2016).

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4.2.7.3. CSCs et chimioresistance

Dans le mesure où les CSCs dôtées de capacités prolifératives se divisent plus lentement que les cellules différenciées ; et que les principaux agents chimiothérapeutiques ciblent uniquement les cellules en division, une résistance à la chimiothérapie a donc été observée dans les CSCs (Pascussi 2017) (Figure 36). Les CSCs CD44+/CD24- de cancer du sein présentent une résistance intrinsèque à la chimiothérapie conventionnelle (Saha et al. 2016), de même que les cellules souches dans la leucémie myéloïde chronique (Chorzalska et al. 2018). Cependant, ce phénomène ne peut être généralisé dans la mesure où les cellules indifférenciées conduisant aux tumeurs testiculaires germinales sont par exemple plus sensibles au cisplatine que les cellules différenciées qui en dérivent.

Par ailleurs, Zhang et al. ont démontré que les cellules SP possèdent une expression élevée des protéines ABC favorisant l’efflux des médicaments en dehors de la cellule cancéreuse (Zhang, Zhang et al. 2009). En outre, l'hypoxie étant souvent associée à une vascularisation pauvre et à un faible débit sanguin, la distribution des médicaments chimiothérapeutiques s’en trouve limitée.

Figure 36 : Schéma simplifié des mécanismes de résistance des CSCs à la chimiothérapie (Pascussi 2017).

(1) Niche hypoxique protectrice, (2) Expression de transporteurs membranaires d’efflux, (3) Expression d’enzyme du métabolisme de détoxification, (4) Capacités de contrôle et de réparation accrues de l’ADN, (5) Catabolisme des RLO afin de bloquer les effets cellulaires induits par les traitements, (6) Capacité accrue de résistance aux mécanismes de mort cellulaire programmée, grâce à l’expression de gènes anti-apoptotiques.

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4.2.8. Voies de signalisation de l’auto-renouvellement et ciblage