• Aucun résultat trouvé

2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

4.2. Les cellules souches cancéreuses

4.2.4. Isolement et caractérisation des CSCs

4.2.4.1. Méthodologie

L'identification et l'isolement des CSCs constituent un défi expérimental majeur. Leur isolement repose sur l’identification de propriétés spécifiques des cellules souches qui les distinguent de leur descendance différenciée et des cellules stromales.Les CSCs peuvent être identifiées selon différents critères (Satpute et al. 2013; Calvet et al.2014; Han et al. 2014) :

o Les marqueurs de surface,

o La détermination de l'activité de l'ALDH,

o La capacité à exclure les colorants vitaux par les pompes d’efflux membranaire, o La capacité tumorigène après injection chez la souris immunodéficiente, o La capacité à former des sphères tumorales in vitro.

Si l’expression des glycoprotéines membranaires représente le critère majeur d’isolement et de caractérisation des CSCs dans les tumeurs solides, aucune de ces protéines n’est cependant suffisamment pertinente pour rendre compte des propriétés biologiques spécifiques des CSCs et aucune ne peut à elle-seule, être considérée comme un marqueur de CSCs (Méry et al. 2016). Par exemple, le marqueur CD133 est utilisé pour identifier les CSCs du glioblastome mais est également présent dans les cellules indifférenciées et les tissus sains ou tumoraux différenciés. La caractérisation des CSCs doit donc impérativement être complétée par l’étude de leur capacité d’auto-renouvellement mais aussi par leur capacité à former des tumeurs.

102

4.2.4.2. Marqueurs de surface

Une sous-population de CSCs peut être séparée des autres cellules de la tumeur par des critères reposant sur la présence ou l’absence de marqueurs de surface distinctifs (Tableau 7) :

o CD133 : c’est une glycoprotéine transmembranaire majoritairement exprimée dans les cellules souches hématopoïétiques, les cellules progénitrices endothéliales et diverses cellules souches des tissus sains. Dès 1997, Bonnet et al. le décrivent comme un marqueur de CSCs dans la leucémie et le glioblastome (Bonnet and Dick 1997). Dans certaines lignées cellulaires HNSCC (Hep-2), les cellules CD133+ présentent une clonalité accrue par rapport aux cellules CD133- (Zhou et al. 2007). La co-expression des gènes souches Oct4, Nanog et CD133 est également associée à un mauvais pronostic chez les patients atteints de cancers buccaux (Chiou, Kao et al. 2008; Chiou, Yu et al. 2008). Plus récemment, et comparativement aux cellules CD133-, les cellules CD133+ ont été associées à une clonogénicité, une capacité d’invasion et une tumorigénicité accrues, ainsi qu’à une résistance au paclitaxel (Bao et al. 2006; Zhang et al. 2010).

o CD24 : c’est une molécule d’adhésion exprimée par les lymphocytes pré-B et les polynucléaires neutrophiles. CD24b a été identifiée comme le ligand de la P-sélectine, favorisant les métastases. Lim et al. ont aussi montré que l'expression cytoplasmique de CD24 était retrouvée dans l’adénocarcinome du côlon, des tumeurs gastiques, de la vessie ou encore des ovaires, alors qu'il n'y a aucune preuve de cette activité dans le cancer de la tête et du cou (Lim and Oh 2005). o CD44 : c’est une glycoprotéine de surface impliquée dans la migration et l’adhésion cellulaire.

C’est aussi le récepteur de l’acide hyaluronique qui interagit avec de nombreux ligands tels que les métalloprotéases matricielles (Kajita et al. 2001; Isacke and Yarwood 2002). CD44 représente une famille complexe de molécules, produites par épissage alternatif et modifications post-traductionnelles à partir d'un seul gène. À ce jour, des douzaines d'isoformes CD44 différentes ont été découvertes, isoformes qui diffèrent principalement par la taille et la conformation du domaine extracellulaire, ce qui détermine le partenaire de liaison avec lequel le récepteur interagit. En conséquence, la famille CD44 est impliquée dans les interactions cellule-cellule, cellule-matrice et la transduction du signal. En 2007, Prince et al. ont d'abord démontré que l'expression de CD44 pouvait être utilisée pour isoler une sous-population présentant une tumorigénicité accrue dans les tumeurs de la tête et du cou (Prince et al. 2007). Plusieurs études indépendantes ont également confirmé que CD44 seul ou en combinaison possède les propriétés d'un marqueur de CSCs et est un initiateur de tumeur (Baumann and Krause 2010; Chikamatsu et al. 2012). Elles montrent aussi que la présence de CD44 peut être un marqueur de pronostic défavorable dans de nombreuses tumeurs malignes, telles que les carcinomes hépatiques,

103 pulmonaires, gastriques, du sein, le mélanome et le cancer des VADS. De plus, la surexpression de CD44 dans les tumeurs est prédictive d’une résistance accrue à la chimiothérapie et à la radiothérapie et d’un risque élevé de récidives locales. Certains variants de CD44 (v3, v6, v10) sont associés à la progression tumorale, à la résistance au traitement et à la propagation métastatique des tumeurs des VADS (Wang et al. 2009). En outre, des sous-populations de cellules exprimant des quantités élevées de variants CD44 ont été identifiées et caractérisées selon la phase du cycle cellulaire et la radiorésistance.

Tableau 7 : Principaux marqueurs caractéristiques des CSCs compilés à partir des données de la littérature

Marqueurs de surface Cellules Souches Cancéreuses

CD19+ Cellules B malignes

CD20+ Mélanome

CD24+ CD24

-Pancréas, poumons, estomac Sein, prostate

CD34+ Leucémies

CD38- Leucémie aiguë myéloïde

CD44+ Sein, foie, tête et cou, pancréas, prostate, ovaires, estomac

CD90+ Sein, Foie

CD105+ Rein

CD117+ Ovaires

CD133+ Sein, colorectal, poumon, foie, cerveau, prostate, pancréas, ovaires, endomètre

Epcam/ESA Colorectal, pancréas

ABCB5 Mélanome

ABCB5 (ATP-binding cassette transporter B5), EpCAM (epithelial cell adhesion molecule), ESA (epithelial-specific antigen)

4.2.4.3. Activité ALDH

L'ALDH (aldéhyde déshydrogénase) est une enzyme intracellulaire principalement localisée au niveau hépatique. Ses fonctions les plus connues sont la conversion du rétinol en acide rétinoïque, impliqué dans le mécanisme de la vision, ainsi que l'oxydation de métabolites toxiques produits lors du métabolisme de l'alcool (aldéhyde) et de certains médicaments tels que le cyclophosphamide et le cisplatine (Bosron et al. 1988; Visus et al. 2007). Son activité est augmentée dans les CSCs et dans les cancers du sein et du cerveau. La sous-population de cellules dôtées d’une activité ALDH élevée a été isolée et caractérisée comme étant des cellules hautement tumorigènes et à forte capacité d’auto-renouvellement (Ginestier et al. 2007; Rasper et al. 2010). Dans les tumeurs de la tête et du cou, les

104 CSCs expriment l’activité ALDH et interviennent notamment dans la transition épithélio-mésenchymateuse (Chen et al. 2009).

4.2.4.4. Exclusion des colorants vitaux

Une autre stratégie utilisée pour identifier des sous-populations cellulaires hautement tumorigènes repose sur la capacité de ces cellules à éliminer un colorant fluorescent, le Hoechst 33342, qui se lie à l'ADN. Les populations cellulaires isolées, dôtées de capacités d’efflux importantes via des pompes membranaires, sont appelées populations SP ou « side populations » (Zhang, Zhang et al. 2009). En effet, les cellules SP surexpriment divers membres de la famille des transporteurs de la cassette de liaison à l'adénosine triphosphate (ABC) qui sont responsables de la résistance aux médicaments, y compris ABCG2 (Hirschmann-Jax et al. 2004).

D’autres travaux ont montré notamment pour les CSCs des HNSCC que le phénotype SP, isolé par cytométrie en flux à partir des lignées parentales, présentait un potentiel clonogénique supérieur à celui de la population principale (MP ou main population). A l’opposé, Zhang et al. ont également démontré que les cellules SP et MP de lignées cellulaires cancéreuses gastro-intestinales présentaient une clonogénicité similaire (Zhang et al. 2013). Ces données confirment donc que l’association de plusieurs marqueurs est indispensable à l’isolement des CSCs à partir d’une population parentale.

4.2.4.5. Oncosphères in vitro

La privation en sérum associée à l’ajout de facteurs de croissance (B27) conduit à la formation d'agrégats cellulaires appelés oncosphères (Allegra and Trapasso 2012). Par ailleurs, Okamoto et al. ont rapporté que les CSCs isolées à partir d’une lignée cellulaire provenant d'un carcinome de la cavité buccale et qui avaient une capacité élevée à former des sphères, exprimaient aussi des niveaux élevés de CD44 (Okamoto et al. 2009). Dans deux lignées cellulaires ainsi que dans des tumeurs primaires de la cavité buccale, il a aussi été montré que les CSCs isolées avaient une capacité élevée à former des oncosphères mais exprimaient des niveaux élevés de CD133 (Chiou, Yu, et al. 2008). En revanche, dans une étude portant sur 43 tumeurs primaires de la tête et du cou, Lim et al. ont rapporté que seulement 6 % des tumeurs primaires (3/43) formaient des sphères (Lim et al. 2011). Ceci peut potentiellement être expliqué soit par le fait que le microenvironnement tumoral, essentiel au maintien et à la prolifération des CSCs, est rarement reconstitué ex vivo, soit que la proportion de CSCs dans ces tumeurs était hétérogène.

105

4.2.4.6. Tumorigénèse

Dans les tumeurs HNSCC, Prince et al. ont montré que la sous-population CD44High, comparativement à la sous-population CD44Low, présentait une réelle capacité à reformer une tumeur hétérogène après injection d’une faible quantité de cellules dans la souris (Prince et al. 2007). D’autres expériences ont démontré que les cellules exprimant ALDHHigh présentaient des taux plus élevés de tumorigenèse après injection de ces cellules dans le flanc et le cou de la souris (Chen et al. 2009). En outre, Zhang et al. ont identifié la présence de cellules SP dans les lignées cellulaires HNSCC ainsi que dans des tumeurs primaires de la cavité buccale (Zhang, Zhang et al. 2009). Les analyses in vitro et in vivo ont démontré que ces cellules SP avaient une plus grande expansion clonale et une plus grande tumorigénicité par rapport aux cellules non SP (Zhang, Zhang et al. 2009).