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2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

2.2. L’hadronthérapie

2.2.5. Indications des hadrons en clinique

2.2.5.3. Perspectives en recherche clinique

Une « enquête en un jour » effectuée dans 21 institutions françaises a permis d’estimer que 12 % des indications de la radiothérapie conventionnelle externe seraient des indications de l’hadronthérapie et 5 % correspondraient à une indication spécifique des ions carbone. Si le coût d’un traitement (10 000 à 36 000 euros) et l’accès géographique restreint à l’hadronthérapie ont longtemps été un frein à son développement, les pratiques ont évolué ces dernières années et l’hadronthérapie pourrait à terme prendre une place importante aux côtés de la radiothérapie conventionnelle. Plusieurs centres ont ouvert en Europe et un circuit d’accessibilité pour les patients français à ces centres a été proposé par la Caisse Nationale de l'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés en collaboration avec le Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC) Etoile et le centre de CNAO en Italie. Le coût moyen d’un traitement par ions carbone reste équivalent à toutes autres thérapeutiques semi-lourdes de cancérologie (radiochirurgie, chimiothérapie, proton-thérapie…) et reste bien inférieur au coût des immunothérapies. Pour exemple, le traitement d’un patient traité pendant deux ans pour une leucémie myéloïde chronique par Glivec® à 400 mg/jour reviendrait à 61 000 euros alors que le traitement moyen d’un cancer en France en 2011 était de 31 000 euros. Enfin, le traitement par carbone thérapie permettrait selon les estimations de guérir 200 à 250 patients supplémentaires sur 1 000 patients traités par les techniques conventionnelles. L'hadronthérapie par ions carbone a déjà prouvé son intérêt médical mais des essais d'escalade de doses et des études cliniques sont en cours. Environ 12 % des patients traités aujourd'hui avec des photons devraient profiter d'un traitement par protons mais d'autres études cliniques sont nécessaires pour quantifier les avantages cliniques (Mayer et al. 2004; Amaldi and Kraft 2007). En juin 2014, la conférence PTCOG recensait 12 778 patients traités par ions carbone dans le monde depuis 1994 (www.ptcog.ch/archive/patient_statistics/Patientstatistics-updateMar 2014.pdf). A partir de ces données, le Professeur Balosso a récemment extrapolé le nombre de patients traités par hadrons dans la monde jusqu’à fin 2018. La plupart des patients traités par hadrons, l'ont été par protons : « environ 190 000 patients, contre 25 000 par ions carbone et 3500 par d’autres ions légers ».

La recherche en hadronthérapie est active à l'échelle internationale et vise à approfondir les connaissances fondamentales dans ce domaine, afin de développer les applications médicales. Une meilleure compréhension des effets des hadrons au niveau biologique doit permettre à terme l’amélioration des plans de traitement ainsi que leur efficacité. Des données médicales publiées dans la littérature font état d’études de phase I/II et de phase II qui ont évalué l’efficacité du traitement sur des cohortes de patients (Nomiya et al. 2014; Imai 2015; Eekers et al. 2016; Marvaso et al. 2017).

56 Ces données suggèrent une supériorité de 20 à 25 % des traitements par ions carbone, associée à une bonne tolérance au traitement, une faible toxicité et un taux de cancers radio-induits quasiment nul. Par ailleurs, des résultats très prometteurs ont été publiés ces dernières années sur des pathologies relevant des indications prospectives telles que des sarcomes utérins, des carcinomes bronchiques et des cancers du pancréas résécables pour lesquels le taux de survie sans rechute est de 42 % à 5 ans sans effets secondaires sérieux observés (Pötter et al. 2011; Wolfgang et al. 2013). Deux études menées par les Allemands du GSI et les Japonais du NIRS ont montré une meilleure survie des patients atteints de tumeurs des VADS dont le risque de progression métastatique a été significativement réduit par l’association d’une chimiothérapie (Kamada et al. 2015b). Dans le cancer du poumon non à petites cellules, une équipe du NIRS a également montré que la radiothérapie hypo-fractionée par ions carbone présentait la même efficacité par rapport aux photons et protons en diminuant les fractions de 18 à 1 seule dans un groupe de patients. Des essais d’escalade de doses sont aussi en cours (Senan et al. 2013). D’autres études menées au NIRS sur les chordomes du sacrum inopérables, amélioreraient significativement la survie à 5 ans dans ces cancers, associée cependant à des effets indésirables conséquents (cutanés, atteinte du nerf sciatique) mais qui seraient acceptables en raison de la faible survie de ces cancers (Imai et al. 2011). Une étude réalisée au NIRS sur une cohorte de 69 patients atteints de carcinomes hépatocellulaires a montré qu’un hypo-fractionnement à 4 fractions augmentait la survie à 33 %, similairement à l’administration de 20 fractions de protons (Chiba et al. 2005). D’autres études réalisées par les Japonais sur les cancers rectaux, cervicaux, pancréatiques donneraient également des résultats très intéressants en terme d’amélioration de la survie, d’effets indésirables diminués ou encore d’hypo-fractionnement (Koh et al. 2013; Kamada et al. 2015b).

Actuellement, il manque toujours des essais cliniques randomisés de phase 3 car jusqu’à récemment, la proportion de patients traités pour chaque type de tumeurs était trop faible, du fait des choix de recrutement et du coût de ces traitements pris en charge par les patients. Au Japon, la Japan Carbon Ion Radiation Oncology Study Group (J-CROS) a été créée afin de regrouper les données de quatre centres japonais de carbone-thérapie (NIRS, Gunma, Hyogo et Saga) (Kamada et al. 2015a).

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3. Effets cellulaires des radiations ionisantes

Les rayonnements ionisants sont des rayonnements électromagnétiques ou particulaires capables de produire directement ou indirectement des ions lors de leur passage à travers la matière. En effet, lorsque le rayonnement présente une énergie suffisante, un électron est arraché de l’atome d’intêret pour former des ions. Les radiations ionisantes peuvent donc causer directement et/ou indirectement une atteinte des structures atomiques induisant des changements chimiques et biologiques dans les cellules vivantes (Turner et al. 1983; Goodhead 1994; Azzam et al.2012). En premier lieu, lors de la phase physique, les radiations ionisantes induisent des excitations et/ou des ionisations des atomes contenus dans les molécules, 10-16s après irradiation (Figure 12). Cette étape est suivie d’une phase d’effets physico-chimiques (10-6s) où les molécules excitées et/ou ionisées diffusent et interagissent entre elles ou avec les molécules environnantes. Les excitations/ionisations induisent la production d’espèces radicalaires qui jouent divers rôles dans les systèmes biologiques. A des niveaux physiologiques, les espèces radicalaires sont essentielles à la transduction des signaux et à la survie des cellules saines (Finkel 2001). A des niveaux plus importants, ils sont toxiques et provoquent des dommages des acides nucléiques (ADN et ARN), des glucides, protéines et lipides (Finkel 2011; Yahyapour et al. 2018). Cette phase « physico-chimique » est ensuite suivie d’une phase d’effets biologiques qui se déroule quelques minutes à quelques jours après l’irradiation (mort cellulaire, inflammation), voire plusieurs mois à années après exposition aux radiations ionisantes (tumeurs). Les systèmes de prise en charge des dommages et de réparation cellulaires sont alors activés et ces dommages peuvent conduire à la mort de la cellule irradiée avant la première mitose ou au cours des cycles cellulaires suivants.

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3.1. Types de rayonnement

Les rayonnements γ, les rayons X et les hadrons sont des rayonnements directement ou indirectement ionisants utilisés en clinique, qui possédent des caractéristiques propres à chacun :

o Les rayonnements γ désignent le rayonnement électromagnétique à haute fréquence d’un photon dont la longueur d’onde est inférieure à 10-12m. Ils ont une énergie allant de quelques keV à plusieurs centaines de GeV et résultent de la désintégration radioactive des noyaux et atomes ou d’autres processus subatomiques. Ils présentent un pouvoir de pénétration important, et sont uniquement arrêtés par une épaisseur de plomb ou de béton dont l’épaisseur dépend de l’énergie utilisée (Islam 2017).

o Les rayons X sont une forme de rayonnement électromagnétique à haute fréquence constitués de photons dont la longueur d'onde est comprise approximativement entre 10−12 m et 10−8 m. Contrairement aux rayonnements γ, ils sont produits lors de transitions électroniques et leur énergie s’étend d'une centaine d'eV à environ un MeV. C'est un rayonnement ionisant utilisé dans de nombreuses applications dont la radiographie, la radiothérapie conventionnelle (>1 MeV) et la cristallographie. La radiothérapie conventionnelle repose sur des rayonnements photoniques de haute énergie (6 à 20 MeV) produits par des accélérateurs linéaires. Ils permettent d’accélérer des particules chargées afin de leur fournir une énergie cinétique importante et de produire des réactions avec la matière. Les électrons sont extraits par chauffage d'un filament métallique, puis accélérés par une onde hyperfréquence dans une succession de cavités cylindriques résonnantes constituant l'accélérateur linéaire. Ce faisceau est focalisé de manière à bombarder une cible métallique en tungstène ou en molybdène et le ralentissement des électrons par les atomes de la cible de conversion provoque la production de rayons X (photons) par un rayonnement de spectre continu de freinage, dénommé Bremsstrahlung. Les accélérateurs de particules peuvent également être circulaires dans les synchrotrons et cyclotrons. Ils présentent les mêmes propriétés de pénétration que les rayonnements γ (Hubbell 1999; Islam 2017).

o Les ions carbone et les protons, accélérés à de très hautes énergies, présentent un important pouvoir de pénétration et des propriétés de ciblage balistique très intéressantes, décrites dans le chapitre 2. Une porte blindée en plomb ou en béton est nécessaire pour arrêter les rayonnements secondaires formés (neutrons), et dont l’épaisseur est fonction de l’énergie des particules.

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