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2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

3.5. Radiosensibilité et radiorésistance

3.5.2. Facteurs influençant la réparation des lésions de l’ADN

3.5.2.3. Facteurs intracellulaires

o Phases du cycle cellulaire

La prise en charge des dommages de l'ADN est fonction des phases du cycle cellulaire. Alors que l’incidence des lésions de l’ADN ne varie pas au cours du cycle, la capacité de réparation des lésions est fonction des phases du cycle en impliquant divers mécanismes (Figure 32). Lorsque des dommages de l’ADN sont détectés, il y a recrutement et phosphorylation d’ATM et d’ATR. Ces deux protéines phosphorylent alors respectivement Chk2 et Chk1 deux sérine-thréonine kinases, qui transmettent le signal à l’ensemble du noyau. Lorsqu’une CDB est détectée, ATM induit l’arrêt du cycle cellulaire de façon transitoire via la phosphorylation de Chk2 sur son résidu thréonine 68. Chk2 se dimérise ensuite et s’auto-phosphoryle sur ses résidus de thréonine 383 et 387 afin d’être totalement activée. Cette protéine diffuse ensuite dans le noyau et phosphoryle p53 ou MdmX (inhibiteur de p53), ce qui permet de stabiliser p53. Ainsi p53 va soit induire l’expression de p21 qui inhibe les Cdk et provoque un arrêt du cycle cellulaire, soit entraîner l’apoptose en activant Bax et PUMA (McGowan and Russell 2004; Reinhardt and Yaffe 2009; Goto et al. 2012). Chk2 phosphoryle aussi PP2A (Protein Phosphatase 2A) qui déphosphoryle alors les histones H2AX, étape cruciale pour l’induction de l’arrêt du cycle cellulaire (Pommier et al. 2006). Contrairement à ATM, ATR induit l’arrêt du cycle cellulaire via la phosphorylation de Chk1 qui doit être associé à Claspin. Le complexe Chk1/Claspin est alors recruté au niveau des lésions de l’ADN et active ATR par phosphorylation.

Figure 32 : Cycle cellulaire et principales cibles thérapeutiques (O’Connor 2015)

93 En effet, l’absence de chromatide sœur dans les cellules en phase G1 en tant que matrice non endommagée, impose la voie NHEJ comme mécanisme de réparation des CDBs. Cependant, la radiosensibilité en phase G1 varie énormément selon la lignée cellulaire. Les différents points de contrôle du cycle vont permettre la régulation des voies de réparation en induisant ou non un arrêt du cycle cellulaire. À la jonction G1/S, certainement en raison de l’instabilité de la chromatine causée par l’initiation des fourches de réplication, une importante radiosensibilité est observée. En effet, il y a réparation des dommages de l'ADN avant le début de la réplication afin d'éliminer les obstacles à la synthèse de l'ADN. Ce point de contrôle est régulé par les protéines ATM, Chk2 et p53. Lors de la phase S, la fréquence des erreurs spontanées de réplication aboutissant aux CDBs endogènes, est à l’origine d’une capacité de réparation optimale, principalement par RH. Cette mobilisation des systèmes de réparation en phase S est à l’origine de la radiorésistance associée à cette phase. Les protéines de contrôle de phase S sont principalement ATR, Chk1, DNA-PK, protéines qui peuvent retarder le déclenchement de la réplication afin de traiter toutes les lésions de l'ADN non réparées et ainsi empêcher les régions d'ADN non répliquées de dépasser la phase S. En phase G2/M, la radiosensibilité des cellules est maximale. La protéine principale de contrôle est Chk1 qui conduit à une phosphorylation de la Cdk1 et au retard de l’entrée en mitose. Ce point de contrôle représente la dernière grande opportunité d’empêcher les cellules dont l’ADN est endommagé d’entrer en mitose et entraîne la catastrophe mitotique ou la mort cellulaire (Vitale et al. 2011). Chk 1 est spécifiquement impliqué dans l’arrêt du cycle en phase G2/M de façon transitoire alors que Chk2 maintient cet arrêt (Pommier et al. 2006). Ces deux protéines agissent donc de manière complémentaire.

La nature des radiations a également un énorme impact sur les arrêts du cycle cellulaire, car plus le TEL augmente, plus l’arrêt en phase G1 joue un rôle mineur et plus l’importance des délais des arrêts en phase S et G2/M est important (Fournier and Taucher-Scholz 2004; Tsuboi et al. 2007; Maalouf et al. 2009).

o Concentrations en glutathion

La concentration en glutathion est un élément clé de la radiorésistance des cellules cancéreuses. Des concentrations plus élevées de glutathion ont été décrites dans les CSCs de lignées de cancer du sein et associées à une radiorésistance des CSCs (Miran et al. 2018). D’autres études ont montré que de faibles concentrations en glutathion intracellulaire étaient notamment retrouvées dans les SQ20B couplées à une augmentation des dommages de l’ADN, de la mort cellulaire, notamment en réponse aux ions carbone (Hanot et al. 2009).

94 o Les voies de survie cellulaire

Deux voies responsables de la radiorésistance tumorale ont été largement décrites : les voies de l’EGFR et du FGF2.

- La voie de l’EGFR : cette voie, précédemment évoquée dans les chapitres 1 et 2 appartient à la famille des récepteurs transmembranaires à activité tyrosine-kinase (Figure 33). La liaison de l’EGFR à son ligand conduit à la dimérisation du récepteur, puis à son auto-phosphorylation, ce qui provoque l’activation de deux voies de signalisation : la voie Ras-MAP kinase impliquée dans la prolifération cellulaire, la différenciation et l’angiogenèse, et la voie PI3K/Akt/mTOR essentielle à la survie cellulaire, à la progression dans le cycle cellulaire et à la réparation des lésions de l’ADN (Khalifa et al. 2012). Près de 50 % des tumeurs humaines présentent une surexpression ou une mutation activatrice de l’EGFR, modifications qui jouent un rôle majeur dans la chimiorésistance et la radiorésistance. En effet, les radiations ionisantes induisent une activation de l’EGFR et des deux voies mentionnées ci-dessus, y compris en l’absence de ligand. L’activation de la voie PI3K/Akt va permettre l’induction de la DNA-PK, enzyme clé de la NHEJ, induisant la réparation des CDBs et donc une radiorésistance accrue (Toulany et al. 2005). Concernant la radiorésistance médiée par la voie Ras-MAPK, elle fait intervenir une boucle autocrine radio-induite, qui conduit à la surexpression des ligands de l’EGFR, tel le TGFα, puis à la réparation (Gangarosa et al. 1997). L’EGFR peut également transloquer dans le noyau et activer directement la DNA-PKcs qui stimule la réparation des CDBs, ainsi que PCNA impliquée dans le système BER (Dittmann et al. 2005).

- La voie du FGF2 : Les FGFs (Fibroblast Growth Factors) constituent une famille de facteurs de

croissance impliqués dans la prolifération et la différenciation cellulaires, ainsi que dans l’angiogenèse. Leurs récepteurs sont transmembranaires et possèdent une activité tyrosine kinase. Plusieurs mécanismes impliquant les FGFs ont été proposés dans la radiorésistance tumorale. Le FGF2, sous son isoforme nucléaire de 24 kDa, peut exercer un rôle radioprotecteur par stimulation des voies de réparation des dommages de l’ADN, notamment la DNA-PK (Ader, Muller, et al. 2002). Cependant, le FGF2 peut également être impliqué dans d’autres mécanismes de radiorésistance par stimulation de l’angiogenèse tumorale ou inhibition de la catastrophe mitotique (Ader, Toulas, et al. 2002).

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4. Les cellules souches cancéreuses

4.1. Les cellules souches

Les cellules souches sont des cellules indifférenciées ayant à la fois un potentiel de différenciation en cellules spécialisées et/ou une capacité à se maintenir dans l’organisme. Lorsqu’elles prolifèrent, elles subissent, soit une division symétrique pour donner naissance à deux cellules filles identiques, soit une division asymétrique afin de générer simultanément une cellule fille identique et une cellule fille différenciée. Les cellules souches se distinguent par leur potentiel de différenciation, leur capacité d’auto-renouvellement et jouent un rôle central dans le développement des organismes ainsi que dans le maintien de leur intégrité au cours de la vie (Prince and Ailles 2008; Batlle and Clevers 2017). On distingue:

o Les cellules souches totipotentes : une cellule souche totipotente est une cellule issue des premières divisions du zygote en blastomère jusqu’au 4ème jour. Elle peut donner tous les types cellulaires embryonnaires et extra-embryonnaires.

o Les cellules souches pluripotentes : elles sont issues d’un embryon de 5 à 7 jours. Ces cellules, également appelées cellules souches embryonnaires, sont issues des cellules souches totipotentes. A partir du blastocyste, elles conduisent à la différenciation des cellules constituant les trois feuillets embryonnaires formant l’organisme, à l’exception des tissus extra-embryonnaires du placenta.

o Les cellules souches multipotentes : elles sont présentes dans les organismes adultes et peuvent se différencier en un nombre limité de types cellulaires, constituant généralement un tissu entier spécifique.

o Les cellules souches unipotentes : elles ne donnent qu’une seule sorte de cellules et se distinguent par leur origine (embryonnaire, adulte ou induite à la pluripotence à des fins thérapeutiques).