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2. Radiothérapie conventionnelle et hadronthérapie

3.4. Etape biologique

3.4.3. Réparation des lésions de l’ADN

3.4.3. Réparation des lésions de l’ADN

Les modifications de bases, les sites abasiques et les cassures simple-brin sont les dommages les plus communs de l’ADN. Ils sont estimés à plus de 20 000 événements par cellule et par jour (Lindahl 1995). Chez l’Homme, il existe 5 mécanismes majeurs de réparation des lésions de l’ADN : la réparation par excision de bases (Brenerman et al. 2014; Caldecott 2014a), la réparation par excision de nucléotides (Spivak 2015; Vitale et al. 2017), la réparation de bases mésappariées (Mismatch repair) (Averbeck 2000; Kinsella 2009), ainsi que les voies de recombinaison homologue (RH) et de suture non-homologue (NHEJ) qui prennent en charge la réparation des CDBs (Shibata and Jeggo 2014) (Figure 23).

Figure 23 : Différents types de lésions de l’ADN selon la source du dommage et principaux mécanismes de réparation correspondants (Khalifa et al. 2012)

RI (radiation ionisantes), RL (Radicaux libres), CSB (Cassure simple-brin), CDB (Cassure double-brin), BER (Base Excision Repair), NER (Nucleotide Excision Repair), MMR (Mismatch repair), RH (Recombinaison Homologue), NHEJ (Non-Homologous End Joining)

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3.4.3.1. Système d’Excision de Bases (BER ou Base Excision Repair)

Cette voie permet la réparation des dommages de l’ADN ne déformant que très peu l’ADN, et donc notamment les CSBs et les dommages de bases (Figure 24). Lors d’un dommage de base, le Short Patch Repairment permet la reconnaissance et l’excision de la base endommagée grâce à l’intervention d’une glycosylase spécifique. La base endommagée est excisée, ce qui génère un site abasique reconnu par l'endo-désoxyribonucléase apurinique/apyrimidinique 1 (APEX1, mieux connue sous le nom d'APE1), qui initie la réparation via l'ADN polymérase β (Pol β) et l'ADN ligase 1 (LIG1) ou LIG3 complexée avec XRCC1 (X-ray Repair Cross Complementary 1) (Vitale et al. 2017). L'APE1 reconnaît également les cassures monocaténaires. Dans ce cas, la voie du Long Patch Repair consiste en la reconnaissance du dommage par XRCC1, ce qui stimule la polynucléotide kinase (PNK) qui permet de façonner l’extrémité simple-brin par l’élargissement de la brèche. La poly ADP-ribose-polymérase 1 (PARP1) permet également de reconnaître la lésion et de recruter les protéines intervenant dans le remplissage de la brèche (PCNA, FEN, polymérase β) et la ligation (ADN ligases I et III) (Krokan and Bjørås 2013).

Figure 24 : Schéma de la réparation par excision de bases montrant les voies impliquant l’enlèvement d’un ou deux nucléotides donnant de petites brèches (Short patch repair, à gauche), ou de plusieurs nucléotides (Long patch repair, à droite) donnant de plus grandes brèches simple-brin dans l’ADN (Averbeck 2000)

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3.4.3.2. Système d’Excision de Nucléotides (NER ou Nucleotide Excision Repair)

Le système de réparation des nucléotides par excision (NER) concerne un large spectre de lésions provoquant une distorsion de l’ADN (adduits, pontages) (Figure 25). Ce système est davantage impliqué dans les lésions induites par les Ultra-Violets (UV). Les lésions sont détectées par un complexe supra-moléculaire contenant la sous-unité complexe XPC, le facteur de réparation et de reconnaissance des dommages de l’ADN, le facteur homologue RAD23, la protéine NER (RAD23B) et la centrine 2 (CETN2). Après détection, il y a recrutement du facteur de transcription oligomérique IIH (TFIIH) qui favorise le déroulement de l'ADN, puis du facteur XPA, du complexe hétérodimérique de réplication de la protéine A (RPA), de l’endonucléase ERCC excision repair 5 (XPG) et enfin de l’hétérodimère constitué de ERCC1 et ERCC4 (mieux connu sous le nom de XPF). Ceci conduit à l'incision du brin endommagé des deux côtés de la lésion par les complexes XPG et XPF (Hoeijmakers 1993; Marteijn et al. 2014;).

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3.4.3.3. Système MMR ou Mismatch Repair

La voie MMR corrige les mésappariements de bases (bases non lésées qui ne sont pas appariées avec une base complémentaire) et les petites insertions ou délétions qui sont reconnues par les hétérodimères homologues mutS2 MSH6 (connus sous le nom de MutSα) ou MSH2-MSH3 (connus sous le nom de MutSβ) (Figure 26). MutSα (ou MutSß) recrute un hétérodimère constitué de l'homologue de mutL 1 (MLH1) et de PMS1 homologue 2, composant du système MMR (PMS2). L'antigène nucléaire des cellules proliférantes (PCNA) active l'activité endonucléase de ce complexe pour inciser spécifiquement le brin d'ADN naissant, suivie de l'élimination des mésappariements, habituellement dépendante de l'exonucléase 1 (EXO1) et de la synthèse de réparation de l'ADN (Kunkel and Erie 2005; Jiricny 2006; Vitale et al. 2017).

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3.4.3.4. Recombinaison Homologue (RH)

Cette voie intervient en phases S tardive et G2 du cycle car elle utilise comme modèle une chromatide sœur non endommagée. Si cette voie est la moins utilisée chez l’Homme, la RH entraîne une réparation fidèle (Figure 27). Elle nécessite la présence de la protéine BRCA1 activée et de XRCC2/3. La RH débute par un façonnage des extrémités de l’ADN lésé par un hétérotrimère constitué de MRE11, RAD50 et de la nibrine (NBN ou NSB1) mais aussi par le recrutement de l’endonucléase RBBP8. Une résection des extrémités 5’ est alors effectuée pour obtenir un fragment simple brin d’ADN, afin d’assurer l’homologie avec la chromatide sœur (Evans et al. 2008; Jeggo et al. 2011). La réparation se poursuit par une protection des extrémités via la fixation des protéines RPA pour empêcher la dégradation ou l’hybridation des brins. RPA est ensuite remplacée par RAD51 au travers d’un mécanisme impliquant BRCA1 et BRCA2. Les protéines hRad52 et 54 vont permettre la recherche d’une homologie double-brin, l’invasion de la région homologue par l’extrémité 3’ (jonction de Holliday). Ceci aboutit à la synthèse des brins endommagés, complémentaires des brins intacts (ADN pol I), puis à la coupure des jonctions de Holliday et à la ligation des brins (ligase I) (Moynahan and Jasin 2010; Prakash et al. 2015).

3.4.3.5. Suture non Homologue (NHEJ)

Cette voie est communément appelée suture non homologue ou Non-Homologous End Joining (NHEJ). Il ne s’agit pas à proprement parler d’une recombinaison dans la mesure où il n’y a pas d’échange de brins mais simplement un rapprochement des extrémités de l’ADN lésé. C’est la voie principale de réparation des CDBs chez l’Homme, qui fonctionne tout au long du cycle cellulaire mais principalement en phase G0/G1 (Figure 27) (Kasparek and Humphrey 2011). Ce mécanisme est infidèle puisqu’il conduit à la perte de matériel génétique durant le façonnage des brins. Cette voie de réparation repose sur la protéine DNA-PK, constituée de la unité DNA-PKcs et des sous-unités régulatrices Ku70 (XRCC6) et Ku80 (XRCC5). La DNA-PK est impliquée dans la reconnaissance des CDBs et la protection des extrémités, et par la phosphorylation de l’histone H2AX, elle participe au recrutement et à l’activation des protéines permettant le façonnage des extrémités des cassures (endonucléases, Artemis) et dans la ligation des extrémités (XRCC4, ligase IV, Cernunnos) (Chiruvella et al. 2013; Ceccaldi et al. 2015; Ceccaldi et al. 2016).

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Figure 27 : Mécanismes de réparation des cassures double-brin de l’ADN (Iijima et al. 2008)

Dans les cellules eucaryotes, les CDBs sont principalement réparées par les voies de la NHEJ ou de la RH (HR). Dans la voie NHEJ, Ku70/80 et la DNA-PKcs sont initialement recrutées au voisinage des CSBs et fixent les extrémités de l'ADN. La DNA-PK activée peut faciliter le recrutement d'autres facteurs de réparation, tels que Artemis, XRCC4/ADN ligase IV et XLF afin d'induire la résection finale et la réaction de liaison. L'étape initiale de la RH est la résection des extrémités des CDBs. CtIP interagit directement avec le complexe MRN, et facilite son activité endonucléase. RPA se lie ensuite à l’extrémité 3' générée, et est subséquemment substituée à RAD51, qui intervient dans la synthèse de l'ADN. Cette substitution est favorisée par RAD51, BRCA2 et les protéines de l’anémie de Fanconi. Le positionnement de RAD51 par BRCA2 est régulé par CDK et Chk1. Enfin, la structure intermédiaire de recombinaison qui accompagne les jonctions de Holliday est réunie par des hélicases, des endonucléases ou des résolvases.

De nombreuses molécules ont été développées ces dernières années en association avec l’irradiation, afin de cibler les systèmes de réparation à différents niveaux, de les inhiber et de conduire à la mort des cellules cancéreuses, incapables de réparer les dommages induits par l’irradiation (Figure 28) (O’Connor 2015). Il s’agit principalement d’agents alkylants, d’inhibiteurs de topoisomérases de type I et II ou encore de dérivés du platine.

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Figure 28 : Schéma représentant les différents dommages de l’ADN, les systèmes de réparation et les cibles thérapeutiques potentielles (O’Connor 2015)

APE1 (AP endonuclease 1); ATM (Ataxia-Telangiectasia Mutated); ATR (Ataxia-Telangiectasy and Rad3 related); DNA-PK (DNA-dependent protein kinase); PARP (poly ADP-ribose polymerase); RTx (radiotherapie); Topo (topoisomerase).

3.4.3.6. Autres voies mineures

o La soudure simple de l’ADN (Single Strand Annealing ou SSA) : elle survient au niveau des séquences répétitives et réassocie simplement les extrémités après délétion autour des CDBs. Il s’agit d’une voie infidèle.

o La réversion directe du dommage in situ: ce système nécessite l’intervention d’une seule enzyme (ADN ligase) (Averbeck 2000).

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3.4.3.7. Réparation des dommages complexes

Les dommages complexes de l'ADN représentent la signature des rayonnements de haut TEL et contribuent de manière significative à la destruction des cellules. La réparation des lésions LMDS ne repose sur aucun mécanisme spécifique et nécessite l’intervention de l’ensemble des processus de réparation décrits précédemment. Etant donné la complexité des dommages, l’ordre d’intervention des différents mécanismes en compétition est impossible à déterminer avec les techniques actuelles (Rodriguez-Lafrasse and Balosso 2012). En effet, la protéine ATM est indispensable à la réparation des LMDS afin d’induire les voies de la RH et de la NHEJ lors d’irradiations de haut TEL (Xue et al. 2009). Par ailleurs, c’est la voie de la RH qui est essentielle à la réparation des CDBs en réponse aux irradiations de haut TEL (Zafar et al. 2010). Enfin, d’autres études ont montré que les foci γH2AX, qui permettent la détection des CDBs, disparaissent plus lentement après une irradiation de haut TEL comparativement à une irradiation photonique (Hamada 2009).

En comparant les effets cellulaires des rayonnements de bas et haut TEL, il a été récemment montré que l’histone H2B était essentielle à la réparation de dommages complexes de l’ADN en réponse à une irradiation par protons ou par ions carbone. En effet, après criblage des différentes histones, seule l'ubiquitinylation de l’histone H2B au niveau de la lysine 120 a été induite de façon constante, plus de 2 heures après irradiation de haut TEL, et quand les dommages complexes de l’ADN persistent (Carter et al. 2018). Cette induction spécifique est corrélée avec la cinétique lente de la réparation des dommages complexes.

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Figure 29 : Principaux dommages de l’ADN et voies de réparation actives (Vitale et al 2017)

(A) Principaux dommages de l’ADN décrits: sites abasiques (a), lésions moyennement distordantes (b), cassure simple-brin (CSB) (c), déaminations (d), dimères de thymines T-T (e), lésions distordantes (f), boucle d’insertion et délétions (g), mésappariements de bases (h), cassure double-brin (CDB) (i), extrémités réséquées des CDBs (j), dommages complexes associant CSB et CDB (k). Ces dommages de l’ADN sont réparés par des mécanismes spécifiques du type de dommage : base excision repair (BER), nucléotide excision repair (NER), mismatch repair (MMR), suture non homologue (NHEJ), recombinaison homologue (RH), réparation des lésions multiples (TLS). (B) Signaux de détection des CDBs via ATR et ATM

EPE (end-processing enzyme); Gly (glycosidase); MRN (MRE11-RAD50-NBS1); POLδ (polymerase δ); POLζ (polymerase ζ); Y-POL (Y-family polymerase)

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